Un parcours bispirituel
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Un parcours bispirituel

Récit d'une aßnée ojibwé-crie lesbienne

  1. 290 pages
  2. French
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Un parcours bispirituel

Récit d'une aßnée ojibwé-crie lesbienne

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À propos de ce livre

«Quand tu seras grande, tu seras une Ă©ducatrice pour notre peuple. Tu aideras les autres. Tu seras une guĂ©risseuse.» L'extraordinaire histoire de Ma-Nee Chacaby en est une de courage, de souffrance et d'amour. En prononçant ces paroles prophĂ©tiques, sa grand-mĂšre n'aurait pu viser plus juste. C'est elle qui a vu chez la petite Ma-Nee les deux esprits, le masculin et le fĂ©minin. Chance ou malĂ©diction? Pour une enfant bispirituelle dans les annĂ©es 1950, Ă  Ombabika, une communautĂ© ojibwĂ©-crie du nord de l'Ontario, la libertĂ© est infinie. Elle apprend Ă  trapper, Ă  chasser et Ă  survivre en forĂȘt; elle sculpte le bois, fait de la couture, tanne le cuir et s'occupe des enfants et des aĂźnĂ©s. Mais sa grand-mĂšre, sa bien-aimĂ©e kokum, sait que la suite sera trĂšs dure.AprĂšs une jeunesse bouleversĂ©e par les tragĂ©dies, les abus, un mariage forcĂ© et l'alcoolisme, elle s'enfuit Ă  vingt ans avec ses enfants Ă  Thunder Bay. LĂ -bas, elle n'Ă©chappe pas aux violences racistes, mais rĂ©ussit Ă  atteindre la sobriĂ©tĂ©. Une vie de militantisme commence. Elle devient intervenante auprĂšs de toxicomanes, de sans-abri et de mĂšres en difficultĂ©, reçoit des dizaines d'enfants en famille d'accueil et, lorsqu'elle dĂ©couvre qu'elle aime les femmes, ne tarde pas Ă  s'impliquer dans le mouvement LGBTQ2S. Comme lesbienne, guide spirituelle autochtone et handicapĂ©e visuelle, Ma-Nee Chacaby fait aujourd'hui figure d'inspiration. Sa vie est une courtepointe faite des morceaux de l'histoire brisĂ©e des PremiĂšres Nations, oĂč s'entrelacent les fils de la rĂ©sistance et de la guĂ©rison.

