La vie devant elles
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La vie devant elles

  1. 271 pages
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La vie devant elles

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À propos de ce livre

Qu'ont en commun la culture sami en NorvĂšge, le vĂ©lo comme instrument de libĂ©ration des femmes au Ghana et le sort des milliers de sangliers qui envahissent les rues de Berlin? Ces questions, et d'autres, sont au cƓur des prĂ©occupations qui animent Claire, Ariane et Isa, trois sƓurs, des jeunes femmes toutes aussi nomades et curieuses l'une que l'autre. Chacune Ă  sa façon, elles prennent place dans le monde, interrogeant bien sĂ»r l'amour, la famille, la carriĂšre, mais aussi et surtout elles inscrivent leur parcours dans un univers de plus en plus marquĂ© par la cohabitation des races et la variĂ©tĂ© des cultures, par des questions de justice sociale et d'Ă©cologie. InterpelĂ©es, elles prennent part aux dĂ©bats et dĂ©fendent avec vivacitĂ© les causes qui leur tiennent Ă  cƓur. Dans la veine autofictionnelle qui traverse l'ensemble de son Ɠuvre, Marguerite Andersen a façonnĂ© les trois destins en s'inspirant de la vie de ses six petites-filles.

Foire aux questions

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Informations

Année
2012
ISBN
9782894235218

La carriĂšre

Ariane, dĂ©tentrice d’un doctorat, auteure d’une thĂšse vite devenue un livre bien reçu et mĂšre de deux enfants en bonne santĂ©, commence sa carriĂšre en remplaçant des anthropologues en congĂ©. Un Ă©tĂ© Ă  Lethbridge, agrĂ©mentĂ© par une longue visite de Martin, qui n’enseigne pas durant ce semestre-lĂ . Lui au moins a sa permanence maintenant. Un automne Ă  St. John’s, Ă  Terre-Neuve. TroisiĂšme Ă©pisode, un semestre d’hiver, Ă  Sudbury, oĂč elle enseigne pour la premiĂšre fois en français. Il y a une visite de Fabien, qui photographie cette fois-ci des roches, et une autre de Martin, qui travaille Ă  un livre sur le colonialisme et ses consĂ©quences sur les petits États africains.
Martin reste deux mois Ă  Sudbury. Le couple se lie d’amitiĂ© avec des francophones de la ville, les discussions se font en français. C’est un plaisir. Ariane et Martin mĂšnent ainsi une vie presque normale durant ces quelques semaines, mĂȘme s’ils sont un peu Ă  l’étroit dans l’appartement que loue Ariane.
— Tu n’oublies pas la pilule? se rassure Martin un soir.
— Eh non.
Ils ne peuvent pas se permettre d’autres enfants.
Pour vaincre les distances, toute la famille se tĂ©lĂ©phone rĂ©guliĂšrement. Ceux qui ont Skype se voient, les enfants voient leur pĂšre, leurs grands-parents, mĂȘme Marguerite a installĂ© le systĂšme sur son ordinateur pour qu’on puisse voir que ZĂ©zĂ©, dont elle a acceptĂ© de prendre soin durant les absences d’Ariane, se porte bien. Tout le monde admire les enfants, qui font les clowns pour faire rire les adultes. Martin et Ariane se textent, s’envoient des courriels. Ils passent les longs week-ends et les fĂȘtes ensemble... Mais impossible de trouver un poste plus permanent.
Knowledge as power, c’est ce que dit le slogan anglais, se lamente Ariane, mais je perds mĂȘme ce que je sais, je ne sais plus oĂč je suis ni oĂč je vais, ce n’est pas cette vie que j’imaginais, je suis une migrante sans but, malheureuse. DĂ©sespĂ©rĂ©e. Perdue comme la Finnoise de l’aĂ©roport de Berlin. Immobile, celle-ci voyait partir les autres, moi je pars constamment alors que les autres restent. Il n’y a que mes enfants qui me procurent une impression de permanence alors que je leur enlĂšve la leur.
