Partition pour femmes et orchestre
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Partition pour femmes et orchestre

Ethel Stark et la Symphonie féminine de Montréal

  1. 210 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Ethel Stark et la Symphonie féminine de Montréal

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À propos de ce livre

En 1940, deux femmes élégantes prennent le thé dans le lobby du Ritz-Carlton. Ne vous fiez pas aux apparences: leur rencontre annonce un grand chambardement dans l'univers de la musique classique. La mécène Madge Bowen et la violoniste Ethel Stark fondent à Montréal ce qui deviendra le premier orchestre symphonique canadien composé uniquement de femmes.Bafouant les conventions, elles rassemblent des musiciennes de tous les horizons: Noires, Blanches, francophones, anglophones, juives, catholiques, protestantes, bourgeoises ou ménagères. Elles se procurent des instruments, organisent des répétitions dans des sous-sols non chauffés et apprennent à jouer d'instruments auparavant réservés aux hommes. Sept mois plus tard, avec Maestra Stark à la barre, la Symphonie féminine de Montréal donne son premier concert public sur le mont Royal. En 1947, elles se produiront même au Carnegie Hall de New York. De sa création jusqu'à sa dissolution en 1965, Ethel Stark et cet orchestre inclusif ont non seulement formé plusieurs générations de musiciennes, mais ont révolutionné le monde de la musique classique.Au terme d'une impressionnante recherche d'archives et d'entretiens avec les musiciennes, Maria Noriega Rachwal reconstitue ici cette aventure dans un style vivant et sensible, faisant enfin honneur à ces pionnières oubliées.