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Informations

Année
2019
ISBN
9782890916319
Chapitre 1
L’histoire de ma grand-mùre et de ma famille au Manitoba et en Ontario (1863-1952)
Mon nom est Ma-Nee Chacaby. Je suis une aĂźnĂ©e ojibwĂ©-crie et j’ai en moi deux esprits (un masculin et un fĂ©minin). J’ai eu une trajectoire longue et compliquĂ©e et parfois mĂȘme Ă©prouvante. Mes souvenirs les plus anciens sont de ramasser du bois, de fabriquer des raquettes, et de chasser et de trapper dans ma communautĂ© canadienne isolĂ©e pendant les annĂ©es 1950, Ă  une Ă©poque oĂč l’alcoolisme Ă©tait endĂ©mique. En 2013, plus d’un demi-siĂšcle plus tard, j’ai organisĂ© une cĂ©rĂ©monie de guĂ©rison et j’ai ensuite aidĂ© Ă  organiser le premier dĂ©filĂ© de fiertĂ© gaie dans ma ville de Thunder Bay en Ontario. Ce livre dĂ©crit le cheminement extraordinaire qui m’a menĂ©e jusque-lĂ .
Je vais commencer par ce qui m’a Ă©tĂ© racontĂ© sur l’histoire de ma famille. Presque tout ce que je sais de la pĂ©riode avant ma naissance, je l’ai appris de ma kokum (grand-mĂšre), celle qui m’a Ă©levĂ©e. C’était une femme crie qui s’appelait Leliilah. Elle a eu une vie trĂšs longue et a Ă©tĂ© la plus vieille aĂźnĂ©e dans ma communautĂ© ojibwĂ©-crie. Quand ma grand-mĂšre est morte en 1967, ses docteurs supposaient qu’elle devait avoir plus de cent ans. Sur son certificat de dĂ©cĂšs, ils ont Ă©tabli son Ăąge Ă  cent quatre ans, ce qui veut dire qu’elle serait nĂ©e en 1863. Certains aĂźnĂ©s de notre communautĂ© ont discutĂ© plus tard d’évĂ©nements qui se sont passĂ©s pendant la vie de ma grand-mĂšre et ils Ă©taient d’accord pour dire qu’elle est probablement nĂ©e dans les annĂ©es 1860.
Quand j’étais enfant, ma kokum Ă©tait connue comme conteuse dans notre communautĂ©. Quelques-unes des histoires qui suivent, elle ne les a racontĂ©es qu’à moi. J’en ai entendu plusieurs autres quand adultes et enfants se rassemblaient autour d’elle pour Ă©couter ses histoires.
L’enfance de ma grand-mùre
Ma grand-mĂšre venait des prairies de la Saskatchewan. Elle a perdu ses parents quand elle Ă©tait trĂšs jeune, vers l’ñge de quatre ou cinq ans. Elle se rappelait avoir vĂ©cu avec eux et d’autres familles dans des tipis sur une colline ou au bord d’une falaise qui surplombait une grande riviĂšre sablonneuse. Ma kokum m’a dit que sa communautĂ© Ă©tait en conflit avec un autre groupe de la rĂ©gion. Elle a dit que l’autre groupe n’avait pas assez de jeunes pour se rĂ©gĂ©nĂ©rer alors il voulait kidnapper les enfants de sa communautĂ©. À cause de ce conflit, on avait averti tous les enfants que, si un jour leurs demeures Ă©taient attaquĂ©es, il fallait qu’ils courent se cacher sous un canot Ă  un endroit prĂ©cis, pas trop loin.
Ma kokum m’a expliquĂ© qu’une nuit ses parents l’ont rĂ©veillĂ©e brusquement et lui ont ordonnĂ© de se cacher. Son frĂšre, un autre enfant et elle ont couru au canot et ils se sont cachĂ©s en dessous. Ils ont entendu des cris et des hurlements venant de chez eux, mais ils sont restĂ©s sans bouger trĂšs longtemps jusqu’à ce que le silence revienne. Puis ils ont encore attendu aussi longtemps qu’ils l’ont pu. Le lendemain matin, ils sont sortis de dessous le canot. L’air Ă©tait rempli de fumĂ©e et les tipis avaient Ă©tĂ© rĂ©duits en cendres. Il y avait des cadavres partout. Les enfants Ă©taient effrayĂ©s et ils sont retournĂ©s se cacher sous le canot. Ils ont finalement Ă©tĂ© retrouvĂ©s par des familles cries nomades qui passaient par lĂ  en canot. Ma grand-mĂšre m’a racontĂ© que ces adultes ont enterrĂ© les morts ensemble dans un gros monticule et, aprĂšs, ils ont accueilli les trois enfants dans leur famille.
