Solstices
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Solstices

  1. 139 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Citations

À propos de ce livre

Herménégilde Chiasson, dont l'oeuvre s'inscrit dans l'affirmation d'une Acadie moderne et contemporaine, publie un nouveau recueil de prose, «Solstices». Qu'il soit d'hiver ou d'été, le souffle qui porte cette parole la fait voyager au rythme du temps, sur les sentiers du souvenir. Sur les lieux revisités, l'œil se nourrit d'indices pour reconstituer un passé à partir de structures ou d'objets à l'épreuve du temps, d'odeurs qui en émanent, de bruits qui les animent, de souvenirs qui les habitent. Le lecteur plonge dans un univers intime et intérieur qui le happe dès la première phrase et ne le laisse sortir qu'à la dernière. En avril 2009, Herménégilde Chiasson a remporté le prix Champlain pour son recueil «Béatitudes».

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Informations

Année
2011
ISBN
9782894235089

Distances

À regarder à la limite, en ce matin languissant, un lieu artificiel aménagé pour plaire à ceux dont la fortune s’étale aux environs. Une indolence automnale et la mesure de l’indigence qui autrefois constituait le lot de ceux pour qui le paysage demeurait toujours ce lieu menaçant et inquiet, cette source constante de survie improbable, et qui ont donné cours à cette accumulation de richesse, ces maisons au style douteux surgies du sol à une vitesse consternante dans cette terre autrefois si ingrate où ils ont si souvent désespéré de voir advenir l’émerveillement d’une richesse si nouvellement acquise. La nature artificielle des lieux. De ce vert dompté qu’il fait bon contempler. Quelqu’un fait part des avantages, du mérite de fréquenter ce lieu, des couchers de soleil sur ce faux lac que l’on aperçoit au loin dans le givre blanc d’une première gelée matinale. Viendra l’asphalte qui permettra de complémenter ce décor encore trop sauvage mais qui devra bien reculer devant l’arrogance du progrès.
Bien sûr il y aura d’autres étés, c’est une certitude de bon augure, le monde redeviendra accessible, le soleil continuera de répandre sa splendeur à distance et les environs continueront indéfiniment d’être cette mer où s’étalera la preuve accomplie et assouvie d’une richesse indéfectible que l’on voudrait inépuisable. Il faut oublier. Le froid et l’ignorance comme la misère s’en iront, disparaîtront dans le soleil couchant pour ne plus constituer qu’une aura, un contour dont les contes et les légendes ne seront plus à la longue qu’un détestable souvenir amer dont les enfants seront excusés et protégés pour toujours.
Par une étrange coïncidence, quelques minutes auparavant, on entendait à la radio l’histoire réelle et depuis légendaire de cet homme qui s’était insurgé contre la perte de ses terres, son sens ambigu du drame, sa démagogie émouvante à l’effet d’avoir été abandonné par ceux qui le soir regardent distraitement cet espace, cette verdure qui pour lui n’a jamais cessé d’être la référence essentielle. Une partie de vie soudain remonte à la surface. Un été d’il y a longtemps, une conversation sur l’herbe autour des lieux du savoir où l’on se racontait les activités pénibles d’un hiver et les remous d’une cause sans issue alimentée à profusion par ces blessures que l’on exhibe dans les bulletins de nouvelles télévisées.