Ma mĂšre me dit de renoncer Ă  cette rat race, il se peut qu’elle ait raison. Martin me dit d’ĂȘtre patiente, mon pĂšre aussi, Fabien me dit de ne pas m’en faire, mes sƓurs me disent que je mĂšne tout de mĂȘme une vie assez normale, avec un revenu pas mal respectable. Marguerite croit elle aussi en la persĂ©vĂ©rance...
Mais je suis sans espoir et donc sans force, aplatie, Ă©crasĂ©e. Je continue d’enseigner l’« Introduction Ă  l’anthropologie » parce que dans chaque dĂ©partement que je visite les profs Ă©tablis se rĂ©servent les cours plus avancĂ©s, j’assiste sagement mais sans dire grand-chose aux rĂ©unions dĂ©partementales, je suis les conseils des directeurs ou directrices, je rĂ©dige des articles et essaie de les publier, parce qu’on me dit que je dois avancer dans mon domaine, oĂč pourtant il n’y aucun avancement.
Je cherche. Je lis les annonces dans les journaux, dans les revues savantes, dĂšs que je vois quelque chose, j’envoie mon CV et je continue Ă  attendre. Ce n’est pas ça que j’envisageais quand je me suis dĂ©cidĂ©e Ă  poursuivre mes Ă©tudes.
Je sais que cela arrive Ă  beaucoup d’autres, que j’appartiens Ă  toute une troupe de gens incapables de trouver un emploi qui soit stable. Parfois je pense que je devrais me lancer en politique, mais franchement, je les regarde faire, les politiciens, je les critique, je ne voudrais pas ĂȘtre des leurs. Quand je serai plus vieille, peut-ĂȘtre. Et mĂȘme pas. Je suis trop Ă©goĂŻste. Pour le moment, ce n’est pas la vie en gĂ©nĂ©ral qui m’intĂ©resse, c’est ma vie, ma vie Ă  moi, avec mes enfants, avec Martin, avec ma famille.
Encore heureux qu’à Sudbury on puisse vivre en français, mes enfants n’oublieront pas cette langue que j’aime. À Lethbridge et St. John’s, c’était l’anglais... MĂȘme au tĂ©lĂ©phone, avec Martin, on se parlait souvent en anglais.
Le soir, quand il n’est pas chez lui, je veux dire chez nous, je l’imagine parfois avec d’autres femmes, dans un lit, dans un restaurant, au cinĂ©ma. Je n’ose pas lui poser de questions.
Il lui dit, probablement en anglais encore :
— I have a wife and two kids.
— I want you.
— You don’t forget the pill?
— Of course not.
Il a envie d’elle. Ils font l’amour et je n’en sais rien. J’ai mal. Je me masturbe parfois.
Ou peut-ĂȘtre je regarde la tĂ©lĂ©vision.
Je m’endors. Je dors trop. Si au moins je rĂȘvais. Les enfants grandissent, je les amĂšne, l’un, Ă  la garderie, l’autre, Ă  l’école. L’aprĂšs-midi, je vais les chercher, les ramĂšne dans le petit appartement pas cher que j’ai louĂ© ici, au-dessus d’une pizzĂ©ria. Ils en veulent, je n’en achĂšte pas, je prends soin de bien les nourrir.
Le soir, je leur lis des histoires, je joue avec eux, je les dorlote, on se met tous les trois dans la baignoire, je suis leur pĂšre et leur mĂšre. Comment font les autres femmes? Comment faisait Bintou?... La femme Ă  l’aĂ©roport faisait-elle l’amour? Et avec qui? OĂč?
Parfois, mais pas trùs souvent, des collùgues m’invitent chez eux.
— Votre mari doit vous manquer...
Ils invitent des cĂ©libataires pour que je ne me sente pas trop isolĂ©e. Je pense qu’ils sont contents quand je pars, vers dix heures, prĂ©textant que la gardienne doit rentrer chez elle.
Je devrais organiser une soirĂ©e chez moi, mais j’ai honte de la pizzĂ©ria et du bric-Ă -brac qui meuble l’appartement.
