Frankenstein lui a échappé
eBook - ePub

Frankenstein lui a échappé

Les tourments cinématographiques d'un mythe moderne

  1. 187 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Frankenstein lui a échappé

Les tourments cinématographiques d'un mythe moderne

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Publié à l'hiver 1818 alors que sa jeune auteure Mary Shelley n'avait que vingt ans, Frankenstein allait devenir un monument de la littérature anglaise, signaler une mutation dans le genre horreur gothique, établir les bases de la science-fiction, devenir avec Dracula l'un des deux piliers de la mythologie contemporaine liée au fantastique et engendrer plus de cent cinquante films depuis 1910. Pourtant, de toutes ces œuvres, aucune ne semble vraiment aborder directement le thème principal du roman, ni traiter les personnages de Victor Frankenstein et du Monstre comme l'auteure les avait envisagés. Comment les scénaristes et réalisateurs ont-ils abordé Victor Frankenstein et son monstre dans ces films? Malgré les digressions s'éloignant du roman et le glissement progressif des rôles de Victor et du monstre, quelles sont les œuvres qui se démarquent et qui apportent des variations dignes de mention et originales? Quelles sont les fausses adaptations qui, malgré leurs prétentions, trahissent l'esprit même du roman et les personnages sans insuffler aucune idée nouvelle? Quels sont les films qui se distinguent dans l'histoire du cinéma?Avec Frankenstein lui a échappé, André Caron répondra à ces questions en décortiquant une quinzaine de films qui ont contribué à alimenter le mythe de Frankenstein, sur les plans historique, thématique, cinématographique et esthétique.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Frankenstein lui a échappé par André Caron en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Media & Performing Arts et Film & Video. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2018
ISBN
9782895029564
Chapitre 1
Les faits et le mythe entourant Mary Wollstonecraft Shelley
Une sinistre nuit de novembre, je pus enfin contempler le résultat de mes longs travaux. Avec une anxiété qui confinait à l’agonie, je disposai à porter de ma main les instruments qui allaient me permettre de transmettre une étincelle de vie à la forme inerte qui gisait à mes pieds. Il était déjà une heure du matin. La pluie tambourinait lugubrement sur les carreaux, et la bougie achevait de se consumer. Tout à coup, à la lueur de la flamme vacillante, je vis la créature entrouvrir des yeux d’un jaune terne. Elle respira profondément, et ses membres furent agités d’un mouvement convulsif. (Shelley, 2009, p. 118)
Ce passage inoubliable ouvre le chapitre V de l’édition révisée en 1831 par Mary Shelley de Frankenstein ou le Prométhée moderne. Grâce à ses effets savamment mesurés (« sinistre nuit », « une heure du matin », pluie lugubre, « flamme vacillante », « yeux d’un jaune terne »), la scène classe à elle seule le livre dans le genre littéraire « horreur gothique » de la fin du XVIIIe siècle, sans pour autant en adopter la trame narrative conventionnelle, dans laquelle une jeune femme virginale est poursuivie par un homme mal intentionné dans un château délabré ou un paysage menaçant. Cependant, les personnages du roman s’apparentent davantage à ceux associés au courant romantique, qui allait traverser tout le XIXe siècle. La présence d’un homme de science, pas encore un scientifique ni un savant, mais plutôt un étudiant en philosophie naturelle, anticipe toutefois un autre courant. Comme le monstre qui ouvre ses yeux jaunes pour la première fois, la science-fiction vient d’éclore sans que personne s’en rende compte. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que ce genre prendra vraiment forme avec l’œuvre de Jules Verne (1828-1905) et de H. G. Wells (1866-1946).
