Cinémas du monde
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Cinémas du monde

Toute image est porteuse d'un point de vue

  1. 462 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Cinémas du monde

Toute image est porteuse d'un point de vue

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Gilles Marsolais est l'un des critiques de cinéma les plus respectés au Québec. Il a rassemblé dans ce livre les critiques de près de 200 films du répertoire cinématographique des 25 dernières années. Chaque texte se termine par les renseignements « bibliographiques » d'usage: titre, lieu et année de réalisation, réalisateur, scénariste, photo, musique et interprètes, durée, etc.

Foire aux questions

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Informations

1

Les rapports familiaux

Trouver un sens à sa propre existence
L’enfant, Keane, The King

On ne dira jamais assez le mérite du Festival de Cannes, qui demeure un lieu privilégié d’exposition et de défense d’une certaine idée du cinéma. La conception du cinéma qui s’y rattache nous interpelle de diverses façons, même si, pour peu qu’on n’abdique pas son esprit critique, certains films présentés peuvent parfois susciter des réserves, ou s’avérer des déceptions à la mesure des attentes suscitées. Cette manifestation unique en son genre, à laquelle il est fait référence à l’occasion en ces pages, a jusqu’à ce jour confirmé son rôle de tête chercheuse par la cohérence de sa programmation. Par exemple, on ne peut qu’être frappé par les évidences thématiques qui ressortent de la sélection de l’année 2005, choisie au hasard. On y traite des relations de couple : désassortis, dans Lemming (Dominik Moll) ; fantasmant sur l’échangisme sur le ton du marivaudage chic, dans Peindre ou faire l’amour (Arnaud et Jean-Marie Larrieu) ; fissurés, à l’occasion de la révélation d’une vérité cachée, dans A History of Violence (David Cronenberg) et dans Caché (Michael Haneke) ; déjanté, sur fond de culpabilité chrétienne, dans Batalla en el cielo (Carlos Reygadas) ; résolument marginal, dans L’enfant (Jean-Pierre et Luc Dardenne) ; ou en voie de reconstitution, même improbable, dans Don’t Come Knocking (Wim Wenders) et Broken Flowers (Jim Jarmusch). On y traite aussi, corollaire obligé, des rapports malaisés à la paternité. Cela, d’une façon incidente chez Haneke et Cronenberg, où l’intrusion de la violence dans un univers en apparence lisse et contrôlé entraîne une relecture des rapports père-fils ; mais plutôt d’une façon frontale chez Wenders, Jarmusch et les frères Dardenne. Plus particulièrement, Wenders et Jarmusch traitent de ces rapports sur le ton de l’humour, à travers une approche autoréférentielle un peu lourdingue chez le premier, aérienne chez le second. Mais tous deux traduisent le désir exacerbé de paternité des baby-boomers cinquantenaires qui, sur le tard, cherchent à trouver un sens à leur propre existence, à se convaincre qu’ils laisseront (même symboliquement) des traces de leur passage sur terre.
Mais est-ce là le bon angle pour aborder un cinéma qui se veut différent, à l’avant-garde, puisque le cinéma dominant fait lui aussi son pain et son beurre de ce double courant thématique des relations de couple et des rapports à la paternité ? Au-delà de leur sujet, ces films — comme tant d’autres retenus dans ce livre — n’ont évidemment de pertinence que dans la mesure où ils ravivent notre regard désabusé sur une réalité que nous croyons connaître (ou son fantasme), au moyen d’un dispositif qui en renouvelle la représentation et qui propose un véritable point de vue sur la question.
