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- French
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eBook - ePub
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Ă propos de ce livre
Vrai parler présente l'univers du rap québécois à travers les propos croisés de plus d'une quarantaine de ses acteurs. Dans une forme qui se trouve à mi-chemin entre une histoire orale et un portrait varié et nuancé de la scÚne actuelle, les artistes abordent des thÚmes comme l'engagement, la présence des femmes, les liens avec les médias traditionnels et l'industrie de la musique populaire au Québec, les relations avec le public et les considérations identitaires. Vrai parler offre une documentation inédite du rap québécois et présente cette pratique artistique par la voix de ses artisans.
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Informations
Sous-sujet
MusicSurvol historique
par Félix B. Desfossés et Olivier Boisvert-Magnen
Olivier Boisvert-Magnen : journaliste culturel (Voir et CISM)
On mentionne beaucoup dans lâidĂ©ologie populaire que ce serait Lucien FrancĆur et le Rap-Ă -Billy qui aurait dĂ©frichĂ© le terrain pour ce qui est de lâarrivĂ©e du rap au QuĂ©bec. Moi, je suis contre cette idĂ©e reçue, en fait nâimporte quel historien ou archĂ©ologue musical serait contre ça, mais je trouve que Lucien FrancĆur est un peu notre Gil Scott-Heron, dans le sens oĂč dans les annĂ©es 70, bien avant le Rap-Ă -Billy, avec son groupe Autâ Chose, il faisait dĂ©jĂ des poĂšmes narrĂ©s parfois avec un lexique franglais Ă©toffĂ©, par exemple sur la chanson Le freak de MontrĂ©al. Un genre de prĂ©curseur sans le vouloir, juste parce que câest un poĂšte qui voulait dĂ©clamer, dĂ©biter ses paroles au lieu de les chanter.
IndĂ©pendamment de ça, les dĂ©buts du hip-hop quĂ©bĂ©cois remontent au tournant des annĂ©es 80, y a peu de traces de ça, et câĂ©tait principalement en anglais. Et mĂȘme au-delĂ de ça, je dirais que câĂ©tait pas vraiment du rap, mais plus de la danse, du graffiti pis du deejaying. Je sais mĂȘme pas qui est le premier rappeur, en fait.
Félix B. Desfossés : journaliste culturel (Radio-Canada)
Les premiers Ă©vĂ©nements hip-hop en tant que tels, câĂ©taient des block partys, des partys de quartier que les gens ici appelaient des blockos, qui se dĂ©roulaient les premiers Ă Greenfield Park pis dans le quartier Notre-Dame-de-GrĂące. Câest lĂ vraiment quâil a commencĂ© Ă y avoir des DJ qui faisaient spinner du disco, du funk, et qui ont commencĂ© Ă faire des techniques de DJ, comme dans le cas du cutânâscratch qui Ă©tait ramenĂ© de Brooklyn. Ces partys-lĂ , dans le fond, ont lancĂ© la culture hip-hop Ă MontrĂ©al.
DJ Flight Almighty (jâoublie son vrai nom) vivait entre MontrĂ©al puis Brooklyn, pis il a commencĂ© Ă ramener de ses voyages Ă Brooklyn des informations pis, surtout, des techniques de DJ Ă MontrĂ©al. La mĂȘme chose pour Butcher T qui Ă©tait un des premiers DJ Ă MontrĂ©al. Faque dĂšs le dĂ©but du rap amĂ©ricain, fin des annĂ©es 70, dĂ©jà ça commençait aussi Ă MontrĂ©al avec des gens qui ramenaient ces influences-lĂ .
Olivier Boisvert-Magnen
Lâexportation de la culture amĂ©ricaine vers la culture quĂ©bĂ©coise, câest essentiel au dĂ©veloppement de la culture hip-hop ici parce quâil y avait rien qui passait Ă la tĂ©lĂ©. Donc souvent câĂ©tait des gens issus de lâimmigration qui Ă©taient Ă MontrĂ©al et qui allaient visiter leur famille aux Ătats-Unis. Câest ça qui a aidĂ© Ă former la culture hip-hop Ă MontrĂ©al. Par la suite, des gars comme 01Ătranjj et Shoddy, eux, avaient accĂšs Ă des magazines â que ce soit en provenance de Toronto ou de New York â, et ils pouvaient ĂȘtre au courant de ce qui se passait dans la culture amĂ©ricaine du hip-hop. Donc câest trĂšs vrai ce que FĂ©lix dit : beaucoup de prĂ©curseurs ont amenĂ© directement, physiquement, les techniques jusquâici.
