La crise de la reproduction sociale
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La crise de la reproduction sociale

Entretiens avec Louise Toupin

  1. 92 pages
  2. French
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La crise de la reproduction sociale

Entretiens avec Louise Toupin

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À propos de ce livre

NĂ©es en Italie dans les annĂ©es 1940, Silvia Federici et Mariarosa Dalla Costa sont des militantes pionniĂšres et des intellectuelles fĂ©ministes de premier plan. Dans ces entretiens avec Louise Toupin, elles reviennent sur le mouvement qu'elles ont cofondĂ© en 1972, le Collectif fĂ©ministe international, qui fut Ă  l'origine d'une revendication radicale et controversĂ©e au sein du fĂ©minisme, celle de la rĂ©munĂ©ration du travail domestique. À partir de ce riche terreau, elles racontent comment s'est dĂ©veloppĂ©e leur pensĂ©e au fil du temps, et formulent une critique intersectionnelle du capitalisme nĂ©olibĂ©ral, depuis la notion de crise de la reproduction sociale.

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Informations

Année
2020
ISBN
9782890917071

Mariarosa
Dalla Costa1

Mariarosa Dalla Costa est nĂ©e Ă  Treviso en Italie en 1943. Elle a Ă©tudiĂ© Ă  l’UniversitĂ© de Padoue, est devenue docteure en droit en 1967, et professeure Ă  l’Istituto di Scienze Politiche e Sociali. Elle est l’auteure du ­document fondateur de la perspective du salaire au travail mĂ©nager «Les femmes et la subversion sociale», publiĂ© en 1972 avec un texte de Selma James, «La place des femmes», sous le titre Le pouvoir des femmes et la subversion sociale. Le livre a Ă©tĂ© traduit depuis en plusieurs langues.
Louise Toupin — Potere femminile a eu, dans le monde fĂ©ministe occidental, un impact international dĂšs sa publication en 1972 en italien, puis en anglais, et sa traduction consĂ©cutive en plusieurs langues, forçant, dans les annĂ©es qui ont suivi, les fĂ©ministes de toutes tendances Ă  se situer par rapport Ă  l’analyse qui y Ă©tait soutenue. Avant de plonger dans le contenu mĂȘme du livre, on pourrait d’abord prĂ©ciser le contexte de sa production en Italie, et la «mouvance» idĂ©ologique et politique dans laquelle il a mĂ»ri. En un mot, il serait intĂ©ressant de s’attarder sur la conjoncture intellectuelle et politique au sein de laquelle ce livre-manifeste fut Ă©crit.
Je voudrais d’abord savoir quelle a pu ĂȘtre l’influence du courant opĂ©raĂŻste italien, appelĂ© aussi «courant de l’autonomie», dans votre pensĂ©e. Ensuite, quelle a Ă©tĂ© l’influence d’essais fĂ©ministes italiens ou Ă©trangers sur le travail mĂ©nager qui avaient commencĂ© Ă  paraĂźtre en 1969-1970. Commençons par le courant de l’«autonomie», ou opĂ©raĂŻste, courant intellectuel et politique de la gauche extraparlementaire italienne.
Il me semble important de traiter d’abord de la place de ce courant dans votre Ɠuvre, car je crois qu’on ne peut comprendre toute l’originalitĂ© des dĂ©couvertes thĂ©oriques qui y sont contenues qu’à la lumiĂšre des nouveautĂ©s qui ont d’abord Ă©tĂ© initiĂ©es par ce courant et qui vous ont permis de pousser plus loin l’analyse et, finalement, de situer la place des femmes dans la sociĂ©tĂ© capitaliste. Je pense Ă  des thĂšmes importants de ce courant, comme par exemple le refus du travail, la place accordĂ©e Ă  la subjectivitĂ© ouvriĂšre et Ă  la capacitĂ© de subversion du sujet, Ă  sa capacitĂ© rĂ©volutionnaire.