Les parents adoptifs de ma grand-mĂšre ont Ă©tĂ© trĂšs aimables envers elle. Son frĂšre et elle ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans des familles diffĂ©rentes de la mĂȘme parentĂ©. Leur nouvelle famille avait aussi Ă©tĂ© attaquĂ©e chez elle par un autre groupe autochtone, alors ils migraient Ă  travers le Canada en essayant de rejoindre leur famille sur la cĂŽte de la baie James, dans le nord de l’Ontario. Pendant de longues annĂ©es, ma grand-mĂšre a voyagĂ© avec eux ; l’étĂ©, c’était Ă  pied, Ă  cheval ou en canot et, l’hiver, c’était Ă  cheval et en traĂźneau Ă  chiens. Elle disait qu’ils se dĂ©plaçaient plus vite sur la glace et la neige, chassant et trappant des animaux pendant le voyage. Les souvenirs les plus vifs qu’avait gardĂ©s ma kokum de cette Ă©poque, c’était le vent glacial qui la gelait la nuit quand elle dormait dans le tipi. Pendant ces voyages, elle a aussi vu un magasin de la Compagnie de la Baie d’Hudson quand elle avait dix ou onze ans. Le magasin Ă©tait sur un bateau qui allait d’un endroit Ă  l’autre pour vendre ses marchandises. Dans ce magasin, ma grand-mĂšre a vu un miroir pour la premiĂšre fois. Elle y a aussi mangĂ© sa premiĂšre orange et se souvenait de son goĂ»t Ă  la fois sucrĂ© et acide.
Pendant leur voyage vers l’est, ma grand-mĂšre et les membres de sa famille ont dĂ» parcourir au moins mille cinq cents kilomĂštres sur une route qui traversait le nord du Manitoba et de l’Ontario. Ils se sont Ă©tablis pour de bon quand ils ont atteint la riviĂšre Attawapiskat sur la baie James dans les annĂ©es 1880, quand Leliilah avait dix ou onze ans.
Le mariage de mes grands-parents
Quand ma grand-mĂšre avait environ quatorze ans, elle a rencontrĂ© mon grand-pĂšre, qui s’appelait Christopher Chacaby. Le pĂšre de Christopher Ă©tait français et sa mĂšre ojibwĂ©e. Ma grand-mĂšre m’a expliquĂ© que Christopher parlait aussi bien le français que l’ojibwĂ©, mais elle trouvait qu’il avait l’air d’un homme blanc. Elle disait qu’il Ă©tait plus petit qu’elle et qu’il avait le teint pĂąle et les cheveux frisĂ©s. Christopher avait Ă  peu prĂšs son Ăąge, mais il travaillait dĂ©jĂ  quand elle l’a rencontrĂ©, comme ça se faisait Ă  l’époque. Son pĂšre et lui faisaient le tour de la baie James et Ă©changeaient des marchandises comme des miroirs et des couvertures contre des fourrures de castor, de renard, de loup, de lynx, de martre, de rat musquĂ© et de belette.
MalgrĂ© sa timiditĂ©, Leliilah a tout de suite Ă©tĂ© attirĂ©e par Christopher. Elle disait qu’il Ă©tait beau parleur et trĂšs drĂŽle. Il leur a fait connaĂźtre le violon, dont il jouait trĂšs bien, Ă  sa famille et Ă  elle. Avant de reprendre la route, Christopher a dit Ă  Leliilah qu’il reviendrait un jour pour l’épouser. Il est revenu quelques annĂ©es plus tard, quand elle avait environ seize ans. Le pĂšre de Christopher a alors demandĂ© Ă  la famille adoptive de Leliilah si Christopher pouvait la prendre comme Ă©pouse. Sa famille lui a dit que la dĂ©cision revenait Ă  Leliilah, et elle a choisi de l’épouser. C’était la coutume que l’homme offre des cadeaux Ă  sa future belle-famille lors de la cĂ©rĂ©monie de mariage, et ma grand-mĂšre a dit que Christopher avait Ă©tĂ© extrĂȘmement gĂ©nĂ©reux. Il leur a donnĂ© deux chevaux, deux orignaux pour la viande et des mocassins, en plus des peaux de deux chevreuils et de bisons comme couvertures. Deux fusils, plusieurs miroirs, et des couvertures de la Baie d’Hudson faisaient aussi partie des cadeaux. Leur cĂ©rĂ©monie de mariage a suivi les coutumes ojibwĂ©-cries : ils ont liĂ© leurs poignets avec du cĂšdre, ont allumĂ© un feu sacrĂ© et se sont offert des plumes. Christopher avait aussi achetĂ© deux alliances en or dans le magasin de la Baie d’Hudson. Plusieurs annĂ©es plus tard, ma grand-mĂšre m’a fait cadeau de la sienne.
