Les filles en série NE
eBook - ePub

Les filles en série NE

Des Barbies aux Pussy Riot

  1. 282 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Les filles en série NE

Des Barbies aux Pussy Riot

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Des corps féminins en rangées, qui se meuvent en synchronie. Ils ne se distinguent que par le détail d'un vêtement, d'une courbe, d'une teinte de cheveux. Les filles en série créent l'illusion de la perfection. Ce sont des filles-machines, filles-marchandises, filles-ornements. Toutes reproduites mécaniquement par l'usine ordinaire de la misogynie. Les filles sont des filles parce qu'elles sont en série. Mais la figure des filles en série est double: à la fois serial girls et serial killers de l'identité qu'on cherche à leur imposer. Entre aliénation et contestation, les filles en série résistent à leur chosification, cassent le party, libèrent la poupée et se mettent à courir.Cet essai percutant, paru pour la première fois en 2013, se déploie comme une chaîne qui se fait et se défait, depuis les Cariatides jusqu'aux Pussy Riot. Dans cette édition revue et augmentée, Martine Delvaux s'attaque à la blancheur des filles en série et analyse de nouvelles formes de résistance investies par les ballerines, les survivantes d'agressions et Beyoncé.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Les filles en série NE par Martine Delvaux en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Literatura et Crítica literaria para escritoras. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