Certains auteurs, comme Yann Moulier, traducteur de Mario Tronti, qui a introduit le courant opĂ©raĂŻste italien en France, vous classent, Ă  titre d’auteure de Le pouvoir des femmes et la subversion sociale, comme faisant partie de «ceux qui ont contribuĂ© de façon significative» au courant opĂ©raĂŻste italien. Un autre, Harry Cleaver, a parlĂ© de Selma James et de vous-mĂȘme comme Ă©tant des thĂ©oriciennes fĂ©ministes du «marxisme autonomiste2». Que dites-vous de cette apprĂ©ciation, et comment l’interprĂ©tez-vous? Et ĂȘtes-vous d’accord pour dire que Le pouvoir des femmes et la subversion sociale a mĂ»ri dans ce terreau intellectuel?
Mariarosa Dalla Costa — Ma formation politique dĂ©bute avec l’opĂ©raĂŻsme. Je ne dirais pas avec l’«autonomie», qui est une dĂ©finition qui a Ă©tĂ© formulĂ©e des annĂ©es plus tard quand j’étais dĂ©jĂ  active Ă  l’intĂ©rieur du mouvement fĂ©ministe, dans le mouvement pour le salaire au travail mĂ©nager. Ce mouvement reprĂ©sentera, dĂšs son dĂ©but, et pendant toute sa vie, une rĂ©alitĂ© complĂštement indĂ©pendante de ces rĂ©seaux masculins, incluant ceux dits de l’«autonomie». Mais je peux comprendre que notre discours soit dĂ©signĂ© aujourd’hui, comme le fait Harry Cleaver, et plus tard Nick Witheford, comme Ă©tant un «marxisme autonomiste». En effet, en partant d’une matrice marxiste, on avait choisi le point de vue de l’autonomie du mouvement de classe, d’une classe comme nous l’avions redĂ©finie, et qui incluait le travail de production et de reproduction de la force de travail par les femmes.
Les origines du discours de l’autonomie de classe se trouvent cependant dans l’Ɠuvre de C.L.R. James et de Raya Dunayewskaya, de mĂȘme que dans le groupe autour de la revue Socialisme ou barbarie en France, et dont les reprĂ©sentants majeurs Ă©taient Cornelius ­Castoriadis et Claude Lefort3.
En fait, on reconnaĂźt dans notre travail, le mien et celui de mes copines des groupes du salaire au travail mĂ©nager, l’importance d’avoir dĂ©couvert l’autre pĂŽle de l’accumulation capitaliste, l’autre voie par laquelle elle passe, c’est-Ă -dire la production et la reproduction de la force de travail. En d’autres termes, d’avoir dĂ©couvert la maison Ă  cĂŽtĂ© de l’usine. On a dĂ©couvert que la classe Ă©tait formĂ©e non seulement des salarié·e·s, mais en mĂȘme temps des non-salarié·e·s.
Tenir compte de cela, aujourd’hui, est fondamental pour comprendre le «commandement capitaliste4» qui, du monde de la production, se dĂ©ploie dans des formes toujours plus «étranglantes» et lĂ©tales sur le monde de la reproduction, pour comprendre en fait le rapport entre Ă©conomie formelle et informelle, pour comprendre le rapport entre Ă©conomie monĂ©taire et non monĂ©taire, pour comprendre le rapport premier monde/tiers-monde (pour m’exprimer par une synthĂšse conventionnelle), pour comprendre les luttes qui, issues du monde de la reproduction globale, tendent Ă  briser ce commandement, pour affirmer d’autres critĂšres dans le rapport avec la production, avec la nature et avec la vie.
