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- 132 pages
- French
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eBook - ePub
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Ă propos de ce livre
â Est-ce que ton pĂšre te touche?Bang. Une balle exponentielle entre dans tous mes cĆurs. Je suis en vie! Mais ça fait vraiment mal. Vas-tu encore tirer? Parce que si oui, je vais retourner dans mes tranchĂ©es.â Pattie?â Non, il ne me touche pas.Il me tue. Et tu fais pareil.Pattie O'Green est l'extension identitaire d'une intello Ă©motive qui se prend pour une cowgirl. Faisant de l'inceste le western de toute une sociĂ©tĂ©, elle dĂ©nonce l'anesthĂ©sie sociale, la violence psychiatrique, le «viol doux». Un livre-rodĂ©o qui met la hache dans nos tabous avec la joie des grandes colĂšres rĂ©paratrices.
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Sujet
Social SciencesSous-sujet
Essays in SociologyXII
Les convalescentes
SI TU PARS DE LA PERFECTI0N,
TU VAS VOIR QUâIL NâY A NULLE PART OĂ ALLER SAUF
EN BAS
BON, ON PEUT-TU SE PARLER, LĂ?
TU VAS VOIR QUâIL NâY A NULLE PART OĂ ALLER SAUF
EN BAS
BON, ON PEUT-TU SE PARLER, LĂ?
Si tu penses que la sympathie et lâempathie câest la mĂȘme chose, ou mĂȘme que câest de la mĂȘme famille, comme les oiseaux sont tous des ovipares ailĂ©s, je veux dire, si tu ne vois pas que ce sont des antonymes, non, mais, je ne me demande pas pourquoi je ressens toujours de la dĂ©tresse quand je te parle.
La sympathie, câest juste ça: câest comme en haut, alors câest en dehors. Quelquâun est malade ou dans la misĂšre et tu te dis «pauvre elle, je sympathise, je suis chanceux de ne pas ĂȘtre malade, alors je devrais ĂȘtre de bonne humeur dans âvie» ou encore «jâai vĂ©cu la mĂȘme situation, je comprends», mais tu ne comprends pas parce que lĂ tu penses que tu peux mesurer les sentiments, et ce nâest pas long que tu amoindris ou que tu juges le niveau de souffrance.
FAILURE OF CONNEXION
Huge failure. Et lâempathie, câest comme le contraire, tu cherches un peu plus loin, câest difficile, parce que tu ne seras pas la personne qui est lĂ , en dehors, Ă ĂȘtre chanceux, ni lâĂ©valuateur, mais
LES EMPATHIQUES SONT TOUGH!
et les sympathiques sont gossants Ă la longue. Avec lâempathie, tu te dis «jâai peut-ĂȘtre jamais vĂ©cu une telle situation, mais si je fais lâeffort de comprendre comment tu te sens par rapport Ă cette situation-lĂ , je peux certainement faire un lien avec un moment dans ma vie oĂč jâai ressenti une telle chose pour une situation quelconque et je me tiens Ă lâintĂ©rieur avec toi.»
LE QUELCONQUE EST TOUJOURS
PARTICULIER POUR QUELQUâUN, NON?
PARTICULIER POUR QUELQUâUN, NON?
*
On vient au monde la tĂȘte par en bas et je me dis quâon devrait peut-ĂȘtre nous laisser comme ça, pour quelques annĂ©es, pour quâon se fasse une idĂ©e. Une idĂ©e du monde Ă lâendroit. Dans ce monde-lĂ , ce matin-lĂ , le lendemain de la premiĂšre fois, mon corps se lĂšve, lourd comme lâĂ©lĂ©phant, il est devenu tellement grand. Parce que lâinceste est un Ă©lĂ©phant dans la piĂšce, ma mĂšre lâa vu, ma mĂšre sâest fĂąchĂ©e, ma mĂšre a agi. Et tu vas me dire que dans un monde bien redressĂ©, avec de la broche et du barbelĂ©, lâinceste nâexisterait pas, mais on y vit dĂ©jĂ dans ce monde-lĂ . Alors dans mon monde Ă lâendroit, on mâa amenĂ©e Ă lâhĂŽpital. Jâai sĂ©journĂ© dans lâaile toute spĂ©ciale. Dans «lâaile des convalescentes». Câest mon seul faux souvenir, mais câest celui qui mâaide le plus Ă guĂ©rir.
Les infirmiĂšres prenaient des marches dans lâaile des convalescentes. Elles rĂ©paraient au passage les rooms of oneâs own. Dans la mienne, elles ont refait lâisolation. Les fenĂȘtres nâĂ©taient plus Ă©tanches, la mer coulait dans son ventre, les murs Ă©taient usĂ©s Ă la corde et les tapisseries frisaient sur leur rive. Les motifs Ă©taient tout en dĂ©sordre: ils se dĂ©faisaient en lambeaux. Ce nâĂ©tait pas un chĂąteau. Mais je ne voulais pas de chĂąteau! Je ne voulais pas de rempart! Je voulais de lâespace, un clavier et de la vĂ©ritĂ©. Truth had run through my fingers. Every drop had escaped. Les infirmiĂšres poussaient le charriot avec la nourriture, avec le courage posĂ© sur les plateaux. Sur les grands plateaux! Ce courage nâa pas fait de nous des hĂ©roĂŻnes, car dans lâaile des convalescentes, le mot avait retrouvĂ© sa racine. On Ă©tait devenues courageuses comme dans se grounder dans nos cĆurs, there is no gate, no lock, no bolt that you can set upon the freedom of our heart (Virginia Woolf).