Cet amalgame de courants et de genres constitue l’une des grandes originalités de Frankenstein, et explique aussi la confusion entourant les films qui en découlent. La plupart penchent vers l’horreur ou le fantastique, certains se tournent vers la science-fiction ou la fantaisie, alors que d’autres adoptent le ton de la comédie ou de la parodie. Certains prennent même des allures de drame historique, surtout lorsqu’il s’agit de raconter les événements de cette fameuse nuit de mai ou de juin 1816 à la Villa Diodati en Suisse, au bord du lac Léman, à Cologny, près de Genève, endroit où Mary Godwin (pas encore Shelley) aurait eu sa première vision de Frankenstein. Toutefois, cet événement ressemble davantage à une légende construite par Mary Shelley elle-même dans son introduction rédigée pour la réédition du roman en 1831, une légende qui sera par la suite alimentée par son évocation dans quatre films principaux : Bride of Frankenstein (James Whale, 1935), Gothic (Ken Russell, 1986), Haunted Summer (Ivan Passer, 1988) et Mary Shelley (Haifaa Al-Mansour, 2017). En fait, la femme mature de 1831 a fabriqué une origine du roman issue de sa jeunesse disparue, qui pouvait satisfaire autant ses lecteurs et son éditeur que sa volonté d’embellir les faits. Elle mythifie la naissance du livre comme elle fonde Frankenstein sur l’ancien mythe grec de Prométhée, sur la légende juive du Golem et sur une réinterprétation de la Genèse.
Concentrons-nous sur la fabrication de ce mythe de la nuit de 1816 narré dans l’introduction de 1831. « Nous étions quatre » (p. 504), raconte l’auteure. Lord George Gordon Byron, célèbre poète anglais, était le maître des lieux. John William Polidori assistait Byron en tant que médecin et ami. Percy Bysshe Shelley n’était pas encore un poète reconnu et il n’avait pas encore épousé Mary, mais les deux jeunes gens formaient déjà un couple. L’écrivaine poursuit : « l’été s’avéra humide et inclément, et une pluie incessante nous confina des jours durant à la maison. Quelques volumes d’histoires de spectres, traduites de l’allemand en français, tombèrent dans nos mains » (p. 49). Il s’agit en fait de l’ouvrage Fantasmagoriana ou recueil d’histoires d’apparitions de spectres, revenants, fantômes, etc. ; traduit de l’allemand, par un Amateur (Jean Baptiste Benoît Eyriès, 1767-1846)5, qu’affectionnait particulièrement Byron. « “Chacun de nous va écrire une histoire de spectres”, déclara Lord Byron » (p. 50). Ce dernier n’écrira que quelques pages l’année suivante dans le poème en prose Fragments d’une nouvelle, un des premiers récits de vampires dont Polidori s’inspirera pour rédiger The Vampyre en 1819. Percy Shelley n’était pas enclin à construire des récits en prose et y renonça. Seule Mary tint vraiment parole (Naugrette, 2009, p. 13). Stimulée par les conversations du Baron et du poète sur les exploits du médecin et inventeur Erasmus Darwin (le grand-père de Charles Darwin) et de Luigi Galvani (découvreur du galvanisme), elle ne parvint pas à dormir cette nuit-là et elle eut une vision :
Je vis le pâle étudiant de ces arts impies agenouillé auprès de la chose qu’il avait assemblée. Je vis le phantasme hideux d’un homme allongé, puis, par la mise en route d’un engin puissant, montrant des signes de vie, et se mettant à tressaillir, à se mouvoir maladroitement, à moitié en vie. Vision assurément effrayante, car un suprême effroi résulterait de toute entreprise humaine visant à parodier le stupéfiant mécanisme du Créateur du monde (p. 53).
Dès le lendemain matin, selon elle, les premiers mots du chapitre V furent écrits avec exaltation : « Une sinistre nuit de novembre ». Elle ajoute : « J’ai de l’affection pour [ma hideuse progéniture], car ce fut le rejeton des beaux jours, quand mort et chagrin n’étaient que des mots, qui ne trouvaient aucun vrai écho dans mon cœur » (p. 55).
Ce passage enjolive la réalité, car, à dix-huit ans, Mary avait déjà traversé de nombreuses épreuves. Elle est née de parents bourgeois, éduqués, émancipés et impliqués socialement. Tous deux étaient des écrivains. Son père, William Godwin, avait connu une grande notoriété en publiant Enquiry Concerning Political Justice en 1793. Sa mère, Mary Wollstonecraft, était une féministe avant la lettre et une grande admiratrice de Jean-Jacques Rousseau, dont elle ne s’empêchait pas de critiquer pour autant la notion de « bon sauvage » (comme sa fille le fera plus tard6). Elle a écrit un livre phare sur le droit des femmes dans la société anglaise de l’époque intitulé A Vindication of the Rights of Woman en 1792. À la naissance de sa fille Mary, le 30 août 1797, la femme de 38 ans ne réussit pas à expulser le placenta. Elle meurt au bout de son sang onze jours plus tard, un événement qui ne peut que marquer au fer rouge l’enfance de Mary. Cette dernière a déjà une demi-sœur aînée, Fanny Imlay, née d’une précédente union de sa mère. Son père se remarie en 1801 avec la veuve Mary Jane Clairmont et elle hérite d’une autre demi-sœur, Claire (Clara Mary Jane) Clairmont, à laquelle s’ajoute un demi-frère, Charles7. En ce début de XIXe siècle, on peut déjà parler de famille recomposée.
