Sexe, amour et pouvoir
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Sexe, amour et pouvoir

Il était une fois... à l'université

  1. 152 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Sexe, amour et pouvoir

Il était une fois... à l'université

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À propos de ce livre

Ce n'étaient jadis que bavardage, ragots ou affaires de mœurs. Non, il n'y avait rien de pourri au royaume du savoir! Pour maintenir l'ordre social, il fallait taire le harcèlement et les agressions, ne pas nommer le boys club, en être complice. Or des féministes ont rompu la digue, et ce livre nous arrive porté par cette vague de dénonciations spectaculaires.Étudiantes et professeures se penchent ici sur une histoire aussi ancienne que taboue: la relation entre désir et pédagogie. Quel est le rapport entre professeur.e.s et étudiantes, et qu'arrive-t-il lorsque la séduction s'en mêle? Quelles histoires cette relation raconte-t-elle, pervertit-elle ou permet-elle d'inventer? Ce livre ne prétend pas trancher la question du sexe, de l'amour et du pouvoir au sein des universités. Il en montre plutôt la complexité, tout en convoquant la communauté universitaire à une résistance féministe solidaire.

Foire aux questions

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Informations

Le surgissement
d’Alcibiade: éros, fragilité,
impureté et écriture

Kateri Lemmens
Soyons prudents. Soyons subtils. Ne nous laissons pas emporter par les délices de la polémique et de la colère et de l’indignation. Le sujet est complexe, exactement aussi complexe et contradictoire que l’espèce à laquelle nous appartenons; il ne faut surtout pas chercher à l’aplatir et à le repasser et à le tirer à quatre épingles.
– Nancy Huston, «La donne»36
Je suis convaincu que l’on ne peut écrire que sur ce que l’on connaît, surtout quand on traite de questions qui touchent au bien et au mal.
– Yvon Rivard, «Détournement majeur»
Ce n’est jamais simple de penser la crise au temps de la crise. De démêler les fils. De dénouer les nouages. De faire un pas à reculons pour voir. Ailleurs. Autrefois. Dans son propre passé, avec pudeur, tout en portant le désir de ne pas trahir ce qui peut avoir été important, déterminant, essentiel. Explorer des vérités complexes, parfois ambiguës. S’en tenir aux vérités que l’on connaît, intimement, tout en espérant ne pas nier l’expérience autre, celle qui s’est mal terminée, celle qui peut avoir entraîné la souffrance. Vouloir penser et témoigner de dimensions constitutives de la vie sans jamais nier les abus intolérables. Ces abus dont on n’a pas été témoin, mais qu’on lit, qu’on sait avoir été le cauchemar des autres.
Espérer pouvoir dire: le risque est de tout confondre, de tout uniformiser, de passer la vie humaine au rouleau compresseur du général et d’oublier la parole de la littérature qui est aussi parole du particulier, de l’ivresse et de la démesure. Des nuances, des nuances. Des nuances que je me suis donné comme tâche de penser à partir de ce que je suis, de ce que je sais, mais aussi à partir de récits et de réflexions empruntées à la littérature et à la philosophie.