Quand je regarde les nouvelles — en anglais, le soir —, il me semble que Peter Mansbridge est mon messager personnel. Je le regarde, j’aime le sourire qu’il cache sous son visage sĂ©rieux un peu trop rond. La chair de son cou pendouille lĂ©gĂšrement, c’est peut-ĂȘtre pour ça qu’il reste plus ou moins immobile. Il est neutre dans ce qu’il annonce, j’aimerais le voir passionnĂ©, prenant parti.
Je clique sur Google Earth, prends le vol sans frais pour Paris, Londres, Berlin, Accra et Tamale. Je vais Ă  Thornhill aussi, comme pour vĂ©rifier si Martin est bien rentrĂ© chez lui. Pourtant, je sais que la photo n’est pas live. Je pourrais lui tĂ©lĂ©phoner, mais je veux maĂźtriser mes impulsions. Être raisonnable. On s’est parlĂ© en dĂ©but de soirĂ©e.
J’ai trente-deux ans. Je voudrais ĂȘtre heureuse. Un peu du moins.
Je suis mĂ©contente de moi-mĂȘme. Je me trouve impatiente, exigeante, mauvaise mĂšre parfois, trop facilement fatiguĂ©e, Ă©nervĂ©e, irritĂ©e, en colĂšre, Ă©puisĂ©e...
Ce n’est pas ainsi que je veux vivre.
Il faut que je trouve une solution, mais oĂč?... Quand?...
CBC en a fini des nouvelles, je me couche, je lis quelques pages d’un roman Ă  succĂšs que je trouve mĂ©diocre.
J’éteins la lumiĂšre.
Je m’endors.
Le matin, ça va mieux. La routine quotidienne prend le dessus, les enfants sont joyeux, ils ont des projets pour quand ils seront avec leurs camarades. Ama emporte son crocodile en peluche, Kwabla ne peut pas se sĂ©parer du bout de couverture qu’il chĂ©rit, mais qu’il essaie de cacher dans la poche de sa salopette.
Il y a toujours de quoi rire avec eux.
Ariane arrive en classe avec deux minutes de retard, ce n’est pas grave, il y a plusieurs Ă©tudiants qui arrivent avec encore plus de retard.
Ce matin, il s’agit de discuter du travail du chercheur sur le terrain. Du premier contact avec l’Autre, ce qu’on appelle la rencontre, de la relation qui s’établit peu Ă  peu, de la mĂ©thode et du discours anthropologiques.
— Chacun de vous, dit-elle, aura son propre labyrinthe à traverser, ses propres doutes et insuffisances à examiner.
Elle regarde son public.
— Vous, Pierre, vous ne suivrez pas le mĂȘme cheminement que votre voisine, Érica. La pratique du terrain sera toujours singuliĂšre. D’aprĂšs Sophie Caratini, qui travaille en Afrique saharienne, d’aprĂšs moi, il n’y a pas de mĂ©thodologie gĂ©nĂ©rale et infaillible.
— Comment saurai-je si ma conduite...
— ... est la bonne? Vous en jugerez vous-mĂȘme. Discutez-en avec vous-mĂȘme dans ce qu’on appelle votre journal de bord. Regardez le dĂ©tail des lignes de conduite universitaires Ă©tablies pour l’anthropologie. Si vous respectez ces conditions gĂ©nĂ©rales visant Ă  minimiser les risques du sujet et Ă  les respecter, Ă  respecter aussi la vie privĂ©e de l’individu, il reste autant de façons de faire de la recherche qu’il y a de chercheurs. L’anthropologue s’efforce d’ĂȘtre conscient de deux perspectives : celle du mĂ©tier, positionnĂ©e selon des rĂšgles, et la sienne, inĂ©vitablement partiale.
Cinquante minutes plus tard, Ariane sort de la classe en se posant des questions sur sa propre mĂ©thode pĂ©dagogique, qui appelle Ă  l’auto-interrogation et veut laisser toute la place Ă  l’individu. Est-elle en train de rendre ses Ă©tudiants plus confus que nĂ©cessaire? Sa propre confusion est-elle contagieuse? Devrait-elle abandonner l’enseignement, essayer d’obtenir une petite place dans les rouages de la bureaucratie gouvernementale?
Arrive le miracle.
Jeudi matin. Une lettre aux timbres hauts en couleur attend dans le casier d’Ariane. Que lui veut donc ThĂ©a Asante, la directrice de l’Institut d’études africaines de l’UniversitĂ© du Ghana?