Cette vie de famille n’était pas de tout repos pour Mary et Fanny, que leur stricte belle-mère ignorait au profit de ses propres enfants. En 1814, à seize ans, Mary s’enfuit avec Percy Shelley. Il a vingt-deux ans, il est déjà marié à Harriet Westbrook, et le couple a deux enfants. Claire Clairmont rejoint le couple d’amoureux, et ils font ensemble le tour de l’Europe. En 1815, Mary accouche prématurément d’une fille, qui meurt deux semaines plus tard. En janvier 1816, son fils William vient au monde. Il vivra jusqu’en 1819. En pleine rédaction de Frankenstein, elle aura un troisième enfant, en 1817, qui ne vivra que trois semaines. Son quatrième, un garçon nommé Percy Florence Shelley, naîtra en 1819. Enfin, une fausse couche faillit la tuer en 1822. Sur cinq enfants, seul Percy Florence survit. Les malheurs l’assaillent comme ceux que le Monstre inflige à Victor.
Sa demi-sœur Claire Clairmont est aussi enceinte en 1816 lorsqu’ils arrivent à la Villa Diodati, un fait que Mary Shelley néglige de mentionner dans son introduction puisqu’elle ne la portait pas vraiment dans son cœur. L’enfant à naître était de Lord Byron. Claire voulait absolument le rejoindre pour lui annoncer la nouvelle. Elle était beaucoup plus bohème et volage que Mary, si bien qu’elle était de trop dans la demeure. Même Byron la tolérait avec beaucoup de difficulté. Claire accouchera d’une fille, Allegra, en 1817. L’enfant mourra cinq ans plus tard. Avant la fin de l’année 1816, alors que Mary entreprend la rédaction de Frankenstein, deux autres drames se produisent. Son autre demi-sœur, Fanny, se suicide en octobre. Quelques semaines plus tard, la première femme de Shelley, Harriet, se suicide à son tour en se jetant dans la Tamise alors qu’elle est enceinte.
Considérant qu’au moment où l’écriture du roman Frankenstein se conclut, en avril 1817, deux enfants sont mort-nés et deux femmes se sont suicidées, dont l’une était enceinte, ce à quoi s’ajoute le fait que sa mère est décédée en lui donnant naissance, on ne peut pas vraiment parler, pour Mary Shelley, de « beaux jours, quand mort et chagrin n’étaient que des mots » (p. 55). En ce début du XIXe siècle, les enfants qui meurent par naissance prématurée ou en bas âge étaient fréquents, et les hémorragies causées par l’accouchement entraînaient souvent le décès de la mère. « Les amants risquent d’avoir des enfants, et les enfants peuvent tuer »8, constate Leonard Wolf (1993, p. 5). Pas étonnant que les angoisses profondes de Mary Shelley concernant l’enfantement aient imprégné le roman, parfois volontairement, parfois inconsciemment, ce que nous approfondirons dans le prochain chapitre. En 1831, lorsqu’elle rédige l’introduction, Mary Shelley a perdu quatre enfants. Son mari, Percy Shelley, Lord Byron et John Polidori ont également disparu. Il ne reste que Claire Clairmont pour témoigner des événements de 1816, mais elle a pu refuser d’être mentionnée, ou alors Mary Shelley a préféré l’exclure pour simplifier le récit.
