L'espace plein
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L'espace plein

  1. 114 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Auteur, metteur en scène et compositeur, Jean-Frédéric Messier s'attache, dans L'espace plein, à retracer les étapes qui ont mené à la création de la compagnie Momentum, de même qu'à la création de cinq productions réalisées entre 1993 et 2003. En revenant sur les démarches et réflexions de ces aventures scéniques, il parvient à livrer, sur un ton personnel, un essai fascinant sur l'émergence d'une forme théâtrale unique, le théâtre in situ. En s'appuyant sur les écrits des différents auteurs qui ont réfléchi à cette forme, et en s'autorisant des recherches du côté de l'anthropologie et de l'histoire de la représentation, Jean-Frédéric Messier parvient à conjuguer histoire théâtrale, histoire du Québec et histoire de la scène, tout en maintenant un rythme agréable, une prose simple et des réflexions fertiles.

Foire aux questions

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Informations

Année
2019
ISBN
9782895029878
Sous-sujet
Théâtre
II
LIEUX INTÉRIEURS
Space Is the Place
Sun Ra
A. L’espace plein de libertés | Helter Skelter (1993-1994)
« De toutes les manières possibles, Momentum cherche à satisfaire son besoin de décloisonner l’acte théâtral — son processus comme son objet —, ce qui est on ne peut plus compatible avec l’esprit du risque qui caractérise la pensée expérimentale. Les membres de L’Œuf remettent systématiquement en question les idées communément admises, interrogeant sans relâche la nature même du théâtre et son sens profond, la relation fondamentale qui se développe entre l’acteur et le spectateur ainsi que le lieu où fleurit l’acte théâtral. Dans le cas de Helter Skelter, la dissidence passe en large partie par une conquête audacieuse de l’espace scénique. » (Élizabeth Plourde dans Messier, 2018, p. 14.)
Texte : Jean-Frédéric Messier, avec la participation de Stéphane Demers et du reste de l’équipe
Mise en scène : Jean-Frédéric Messier.
Concepteurs : Manon Choinière, Marie-Claude Joly, Linda Brunelle, Marc Dessaulles, Synergie (Jimmy Lakatos, Yves Labelle, Louis Veillette).
Coproducteur : Théâtre Il va sans dire.
Musique : Marc Dessaulles et Extasium.
Distribution : Kim Aleksander, André Barnard, Céline Bonnier, Nathalie Claude, Stéphane Demers, James Hyndman, Dominique Leduc, Sylvie Moreau, François Papineau et Marcel Pomerlo.
Après Le dernier délire permis et Nuits blanches, j’ai proposé à Momentum de travailler sur un projet qui s’intitulerait Helter Skelter. L’expression désignait à l’origine une glissoire pour enfants qu’on retrouvait dans des parcs publics en Angleterre. C’est ce qui a inspiré aux Beatles les paroles d’une chanson parue en 1969 sur le White Album : « When I get to the bottom, I go back to the top of the slide, where I stop and I turn and I go for a ride, ’til I get to the bottom and I see you again […] ». Moins d’un an après la parution de la chanson des Beatles, l’expression Helter Skelter est devenue tristement célèbre lorsqu’elle a été retrouvée écrite sur les murs de la maison de l’actrice de cinéma Sharon Tate, une des cinq victimes de la tuerie sordide qui a eu lieu à son domicile. Ces assassinats ont été désignés par la suite comme « les meurtres Manson », en référence à Charles Manson (1934-2017), le meneur du groupe de jeunes gens dont faisaient partie les meurtriers. Ce groupe se faisait appeler The Family, et vivait en commune dans le désert de la Californie. Manson agissait comme gourou principal et interprétait les paroles de la chanson des Beatles comme la prédiction d’un conflit social.
Ces évènements m’intéressaient en raison des proportions mythiques qu’ils occupaient dans la psyché nord-américaine. Ils mettaient en scène des éléments importants de la culture états-unienne : les demi-dieux de Hollywood, la contre-culture, les luttes raciales et sociales des années 1960, la manipulation politique, la Bible, la cellule familiale, le domicile, le rock’n’roll, les Beatles. La photo de Charles Manson, les yeux exorbités sur la couverture du Time Magazine, avait terrorisé la population et le personnage était devenu une figure diabolique dans l’imaginaire populaire. Ma perspective personnelle sur le sujet se fondait sur l’idée que les meurtres Manson avaient sonné le glas des mouvements de contestation aux États-Unis. Ils annonçaient le début de la fin du vent de changement qui avait soufflé en Amérique du Nord au cours de la décennie 1960.