AprĂšs leur mariage, mes grands-parents ont quittĂ© leur communautĂ©, mais Leliilah n’a pas perdu contact avec sa famille. MĂȘme dans son grand Ăąge, pendant mon enfance, je me souviens qu’elle visitait son frĂšre et sa sƓur adoptive. Mais la vie de ma grand-mĂšre a complĂštement changĂ© aprĂšs son mariage avec mon grand-pĂšre. Ils ont voyagĂ© ensemble pendant de longues annĂ©es et elle l’a aidĂ© dans son travail de marchand ambulant. Ils voyageaient avec d’autres familles de commerçants et un guide qui connaissait le territoire. Pendant l’étĂ©, chaque famille utilisait un wiigwaasi jiimaan (canot d’écorce de bouleau), qui Ă©tait beaucoup plus grand que ceux qu’on utilise aujourd’hui. Ils se dĂ©plaçaient encore plus rapidement en hiver quand ils utilisaient des traĂźneaux Ă  chiens. Ils dormaient dans des tipis et vivaient souvent dans des conditions trĂšs dures.
Je ne sais pas exactement quel itinĂ©raire suivaient mes grands-parents. Ils pouvaient s’arrĂȘter parfois plusieurs mois, comme quand ma grand-mĂšre a eu ses enfants, et il est possible qu’ils soient souvent retournĂ©s lĂ  oĂč ils avaient de bonnes relations commerciales. Au fil des annĂ©es, ils ont cependant changĂ© de territoire, de la baie James, Ă  la frontiĂšre nord-est de l’Ontario, au lac Nipigon, plus de cinq cents kilomĂštres au sud-ouest. Ma kokum m’a dit qu’elle a eu seize grossesses pendant cette pĂ©riode. Plusieurs de ses bĂ©bĂ©s sont mort-nĂ©s ou sont morts pendant l’accouchement. D’autres sont morts pendant l’enfance de maladies, comme la variole, ou Ă  cause d’accidents, comme la noyade. Seulement six des enfants de ma grand-mĂšre ont survĂ©cu jusqu’à l’adolescence, dont Deborah, ma mĂšre, qui Ă©tait la plus jeune enfant de Leliilah. À la maison, mes grands-parents parlaient le cri, l’ojibwĂ© et le français, et leurs enfants ont appris ces trois langues en grandissant. La plupart des enfants qui ont survĂ©cu sont restĂ©s avec mes grands-parents jusqu’à l’ñge adulte, sauf un fils et une fille qui sont partis au pensionnat autochtone Ă  un moment donnĂ© pendant les voyages de la famille. Je ne sais pas si mes grands-parents ont choisi d’envoyer les enfants au pensionnat ou si le gouvernement les a obligĂ©s Ă  le faire. Je ne sais pas non plus ce qui est arrivĂ© Ă  cette tante ni Ă  cet oncle. Mes grands-parents ne les ont plus jamais revus. Dans les annĂ©es 1950, quand ma kokum m’élevait, elle Ă©tait trĂšs triste d’avoir perdu contact avec eux et elle supposait qu’ils Ă©taient morts.
Ma grand-mĂšre est devenue aveugle pendant ses voyages avec mon grand-pĂšre. Si j’ai bien compris, elle a perdu la vue graduellement au fil des ans et non pas Ă  cause d’une blessure. Elle m’a dit plus tard que mon grand-pĂšre voulait l’amener Ă  l’hĂŽpital pour qu’elle se fasse examiner les yeux, mais elle n’y a jamais consenti. Ma grand-mĂšre avait peur des hĂŽpitaux parce que la plupart des gens qu’elle connaissait qui y Ă©taient allĂ©s Ă©taient dĂ©cĂ©dĂ©s, et elle n’avait pas du tout confiance dans la mĂ©decine des Blancs. Mon grand-pĂšre et elle ont plutĂŽt rĂ©organisĂ© leur vie en fonction de sa cĂ©citĂ© et ils ont continuĂ© de voyager.
Pendant les annĂ©es oĂč ils voyageaient, mes grands-parents avait des idĂ©es diffĂ©rentes par rapport Ă  l’endroit oĂč ils finiraient par s’installer. Mon grand-pĂšre voulait aller Ă  Auden, un village ojibwĂ© au nord-est du lac Nipigon. Auden Ă©tait un village plutĂŽt isolĂ©, mais il pensait pouvoir y trouver du travail car on construisait le chemin de fer dans la rĂ©gion et il fallait en assurer l’entretien. De son cĂŽtĂ©, ma grand-mĂšre rĂȘvait d’aller sur la rive nord du lac SupĂ©rieur, Ă  quelque cent cinquante kilomĂštres au sud d’Auden. Elle avait eu le pressentiment qu’elle y trouverait un rassemblement d’autochtones. Malheureusement, ils ne se sont jamais rendus jusque-lĂ . Pendant qu’ils Ă©taient sur la route vers Auden, mon grand-pĂšre est tombĂ© gravement malade. Il a Ă©tĂ© amenĂ© dans un hĂŽpital, oĂč il est dĂ©cĂ©dĂ©. Ma grand-mĂšre a fini par s’établir prĂšs d’Auden, Ă  Ombabika, avec les quatre enfants adultes qui lui restaient : Jacques, Renee, Claude et ma mĂšre, Deborah, qui Ă©tait encore jeune. Ma grand-mĂšre a toujours parlĂ© de mon grand-pĂšre avec beaucoup d’amour et de respect. Elle a vĂ©cu de longues annĂ©es aprĂšs la mort de mon grand-pĂšre, mais elle ne s’est jamais remariĂ©e.