CHAPITRE DIX-HUIT

Girls 1

Tuer les blondes, comme chez Hitchcock269, pour mettre à mort le pouvoir des femmes et les ressusciter (autant que faire se peut) en tant qu’auteures, question de se déculpabiliser de les avoir consommées comme des objets, sans scrupules. Mais aussi: tuer l’auteure, l’auteure blonde, et s’en vouloir après de l’avoir ainsi impunément assassinée, parce que la blondeur a fait qu’on n’a pas cru à son talent…
Est-ce pour cette raison qu’on a publié les Fragments de Marilyn Monroe, fac-similé et transcription de ses carnets accompagnés d’une série de photographies la montrant avec un livre à la main? On a tué la blonde pour ensuite la ressusciter en tant qu’auteure, question de tirer l’image vers les mots, de donner du sens à l’apparence, question aussi de montrer à la fois la profondeur de l’actrice pour expliquer son désarroi et se dédouaner d’avoir été partie prenante de sa lente exécution. Marilyn Monroe n’était pas idiote, elle savait dans quel univers elle évoluait. L’amener dans le monde des lettres, c’est non seulement la réinventer en intellectuelle qu’elle n’était sans doute pas270 (sans reconnaître tout ce que, par ailleurs, elle était271), mais refuser de reconnaître combien le monde de l’image est meurtrier pour les femmes, et comment Marilyn Monroe n’était ni la première ni la dernière à en faire les frais.
C’est ce prix que la jeune réalisatrice Lena Dunham, elle, refuse de payer. Nouvelle trouvaille de HBO en 2012 et 2013, créatrice et actrice de la télésérie Girls, Lena Dunham, si elle fait partie de cette série de jeunes femmes défilant sur les écrans, vient mettre des bâtons dans les roues de la représentation. Amputant la part de spectacle des showgirls, elle nous laisse aux prises avec des girls, quelque part entre Sex and the City, la cyberporno, les émissions de téléréalité (lieu actuel par excellence du commerce des femmes en série – Kim Kardashian, Paris Hilton, Nabilla et les autres) et les histoires de filles en gang, révoltées, délinquantes, hors-la-loi (depuis les Heathers, Bad Girls, Foxfire, Thelma and Louise… jusqu’au long métrage de Sofia Coppola The Bling Ring).
*
Au centre de la série, quatre amies aux noms faits d’allitérations. Hannah Horvath, Marnie Michaels, Jessa Johannsson et Shoshana Shapiro. Elles ont la jeune vingtaine. Elles commencent leur vie. On les voit ensemble – dans la rue, au parc, dans une fête, chacune avec les autres à l’intérieur de son appartement. Taille, rondeurs, longueur et teinte des cheveux, style, attitude, façon de parler… elles sont à peine différentes les unes des autres, et elles le sont juste assez. Dans un supplément au DVD produit par HBO, les quatre actrices sont filmées en train de discuter. Elles parlent de la télésérie, présentent les personnages qu’elles jouent, racontent qui sont les girls. Par moments, on ne sait plus qui parle et de qui, si c’est l’actrice qui s’exprime ou le personnage, et au bout du compte, on se retrouve devant quatre filles qui jouent quatre filles, ce qui, déjà, fait au moins huit.
Quelque part entre Seinfeld, Sex and the City et The L Word, Girls est l’œuvre de Lena Dunham, jeune cinéaste approchée par HBO après la diffusion de son premier long métrage (autofinancé) Tiny Furniture. Il y a un peu de tout dans Girls: l’amitié et le «nothing happens» de Seinfeld272, l’univers féminin et le sexe (plus ou moins explicite) de Sex and the City et The L Word, et il y a New York. Brooklyn, en particulier. Contrairement aux (grandes) filles de Sex and the City qui déambulaient dans les canyons lumineux de cette hypostase urbaine qu’est Manhattan, les girls de Dunham évoluent le plus souvent dans des rues dépersonnalisées, des lofts industriels et des appartements ordinaires, «les esclaves d’un endroit qui ne veut pas vraiment [d’elles]».
Blanches, de classe moyenne, début vingtaine, elles ne représentent pas tout le monde, toutes les filles, mais une majorité invisible blanche et privilégiée. On a d’ailleurs dit de Dunham qu’elle fait du «cinema of unexamined privilege273»: ici, les college girls américaines de bonne famille. Le personnage que joue Lena Dunham, Hannah Horvath, comme chacune de ses amies, se présente comme un pôle d’identification pour les filles telles qu’elles sont: «J’ai vu des émissions de télé avec des femmes qui se comportaient comme je voudrais pouvoir me comporter et avec des femmes qui se comportaient comme je déteste voir les femmes se comporter, mais aucune où on voyait des femmes se comporter comme on se comporte dans la réalité.»
Bien entendu, cette réalité est limitée, et les choix effectués par Dunham constituent, malgré elle, une sorte d’aveu, l’admission d’un angle mort à l’égard de la diversité. Comme le montre Roxane Gay dans Bad féministe, on peut (il faut) à la fois aimer Girls et en faire la critique:
Dunham est peut-être le produit d’une culture essentiellement myope et peu préoccupée par la diversité. Nous avons tous et toutes une image du monde idéal, et nous oublions parfois la réalité. L’absence de diversité de Girls rappelle le nombre de personnes qui sont victimes au quotidien de ségrégation raciale ou de classe. La blancheur éclatante des acteurs et actrices, leur milieu – la classe moyenne supérieure – et leur New York nous forcent à remettre en question nos propres vies et la diversité, ou son absence, dans nos cercles amicaux, artistiques ou professionnels. Que ce soit bien clair. La blancheur éclatante de Girls me perturbe et me déçoit. […] Pourtant, elle n’est pas la première à faire cette erreur, et elle ne sera certainement pas la dernière. Nous sommes folles et fous d’espérer que Dunham trouve une solution au problème de la race et de sa représentation à la télévision, en plus de peaufiner ses traits d’esprit de jeune adulte et de nous choquer avec des scènes de sexe atrocement gênantes274.
*
Girls, le titre choisi par Dunham pour sa série, est un métatitre, une abstraction. Un titre, au fond, qui ne nomme rien d’autre qu’une catégorie: celle des filles. Impudiques, iconoclastes, irrévérencieuses, imprévisibles, imparfaites et maladroites, on les voit avancer dans la vie un petit ratage à la fois: «Je pense que je suis la voix de ma génération, dit Hannah à ses parents, ou au moins une voix d’une génération.»
Si les Girls, comme les filles des bas DIM, forment un ensemble (toutes les girls), Dunham dit que les filles sont plus grandes que le titre. Que celui-ci ne pourra jamais inclure les membres de cette classe de filles, de ce groupe. Ainsi, l’homogénéité (le «toutes pour une» de l’ensemble Girls) est une fausse piste. L’écart qui sépare les girls entre elles, ce petit peu qui les différencie, figure le jeu entre chaque girl et elle-même – le «je est un autre» qui fédère leur identité. Être une fille, si on en croit cet exemple, c’est ne pas être une fille. Malgré les apparences, les girls font joyeusement partie d’une catégorie à laquelle elles échapperont toujours. Elles sont en marge de leur propre ensemble, elles se cherchent, se ratent, se désidentifient. C’est ici que réside leur puissance, et celle, aussi, des filles en série.
Dunham souligne que les filles vont vieillir mais que le titre, lui, ne changera pas. Comme un vêtement qu’on doit forcer sur soi alors qu’il a déjà été de la bonne taille et qui devient, au fil du temps, démodé: «Le titre Girls va simplement devenir de plus en plus bizarre et étrange», dit Dunham. On imagine les Girls à 30, 40, 50 ans, qui jouent encore les mêmes rôles, éternelles hipsters devenues des Golden Girls. Les filles sont des girls, et elles vont le rester. Elles ne deviendront pas des ladies. Témoin cette discussion autour d’un ouvrage lu par Hannah et Shoshana: Listen Ladies: A Tough Love Approach to the Tough Game of Love. C’est à propos de ce titre (un autre titre) qu’a lieu l’échange suivant:
Hannah: Qui sont les dames?
Shoshana: Mais voyons, nous sommes les dames!
Jessa: Je ne suis pas les dames!
Shoshana: Oui, tu l’es! Tu es les dames!
Jessa: Tu es injuste! Tu ne peux pas me forcer à être les dames!
Shoshana: Ok. Je suis la dame, elle est la dame, tu es la dame, nous sommes les dames!
Shoshana entreprend alors de lire des extraits du livre de psycho-pop, dont celui-ci: «Un rapport sexuel par derrière est dégradant. Vous méritez d’être avec quelqu’un qui veut regarder votre beau visage.» Plus tard, Jessa, furieuse, fait un commentaire à Hannah au sujet de cet extrait du livre:
Jessa: Cette femme est une dame horrible! Je n’aime pas les femmes qui disent aux autres femmes quoi faire, comment le faire et avec qui. À chaque fois que je fais l’amour, c’est mon choix!
C’est girls contre ladies, donc, les filles contre les dames (cette catégorie immuable, lourde d’un sens figé), le devenir-fille contre l’être-dame.
Que perdent les filles si elles deviennent des dames? demande la série. Ou plutôt que gagnent-elles sinon le droit de dire aux filles comment se comporter? L’opposition du XIXe siècle entre la fille publique et la dame épouse et mère serait-elle toujours actuelle?
*
Les ladies auxquelles les girls s’opposent, dans l’univers de Dunham, sont celles de Sex and the City, un intertexte installé dès le premier épisode et noté par nombre de critiques. La comparaison était inévitable. Dès lors, une immense affiche trône dans le studio de Shoshana Shapiro, la groupie, qui se compare d’emblée, ainsi que sa cousine Jessa, aux personnages de l’émission sœur. Cet intertexte, toutefois, est immédiatement liquidé, car rien ne reliera plus les personnages des deux séries, rien d’autre que leur sexe et New York.
Dans Sex and the City, la vie des personnages est narrée par la voix off de l’héroïne Carrie Bradshaw, qui raconte chaque épisode et énonce une morale à la fin comme une La Fontaine des temps modernes. Les filles de Sex and the City savent ce qu’elles cherchent dans le glamorama de New York: un homme, du fric, du style. Au fil des années, plus elles gagnent en statut et en pouvoir d’achat, plus elles perdent du poids. Progressivement filiformes et stylisées, Carrie et ses amies se déle...

