Rhapsodie québécoise
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Rhapsodie québécoise

Itinéraire d'un enfant de la loi 101

  1. 242 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Rhapsodie québécoise

Itinéraire d'un enfant de la loi 101

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À propos de ce livre

« Je suis un immigrant, c'est vrai, le terme ne me dérange pas, le mot décrit bien une réalité qui est la mienne. Retenez seulement qu'être un immigrant ne m'a pas occupé à temps plein pendant toutes ces années. Et que venir d'ailleurs comme être d'ici n'est pas une vertu, ni un défaut, ni un fait intéressant ou futile en soi. L'immigrant n'est — par essence — ni une victime à prendre en pitié, ni un héros à célébrer, ni un profiteur à dénoncer. Mais il n'est pas non plus comme tout le monde, ni comme vous pis moi. Comme vous, je veux dire. »Né en Hongrie, Akos Verboczy est arrivé au Québec à l'âge de onze ans. Il raconte ici comment il en est venu, peu à peu, (presque) sans douleur, à embrasser la culture québécoise et à partager ses idéaux. Maniant le français québécois avec une grâce que lui envieront de nombreux « de souche », il livre un récit désopilant où l'humour vient souligner l'intelligence du propos et la finesse des observations. Voici un livre salutaire à un moment de notre histoire où se pose de façon plus aiguë que jamais peut-être la question de notre identité et de nos rapports avec tous les « autres » qui partagent notre coin du monde.