Helter Skelter, dont j’ai dirigé l’écriture et assuré la mise en scène, se distingue de nos autres productions puisqu’elle a connu trois versions dans trois lieux différents, une situation qui ne s’est jamais reproduite par la suite.
1. Premier atelier : le 1124, Marie-Anne Est
L’espace est au théâtre ce que la matière est au sculpteur, et l’écran, au cinéaste : il n’y a pas d’œuvre sans lui. Mais, dans la cité capitaliste, tout espace a une valeur foncière et chaque mètre carré est occupé. Le premier enjeu matériel de la création théâtrale est donc d’obtenir un accès, d’une manière ou d’une autre, à un espace quelconque, préférablement chauffé et éclairé.
Depuis ses débuts en 1990, Momentum a connu plusieurs espaces de travail différents. Comme dans de nombreuses villes du monde, les artistes de Montréal occupent les territoires délaissés par la déflation industrielle, avant d’être délogés par la hausse des valeurs immobilières dans les quartiers qu’ils ont contribué à revitaliser. Le premier local dans lequel nous avons travaillé était celui que la compagnie Pigeons International partageait avec Imago Théâtre. C’était rue Saint-Dominique, avant que le quartier du Plateau-Mont-Royal ne commence à battre des records de spéculation immobilière. C’est dans ce local, où la neige tombait par les craques du puits de lumière, que nous avons créé Le dernier délire permis, avant de déménager la pièce au Théâtre La Licorne.
Pour tenter de régler cette question d’accès à l’espace, j’ai personnellement acheté un loft au 4060, boulevard Saint-Laurent pour m’y loger et héberger Momentum. Cette cohabitation s’est révélée plus difficile que prévu, surtout pour mes voisins. Mais nous avons tout de même réussi à y répéter Nuits blanches, avant de transplanter le spectacle au Théâtre La Chapelle.
Entre 1990 et 1996, Manon Choinière a fait partie de Momentum et a contribué aux créations par l’éclairage, la scéno­graphie, et même les costumes, selon les productions. J’ai vécu avec elle les épreuves et les frustrations des entrées en salle au Théâtre La Licorne et au Théâtre La Chapelle. Manon nous a présentés à Marie-Claude Joly, qui a tout d’abord travaillé avec nous à titre de directrice technique, mais qui est rapidement devenue notre « directrice des miracles ».
Après Nuits blanches, Manon et moi étions d’accord pour tenter l’aventure in situ et c’est elle qui est partie à la recherche d’un endroit où nous pourrions créer et présenter Helter Skelter. L’objectif à ce moment-là n’était pas vraiment de s’évader du théâtre, mais plutôt d’éviter la rupture contre-productive entre l’espace de répétition et le lieu de représentation. Cette volonté s’accompagnait d’un désir d’utiliser l’architecture spécifique des endroits où nous allions travailler pour créer la matière théâtrale. Plutôt que de construire un décor issu de notre imagination, nous voulions adapter notre imaginaire au contexte réel dans lequel nous étions en train de créer.
Marie-Claude et Manon avaient réussi à louer le 3e étage du 1124, rue Marie-Anne Est, une adresse où logent aujourd’hui un bureau d’architecte et une agence de publicité. L’édifice venait d’être rénové et l’espace était libre pour quelques semaines avant que les futurs locataires en prennent possession. L’étage était complètement ouvert et l’espace disponible était d’environ 2 500 pi2, divisé en deux moitiés égales, séparées par quelques colonnes. Une des deux moitiés était fenestrée, l’autre pas. Les fenêtres laissaient voir un peu de ciel ainsi que les immeubles voisins. Dans l’espace entre les deux moitiés du local, il y avait un vieux monte-charge toujours en fonction, garni de son grillage métallique en accordéon.
Nous avions loué l’étage pour quatre semaines, les trois premières pour le travail de création et la dernière pour une série de représentations publiques. L’objectif principal de cette première étape de création était de partager les résultats de mes recherches avec les acteurs et de leur demander d’impro­viser des scènes à partir de ce matériel. L’équipe de cet atelier était composée de neuf acteurs et de moi-même. Avec Marc Dessaulles, j’accompagnais musicalement les scènes des comédiens, au besoin.
Dans le récit qui suit, je décris le souvenir d’un moment de tension vécu au début des répétitions qui illustre de quelle manière un lieu peut manifester son hostilité à la pratique théâtrale.