Un été insouciant et l’éloignement aidant, l’histoire s’était estompée sauf pour une brève visite à cet homme dont on entendait soudainement la voix à la radio, son retour à un monde familier et son acclamation par une foule étonnée de le voir resurgir, d’entendre d’aussi près sa colère dépourvue de censure et son cri amplifié par ceux qui ont appris à se distraire en épousant ces causes qu’ils oublieront aussitôt. Mais pour le moment cette voix s’exclame. Étonnante. Criante de vérité et de douleur. La fin d’une vie entêtée et rebelle. Un arbre qui tombe dans la forêt et le bruit que personne n’entendra.
Pour le moment il occupe tout l’espace rempli de cette voix différée qu’on entend le lendemain de la veille à la suite d’une nuit d’insomnie en route vers nulle part, aveugle à cette nature dont il a tout fait pour ne jamais s’en éloigner. Cette intolérance, cette histoire qu’il avait racontée par un après-midi de froidure dans un abri de fortune, ce pacte avec ses enfants de mourir si nécessaire pour ne jamais souscrire à cette injustice irréparable. Un pacte d’Indien, une colère à la mesure de l’Univers et une vie qui aurait bien pu prendre fin abruptement en cet automne comme un autre dramatique au possible.
De loin en loin, de fois en fois, nous avions tous cru à son combat, au point d’en faire le cri d’une génération et maintenant, dans ces milliers d’espaces rapportés, il est désormais le seul à continuer de crier et cette voix déchire le voile du présent pour nous plonger dans les remous sombres et troublants du passé, de ces lieux où nous sommes allés et retournés depuis, des amours entre-temps et de ce qui reste des combats que chaque époque entreprend en essayant d’y croire jusqu’à la limite de l’endurance. La limite du possible n’étant jamais très loin de cette dérive qui nous prive de munitions avant de nous asseoir sur une terrasse réconfortante à regarder au loin ce paysage dompté dont il ne surgira aucun appel, aucune bête effrontée et menaçante.
Nous nous éloignerons discrètement du lieu de cet insoluble dilemme. Même si depuis nous avons tous acquis les moyens de mettre de l’ordre dans nos contradictions de jadis, il est à craindre que nos cris d’autrefois se perdront dans l’écho feutré de cet automne, dans le vent indolent d’un été bien à nous et d’un silence aussi profond que cette terre qui nous appartient encore mais dont nous avons oublié l’émouvante et historique présence, passage obligé et réconfortant de la campagne à la ville, du rural à l’urbain, de la nostalgie à l’avenir, un choix nouveau et notre errance d’il y a longtemps à la recherche de cet ultime refuge désormais consolidé.
À la une d’un journal traînant sur une table, l’image de l’homme en compagnie de quelqu’un fier de poser à ses côtés. L’article n’ajoute rien à ce que l’on sait déjà, à la voix qui dit tout, qui résume avec tant d’émotion la déception de toute une vie passée à attendre et dont l’image ne saurait distraire des propos formulés avec autant de conviction. Le sens d’une trahison par tout un peuple autrefois rassemblé autour de symboles qui, selon lui, se sont écroulés dans la pourriture. Aucune écriture ne saurait contenir un désespoir d’une telle ampleur, tenir compte de ce qui prendra désormais asile dans la mémoire et se déformera dans le souvenir car le mystère de la présence est indéchiffrable même sous les artifices qui se sont donné pour mission de le contenir tant bien que mal pour les générations futures qui l’entendront autrement que nous l’avons entendu en ce matin où le soleil jaillit comme une provocation à la grandeur du ciel.