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Informations

Chapitre 1
La fabrication d’une maestra
LE BOULEVARD SAINT-LAURENT, connu aussi comme la Main, divise la ville de Montréal entre l’est et l’ouest. Pendant une grande partie du XXe siècle, il s’agissait aussi d’une ligne symbolique qui divisait les gens – la population anglophone et protestante à l’ouest, celle catholique et parlant français à l’est, puis, au milieu, ou dans les marges, à la manière d’un « tampon », les diverses communautés d’immigrants. La Main était une artère commerciale prospère, ainsi que le cœur et le lieu de résidence d’une vaste majorité de la communauté juive de Montréal. C’est dans une petite maison de ce quartier qu’une jeune fille juive canadienne nommée Ethel Stark découvre les inégalités et les injustices sociales du monde qui l’entoure, et c’est aussi là qu’elle acquiert les compétences et le courage requis pour s’engager dans de nouveaux sentiers.
Ethel Gertrude Stark naît à Montréal, le 25 août 1910. Elle est la fille d’Adolph Stark et de Laura Haupt, émigrés de Ternopol, en Autriche. Ils sont arrivés au Canada le 9 août 1907, accompagnés de leurs enfants Jules, deux ans, et Doretta, quatre ans. La famille Stark faisait partie de la « Grande Migration yiddish » qui, de 1880 à 1940, a mené beaucoup de Juifs européens, de la Russie, de la Pologne, de la Roumanie, de l’Autriche et de l’Allemagne à s’établir en Amérique du Nord. Quelques-uns avaient décidé de quitter leur pays à cause des conditions politiques qui devenaient difficiles, d’autres fuyaient les campagnes antisémites dont ils étaient la cible, tandis que certains arrivaient simplement parce qu’ils avaient entendu dire que l’Amérique du Nord était la Terre promise, le paradis sur Terre. Plusieurs familles juives s’arrêtaient simplement au Québec en route vers New York et d’autres villes des États-Unis, mais certaines d’entre elles, comme les Stark, faisaient le choix de demeurer à Montréal, attirées qu’elles étaient par la nourriture familière, les lieux et les échos de la communauté juive établie sur la Main.
Très tôt, Ethel eut conscience des luttes menées par les Juifs dans le monde. Une telle prise de conscience n’était pas due uniquement à la place des récits de luttes dans sa famille ; elle venait aussi de l’engagement de son père, Adolph Stark, barbier de profession et plus tard agent d’assurances, qui devint le président de la Société d’immigrants juifs-canadiens de Montréal, et luttait pour les droits des immigrants juifs au Canada. Laura Stark était femme au foyer, mais elle travaillait également hors de la maison pour aider les femmes immigrantes. Les Stark n’étaient pas des gens profondément religieux, mais ils allaient à la synagogue, lisaient la Torah, célébraient les fêtes juives, récitaient les prières traditionnelles et voulaient que leurs enfants connaissent leur culture d’origine. Ils se considéraient comme de bons Juifs et de bons Canadiens, honorant le code juif dit de la tzedakah : le code de la justice et de la charité.
C’est ainsi qu’à l’âge de dix ans, Ethel eut l’occasion de comprendre de manière concrète le sens d’une telle règle. Son père apprit un jour qu’un garçon de quatorze ans, Shepard Broad, orphelin Juif originaire de Russie, allait être déporté de Montréal vers le Bélarus. Shepard, qui avait perdu ses deux parents, avait décidé de se joindre au flux massif d’immigrants en route vers l’Amérique du Nord, dans l’espoir de retrouver son oncle à New York. Il était monté à bord d’un bateau, pensant se rendre à New York, mais était plutôt arrivé à Montréal. Les agents de l’immigration étaient prêts à remettre à bord du navire cet intrus qui débarquait sans aucun document lui permettant l’entrée au pays et qui ne parlait pas un mot d’anglais mais Adolph Stark sauva le garçon de la déportation et le prit sous son aile, offrant même de l’adopter. Le jeune Shepard fut émerveillé par une telle générosité. Ethel, son frère Jules et sa sœur Doretta, eux, étaient stupéfaits. « Nous ne le connaissons même pas », fit remarquer Doretta. Mais leur père insista : c’était ce qu’il fallait faire.
Les Stark accueillirent Shepard, qu’ils traitèrent comme un des leurs, jusqu’à ce qu’ils retracent son oncle à New York. Adolph lui procura l’argent nécessaire au voyage, lui paya son billet, et lui dit au revoir, après lui avoir fait promettre de leur écrire souvent. Shepard devint plus tard un brillant avocat, qui accorda un soutien généreux à de nombreuses et nobles causes comme des hôpitaux, des écoles. Aujourd’hui, l’école de droit de la Nova Southeastern University en Floride porte son nom (Shepard Broad Law Center). Il n’a jamais oublié la générosité des Stark et, jusqu’à la fin de sa vie, il est demeuré en contact avec eux, y compris avec Ethel et sa sœur.
Une telle leçon de générosité n’avait rien d’un geste isolé et les enfants Stark intégraient bien sûr ces valeurs. La justice sociale devint ainsi une lunette à travers laquelle ils appréhendaient le monde. Ils se battraient pour ce qui est juste.
En plus de leur engagement social, les Stark étaient aussi une famille passionnée par la musique. Adolph était violoniste amateur, tandis que le frère et la sœur d’Ethel jouaient tous les deux du piano. Ethel commença officiellement ses leçons de violon à l’âge de neuf ans, avec le violoniste Alfred De Sève. Au Conservatoire de McGill, plus tard, elle étudia avec Saul Brant. Elle adorait ses études à McGill, mais ne s’y sentait pas suffisamment stimulée. Par une soirée d’hiver, après un récital, son accompagnateur confirma ce que déjà elle pressentait : « Ethel, vous êtes une formidable violoniste, murmura-t-il, mais vous n’aboutirez nulle part si vous restez ici. Envoyez votre candidature à une grande école américaine, la concurrence vous aidera à faire des progrès. » Cette suggestion fit certes sursauter Ethel. Au fond d’elle-même, pourtant, elle savait bien que c’était ce qu’elle devait faire : quitter Montréal.