La première journée de l’atelier, l’équipe est réunie dans le local sur Marie-Anne, qui sent encore la peinture fraîche. Je suis un peu nerveux, je n’ai jamais travaillé avec James Hyndman, Patrick Goyette et Nathalie Claude. Je connais un peu Nathalie, mais je ne sais pas à quel point les deux autres sont habitués au travail collectif de création. Tout le monde s’est changé en vêtements mous et les gens se rassemblent en cercle pour s’échauffer lorsque le système d’alarme, nouvellement installé, se met à sonner. C’est un son strident dans un local vide aux murs de ciment et de vitre. J’essaie de l’ignorer et d’amorcer les premiers mouvements, mais ça n’a aucun sens. Je me souviens à ce moment-là d’avoir lu quelque part que les sonneries d’alarme sont spécialement conçues pour s’attaquer au système nerveux et faire paniquer les cambrioleurs. À l’aide de quelques sacres, j’intime mon collègue Stéphane Demers de faire quelque chose, mais qu’est-ce que je veux qu’il fasse ? J’ai chaud, le son est trop fort, tout le monde me regarde et attend que je fasse quelque chose, alors je le fais. Je vais vers le haut-parleur du système d’alarme et je tire de toutes mes forces. Le fil se rompt. Silence. Soulagement.
On reprend nos exercices, mais après quelques instants, le propriétaire, qui vient de dépenser beaucoup d’argent pour rénover son immeuble, fait son entrée dans le local et constate les dommages que j’ai causés. Heureusement, Manon et Marie-Claude apparaissent à temps pour empêcher l’homme de s’en prendre à mon intégrité physique. Mais avant qu’elles n’arrivent à le convaincre de quitter les lieux, il a quand même le temps de me crier : « Toi, quand un chien jappe, est-ce que tu le tues ? »
Ce court récit illustre certaines difficultés caractéristiques de la pratique du théâtre in situ. Les professionnels du théâtre ont l’habitude de travailler dans des endroits qui ont été conçus pour eux, ce qui fait en sorte qu’ils sont toujours bien accueillis dans ces lieux. Que ce soit les espaces de répétitions ou de représentations, les artistes sont chez eux, à leur place. Des endroits où ils sont estimés et valorisés. Les lieux spécialisés dédiés à l’expression artistique font partie d’une praxis culturelle solidement ancrée et choisir d’y déroger constitue une forme de transgression. C’est un peu comme sortir les animaux du zoo, les prisonniers des pénitenciers, ou les fous de l’asile. L’image paraît moins grossière lorsqu’on se rappelle que Platon considérait le théâtre et la poésie nocifs pour les citoyens et qu'il a argumenté pour les expulser du territoire de la Cité (La République, Livre X, 607). Quoi qu’il en soit, l’artiste qui choisit de sortir du terrain de jeu que lui accorde la société se place automatiquement en situation d’illégi­timité et il n’aura plus droit aux égards, aux traitements parfois princiers auxquels il peut s’attendre dans un environnement destiné à sa pratique.
Notre méthode de création intégrait différentes approches dont quelques-unes étaient inspirées des Cycles Repères. Pendant trois semaines, les comédiens ont créé de courtes scènes à partir d’éléments concrets, les fameuses « ressources sensibles », qui peuvent être immatérielles (récits ou évènements), mais qui ne peuvent pas être abstraites (concepts, idéologie ou sentiments). Cette distinction nous a permis de demeurer loin du théâtre à thèse, pédagogique ou utilitariste. La méthode des Cycles Repères se nourrit de ressources sans savoir où elles vont mener, une approche qui nous paraît plus fertile qu’un trajet de création dont la finalité est connue d’avance. Dans le cas de Helter Skelter, ces ressources incluaient une trentaine de personnages qui avaient été touchés de près ou de loin par l’affaire Manson et une dizaine d’endroits associés à ces évènements. Parmi cette liste de lieux possibles figuraient une maison de Berverly Hills, le désert de Death Valley, une salle d’interrogatoire, une prison, etc. À ces sources d’inspiration tirées de la documentation historique s’ajoutaient des objets matériels comme des accessoires, des costumes, ainsi que notre lieu de travail lui-même et les différents espaces qu’il permettait de créer.
Les acteurs se séparaient en petits groupes ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux titre
  3. Du même auteur
  4. Page titre
  5. Crédits
  6. Dédicaces
  7. Introduction
  8. Chapitre I
  9. Chapitre II
  10. Chapitre III
  11. Conclusion
  12. Références
  13. Dans la même collection
  14. C4