Une table verte pour déposer sa vie et faire en sorte que le monde se reconstitue. Il est tôt et la journée apportera sans doute d’autres rumeurs, d’autres distractions et d’autres trajets. Il est toujours bon d’avoir des gens à qui parler, à qui on peut poser des questions, faire des confidences ou demander l’attention dans la poursuite d’une saison qui s’annonce belle et pleine de confiance dans son absence de catastrophes et de conflagrations. Il fait bon s’asseoir, lire autre chose, se distancier de cette saison dans laquelle il fait bon se rassembler, si différente de celle que l’on réclame pour y reprendre un mode de vie ancien, nécessaire, vulnérable et désuet. Un espace qui revient sans invitation et qui ne fait que reproduire le mécanisme de la culpabilité au profit de l’abandon, de l’incompréhension de ne pas y être aussi présent que cet homme pour qui la nature se greffait au désir de durer, la légende d’un savoir qui s’estompe et cette indéfinissable sensation de ne rien attendre d’autre que l’expression d’une volonté d’habiter pleinement et durablement cet espace même peuplé d’angoisse. Voir le monde tel un mirage, une couleur irréelle qu’on intensifie à volonté et le bruit d’une lame de fond, du grondement d’un ouragan qu’on enterre dans la musique, le son de la radio, ces objets essentiels qui nous rassurent dans notre volonté d’établir des liens, une crainte qui se propage et qu’on oublie du mieux qu’on peut.
Il y a lieu de faire et surtout de trouver mieux. Il y a des gens qui manifestent une volonté de partage de cette richesse qui leur tient lieu d’identité et de refuge. Ailleurs d’autres dorment, se retrouvent, prennent la parole, manifestent leur droit de regard, se voient de loin, marchent sur des plages désertes et soulèvent leurs enfants dans les airs. Nous avons cru dans le sérieux inébranlable de nos contradictions, nous avons voulu conserver ces moments d’une silencieuse grandeur, ces instants qui nous ont si souvent tenu lieu de référence, pour exister dans une conscience globale de l’absence, de l’au-delà, d’une intransigeance impossible à mesurer autrement qu’aux frontières de cet espace où l’on s’agite, l’envie soudaine de s’isoler au milieu de cette foule, de s’abstraire, de s’évacuer. La voix entendue n’a donné lieu à aucun écho et peut-être que ces gens à qui on adresse la parole voudraient eux aussi en parler mais personne ne s’est donné la peine de ramener le sujet. Le temps, même nouveau, même récent, s’acharne à déformer ce qui prenait pourtant l’allure d’un manifeste, mais le temps n’est peut-être plus propice à la production de telles considérations. De telles propositions sont désormais prévisibles et inconséquentes. Peut-être vaudrait-il mieux s’aménager une sortie discrète et sans histoire.
Le bruit s’estompe. Un autre fondu enchaîné. On imagine une route, un chemin de campagne. Une vie simple. Une certaine abondance. Une sorte de tradition entérinée. Le temps qu’il faut pour vivre ce qu’il y a à vivre. Des voisins aux bras tatoués, les mains enfouies dans le moteur d’une mécanique revêche, une musique d’été qui rappelle l’enfance et qui s’étend sur le décor, sur la chaleur. Le fait de vivre, de mesurer les routes parcourues, des trajets comme celui-ci où des véhicules en colère ont gravé leurs traces pour la postérité. Une écriture qui rappelle l’encodage énigmatique des hiéroglyphes. Des plaques noires brûlées à même la surface grise et le courage de faire face à la suite, à la solitude et aux intempéries. Ces hivers inépuisables à ruminer la même rage autour de ces feux qui ne s’éteignent jamais.
