CONTES DU TEMPS PASSÉ
Une histoire de chasse-galerie
2011
Maxime Robin
LE VIEUX
LE JEUNE
LE PEUREUX
LE COURAGEUX
LE SILENCIEUX
LE DIABLE
LE PRÊTRE
LA FEMME DU VIEUX
LA FILLE DU VIEUX
LA FEMME DU PEUREUX
LA FEMME DU COURAGEUX
PARTIE I – LES HOMMES
La scène est dans une cabane de bois, perdue au fond d’une forêt. Les cinq hommes sont dispersés dans l’espace. Le silencieux gosse un bout de bois dans le coin. Le peureux est assis près de la fenêtre. Le jeune trépigne. Le courageux est allongé. Le vieux est au centre. On entend les femmes chanter. Le vieux allume une bougie. Il est le seul éclairé.
LE VIEUX – C’était une fois une cabane. Perdue au beau milieu de la forêt. Dans la cabane, y avait une p’tite fille. Était tu seule. Avec sa mère. Son père était parti parce qu’y avait une bête qui rôdait dans la forêt. Une bête ben sauvage, ben féroce. On avait retrouvé des cadavres d’hommes. Y pensaient que ça devait être un loup. Mais y fallait qu’y soit ben gros. Faque la mère pis la p’tite étaient toutes seules dans la cabane. La grand-mère d’la p’tite était ben malade, pis y aurait fallu aller y porter de quoi à manger, parce qu’a vivait de l’autre bord de la forêt. Mais la mère avait ben trop peur de sortir. Faque a l’a envoyé la p’tite. Mais elle était pas négligente, a l’a ben prévenue de faire attention à la bête. De faire ben ben attention à la bête. A y a mis un beau manteau de laine rouge su’l’ dos pour être ben sûre que la bête la remarque pas dans le feuillage rouge de l’automne. Faque la p’tite est partie avec son panier de vivres, pis son manteau rouge. Non loin de là, dans le bois, son père guettait. Y était ben tu seul. Y pensait à sa fille, pis à sa femme qu’il avait laissées toutes seules dans maison. Y gardait l’œil ouvert. Pis la main sur son couteau. Y avait pas âme qui vive autour de lui. Y attendait juste le loup. Y attendait juste la bête. A finirait ben par venir. Pis pendant qu’y attendait, la nuit est tombée. Pis pendant que la nuit tombait, y s’est mis à neiger. Toute est devenu noir pis blanc autour de lui. Pis y pensait à sa fille, pis y gardait l’œil ouvert. Pis y pensait à sa femme, pis y gardait la main sur son couteau. Sa femme. Sa fille. Son couteau. La bête. A finirait ben par venir. Tout à coup, y a senti quelque chose s’approcher. Y l’avait tellement attendue. La maudite bête ! Y a vu rouge. Il lui a sauté dessus. L’œil ben ouvert, il a plongé son couteau dans sa gorge, pis il lui a tranché ‘a tête. Sans se retourner, y a couru jusqu’à sa cabane, pour retrouver sa femme. Y avait tellement attendu. Y a ouvert grand la porte, pis il lui a montré la tête de la bête, son trophée de chasse. Le retour de la paix dans la forêt. Pis y y a dit : « J’te l’avais ben dit qu’a finirait par venir ! » Sa femme s’est mise à hurler. Dans sa main, par les cheveux, y tenait la tête de sa p’tite.
Les autres allument leurs bougies. Pendant toute la scène, le jeune marche de long en large.
LE JEUNE – Pfff…
LE VIEUX – L’homme est une bête. Une bête qui s’habille, une bête qui s’graye. Une bête qui marche sur deux pattes, mais ça serait pas la première. Une bête qui parle… mais pour ça non plus ça serait pas la première. Une bête comme dans les bois. C’est la femme qui le garde dans maison.
LE JEUNE – J’peux te nommer une couple de femmes que j’ai amenées dans le bois !
LE VIEUX – Commence pas !
LE JEUNE (fâché) – Non, mais pour de quoi c’est faire tu nous as conté ça ?
LE VIEUX – Pour passer le temps.
LE JEUNE – Ouais, ben, y passe pas ben ben plus vite, le temps…
Tous soupirent.
LE PEUREUX – Ton histoire est nonode, de toute façon, y a pas de loup dans le coin.
LE JEUNE – Tu vois ben que tu y as faite peur !
LE VIEUX – Y a pas besoin d’une histoire pour avoir peur.
LE PEUREUX – J’ai pas peur ! J’aurais p’t’être peur si y avait des loups, dans ...