Il semble que la romancière n’ait pas voulu s’apitoyer sur son sort et revenir sur tous ces tristes événements qui ont contribué à la création de Frankenstein. Elle a dû elle-même traverser une période de deuil et de convalescence équivalant à une dépression post-partum lorsque sa fille prématurée s’est éteinte en 1815. Ce fut tellement triste et pénible pour elle que, le 19 mars 1815, elle écrit dans son journal personnel : « Rêvé que mon bébé revenait à la vie, qu’il n’était que froid et que nous l’avions frictionné près du feu, et qu’il vivait. Au réveil, pas de bébé9 » (Wolf, 1993, p. 45). Ce rêve se révèle fascinant et troublant, car il possède tous les ingrédients de l’éveil du Monstre dans le roman. Ainsi, l’écrivaine s’est possiblement inspirée de son songe pour décrire la « naissance » de la créature tout comme pour la fable de la nuit de 1816 qu’elle raconte dans son introduction. Pendant tout ce voyage en Suisse, elle s’occupe du petit William, qui n’a que cinq mois et qui l’accompagne à la Villa Diodati. Il est plus élégant pour elle de relater une discussion relevée entre adultes cultivés que de troubler les lecteurs avec la dure réalité de la mortalité infantile et des bébés qui survivent, dont il faut, bien sûr, s’occuper.
La légende de 1816 au cinéma
Les quatre films principaux qui abordent cette légende contribuent à brouiller les cartes et à entretenir le mythe. Bride of Frankenstein est le premier à se référer à cette fameuse soirée. Il faudra attendre près de quarante ans avant qu’un téléfilm, Shelley (Alan Bridges, 1972), aborde la vie de Mary, jouée par Jenny Agutter, alors âgée de dix-neuf ans. Cette œuvre se concentre surtout sur la vie du poète, tandis que le récent Mary Shelley raconte davantage la relation intempestive entre les deux amoureux. Dans Bride, la nuit de 1816 n’est qu’évoquée, car il s’agit d’un prologue élégant, prétexte à résumer l’intrigue du film de 1931 et à introduire celui-ci. Seuls Byron et les Shelley sont présents dans le salon de la villa. Lord Byron et Percy Shelley discutent du roman Frankenstein (qu’ils n’avaient évidemment pas pu lire en 1816) et ils font l’éloge de Mary. Cette dernière affirme que « les éditeurs n’ont pas vu que [s]on but était d’écrire une leçon morale sur le châtiment qui s’abat sur le mortel osant imiter Dieu10 ». Or, il n’est en aucune façon question de Dieu dans le roman. La religion n’y joue aucun rôle, car Mary, comme ses parents et son mari, s’opposait à toute forme de culte doctrinaire et rigide (Wolf, 1993, p. 120, note 14 et p. 164, note 11). Comme le personnage de Bride, elle y fait allusion dans son introduction en parlant de « toute entreprise humaine visant à parodier le stupéfiant mécanisme du Créateur du monde » (p. 53), mais elle ne mentionne qu’un vague « Créateur » et non la déité de la Bible. Il s’agit donc d’un ajout des scénaristes américains WASP (White Anglo-Saxon Protestants), qui ne peuvent s’empêcher de faire référence à Dieu (« In God We Trust » gravé sur le dollar américain). Toutefois, il est intéressant de noter que la comédienne Elsa Lanchester (33 ans à l’époque) interprète à la fois Mary Shelley et la fiancée du titre, une belle idée du réalisateur James Whale. Ainsi, Mary Shelley devient littéralement la fiancée de Frankenstein.
Gothic adopte un ton beaucoup plus insolite. On connaît le penchant de Ken Russell pour les images choquantes, les émotions exacerbées, le jeu exalté des interprètes et le rythme frénétique du montage. Gothic s’inscrit parfaitement dans la démarche du réalisateur de The Devils (1971), Mahler (1974), Tommy (1975) Lisztomania (1975) et Altered States (1980). Le contexte du film illustre bien le fait historique : 1816, Villa Diodati, ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Faux-titre
  3. Page Titre
  4. Crédits
  5. Remerciements
  6. Préface - FRANKENSTEIN et MOI
  7. Introduction
  8. Chapitre 1 - Les faits et le mythe entourant Mary Wollstonecraft Shelley
  9. Chapitre 2 - Double discours et dépression post-partum dans Frankenstein
  10. Chapitre 3 - Le cycle des films Universal
  11. Chapitre 4 - Le cycle des films Hammer
  12. Chapitre 5 - Interprétations postmodernes
  13. Conclusion
  14. Annexe A - Le paradigme de Syd Field
  15. Annexe B - Genres science-fiction et horreur
  16. Annexe C - Le fantastique selon Tzvetan Todorov
  17. FILMOGRAPHIE
  18. Références
  19. Notes