À cet égard, la radicalité comme vecteur de la vérité constitue une piste à suivre pour mieux cerner notre objet dans le vaste domaine du film de fiction. À coup sûr, L’enfant des frères Luc et Jean-Pierre Dardenne offre la démarche la plus radicale, autant dans son contenu que sur le plan de la narration, indissociables, même si l’image et le point de vue ne sont pas aussi rugueux que dans La promesse, Rosetta, ou Le fils, leurs trois films précédents qui ont tour à tour sérieusement bousculé les habitudes de lecture du spectateur. La radicalité de L’enfant en fait une œuvre irrécupérable. Effet miroir de notre société déréglée, l’inconscience et l’amoralité de Bruno, jeune père au comportement irréfléchi, sont filmées sans pathos au moyen d’un dispositif d’observation quasi documentaire attentif au détail révélateur. À l’aide d’une courte focale et sans profondeur de champ, la caméra suit Bruno à la trace dans son incessant mouvement d’une magouille à l’autre, dont les répercussions confinent au tragique, mais sans adopter un point de vue hypersubjectif comme dans Rosetta. La violence de la situation n’en ressort pas moins avec force, ne laissant pour ainsi dire aucun répit ni aucune possibilité de fuite au spectateur confronté à la dureté du monde telle qu’elle se vit au sein d’une relation de couple immature et d’une paternité mise à mal, coupée de ses émotions. Mais ce regard cramponné au réel lorgne du côté de Cartier-Bresson : on retrouve dans L’enfant ce même souci d’éviter le piège de la surcharge réaliste-naturaliste qui viendrait grossir outrageusement les traits d’une situation déjà forte. Et, incidemment, c’est en toute logique que l’on renoue avec Jérémie Renier (le Jean-Pierre Léaud des Flandres ?) qui, dix ans plus tard, dans la peau de Bruno, reproduit le modèle du père incompétent qui était offert au petit magouilleur de La promesse.
En donnant le relais à L’enfant, symptomatique d’une paternité mise à mal et des rapports à celle-ci vécus plus durement chez les plus jeunes, Keane de Lodge Kerrigan, plus en continuité par son sujet avec Clean, Shaven, qu’avec Claire Dolan (ses deux films précédents), en impose lui aussi par son parti pris esthétique qui ne laisse aucun répit, ni aucune possibilité de fuite au spectateur. En suivant à la trace les efforts désespérés d’un père qui a disjoncté, à la recherche de sa fille disparue depuis six mois, la caméra à l’épaule (qui filme dans des lieux publics, avec peu d’éclairage, mais avec un parfait contrôle de la situation) ne tente pas tant de s’immiscer dans sa subjectivité que de cerner objectivement sa dérive, jusqu’à sa rédemption finale. La force de ce parti pris radical n’en ressort que davantage si on le rapproche de la démarche esthétisante adoptée par Marco Martins dans Alice, sur un sujet comparable se déroulant à Lisbonne, qui finit par s’empêtrer dans le réseau d’un récit secondaire axé sur l’utilité réelle de l’image vidéo.
Autre objet inquiétant : The King de James Marsh, axé, au contraire, sur un jeune à la recherche de son père, et qui est prêt à tout pour retrouver sa place à sa droite. Il n’est pas innocent que cet ex-marine, figure christique prénommée Elvis, découvre que son père est pasteur d’une église baptiste au Texas, ni que ce film qui évoque quelque Théorème (Pasolini), par l’intrusion d’un corps étranger bouleversant les apparences d’un équilibre établi, cède plutôt la place à un enchaînement de violence, jusqu’à sa finale ambiguë. Comme tant d’autres films, dont A History of Violence de David Cronenberg dans lequel l’action se déroule chez nos voisins du Sud, il nous parle de la confusion de notre époque, de la fausseté des apparences qui la régit, et finalement, en illustrant l’idée que le ver est dans le fruit, de la violence intérieure des États-Unis.
En fonction de l’approche par arabesques, intuitive, non linéaire, privilégiée ici, favorisant les rapprochements fertiles, ce coup d’œil sur une édition du Festival de Cannes choisie au hasard introduit assez bien, je crois, ce chapitre axé sur les rapports familiaux selon l’angle ainsi précisé.