Félix B. Desfossés
Pour moi, le premier jalon important çâa Ă©tĂ© le dĂ©but de lâĂ©mission de Mike Williams, qui passait le samedi soir sur les ondes de CKGM, Ă MontrĂ©al. Mike Williams, qui Ă©tait souvent accompagnĂ© de Butcher T, faisait jouer du hip-hop, du r&b, de lâelectro funk, finalement une espĂšce dâĂ©mission de musique urbaine oĂč le hip-hop avait beaucoup de place. Tranquillement, quand il y a commencĂ© Ă y avoir des MC Ă MontrĂ©al, Mike et Butcher T ont commencĂ© Ă les inviter Ă venir faire des cyphers les samedis soirs, je pense que câĂ©tait comme de 18 h Ă minuit, quelque chose comme ça. Faque ils pouvaient remplir beaucoup dâheures de radio avec de la musique live, avec des beats en arriĂšre pis les MC venaient. Ils ont pas mal enregistrĂ© comme ça les premiers MC Ă MontrĂ©al. CâĂ©tait beaucoup des anglophones parce que CKGM câĂ©tait une station de radio anglophone, mais y avait aussi lĂ -dedans beaucoup de francophones, de gens qui Ă©taient issus de lâimmigration, entre autres des HaĂŻtiens.
Mike Williams, en 84, est parti de MontrĂ©al pour aller Ă Toronto pour devenir DJ Ă MuchMusic, pis il est devenu animateur de tout ce qui Ă©tait crĂ©neau hip-hop et musique urbaine pour eux. Câest pour dire que çâa Ă©tĂ© un pionnier Ă MontrĂ©al pis aprĂšs ça une figure super importante de la musique urbaine au Canada au complet.
Parmi les premiĂšres personnes Ă faire du rap qui sont issues de la scĂšne hip-hop, y a Blondie B. Elle, dans le fond son vrai nom câest Ludmila Zelkine, elle est nĂ©e dâune mĂšre française et dâun pĂšre qui est aussi nĂ© en France, mais qui a grandi en Russie. Faque elle, elle pouvait rapper en français, en anglais, en espagnol, en russe. Elle avait aussi sa partner qui se faisait appeler Teddy Bear qui Ă©tait originaire dâHaĂŻti, faque elle pouvait rapper en français, en anglais pis en crĂ©ole. Ensemble, elles faisaient un duo, pis y avait aussi dâautres duos fĂ©minins comme Wavy Wanda & Baby Blue. Y a aussi beaucoup de DJ, plutĂŽt masculins, je pense Ă DJ Ray qui Ă©tait parmi les premiers. Tout ce monde-lĂ gravitait autour de Mike Williams pis de lâĂ©mission de CKGM. Ăa, câĂ©tait vraiment la scĂšne hip-hop de lâĂ©poque.
Ă cĂŽtĂ©, dans lâindustrie musicale quĂ©bĂ©coise, y a eu quand mĂȘme des rĂ©percussions du succĂšs de Rapperâs Delight3. Rapperâs Delight, câest en 1979, çâa comme fait connaĂźtre le rap Ă large Ă©chelle. Y a eu une espĂšce de rĂ©ponse un peu comique francophone par AndrĂ© Montmorency, qui Ă©tait un acteur homosexuel qui est devenu une icĂŽne de la culture gaie au QuĂ©bec.
Olivier Boisvert-Magnen
En fait, le rap francophone au QuĂ©bec est intimement liĂ© Ă la parodie Ă ses dĂ©buts. DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 80, les premiĂšres dĂ©monstrations de « rap » quâon a eues viennent de gens qui Ă©taient pas issus de la culture hip-hop, qui ont vu quâil y avait une tendance aux Ătats-Unis et qui se sont servis un peu de ça comme un canevas pour faire de lâhumour.
Félix B. Desfossés
AndrĂ© Montmorency faisait du rap parodique sous le nom de Christian Lalancette, un personnage quâil jouait dans lâĂ©mission Chez DeniseĂ Radio-Canada. CâĂ©tait un coiffeur qui Ă©tait mettons pas ouvertement homosexuel, mais qui incarnait Ă peu prĂšs tous les clichĂ©s possibles de lâhomosexualitĂ©. Donc, çâa Ă©tĂ© un pionnier, un peu, au petit Ă©cran, de la culture gaie au QuĂ©bec. Faque AndrĂ© Montmorency a sorti la chanson Wouch Wouch en 1980, et çâa Ă©tĂ©, Ă©trangement, un gros succĂšs parce quâon en retrouve encore des copies par dizaines, câest super facile Ă trouver ce disque-lĂ .