Donc, pour rĂ©pondre Ă  ta question: oui, Le pouvoir des femmes et la subversion sociale a mĂ»ri dans ce «terreau» intellectuel opĂ©raĂŻste. Mais je me souviens qu’il y avait une certaine rĂ©sistance, plutĂŽt dure, du cĂŽtĂ© des intellectuels opĂ©raĂŻstes, Ă  accepter d’élargir le concept de classe ouvriĂšre pour y inclure, comme nous le soutenions au dĂ©but des annĂ©es 1970, les mĂ©nagĂšres. Les thĂ©oriciens de l’opĂ©raĂŻsme insistaient pour dire que ce que nous appelions production, c’est-Ă -dire production et reproduction de la force de travail, appartenait plutĂŽt Ă  la sphĂšre de la circulation, telle que dĂ©crite par Marx dans Le capital. Quand, plus tard, ils ont parlĂ© d’«ouvrier social», ils faisaient plutĂŽt allusion Ă  diffĂ©rentes figures de travailleurs dans le contexte de la dĂ©centralisation productive. Ils avaient reconnu dans la nouvelle com­position politique de classe au dĂ©but des annĂ©es 1970, les luttes des Ă©tudiants et leur revendication d’un prĂ©salaire, la lutte des techniciens, etc. Mais il y avait, de la part de ces hommes intellectuels de la gauche extraparlementaire, une grande sous-Ă©valuation de ce qu’était le travail mĂ©nager. Je pense que leur idĂ©e Ă  ce sujet consistait Ă  dire que le problĂšme des femmes serait rĂ©solu avec davantage de crĂšches et une meilleure organisation de ces derniĂšres. Ils croyaient plus aux solutions en termes de services. Ils ont toujours sous-estimĂ© l’ampleur rĂ©elle du travail de reproduction et l’impact du manque d’argent pour les femmes qui Ă©taient assignĂ©es Ă  ce travail.
Et je crois aussi que la plupart des thĂ©oriciens de cette mouvance, aprĂšs avoir lu Le pouvoir des femmes, et aprĂšs en ĂȘtre arrivĂ©s Ă  se faire une vague idĂ©e de la question, n’ont jamais lu les autres documents que nous avons produits depuis, dans les groupes du salaire au travail mĂ©nager. Et je pense que, mĂȘme aujourd’hui, ils en ignorent toujours l’existence. Avec pour consĂ©quence qu’ils continuent Ă  ignorer Ă  peu prĂšs tout de cette question du travail de reproduction et tout le dĂ©bat politique Ă  son propos avancĂ© par les fĂ©ministes.
Cependant, ces derniĂšres annĂ©es, alors que nous en sommes Ă  une nouvelle Ă©tape dans notre analyse, plusieurs de nos plus rĂ©cents travaux, de mĂȘme que la partie la plus importante de nos travaux d’alors, sont maintenant traduits en anglais, en espagnol et en japonais, et le seront sous peu dans d’autres langues. Cela nous permet de continuer Ă  contribuer, de meilleure maniĂšre, espĂ©rons-nous, Ă  un dĂ©bat politique international qui doit faire face Ă  des questions toujours plus urgentes et dramatiques.
Parlons maintenant des lectures fĂ©ministes proprement dites qui ont alimentĂ© Le pouvoir des femmes et la subversion sociale. Par exemple, quels essais marquants du fĂ©minisme occidental sur le travail mĂ©nager avaient commencĂ© Ă  circuler en Italie au tournant de la dĂ©cennie 1970 et en aviez-vous pris connaissance au moment d’écrire Le pouvoir des femmes? Je pense ici entre autres Ă  celui de Margaret Benston en 1969, The Political Economy of Women’s Liberation; celui de Christine Dupont (Delphy) la mĂȘme annĂ©e, L’ennemi principal; ou encore, toujours en 1970, ceux de Betsy Warrior et de Pat Mainardi, respectivement Housework: Slavery or Labour of Love et The Politics of Housework. Bref, quelles Ɠuvres fĂ©ministes vous avaient le plus marquĂ©e Ă  cette Ă©poque?