La famille Stark vivait relativement bien, mais n’avait pas d’argent pour envoyer Ethel dans une grande école américaine ou européenne. Les études de musique au Canada, malheureusement, accusaient du retard par rapport à d’autres pays occidentaux. Les Stark étaient originaires d’un pays aux riches traditions musicales, où les musiciens étaient respectés et admirés, plus encore que les avocats ou les médecins. Le Canada était encore une colonie de l’Empire britannique, où le statut de musicien équivalait à celui de commerçant, et le gouvernement investissait peu dans le développement de la vie culturelle10. Le contraste frappant entre la richesse de la culture musicale en Europe et celle plus limitée du Canada, tant du point de vue de l’éducation que des concerts, rendait difficile l’adaptation de nombreux immigrants européens à leur nouveau pays.
À l’âge de quinze ans, cependant, Ethel fit la rencontre de la célèbre violoniste Erica Morini, qui lui suggéra de jouer pour son père, violoniste de renommée mondiale et professeur à Vienne. Après l’avoir entendue jouer, Oscar Morini sentit qu’il avait découvert un prodige, et il offrit une bourse d’études à Ethel, à condition qu’elle parte avec lui étudier à Vienne. C’était l’occasion qu’elle espérait. Mais les parents estimaient que leur fille était trop jeune pour parcourir le monde, et ils déclinèrent l’offre plus que généreuse de Morini.
Bien que les Stark ne lui aient pas permis d’aller à Vienne, ils l’encouragèrent à poursuivre dans sa voie, et à développer ses aptitudes musicales, et ce, à une époque où les musiciennes professionnelles étaient généralement peu soutenues. Comme le rappelait en 2012 Yaela Haertz, amie d’Ethel : « Voir une femme jouer sur scène, seule ou avec un orchestre, était pour ainsi dire inacceptable. » Les Stark ne faisaient pas que rêver de réussite pour Ethel, ils prirent également des mesures concrètes pour que son rêve de devenir violon solo professionnelle, devienne réalité. Ils la soutinrent dans son projet de carrière musicale, alors que l’on en dissuadait les filles à l’époque, de peur que, devenues musiciennes accomplies, elles représentent une menace pour leurs homologues masculins. Les Stark voulaient qu’Ethel puisse jouer à la pleine mesure de son talent et de sa formation, sans égard à son sexe. En effet, l’écho des idéaux suffragistes a persisté dans la famille Stark tout au long de l’adolescence d’Ethel. Ces encouragements contribuèrent grandement à modeler sa confiance, plus tard dans sa vie, dans sa lutte contre ce qui semblerait des obstacles à la fois redoutables et invincibles.
En 1928, lorsque Ethel avait dix-sept ans, son frère apprit que le Curtis Institute of Music (CIM) de Philadelphie accordait aux élèves talentueux des bourses d’études couvrant l’intégralité des frais de scolarité. Plein d’enthousiasme, Jules écrivit aux responsables de l’institution pour solliciter une audition pour sa sœur. Il reçut une lettre de l’administration l’informant que seuls les meilleurs talents au monde seraient admis. Jules insista jusqu’à ce qu’une audition fût enfin accordée à sa sœur.
Ethel, Jules et leur mère partirent pour Philadelphie, pleins d’enthousiasme. Mais quand la jeune fille se rendit compte du nombre de violonistes plus âgés qu’elle qui prenaient part au concours, elle se dit qu’elle n’avait aucune chance de gagner. Elle exécuta ses morceaux, et partit, passablement déçue, l’air maussade. Le jury, cependant, la trouva extraordinairement douée. On lui offrit une bourse d’études à temps plein, faisant d’elle la première Canadienne à être acceptée au Curtis Institute of Music.
C’est ainsi que commença une suite de « premières » qui marqueront la vie et la carrière d’Ethel. En effet, son entrée au Curtis représentait une réalisation majeure. À cette époque, de nombreuses écoles de musique refusaient les candidatures des femmes qui avaient un autre objectif que celui d’enseigner dans les écoles ou au privé. Une amie d’Ethel, Sonia Slatin, relate l’histoire d’une fille qui, ayant sollicité une audition à un collège de musique, s’était fait répondre qu’il n’y avait de place que pour les hommes, car c’étaient eux les soutiens de famille.
Tout au cours de sa vie, Ethel a éprouvé de la gratitude pour les sacrifices consentis par sa famille afin que ses études au Curtis soient un succès. La première année, Ethel et sa mère avaient loué un appartement rue Spruce, non loin du CIM. Laura faisait la cuisine et le ménage, tandis qu’Ethel répétait. L’année suivante, Jules et sa femme, Annette, déménagèrent à Upper Darby, dans la banlieue de Philadelphie. Ethel emménagea avec eux, ce qui permit à Mme Stark de revenir à Montréal. Ce soutien familial constant accompagna Ethel durant toute son existence.
Les années passées à l’Institut Curtis, de 1928 à 1933, furent pleines de joie et d’occasions intéressantes. C’était l’environnement stimulant dont rêvait Ethel. Ces années furent aussi pour elle d’une extrême importance dans l’établissement de relations professionnelles. La plupart des étudiants provenaient de pays étrangers, ou de villes lointaines des États-Unis. Tout naturellement, ils se liaient les uns aux autres. Chaque étudiant avait un grand potentiel. Le grand compositeur et chef d’orchestre américain Leonard Bernstein a été un des camarades de classe et ami d’Ethel, tout comme le violoniste Gian Carlo Menotti, le compositeur Samuel Barber, ainsi que la pianiste lituanienne Nadia Reinsenberg, qui, tous, devinrent célèbres. L’Institut était une sorte de musée géant, où se trouvaient exposés les meilleurs musiciens à venir, de partout dans le monde. Et, bien sûr, Ethel a étudié sous la conduite de professeurs chevronnés, telle Lea Luboshutz, elle-même une femme violoniste pionnière.
Au terme de sa première année à l’Institut, Ethel avait gagné l’admiration de tous ses professeurs de violon, qui financèrent ses cours d’été avec Mme Luboshutz, dans un cottage à Carmel-by-the-Sea, en Californie. Mme Luboshutz avait insisté pour louer ce chalet nommé en l’honneur d’Aimee Semple MacPherson, première femme pasteur évangéliste, mais ce ne fut que beaucoup plus tard qu’Ethel...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Faux-titre
  3. Titre
  4. Crédits
  5. Table de Matières
  6. Dédicace
  7. Prologue
  8. Chapitre 1
  9. Chapitre 2
  10. Chapitre 3
  11. Chapitre 4
  12. Chapitre 5
  13. Chapitre 6
  14. Chapitre 7
  15. Chapitre 8
  16. Chapitre 9
  17. Chapitre 10
  18. Chapitre 11
  19. Note de l'auteur
  20. Fin
  21. Quatrième de couverture