Pendant que ma grand-mĂšre vivait Ă  Ombabika, elle et d’autres Autochtones de la rĂ©gion ont signĂ© un traitĂ© avec des reprĂ©sentants du gouvernement canadien, et ils ont Ă©tĂ© inscrits comme Indiens « des traitĂ©s » ou ayant le « statut d’Indien ». Ombabika ne faisait pas partie d’une rĂ©serve quand ma grand-mĂšre y habitait. Les Autochtones locaux dits « des traitĂ©s » sont devenus membres de la rĂ©serve Fort Hope, qui avait Ă©tĂ© Ă©tablie Ă  cent cinquante kilomĂštres au nord d’Ombabika en juillet 1905. Par la signature du traitĂ©, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a promis Ă  ma grand-mĂšre les soins de santĂ©, l’éducation et les services sociaux.
Les premiÚres années de la vie de ma mÚre, ma naissance et mon adoption
Je crois que ma mĂšre Deborah est nĂ©e en 1908 ; ma grand-mĂšre devait avoir quarante-cinq ans quand elle a donnĂ© naissance Ă  son dernier enfant. Je ne sais pas grand-chose sur l’enfance de ma mĂšre parce qu’elle ne m’en a jamais parlĂ©. Ce que je sais, je l’ai appris de ma grand-mĂšre et de ma cousine Flora, qui Ă©tait une jeune femme quand j’étais enfant Ă  Ombabika. Je crois que ma mĂšre a passĂ© son enfance Ă  voyager avec ses parents. Quand mon grand-pĂšre est mort, ma mĂšre Ă©tait dĂ©jĂ  une jeune femme. Elle a continuĂ© Ă  vivre avec ma grand-mĂšre, mais Ă  un moment donnĂ© elle a eu un grave accident. J’ai entendu dire que c’est arrivĂ© quand elle Ă©tait montĂ©e dans un arbre et avait essayĂ© de passer d’un arbre Ă  l’autre au-dessus d’une riviĂšre par temps froid. Les arbres Ă©taient glacĂ©s ; elle a glissĂ© et est tombĂ©e. Elle s’est cassĂ© la hanche et d’autres os importants et on l’a amenĂ©e Ă  l’hĂŽpital Ă  Winnipeg, au Manitoba, oĂč on lui a mis tout le corps dans le plĂątre. Ma mĂšre a dĂ» rĂ©apprendre Ă  marcher et elle a mis de nombreuses annĂ©es Ă  se remettre de cet accident. Pendant une partie de cette pĂ©riode, elle habitait avec des infirmiĂšres qui lui ont appris Ă  parler anglais et Ă  faire de la boulangerie.
Lorsqu’elle restait Ă  Winnipeg, ma mĂšre est tombĂ©e malade de la tuberculose, alors on l’a envoyĂ©e dans un sanatorium pour la tuberculose Ă  Thunder Bay, en Ontario, oĂč elle a vĂ©cu pendant plusieurs annĂ©es. Durant ses premiĂšres annĂ©es au sanatorium, une femme d’Ombabika y rĂ©sidait aussi. Ma mĂšre et elle n’étaient sĂ»rement pas malades Ă  ce moment-lĂ  – ou alors elles sont sorties du sanatorium en cachette –, car cette femme a racontĂ© plus tard aux gens d’Ombabika qu’elles allaient en ville boire ensemble. À un moment donnĂ© durant cette Ă©poque, ma mĂšre est tombĂ©e enceinte de moi. Je ne suis pas certaine de qui Ă©tait mon pĂšre car elle ne me l’a jamais dit. Quelques hommes ont Ă©tĂ© mentionnĂ©s au fil des ans et l’un d’eux semble ĂȘtre un candidat plausible, mais aucun nom n’a jamais Ă©tĂ© confirmĂ©.
En tout cas, je suis nĂ©e le 22 juillet de 1950 au sanatorium. Ma mĂšre devait avoir quarante ans, ce qui est assez tard pour avoir un enfant. AprĂšs ma naissance, ma mĂšre m’a donnĂ©e en adoption. Un couple francophone m’a ramenĂ©e chez eux Ă  Thunder Bay. La femme d’Ombabika qui Ă©tait au sanatorium avec ma mĂšre a parlĂ© de ma naissance dans une lettre Ă  quelqu’un de sa famille, alors ma grand-mĂšre a appris ma naissance seulement aprĂšs. Elle s’est rendue Ă  Thunder Bay pour me trouver avec l’assistance d’une jeune femme appelĂ©e Irene qui parlait bien anglais. Ensemble, elles ont fait de longues dĂ©marches pour me retrouver et obten...

Table des matiĂšres

  1. Page couverture
  2. Faux-titre
  3. Crédits
  4. Note sur la terminologie
  5. Titre
  6. LĂ©gende
  7. Chapitre 1
  8. Chapitre 2
  9. Chapitre 3
  10. Chapitre 4
  11. Chapitre 5
  12. Chapitre 6
  13. Chapitre 7
  14. Chapitre 8
  15. Chapitre 9
  16. Chapitre 10
  17. Chapitre 11
  18. Postface
  19. Les personnes mentionnées dans le livre
  20. Glossaire
  21. Bibliographie
  22. Table des matiĂšres
  23. QuatriĂšme de couverture