Table des matières

  1. PRÉFACE À LA NOUVELLE ÉDITION
  2. Ne pas devenir blanche
  3. INTRODUCTION
  4. Je est une fille
  5. CHAPITRE PREMIER
  6. Filles en série
  7. CHAPITRE DEUX
  8. Jeune fille
  9. CHAPITRE TROIS
  10. Marginales
  11. CHAPITRE QUATRE
  12. Du latin pupa: petite fille, poupée
  13. CHAPITRE CINQ
  14. Natures mortes
  15. CHAPITRE SIX
  16. Filles- fétiches
  17. CHAPITRE SEPT
  18. Les filles des bas DIM
  19. CHAPITRE HUIT
  20. Tableaux vivants
  21. CHAPITRE NEUF
  22. Pointes
  23. CHAPITRE DIX
  24. Comme une fille enlève sa robe
  25. CHAPITRE ONZE
  26. Showgirls
  27. CHAPITRE DOUZE
  28. Filles de voitures
  29. CHAPITRE TREIZE
  30. Contes de filles
  31. CHAPITRE QUATORZE
  32. Une pour toutes, toutes pour une
  33. CHAPITRE QUINZE
  34. Miroir, miroir
  35. CHAPITRE SEIZE
  36. Lapines
  37. CHAPITRE DIX-SEPT
  38. Blondes
  39. CHAPITRE DIX-HUIT
  40. Girls 1
  41. CHAPITRE DIX-NEUF
  42. Girls 2
  43. CHAPITRE VINGT
  44. Filles de rue
  45. CHAPITRE VINGT ET UN
  46. L’armée de Beyoncé
  47. CONCLUSION
  48. Filles- lucioles
  49. BIBLIOGRAPHIE
  50. MERCI