Invisibles
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Invisibles

  1. 58 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Détails du livre
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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Chloé, une ado de 15 ans, étouffe dans sa vie terne de banlieue. Pour avoir la vie intense et sans limite à laquelle elle aspire, elle décide de tout quitter en effaçant ses traces.À la merci de la bonne volonté et des exigences des camionneurs, elle parcourt les routes des États-Unis. Entre les squats, les trucks stop et les haltes routières miteuses, elle découvre le revers sordide de cette vie d'errance mais aussi l'amitié qui s'installe solidement entre deux écorchées. Elle laisse dans son sillage le désespoir de sa mère qui ne comprend pas sa rage et le sentiment d'impuissance de l'enquêteur confronté quotidiennement à la détresse qui se profile derrière les fugues.

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Informations

Année
2018
ISBN
9782895029540

CHLOÉ – Chloé. Pas trop vieille, mais déjà, déjà plus très jeune…
P – Jeune oui oui, j’pense qu’on peut dire ça.
STACY – L’âge se calcule pas en années, mais en coups de deux par quatre reçus en pleine face.
P – Peut-être que j’dis ça parce que j’le suis plus, jeune. Si j’avais douze ans, probablement que j’la trouverais vieille. Mais c’est pas le cas.
CHLOÉ – Y a des centaines d’inconnus qui traversent nos vies. Des gens dont on sait à peu près rien. Ils sont là un moment, ils font quelque chose, ils ont une fonction, le gars du câble, le livreur de pizza…
P – J’suis policier…
CHLOÉ – … la caissière, mais on sait presque rien sur eux. Un parfum, des cernes lourds…
P – J’pense à ça, j’pense que j’lui ai jamais dit mon nom, j’ai oublié j’pense. Pourtant… j’y ai jamais dit.
CHLOÉ – Y en a qui sont fins pareil, qui te marquent. C’est comme ça, faut pas chercher plus loin. Des fois, la vie, c’est juste comme ça.
LISE – Madame Lise St-Aubin. Elle avait peut-être quatorze ans quand elle a commencé, du jour au lendemain. Madame Lise St-Aubin. Je crois qu’elle a commencé ça presque par hasard pis qu’elle s’est trouvée très drôle. Depuis ce temps-là, elle m’appelle toujours et en toutes circonstances…
CHLOÉ – Madame Lise St-Aubin.
LISE – Comme si on était des collègues de travail, une relation professionnelle.
CHLOÉ – Relation impersonnelle, comme dans « tu n’es personne ».
STACY – … C’est sa mère.
CHLOÉ – Et toi tu es…
STACY – Stacy. J’viens d’une petite ville des États-Unis, dans le fin fond de l’Arkansas, en fait du fin fond d’une petite ville de l’Arkansas. Un trailer park comme seuls les majestueux États-Unis d’Amérique sont capables d’en pondre : coco d’une poule pas de tête, avec pas de jaune, ben du blanc épais. Une coquille réparée avec des bouts de plywood pis de plastique, ça prend l’eau quand y a un orage. Beau gâchis au cœur de l’Arkansas.
CHLOÉ – Les choses. Les gens, les routes, les arbres, les, les camions, les champs de maïs, les coiffeuses, les serveuses, les chiens, les craques, dans les trottoirs, les craques dans les trottoirs, les douches payantes, les autoroutes, les lampadaires, le bruit de tout ce qui bouge, les rats morts, les conteneurs à déchets, les hommes, mes souliers, moi.
Si les choses avaient été différentes, j’aurais pu être heureuse. Comme un, heureuse, comme un, heureuse, comme un cochon dans la boue après un orage à faire des drôles de bruits et à me tourner et retourner. Dans la terre humide.
« Crisse de folle ! » C’est c’que j’lui crie par la tête. Pas la première fois, une engueulade, une autre. Chaque mur de chaque couloir de ma maison me déchire la peau, chaque bouchée de l’immangeable ragoût de boulettes dont elle est donc tant tellement donc fière cache des lames de rasoir avides. Sa peau aussi m’écorche quand elle veut me donner un bec avant de partir à l’école. En lambeaux.
LISE – Bonne fête ma grande.
STACY – Quinze ans.
LISE – C’est normal de dire ça à sa fille. Honnêtement, quand on se donne la peine de dire ça à sa fille et d’aller lui acheter un beau cadeau, on est en droit de s’attendre à un merci, je sais pas, à de la gratitude, tellement anachronique comme concept, ou bien au pire à… Pas à des insultes.
CHLOÉ – Est là avec son sourire pis son cadeau de marde, son « Bonne fête », son « ma grande » de marde. C’est demain ma fête, de toute façon tu t’en fous, pour toi ma fête a toujours été une sorte de tâche à accomplir. Une corvée ménagère. Je suis pas une chemise qu’on lave, qu’on repasse pis qu’on peut oublier sur un support dans l’garde-robe. « Bonne fête », une journée d’avance, un mois. Ouain pis ? Ce sera faite. Tu peux être sûre que j’veux pas passer ma fête avec toi.