Les familles avaient des droits de visite dans lâaile des convalescentes. Elles empruntaient le petit pont vers lâautre chair du monde. Elles arrivaient par la rive opposĂ©e avec leur bagage: des valises roulantes, des valises gĂ©antes qui se vidaient durant la traversĂ©e. Elles pleuraient leur perte, puis allaient grimper dans les arbres. Elles arrachaient les branches qui pourrissaient, elles les faisaient sĂ©cher au soleil, puis elles nous les amenaient pour quâon les brĂ»le. CâĂ©tait le petit bois des convalescentes. On en avait des forĂȘts dans notre pavillon, on les mettait dans la fournaise de nos guimauves, prĂšs du sofa dans le salon. Et le punching bag, au beau milieu, aprĂšs chaque combat, sâĂ©quilibrait. Parce quâil nây avait aucun incrĂ©dule, aucune pesanteur pour faire osciller le grand pendule.
Câest Ă partir de lâaile des convalescentes quâon a pu se relever, se tenir debout devant le comitĂ© des Ă©vidences pour quâil nous donne une petite chance. On a dĂ©roulĂ© le grand palimpseste, le manifeste qui tue lâinceste. On a parlĂ© comme Arroway qui cherche des extraterrestres: «Look, all iâm asking is for you to just have the tiniest bit of vision. You know, to just sit back for one minute and look at the big picture. To take a chance on something that just might end up being the most profoundly impactful moment for humanity, for the history... of history» (Contact). On sâest tannĂ©es dâhanging tough (New Kids On the Block) on a pris la jagged little pill (Alanis Morissette). On avançait comme ça Ă la verticale, de victimes Ă convalescentes. On nâa pas fait de dĂ©tour par la survivante. On a mis la hache dans le bĂ»cher, aprĂšs avoir brĂ»lĂ© vos souliers.
Croyez-nous. Croyez-nous. Croyez-nous.
On a criĂ© ça en marchant sur le balcon de lâaile des convalescentes, qui sillonne dans toutes les grandes villes. On a marchĂ© des journĂ©es entiĂšres. On a eu mal de la plante aux paumes, quâon a jointes Ă celles des autres depuis les cimes du monde. On sait que la dĂ©pression est une longue sensation dâimpuissance, que câest une colĂšre qui ne cherche plus lâaction. Câest pour ça quâon a persĂ©vĂ©rĂ©. Câest pour ça quâon a criĂ©. Câest pour ça quâon a Ă©crit. Câest pour ça quâon a marchĂ©. Câest pour ça quâon va continuer de brĂ»ler vos souliers. On va accrocher les nĂŽtres Ă votre poignĂ©e. Vous les enfilerez. On restera sur le seuil. Vous le franchirez. On vous dira au revoir. Vous marcherez. Walk a mile in our shoes. JusquâĂ lâaile des convalescentes. OĂč les chambres seront enfin vacantes.
Dans le mix
(par ordre dâapparition dans lâouvrage)
Howard Gordon, Alex Gansa et Gideon Raff,
Homeland (télésérie)
Noam Chomsky, Surviving the 21st Century
(conférence vidéo)
René Descartes, Le discours de la méthode (livre)
Françoise dâEaubonne, Le fĂ©minisme ou la mort (livre)
Jacob Burckhardt, ConsidĂ©ration sur lâhistoire universelle (livre)
Mara Tremblay, Le protocole (chanson)
Alice Miller, The Body Never Lies (livre)
Judith Butler, Frames of War: When Is Life Grievable? (livre)
Le torchon brûle (journal)
Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception (livre)
Kathy Acker, My Mother. Demonology (livre)
Robert Bresson, Mouchette (film)
Daniel Arasse, On nây voit rien (livre)
Neil de Grasse Tyson, Cosmos (télésérie)
Virginie Despentes, King Kong théorie (livre)
Walter Benjamin, LâĆuvre dâart Ă lâĂšre de sa
reproductibilité technique (livre)
Jeffrey M. Elliot, Maya Angelou, Conversations (livre)
Vic Bloom et Bob Montana, Archie (bande dessinée)
Harmonium, Pour un instant (chanson)
Marion Zimmer Bradley, Les Brumes dâAvalon (roman)
Denise Boucher, Un beau grand bateau (chanson)
Sylvia Plath, The Bell Jar (roman)
Yves Simoneau, Da...
Table des matiĂšres
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