Histoires

J’ai vingt ans et une relation particulièrement confuse avec la vie et la mort que mes études en philosophie aggravent à leur manière – en dissociant l’esprit et le corps, en survoltant la res cogitans, mais elle seule, elles exacerbent l’impression de désincarnation, de manquement à la vie. J’ai vingt ans et lui trente-cinq et quelle importance, il est, il sera toujours de ceux que j’aime. Un être en lien avec le savoir et avec la vie, un être vivant dans le savoir et dans la vie. Professeur, bien sûr, un certain niveau de professorat. Admirable professeur. Avec cette lueur très particulière qui brillait en lui quand il enseignait. Or cette lueur, qui n’est pas nécessairement érotique (puisque j’ai connu plusieurs autres professeures et professeurs qui brillaient tout autant sans que cela ne suscite aucun autre désir que celui d’apprendre), en lui, touchait, en moi, à un lieu de l’érotisme. C’était peut-être parce qu’il était un homme de forêt, incarné, vivant – à partir de qui la vie irradiait. Jusque dans son professorat. Un homme qui allait bûcher, seul, avec son cheval. Qui aimait rire et bien boire et bien manger. Qui savait, lui, la vie: ni ascèse ni orgie37. Je me souviens encore de lui avoir demandé: apprends-moi à vivre. Bien sûr, j’allais être amoureuse. Bien sûr, j’allais attendre que la session soit terminée avant de tenter le séduire, car oui, c’est bien moi qui ai rusé, tout fait, pour que cette histoire advienne, pour que l’amour ou le désir advienne. Pour que de la vie advienne quelque chose de plus. Quelque chose qui, en lui donnant de la valeur, allait nécessairement en accroître le risque. Il n’y a jamais eu ni harcèlement ni abus ni aucun manquement identifiable aux codes ou principes du monde universitaire. Juste un désir qui accepte de répondre à la souveraineté et au risque d’un autre désir. Ce ne sera pourtant ni une histoire exemplaire ni un conte de fées. Ni mariage ni enfants ni bonheur éternel. Rien de tout cela. Il ne cessait de me répéter que j’étais trop belle pour lui. Trop jeune. Il avait l’impression que tout le monde le voyait, sur la rue, que ma beauté et ma jeunesse faisaient voir la faute. Sa faute. Je me souviens de ses nausées, de son malaise. Ivre de bonheur, moi, je ne voulais pas voir.
C’est à la fois une vraie histoire d’amour et un «échec magnifique38» qui hante mon travail d’écriture (jamais littéralement, faut-il le préciser). Malgré la blessure, bien sûr, proportionnelle au désir qui était alors en jeu, je sais que je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui sans cette histoire-là. Avoir ainsi été aimée, désirée, voulue par celui que j’avais aimé, désiré, voulu a malgré tout été métamorphose. Ouverture d’ailes, décarcassement peut-être davantage. Mais peut-être surtout adéquation entre savoir et vie, entre pensée et vie – comprendre, pour la première fois, que ces dimensions de la vie pouvaient s’animer les unes les autres. Et que le corps amoureux, désirant, n’était pas en reste. Aurais-je fait les mêmes études sans cette rencontre? Aurais-je ainsi travaillé sur Nietzsche et sur la phénoménologie, des pensées qui ont remis le corps au foyer de leurs interrogations? Est-ce que j’écrirais ce que j’écris comme je l’écris? Aurais-je résolu autrement les questions que je me devais de poser à la vie? Des années plus tard, j’ai l’absolue assurance que je porte, encore, et dans le corps et dans l’esprit l’histoire – belle et trouble et définitivement pas tout à fait droite – de ces années-là.

Aimer, enseigner

Dans Aimer, enseigner et dans «Détournement majeur» Yvon Rivard dénonce les méfaits des relations entre professeurs et étudiantes. Il s’insurge tout particulièrement contre «les profs qui séduisent des étudiantes à répétition pendant des années39». On ne peut tolérer les abus liés à ce type de pratiques et on ne peut qu’être révolté en pensant aux méfaits qu’ont pu subir certaines étudiantes séduites, voire abusées par des charmeurs professionnels et autres profiteurs institutionnels. L’université n’est pas un cruising bar et le donjuanisme académique lui nuit. En revanche, les questions morales qui concernent l’amour et le désir réciproque, mutuel, sincère, peuvent-elles faire l’objet d’une même considération, dénonciation, réprobation? Où tracer la limite? Où commence-t-on à surveiller et punir? Jusqu’à quel point la relation pédagogique universitaire est-elle thérapeutique (et, en cela, unique, distincte, problématique)? Jusqu’à quel point reprend-elle des motifs qui peuvent appartenir à toute relation fondée sur l’admiration (admiration qui fonde bien des désirs, et, j’irais même plus loin, admiration pour le savoir qui confère à celui ou à celle qui le détient une véritable, une troublante beauté)?