LISE – Tu m’as dit que tu passais la fin de semaine chez Julie pour étudier, ça fait que j’te souhaite bonne fête tout de suite.
CHLOÉ – Beaucoup de devoirs. Une montagne.
LISE – Pas simple de lui trouver un cadeau. J’pourrais lui demander ce qu’elle veut…
STACY – Comme si tu le savais ce qu’elle veut.
LISE – … une patente électronique qui coûte trop cher j’imagine, mais ce serait le chemin de la facilité. Pour moi, un cadeau c’est une façon d’établir un contact, c’est tenter de trouver quelque chose de moi qui peut s’insérer dans son univers. Un médiateur fait objet.
Il paraît qu’y est très bien fait, très terre à terre. J’sais que t’aimes pas beaucoup les livres trop théoriques.
CHLOÉ, déballant le cadeau. – Malgré tout, ses commentaires, ses insinuations, sa platitude, malgré tous ses efforts pour m’aspirer dans son univers de beigitude, pour que moi, moi aussi j’passe ma vie à rien, à ne rien, à attendre que ça passe, malgré ses chums cons, ses chandelles à la lavande, ses coachs de vie, ses quatorze pilules de vitamines et minéraux et autres patentes antioxydantes englouties chaque jour, malgré quinze ans à s’arracher les cheveux, malgré moi, c’est comme ça j’suis mal faite, il reste une microscopique poussière d’espoir dans mon œil sec. Le cadeau qui effacera tout. Toujours ce maudit espoir, toujours ce couteau planté dans le cœur à Noël pis à ma fête.
LISE – J’sais que le titre fait un peu… Mais en fait, ça parle juste de, d’être bien avec les autres, de gestion de tes…
CHLOÉ – « J’apprends à être gentil ».
LISE – Ça va t’aider. À l’école, au travail plus tard, partout.
CHLOÉ – Merci. Tu vois, je mets déjà tes enseignements en pratique.
LISE – Voilà, encore. Parfois c’est une remarque que j’lui fais sur sa façon de s’habiller, sur son allure, parfois c’est un reproche pour pas m’avoir prévenue qu’elle rentrerait pas, ou une, une émission de télé que j’écoute, une, une respiration que j’prends. Aujourd’hui, c’est un cadeau. T’as pas besoin d’être méprisante.
CHLOÉ – Jamais eu aucune idée de ce que j’avais besoin. À ta fête, j’vais te donner un livre moi aussi : « J’apprends à ne plus être une crisse de folle ».
LISE – Je te défends de me parler sur ce ton-là.
CHLOÉ – Madame, je considère que vous êtes une crisse de folle.
LISE – Chloé…
CHLOÉ – Jamais j’vais lire ça.
LISE – Va réfléchir dans ta chambre.
CHLOÉ – Crève !
LISE – Dans ta chambre.
CHLOÉ – J’t’haïs, j’t’haïs. Tu passes ton temps à dire « Parle-moi », mais quand j’te dis ce que j’pense, bang !, tu m’envoies dans ma chambre. J’dis des gros mots : dans ta chambre. J’te dis que ton chum est un moron : dans ta chambre. J’rentre plus tard que prévu, je baise, parce que oui moi j’ai un corps vivant, la vie, vivre, ça te dit plus rien, mais moi oui, j’veux qu’on me touche, l’amour viendra : enwèye dans ta chambre. Tu vois une étincelle dans mes yeux : dans ta chambre.
LISE – Quand ça que je t’écoute pas ?
CHLOÉ – Tout le temps.
LISE – Quand ça tout le temps ? Vas-y, dis-moi quand, donne-moi des exemples, des moments où j’t’ai pas écoutée.
CHLOÉ – Tu m’écoutes jamais.
LISE – Quand ? Si y a tellement de situations où ton horrible mère t’écoute pas, ça doit être facile d’en dire une.
CHLOÉ – Laisse faire.
LISE – Qu’est-ce que tu veux tant me dire ?
Honnêtement, jamais rien compris, là-dessus elle a raison. Tout, je fais tout ce qui est humainement possible. Des reproches, des cris. Elle fait de la projection et me met sur le dos ses manques à elle, son incapacité de communiquer, sa fermeture.
J’veux, suis là, mais ma fille est une huître. Tout à l’heure, j’vais monter dans ma chambre, seule, j’m’assoirai devant ma commode avec son gros miroir. En silence. J’me demanderai ce que j’ai fait, quel virage j’ai raté. J’verrai mon visage, mes rides, peut-être une repousse. Mes yeux, dans le miroir mes yeux… Si lourds.
Qu’est-ce que tu veux tant me dire ?
CHLOÉ – Que ma vie serait meilleure si t’étais morte. Que t’es à chier avec tes reproches par la bande. Jamais, j’suis jamais correcte, j’fais jamais la bonne affaire. J’ai cru, toute petite, à l’amour inconditionnel, comme une conne. Mais non, les parents sont pas là pour leurs enfants, y sont comme tout le monde pis y s’occupent d’eux-mêmes en premier. Après, y te disent que c’est pour ton bien…
STACY – … qu’y se sacrifient, qu’y feraient tout pour toi. Si c’était vrai, ils arrêteraient d’être aussi bouchés…
CHLOÉ – … y aimeraient leurs enfants comme du monde, pis s’y sont pas capables parce qu’y sont trop poqués pis que la vie les a pas manqués eux non plus, ben y prendraient les moyens, y en a des moyens d’être moins fuckés.
STACY – Y changeraient s’y étaient sérieux, s’y voulaient vraiment le bien de leurs enfants.
CHLOÉ – Les ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Crédits
  4. Invisibles
  5. Dans la collection « L’instant scène »