Accra, March 12, 2012
Dear Dr Boutier,
Your book, Poverty in Ghana : Women Living in Suspense, has come to my attention and that of my colleagues. We should like to hear you speaking on work during the international conference on African Women and Poverty which we are preparing for May 2013 and to which I have the pleasure and honour of inviting you today. The conference will focus on the role of African women in economic development. It is organized with the support of the UN by several departments of this University as well as by its Institute of African Studies.
Attached you will find the preliminary description and schedule of the conference, the list of its proposed participants, many of whom have already confirmed their participation, as well as a contract confirming your visit, and stipulating our obligations concerning your fee and expenses.
We would propose the title of your book as the title of your presentation and hope this will be agreeable to you.
Hoping you will be able to participate...
Ariane retient son souffle. Est-ce bien vrai? Est-ce possible? Elle relit la lettre, oui, il s’agit d’une invitation, il s’agit d’une reconnaissance de son travail, il y a des gens qui ont lu son livre et qui veulent qu’elle en parle, ils l’ont invitĂ©e, par Ă©crit, oui, il y a mĂȘme un contrat en piĂšce jointe, c’est sĂ©rieux, oui, elle ira au Ghana, oui, dans un an, oui! Sans plus tarder elle sort son cellulaire, envoie son consentement, respire.
Tout Ă  coup, le monde est en couleurs, comme les timbres sur l’enveloppe de cette lettre. Sudbury est belle, mĂȘme s’il fait froid et qu’on annonce une tempĂȘte de neige. Elle voudrait chanter la bonne nouvelle Ă  tout le monde, mais il est trois heures et demie, il faudra bientĂŽt aller chercher les enfants, leur faire un goĂ»ter, appeler Martin Ă  Toronto...
Ariane a envie de faire des folies, les distances ont rĂ©trĂ©ci pour elle, elle a envie de mettre les petits dans la voiture et d’aller Ă  Toronto, lĂ , cet aprĂšs-midi, tant pis s’il neige, il s’agit seulement de quatre heures et demie de route, ne pourrait-elle pas annuler son cours du vendredi matin, elle n’a jamais fait cela, she is too straight to play hooky, serait-elle capable de faire une exception? Elle aimerait surprendre Martin, tout simplement arriver Ă  Thornhill, ce soir Ă  dix heures, onze peut-ĂȘtre, les enfants dormiraient en route, seront tout Ă©tonnĂ©s de voir leur pĂšre, que dira-t-il, ou alors prendre l’avion, demain aprĂšs-midi, quelle dĂ©pense, mais cela vaudrait la peine, elle fera des Ă©conomies aprĂšs. Oui, c’est ça, donner le cours le matin, aller chercher les enfants, s’envoler avec eux.
— Maman, maman, crie Ama dĂšs qu’elle aperçoit sa mĂšre devant la porte de l’éc...

Table des matiĂšres

  1. PremiĂšre de couverture
  2. Faux-titre
  3. De la mĂȘme auteure
  4. Page titre
  5. DépÎt légal - Catalogage
  6. Épigraphe
  7. Remerciements
  8. Petit avant-propos
  9. Isa
  10. Le Gallois
  11. Le pĂšre
  12. Les courriels d’Isa
  13. La mĂšre
  14. Fabien
  15. Les couleurs
  16. Le voyage en Tunisie
  17. Le retour
  18. Ariane
  19. MĂšre doctorante
  20. Images du passé
  21. La carriĂšre
  22. Mai 2013 : Le journal d’Ariane
  23. Claire
  24. L’enfant surdouĂ©e
  25. Apprentissage
  26. L’enseignement
  27. Une lettre
  28. En attendant
  29. L’Inde
  30. Le voyage intérieur
  31. Juin 2014
  32. Table des matiĂšres
  33. CrĂ©dits — AchevĂ© d’imprimer
  34. QuatriĂšme de couverture