En d'sous d'la langue

Jérôme Melançon

• Éditeur: Éditions Prise de parole
• Année: 2021
• ISBN:
  9782897443092
• Sujet: Letteratura
• Sous-sujet: Poesia canadese

ma langue disparaîtmes langues épaississentau bord d'une explosionj'la teste du bout d'l'orteilj'en ai pas b'soin mais c'est tentant en maudittout' faire sauterqu'enfin ça coule sans embâclesLes poèmes d'«En d'sous d'la langue» incarnent une révolte contre tout le poids qui pèse sur la langue française et les identités francophones, et un refus des exclusions et des obligations qui s'y rattachent. Portés par le français de la vie ordinaire, ils revendiquent l'impermanence des identités, observent et commentent les conséquences du colonialisme, et dénoncent les convenances propres à l'organisation sociale, politique et économique de la vie de banlieue.Joyeusement vernaculaire, la poésie de Jérôme Melançon fait coïncider l'histoire des individus et celle des collectivités, et invite à rêver d'autres possibles.

Le soleil s’couche aussi su’l’Ouest

Saint-Boniface

À soir on s’paye une bonne histoire.

Checke ben ça.

La ligne des arbres aspire les nuages

leur faîte un dernier degré d’assombrissement.

Tout’ va sombrer dans’ rivière Rouge,

non, rougie du feu d’la croix qui fait

office de prise de possession territoriale

su’‘a nuit

su’l’quartier qui s’rappelle

qu’y’a déjà été une ville

qu’y’est surpris de pas se r’trouver

au bout du fil –

quand même tout l’monde icitte sait ça

sous la croix on naît pis on meurt

pis ça c’est pas une métaphore.

Les nuages appelés s’épaississent

l’histoire d’Absalom s’répète

la deuxième fois en farce :

on va encore faire comme si

les frontières entre la France pis l’Angleterre

se r’jouaient en destin.

Au cas où qu’y’aurait pas d’retour à’ patrie

on s’place sous la protection d’saint Louis

Riel on s’creuse une place dans sa famille

on monte des murs mais juste

à moitié

à force d’avoir les yeux dins nuages.

Sentier

La gravelle craque

c’est correct, c’est mieux

que quand a’ disparaît en d’sous

d’la boue comme là-bas, proche

du tuyau qui fait semblant d’être un tronc d’arbre.

L’eau en finit pus

de r’monter

juste assez pour attraper ma s’melle

me rapp’ler à ma condition d’tronc d’arbre

pis ça craque.

Est-ce qu’on peut parler

d’sentier dans un lieu où les murs de soutènement

sont empilés comme des ossements

au ras d’la pente

rej’tés par des clôtures un peu moins grises

dans cette lumière?

J’ai un peu peur d’être celui

qui saute d’en arrière des buissons

pendant qu’on r’garde ailleurs

plein d’chardons su’‘é bas

les genoux encore mous

sans savoir quoi faire

après

celui qu’on voit entre les branches

parce qu’les feuilles

ont commencé à r’voler quand l’vent pogne

celui qui fait pas peur aux oiseaux.

Fourche

Oui j’ai pris peur dans l’bois-ville

entre les feuilles mortes pis l’tape abandonné

où l’sol attendait mes s’melles

spongieux ou élastique, pis, la nuit,

trou noir ou miroir, un sentier qui avait été rouge –

un raccourci pour faire semblant

d’sortir de Winnipeg, d’trouver un seuil

ou p’t’être juste un avant-goût du silence,

d’l’absence de voix d’vant les métaphores

loin des clartés programmées.

Avec la rivière en bas c’est pas les ch’mins

qui manquent; y’ marquent la perte,

y’appellent les dési...

Table des matières

• Brasser ‘a moelle
• Dislocations, déchirements
• Le soleil s’couche aussi su’l’Ouest
• Frayeur
• Commune
• Remerciements