On voudrait cette route interminable mais soudain elle nous entraîne dans une courbe, elle se perd à distance et, sur le sol où elle s’inscrivait, elle freine. Le panorama où elle s’inscrit est imbibé de vert d’aussi loin que l’œil peut y voir, aussi loin que la voix pourrait porter si quelqu’un se mettait en frais de la projeter au-delà de son cercle, du muscle rond de la bouche, d’en faire de la colère, des cercles concentriques agressant le silence, le pulvérisant ou le réduisant en cendres recouvrant la Terre d’un voile néfaste mélangé de gris, l’étouffant comme de raison, comme toujours, se fusionnant à la violence de l’instant même si rien d’un tel cauchemar ne verra le jour. Il y aura le soleil, un air d’été égaré dans la brise d’automne, le plaisir de retrouver ces gens, de les toucher, de leur parler, d’être témoin de leurs agissements, de leur beauté désinvolte, de leur manière de bouger, d’habiter sans justification aucune un patrimoine qui leur revient de droit, sans crainte d’en perdre la jouissance. Au pied des arbres, regarder à perte de vue le territoire qui s’étale aussi loin.
Comme de raison, il est impensable de s’établir, de s’enraciner, de s’étonner de la vie de ces gens qui parlent avec fracas tel ce couple radieux dont la proximité génère un malaise, imperméable à la poussière qu’on soulève autour d’eux, un monument à la fraîcheur et à la lumière déclinant déjà, abandonnant dans son sillage l’ombre de ces gens que l’on contourne avec précaution et qui continueront là une conversation que la nuit aura peine à interrompre, une aisance d’être, un bonheur de saison où s’inscrivent comme autrefois d’autres routes comme autant de courbes sournoises d’un désir sans cesse à l’affût. Et maintenant l’urgence, le manque de patience, l’instinct de survie ont fait en sorte que la route recouvre ces besoins, ces fonctions délaissées, cette mise à distance où se mélangeaient de manière explosive le corps, la colère, le bonheur d’être dans un entendement commun, cette histoire à raconter et que d’autres racontent de travers pour ceux dont la mémoire défaillante s’accommode trop bien du mensonge et dont ils tirent un grand mérite. L’homme de ce matin, sa voix qui s’estompe déjà sous les bruits de la journée, de conversations banales et ces lieux enchanteurs où la terre exhibe un charme irrésistible.
Ces moments, ces histoires, ces distances que la route relie, une ligne pointillée où tout nous distrait de la piste embrouillée d’un événement fragile. Cette journée entreprise sous le coup d’une nostalgie éprouvante se poursuit à la surface d’un miroir assombri par le temps. Ces soirs dont on faisait jadis partie, les légendes qu’on entendait de vive voix, les formules amusantes d’un délire infini et la promesse de cet espace qui s’est agrandi à notre insu, nous abandonnant dans son orbite, refaisant le tracé mille fois entrepris d’un trajet s’étirant du passé à l’absence, dans une volonté indéfectible de foncer à toute vitesse vers l’avant, oubliant ceux pour qui les sentiments se cristalliseront dans l’idée périmée qu’ils se sont faite de toute éternité, de la nature, de l’oisiveté, de la dérive, cette route qui va de nulle part à partout, transportant avec elle le besoin sournois et violent de réinventer quelque chose qui reprendrait la même colère et à quoi on pourrait croire tous ensemble et pour toujours avec la ferveur naïve et inconséquente de l’enfance.
Et puis le soir se referme comme tous les soirs. Toujours cette fatalité dont quelqu’un avait autrefois souligné l’évidence même d’une pensée aussi ridicule. Toujours ce besoin de faire en sorte que le sens s’incarne dans le temps, une continuité qui se tiendrait, dont les ruptures seraient apparentes et réparables, le jour succédant à la nuit dans une ronde soumise et prévisible, acceptable et perpétuelle, une vie sans faille, sans faute, sans faiblesse, englobant cette voix d’un passé assumé, d’un présent conditionnel et d’un avenir à toute épreuve.
21 septembre 2007