Trois fois racontera

Dans trois œuvres différentes, Nancy Huston va écrire, penser l’histoire d’une relation amoureuse et sexuelle entre une jeune élève et un professeur de lettres. À trois reprises, elle articule, mais de façon différente – car, oui, l’écrivaine a le droit de relire, de repenser ses fictions – le lien entre beauté, désir de séduction et éros pédagogique.
«La donne», paru en 1995, notamment dans une revue féminine consacrée à la mode, où je l’ai lue pour la première fois (une lecture qui a et qui continue de changer ma vie), Nancy Huston a exploré plusieurs dimensions délicates qui touchent en profondeur à l’identité féminine: la donne que chacune reçoit à la naissance (particulièrement l’intelligence et le degré de beauté conforme aux modèles de l’époque), les dons qu’on va décider de cultiver, de nourrir (le charme, la curiosité, la désirabilité) et la relation entre les attributs que l’on possède ou développe et les chances et les opportunités dont on va bénéficier et qui vont être déterminantes pour nos vies. Être belle, et intelligente, même sans être la plus belle des femmes – et on a amplement reproché à Nancy Huston d’avoir un jour osé parler de sa beauté et de son intelligence –, c’est, malgré certains heurts, disposer d’atouts indéniables pour le grand jeu de la vie. Ah, tabou… surtout, sois belle, mais ne le dis pas: ne sois belle qu’en tant que reflet dans l’œil d’un homme.
«La donne» relate donc l’histoire d’une relation amoureuse entre l’élève qu’a été Nancy Huston et le professeur de littérature qui a ravi sa virginité alors qu’elle avait 15 ans. C’est un essai bref, puissant, fort de ses nuances. «On voulait la même chose», explique-t-elle, «qui était d’être amoureux l’un de l’autre40.» Et si, dans cette histoire, qui est aussi une histoire de séduction, le professeur a tiré profit de certains avantages (culture, statut), la jeune femme, elle, a pu compter sur d’autres atouts: sa beauté, sa jeunesse, son intelligence vive. Or Huston nous prévient bien de penser cette histoire en termes de goujaterie ou d’abus.
J’étais aux anges, follement flattée, follement amoureuse, et, pendant longtemps, fière – oui, car c’était là une chose dans laquelle ma responsabilité était pleinement engagée.
Cette histoire d’amour était réelle, sérieuse. Elle a culminé par des fiançailles, que j’ai rompues à l’âge de dix-huit ans, lorsque je suis tombée amoureuse de quelqu’un d’autre. Ainsi, pendant près de trois ans, ma vie a tourné autour de cet homme. Le harcèlement n’avait rien à faire là-dedans41.
En 2012, dans Reflets dans un œil d’homme, Nancy Huston va évoquer à nouveau une histoire d’amour entre la jeune élève qu’elle aurait été et un professeur. Son récit prend alors de nouvelles teintes. La prolifération de l’amour libre qui poussait au consentement – c’était devenu cool, dans le vent, pour une fille d’être libérée et de dire oui aux garçons – permet «la réalisation sans retenue [des] fantasmes [de son déflorateur et de nombreux autres hommes]42.» Huston va d’ailleurs identifier, dans cet essai, la figure professorale à la figure paternelle, une pensée qu’elle approfondira dans Bad Girl en 2014, où elle explicite le désir d’être désirée, dans la confusion entre désir et amour, de la fillette qui a été une «enfant non désirée43». C’est néanmoins dans Reflets dans un œil d’homme que Nancy Huston apporte le plus de dissonances puisqu’elle évoque la violence qu’aurait engendrée cette relation. Elle y esquisse le désir de profanation – et là, on n’est définitivement plus dans le désir-amour – que peut susciter la beauté féminine: «Vous serez gravement battue. Pas étonnant: vous étiez jolie, fine et fragile comme une porcelaine, et cet homme a eu envie (comme il vous l’avouera des années plus tard) de bousiller et d’abîmer cette joliesse44

Le surgissement d’Alcibiade

Les rapports entre désir et apprentissage, entre éros et relation pédagogique ont fait l’objet de nombreux récits littéraires, philosophiques et psychanalytiques (la sublimation, c’est bel et bien le désir reconduit vers le savoir intellectuel et artistique). Si cette dimension hante, par exemple, le récit des amours d’Abélard et Héloïse, ou l’histoire de Hannah Arendt et Martin Heidegger, c’est au cœur du monde grec, où s’ancre notre vision du savoir et de la connaissance que viennent se nouer certaines des dimensions les plus fondamentales de notre vision de ces relations complexes. C’est notamment contre la pédérastie, qui impliquait un rapport initiatique intellectuel, politique et sexuel entre maître et élève, à des degrés divers, que va s’élever la voix de Socrate dans Phèdre et dans Le Banquet (où Socrate et Diotime, tour à tour, viennent soutenir, en vertu d’une certaine conception de l’amour, de l’être et de la beauté, l’importance de ne pas consommer le désir pédagogique). Dans Phèdre, souligne Jan Patočka, Socrate pourfend, en montrant sa vacuité, le discours de «celui qui, sans amour, s’intéresse néanmoins à l’amour physique»:
[Ce] discours trompeur qu’un homme qui prétend ne pas être amoureux tient à un adolescent dont il veut gagner la sympathie est en réalité la feinte hypocrite d’un débauché qui, par calcul, réduit l’érotisme à sa forme la plus vulgaire. Ce qui se présente comme une composition raffinée est en réalité, au point de vue moral, une lâcheté répugnante45.
Dans Le Banquet, à la fois conversation philosophique sur l’amour et à la fois fête, à la limite, beuverie, chaque convive est invité à parler d’amour. Vers la fin du discours de Socrate, que les libations n’ont pas affecté, que les libations n’affectent jamais46, se font entendre à la porte les coups d’un cortège de buveurs. Surgit alors Alcibiade, saoul, enguirlandé de lierre et d...

Table des matières

  1. Introduction
  2. Lire, penser et créer une communauté à l’université
  3. Narcisse, Écho, toi et moi «Miroir/Miroir?»
  4. Il y aura toujours une autre Violette
  5. Toutes choses impossibles à juger. Portrait désemparé12
  6. Don’t touch. Do tell.
  7. Le surgissement d’Alcibiade: éros, fragilité, impureté et écriture
  8. Filles d’Ève. Pouvoir et genre dans la relation pédagogique
  9. Littérature + féminismes = militance littéraire féministe. Egostory
  10. Faire parler les muses
  11. Les jalousies
  12. Le «rêve d’une chose»: rapports de classes et enseignement
  13. Effacement de soi et construction d’une cathédrale
  14. En perte de distance
  15. Qui aime? Qui enseigne77?