Je ne connaissais aucune des Ɠuvres fĂ©ministes Ă©trangĂšres que tu mentionnes. Il y avait des travaux italiens sur la «condition de la femme» en gĂ©nĂ©ral et sur l’avortement. Je pense que le temps Ă©tait mĂ»r, en Italie et Ă  l’étranger, pour l’explosion de cette question, et surtout parce que nous nous trouvions Ă  une pĂ©riode de grande rĂ©bellion sociale et de luttes de toutes sortes. À cette Ă©poque, j’étais complĂštement absorbĂ©e par la militance politique et concentrĂ©e sur des analyses italiennes liĂ©es Ă  mon travail politique. Mon discours fĂ©ministe a Ă©tĂ© le fruit de l’explosion de la contradiction que je vivais alors dans mon activitĂ© politique.
Cette activitĂ© commençait Ă  quatre heures le matin, je devais me lever pour aller distribuer des tracts devant des grandes usines, et ça continuait ainsi le soir, les samedis, les dimanches. Si on ne se rĂ©fĂšre pas Ă  ce type de vie, il est difficile de comprendre pourquoi je n’avais pas lu, Ă  cette Ă©poque, tel et tel livre sur la question des femmes qui commençaient Ă  ĂȘtre publiĂ©s. Aussi, j’étais italienne. Je ne connaissais pas, sinon de maniĂšre trĂšs vague, l’anglais, que j’ai par la suite appris tout au cours de ma militance fĂ©ministe en allant entre autres en AmĂ©rique. Je connaissais le français, mais je n’avais pas de rapports particuliĂšrement significatifs ou trĂšs frĂ©quents avec la France.
Avez-vous d’abord Ă©tĂ© marxiste, puis fĂ©ministe, ou bien avez-vous Ă©tĂ© fĂ©ministe d’abord et marxiste ensuite? Dans le fond, je voudrais savoir si c’est le marxisme qui a fait de vous une fĂ©ministe, ou si c’est votre expĂ©rience de vie qui a fait de vous d’abord une fĂ©ministe, qui a ensuite dĂ©couvert le marxisme.
Fondamentalement, j’avais Ă©tĂ© poussĂ©e Ă  l’activitĂ© militante et Ă  la dĂ©couverte de l’«usine» par un idĂ©al de justice. Je voulais comprendre d’oĂč provenait le mal du monde, l’origine du mĂ©canisme, en un sens l’omphalos5, du systĂšme des rapports sociaux. Et c’est ainsi que je rencontrai le marxisme dans sa version opĂ©raĂŻste. Ce marxisme fut en soi une grande dĂ©couverte qui me donna, et qui continue Ă  me donner, des instruments essentiels de comprĂ©hension du monde.
La militance politique fut l’autre grande expĂ©rience de ma vie, parce qu’elle donne Ă  la pensĂ©e les coordonnĂ©es de l’action. Mais, dans cette militance, j’expĂ©rimentais, comme beaucoup d’autres femmes des groupes de la gauche extraparlementaire du tournant des annĂ©es 1970, la contradiction de ne pas sentir reprĂ©sentĂ©e, comprise, ma condition de femme, ni par cette action militante, ni par cette pensĂ©e marxiste. Or, c’est cela que je cherchais.
Ma rencontre avec Selma James fut fondamentale Ă  cet Ă©gard. Mais nos chemins se sĂ©parĂšrent bientĂŽt pour toujours en raison d’une conception diffĂ©rente de l’action politique. Pour rĂ©pondre Ă  ta question: oui je fus d’abord marxiste, et ensuite fĂ©ministe; je dois aussi ajouter que ma recherche d’un parcours diffĂ©rent de celui auquel la sociĂ©tĂ© du temps s’attendait d’une jeune femme Ă©tait Ă©videmment commencĂ©e longtemps auparavant.
Le pouvoir des femmes et la subversion sociale rassemble trois textes, le vÎtre: «Les femmes et la subversion sociale», écrit au début de 1971, un autre de Selma James, écrit en 1953, et un texte sur «La mate...

Table des matiĂšres

  1. Mariarosa Dalla Costa
  2. Silvia Federici