Secrets and Lies, de Mike Leigh
La clef du bonheur

Secrets and Lies est de ces films dont les qualités s’imposent avec évidence et dont les personnages nous habitent longtemps après les avoir connus. Son sujet ne tient pourtant qu’à un fil : à la mort de sa mère adoptive, une jeune femme noire part à la recherche de sa véritable mère pour découvrir que celle-ci est blanche. Sur ce canevas de base simple, Mike Leigh a élaboré un scénario solide permettant aux personnages de se développer et d’évoluer dans l’espace et la durée qui leur sont réservés. Cela est d’autant plus important qu’il est question ici de quête identitaire, dans l’optique de la recherche des racines mais aussi dans celle de la redécouverte de soi-même, de sa propre personnalité.
Si Hortense (Marianne Jean-Baptiste) donne l’image d’une jeune adulte épanouie, il n’en est pas de même de sa mère Cynthia (Brenda Blethyn), terriblement plus fragile et vulnérable, qui sortira transformée de cette rencontre. De fait, tout le récit est axé sur cet effet de transfert magnifique qui s’effectue de la fille à la mère et qui rejaillit sur sa famille élargie. En plus de raviver des souvenirs oubliés, enfouis au plus profond d’elle-même, cette découverte — car c’en est une pour elle aussi — et cette rencontre permettront donc à Cynthia de retrouver son identité et sa dignité. Elle, qui a démissionné depuis longtemps, coincée entre son taudis et la manufacture de carton où elle travaille, confrontée quotidiennement à l’échec de sa vie par la présence de son autre fille, Roxanne, particulièrement butée et inapte au bonheur, elle effectuera un parcours déterminant au contact d’Hortense, de cette fille surgie du passé et de plus issue d’un milieu social différent du sien.
On imagine sans peine le mélo sirupeux et suffoquant sous les bons sentiments que produirait Hollywood avec un tel sujet ; ce que Mike Leigh évite admirablement, déjà dans la façon même de concevoir son scénario. C’est précisément l’une des caractéristiques du cinéma britannique que de concocter des scénarios solides, inscrits dans la réalité sociale concrète d’aujourd’hui et concernant des gens ordinaires, qui parviennent à éviter à la fois les pièges du misérabilisme et de la guimauve et à élever leur propos à un niveau exemplaire. Mike Leigh gagne son pari en abordant son sujet sous l’angle de l’humour et en suivant parallèlement la piste de ses personnages secondaires, dont le couple formé par Maurice et Monica, qui en arriveront à jouer plus qu’un rôle de faire-valoir.
La panique viscérale de Cynthia repose notamment sur le fait qu’elle devra tôt ou tard révéler et faire accepter son noir secret à la famille élargie ! Ce qui donnera lieu, encore là, à un effet de transfert de la meilleure venue. Le stratagème imaginé pour ce faire ne se déroule pas exactement comme prévu, au cours d’une garden-party chez le gros Maurice (Timothy Spall), le frère au cœur d’or qui apparaît comme le centre névralgique de ce microcosme fragile et qui, dans sa relation de couple, a lui aussi son lot de problèmes personnels. Tout le récit procède ainsi par décentrement du foyer d’intérêt principal, permettant au spectateur d’aller de découverte en découverte, en passant d’un personnage à l’autre qui, chacun à sa façon, permet d’en savoir un peu plus sur Cynthia.
En plus de la Palme d’or attribué à Mike Leigh, le jury a décerné le Prix d’interprétation féminine à Brenda Blethyn. Ce n’est que justice puisque la réussite du film lui doit aussi beaucoup, elle qui incarne d’une façon étonnante ce personnage de la mère qui se métamorphose sous nos yeux : d’abord chiante et envahissante, à la fois risible, avec sa petite voix plaignarde agaçante, et pathétique, par l’intensité du drame qu’elle vit, Cynthia, au contact d’Hortense, ressuscite littéralement, retrouve progressivement son identité, embellissant même, pour se révéler finalement sous son vrai jour et établir avec sa fille et son entourage une relation de confiance et d’amour. À travers elle, Mike Leigh illustre admirablement les possibilités de dépassement de l’être humain. Comédienne au théâtre et à la télévision en Grande-Bretagne, à la réputation solidement établie, Brenda Blethyn, à part quelques petits rôles dans le passé, fait ici sa première vraie apparition au cinéma. Le personnage de Cynthia et ce prix pourraient peut-être l’imposer au grand écran. Qui sait ?
Mike Leigh travaille d’une façon particulière qui se répercute sur le résultat final. Il s’inspire des acteurs qui l’aident à créer des personnages et une histoire, et son travail avec eux mise sur une part d’improvisation avant et même pendant le tournage (son « plan de travail » ne couvre même pas la moitié du film). À l’image du récit dont les pièces se mettent en place, s’éclairant les unes les autres, le film finit par se construire et par trouver son assise pendant le tournage même. Certes, il n’est pas facile de trouver du financement dans ces conditions, sans script ni traitement à présenter, mais ce frémissement créatif se sent à l’écran, en fin de compte, et il distingue cette œuvre par ailleurs maîtrisée des produits simplement « mis en boîte » d’une façon préétablie.
Secrets and Lies est constitué de longs plans-séquences cernant de près les personnages et ce qu’ils vivent, et ses deux heures vingt passent à la vitesse de l’éclair. On retiendra entre autres cette séquence capitale d’une dizaine de minutes au cours de laquelle la fille et la mère se rencontrent pour la première fois. Un face à face remarquable, nourri par le silence de l’une et la logorrhée de l’autre, paniquée, qui révèle chacun des personnages, dans un climat où l’humour noir le dispute au tragique. Voyez comment le déclic se fait dans la tête de Cynthia quant au moment où Hortense aurait peut-être été conçue ! Ailleurs, attendue, la garden-party (le barbecue, en fait) chez le gros Maurice, qui n’est pas heureux même s’il jouit d’une certaine aisance financière, permet de rassembler tout ce petit monde, avec ses préjugés, et de conduire le récit vers son dénouement. Par effet de contraste, le court punch final, montrant la mère en train de prendre le thé avec ses deux filles, telles « des nains de jardins », dans l’arrière-cour désordonnée de son propre taudis, complète ce tableau de groupe et la leçon qu’il convient d’en tirer.
Manifestement, Mike Leigh aime ses personnages, il réussit à nous les rendre attachants, même si au...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Du même auteur
  3. Titre
  4. Crédits
  5. Introduction
  6. 1 - Les rapports familiaux
  7. 2 - Les rapports à la sexualité
  8. 3 - Les rapports au moi, à soi, à la création
  9. 4 - Regards sur le cinéma soviétique/russe et ses satellites
  10. 5 - Œillade au cinéma asiatique
  11. 6 - Le mythe du road movie et la notion de frontière
  12. 7 - Structures du récit : cinéma américain
  13. 8 - Le rapport à l’histoire, à sa représentation
  14. 9 - Questions d’engagement, d’éthique, de justice
  15. 10 - Le pouvoir de l’image, la violence au cinéma
  16. 11 - Portraits de société
  17. 12 - Films de genre
  18. 13 - Trois cinéastes : trois points de vue sur le monde
  19. En guise de conclusion
  20. Index des films
  21. Index des réalisateurs
  22. Notes
  23. Quatrième de couverture