Olivier Boisvert-Magnen
Autour de la mĂȘme annĂ©e que Montmorency, y a Bill qui fait la toune. As-tu du feu (Beurre de peanut).On est assez loin du rap, mais y a un dĂ©but de narration sur un beat funky avec un DJ. AprĂšs ça on a, Ă©videmment, RBO qui a fait probablement le plus grand succĂšs rap des annĂ©es 80 au QuĂ©bec, avec la chanson Ăa rend rap. Encore une fois, oui ça ouvrait Monsieur Madame Tout-le-monde Ă cette culture-lĂ , mais en la ridiculisant, en jouant sur les stĂ©rĂ©otypes. Ăâa peut-ĂȘtre servi un petit peu, parce quâau moins les gens ont su câĂ©tait quoi du rap en français, mais bonâŠ
Félix B. Desfossés
On a aussi un 12ââ dâun groupe, lâartiste semble sâappeler OâBey et est accompagnĂ© par le Rhythm Section MontrĂ©al Rock. Y a pas dâinformations qui ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es sur qui sont ces gens-lĂ prĂ©cisĂ©ment, est-ce que câest quelquâun qui Ă©tait du QuĂ©bec ou qui Ă©tait de passage ici (parce que beaucoup dâartistes disco passaient ici et sâen retournaient par la suite). Mais ça, câĂ©tait vraiment du disco-rap. AprĂšs ça tâas commencĂ© Ă avoir toutes sortes dâautres exemples dâinfluences disco-rap avec plusieurs autres succĂšs, jusquâĂ tant quâon arrive au Rap-Ă -Billy de Lucien FrancĆur. Si on prend Blondie B, dont je parlais tantĂŽt, ben elle, ses premiers dĂ©mos datent de 1983. Donc câest vraiment en mĂȘme temps que Lucien FrancĆur est arrivĂ© avec son succĂšs. Y avait dĂ©jĂ une scĂšne hip-hop Ă MontrĂ©al, Lucien FrancĆur nâen Ă©tait pas issu, tâsais.
Y avait quand mĂȘme, faut dire, beaucoup dâautres rappeurs, DJ, beaucoup Ă MontrĂ©al-Nord, etc., et ça câest moins bien documentĂ©, je te dirais, Ă ce moment-ci [en 2019]. Le reste aussi est assez mal documentĂ©, mais de la scĂšne anglophone, tranquillement, les noms commencent Ă ressortir. Butcher T est encore actif Ă la radio de McGill en ce moment.
Olivier Boisvert-Magnen
Butcher T est une rĂ©fĂ©rence vivante, qui a lui-mĂȘme connu les dĂ©buts du hip-hop influencĂ©s par la culture amĂ©ricaine. Câest une de nos lĂ©gendes, trĂšs sous-estimĂ©e parce quâil y a tellement pas de traces de ça quâon peut mĂȘme pas donner suite Ă lâhistoire ou la propager. Mais Butcher T est clairement un Ă©lĂ©ment fondateur de la culture hip-hop dâici.
Faque tout ça câest des balbutiements dont on a gardĂ© peu de traces. Câest pas pour rien quâil y a beaucoup de gens qui remontent Ă Lucien FrancĆur, câest parce quâon a presque pas de traces, y a personne qui a enregistrĂ© dâalbums quâon peut Ă©couter maintenant.
Dramatik, par exemple, avait dĂ©jĂ commencĂ© Ă rapper (en anglais) en 91. Mais ça, on le sait parce que câest Dramatik et quâil peut nous le dire. Mais tous les rappeurs de cette Ă©poque-lĂ qui ont lĂąchĂ© peu aprĂšs, on a aucune idĂ©e ils sont oĂč. Tâsais, FĂ©lix fait un travail dâarchĂ©ologue, mais y a des limites Ă ce quâil peut faire, surtout quand çâa pas Ă©tĂ© enregistrĂ©. Le rap Ă©tait une culture immatĂ©riel...
Table des matiĂšres
- Page couverture
- Titre
- Crédits
- Citation
- Avant-propos
- Survol historique
- Icitte
- Trajectoires et reconnaissance
- Vrais reconnaissent vrais
- La game
- Garde ta job
- Territoire hostile
- Présence en ligne
- All Hail the Queens
- Mentalité Moune Morne
- The Message
- Biographies des intervenants
- Remerciements
- Bibliographie
- Collection
- Fin
- QuatriĂšme de couverture