Désarrois

« Malheureusement, ceci ne fait pas partie des priorités. » Une phrase comme une autre dans le flot des émanations sonores s’éloignant dans l’Univers et qui ne changera sans doute pas grand-chose car le monde poursuit sa trajectoire, sur d’autres modes et d’autres besoins plus ou moins urgents de donner une consistance à ce qui n’en aura jamais. Comment définir ce qui s’impose?
Dehors une neige plus fine, plus clairsemée que d’habitude a envahi un ciel gris que le soleil, malgré l’avenir brillant qu’on lui prédit, n’arrivera jamais à traverser. Un bruit sourd et indistinct fait en sorte que le silence ne sera jamais le silence et qu’il faudra composer avec ce qui reste de temps à habiter ces lieux remplis de rumeurs et de conséquences. Le bruit intermittent des voitures défilant dans la rue. Une lumière intensément domestique enrobe ces meubles, témoins d’une époque que nous aurons habitée avec la foi disponible et exigeante de ceux qui n’ont pas laissé les traces qu’il aurait fallu.
Un intérieur. Cette manière gauche de rester dans l’entrée en disant qu’on est trop pressé pour s’attarder. Vous regardez malgré vous autour et vous vous laissez attendrir par le drame que vous devinez face à ces murs où le rangement fait figure d’expérience religieuse. Vous ne voyez rien d’anormal sauf un chat qui s’installe devant vous avec l’obsédante et indécente présence des animaux. Vous prenez en note qu’il est parfaitement agencé au tapis qui lui sert d’arrière-fond si jamais quelqu’un avait la mauvaise idée d’en faire un tableau exposable dans une galerie d’art. Vous parlez brièvement. Vous dites n’importe quoi. Vous avez tout simplement envie de vous retrouver dehors, dans la voiture, loin de ce drame dont vous ne voulez être ni témoin ni confident et que vous devinez sous la maigreur, la lenteur des paroles, le temps qu’il faut pour dire ce qu’il y a à dire. Vous vous souvenez d’une des causes de cet écroulement. Vous étiez aux funérailles. Vous avez entendu la voix brisée, les larmes, le récit du grand amour, la chaleur, les derniers jours et cette femme que l’on tenait pour ne pas qu’elle s’écroule de chagrin. Vous savez tout ça et bien d’autres choses encore mais vous n’arrivez pas à tout remettre en ordre. Peut-être avez-vous perdu le sens du drame, du temps qu’il faut pour revenir d’un naufrage, de tout ce qu’il faut faire pour remettre une vie en marche.
Vous vous souvenez de ces moments de désarroi, de ce vide continuel, du temps qu’il faut à l’hiver pour venir et s’en aller. Vous pensez à tous ceux pour qui la solitude est un mode de vie, la douleur, la lourdeur de ces journées sans autre but affirmé que d’attendre la fin de l’éternité pour entreprendre, tout aussi démuni, le début d’une autre perte. À quel point il est important de noter en détail les progrès de la peine, ces textes à relire plus tard avec l’indulgence des condamnés, ces épigrammes à la tristesse désormais associable à la conscience naïve d’un rejet interminable, la damnation d’autrefois devenue dépression d’aujourd’hui, la mélancolique présence de tout ce qui n’a pas eu lieu dans une existence, la vie rien de moins, comme si on pouvait encore comprendre le silence, expliquer le temps, se souvenir de la voix, de la musique, des yeux et de tout ce qui constituait l’expérience du prolongement dans une autre conscience, tous les hasards, les détours, les retards qui font qu’on se retrouve aux mêmes moments, aux mêmes endroits sans rien dire, en ne faisant qu’obéir à un récit inévitable.
Vous refermez la porte, dehors l’air est bon, c’est toujours l’hiver, le blanc à profusion et le paysage qui ne cesse de s’étendre autour de la maison. Une balançoire remplie de neige mais vous imaginez facilement la fraîche sensation du vent en fin de soirée, le froissement des feuilles, les rires qui accompagnent les rites de passage, les visites et les vacances, le bonheur de se savoir vivant et probablement heureux mais le terme est si usé que personne n’en saisit la portée. Le soleil aveugle, c’est le matin. Le jour est déjà entamé. Vous reprenez la route vers d’autres portes, emportant avec vous cette douleur dont vous avez été témoin, ces souhaits de guérison et le fait que le temps aménagera sans doute une quelconque continuité, qu’il y aura d’autres étés, d’...

Table des matières

  1. Couverture avant
  2. Page de garde
  3. Du même auteur
  4. Page titre
  5. Crédits
  6. Dédicace
  7. Solstices
  8. Allemagnes
  9. Contre-jours
  10. Coïncidences
  11. Deuils
  12. Absences
  13. Témoignages
  14. Retours
  15. Panoramiques
  16. Regards
  17. Détails
  18. Distances
  19. Désarrois
  20. Pénitences
  21. Musiques
  22. Vérités
  23. Table des matières
  24. Couverture arrière