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Informations

Année
2016
ISBN
9782764644218
troisième étape
Arriver à ce qui commence
La vie devant soi
Le choix de mon cégep était davantage imputable à la magie de la cote Z qu’à un désir latent de révolte adolescente, et encore moins patriotique, comme le craignait ma mère. Elle aurait préféré, comme tant de parents immigrants, qu’à l’instar de 80 % de mes anciens camarades, je choisisse de poursuivre mes études dans un cégep anglophone.
Je plaidais tout simplement que mon anglais n’était pas à la hauteur malgré le visionnement assidu de la télévision américaine, alors que j’avais atteint une certaine maîtrise du français. C’était vrai, même si cela ne paraissait pas dans mes notes, et ça me donnait confiance pour affronter l’avenir. Une confiance aveugle qui, elle, était parfaitement adolescente.
Cette formule mystérieuse de la cote Z (devenue cote R), dont le ministère de l’Éducation possède la clé, a déterminé que je ferais deux heures d’autobus chaque jour pour l’aller-retour entre la maison et le cégep, dans un quartier dont je ne connaissais pas l’existence : Rosemont. C’était, j’imagine, le prix à payer pour des années d’études en dilettante au secondaire.
Holà ! je n’étais quand même pas un décrocheur. Dans mon milieu, on n’avait même pas besoin de nous casser les oreilles avec ça. On ne nous avisait pas que quitter l’école sans diplôme était une option. Les campagnes de sensibilisation de l’époque avaient surtout pour préoccupation le respect des différences et du Guide alimentaire canadien. On nous priait aussi d’éviter autant que faire se peut les drogues et les pluies acides. Oui, des élèves disparaissaient de nos classes de temps à autre sans que cela semble inquiéter qui que ce soit. Peut-être avaient-ils eu la lucidité de comprendre que, tant qu’à ne rien apprendre à l’école, mieux valait travailler dans un dep ou vendre de la dope. Ce qui est la conséquence logique et une compréhension juste du discours utilitariste de l’école.
Au secondaire, il y avait une entente tacite entre élèves et profs : ces derniers faisaient semblant d’enseigner et, en échange, nous faisions semblant d’apprendre. Je n’étais pas trop pire là-dedans. L’exigence minimale en échange de notre diplôme se limitait à ne pas trop niaiser à notre pupitre, ce qui était pour moi la partie compliquée du pacte.
À titre d’exemple, nos cours d’économie familiale. Objectif : nous transformer en fées du logis. Utilité potentielle : très grande. Apprentissage : limité à la préparation de muffins. Philosophie éducative implicite : ne pas faire peur aux ados avec des légumes et risquer de les éloigner de la cuisine pour toujours. C’était la même stratégie en vogue qu’on appliquait dans nos cours de français où, là, on évitait de nous traumatiser avec des livres, histoire de ne pas nous dégoûter de la lecture pour le restant de nos jours. Succès : mitigé.
Les enfants immigrants provenant des écoles d’immigrants n’étaient pas les seuls affligés de la pauvreté culturelle à leur arrivée dans ce cégep de 3e tour. Il y avait évidemment des élèves cultivés, studieux et intéressés, ils existaient au secondaire aussi, à la différence qu’ici l’enseignement leur était destiné. Les profs avaient le temps de se consacrer à leur passion, et l’espace aussi – contrairement à leurs confrères du secondaire pour qui c’était impossible –, sans être gênés par la gestion de classe et le désintérêt des étudiants. C’étaient eux qui étaient indifférents à notre indifférence, et non l’inverse.
Comme ce professeur de littérature, un poète-rockeur, que j’aimais bien dans son rôle de grognon sympathique. Je l’ai vu grimper aux rideaux une couple de fois à cause de notre inculture littéraire, notamment le jour où un camarade a parlé d’Arthur Rambo dans un de ses travaux. « Rambo combien, mon grand, hein, combien ? »
Je ne pouvais être que de son bord quand il soulignait le faible bagage littéraire de certains de ses étudiants. J’ai probablement eu à lire trois, quatre romans tout au plus pendant tout le secondaire. Entre les poèmes fuckés de Claude Gauvreau récités à la Nuit de la poésie que je découvris à ce moment-là sur VHS et les poèmes du terroir hongrois que je devais réciter par cœur devant la classe au primaire, ma vie scolaire avait littéralement manqué de poésie.
Il n’était pas plus excentrique que la moyenne des profs dans ce cégep où il fallait adhérer à la IVe Internationale pour enseigner (du moins au département des sciences humaines avec pas de maths) et où certains se permettaient de fumer en classe et avaient l’air d’avoir posé encore récemment des bombes au nom du FLQ. Il y avait cette femme érudite, vraie encyclopédie de l’histoire de l’art, qui m’a accompagné avec quelques étudiants au musée Pointe-à-Callière pendant son temps libre. Il y avait aussi un guide-évêque de Raël qui, nonobstant ses écrits sur les bienfaits de la masturbation collective qui firent scandale, était franchement bon pédagogue.
Bizarrement, je garde peu de souvenirs de mes camarades ou de la vie quotidienne durant ces années. J’allais à mes cours avec un plaisir inédit, et le reste de l’expérience cégépienne, comme la fabrication de joints et l’apprentissage du Code Morin, m’a échappé. Mais le cégep m’a permis de m’ouvrir sur un autre monde, celui que le ministère de l’Éducation m’avait habilement caché jusque-là : le Québec.
À ses clientes westmountaises couchées dans le fauteuil de son salon de beauté qui devaient, dans cette position, suivre les tribulations de ma vie pendant qu’elles se faisaient épiler, ma mère aurait aimé nommer un cégep anglophone comme lieu de mes études. Vanier, Dawson, Marianopolis, les trois possibilités qui m’auraient mené à l’Université McGill ou, au pire, à Concordia. À la réussite sociale, à la réussite de notre immigration, en somme.
« Cégep de Rosemont » – même édulcoré en Rose-Mount College – faisait immanquablement hausser les sourcils que ma mère était en train d’arracher. L’inquiétude quant à mon avenir était partagée. Un cégep francophone dans un quartier francophone avec des élèves et des professeurs francophones, ce n’était pas très prestigieux ni très prometteur, et surtout c’était dangereux pour mon jeune cerveau perméable aux influences.
« Je m’inquiète de ses fréquentations, il change. Il est à sa première session et déjà il me dit vouloir l’échec – non, non, pas de ses cours, mais de l’accord de Charlottetown, car, tiens-toi bien, “la proposition est insuffisante pour le Québec”. Et il votera pour le Bloc et Lucien Bouchard l’an prochain. Lucien Bouchard, t’imagines ? Je ne comprends pas ce qu’il fait, ce qu’il lit, ce qu’il dit. Il sort beaucoup trop enthousiaste de ses cours, je ne le reconnais plus…
— Au moins il ne prend pas de la drogue, répondaient les voix empreintes de pitié qui se voulaient réconfortantes.
— Peut-être pas, mais il lit Le Devoir. »
La journée d’un scrutateur
Amerigo avait compris qu’en politique les changements suivent des voies, longues, compliquées, et qu’il ne faut pas les attendre pour demain, ni compter sur un revirement du sort ; pour lui comme pour beaucoup d’autres, acquérir de l’expérience avait signifié devenir quelque peu pessimiste…
« Pour transformer une pièce en bureau de vote, écrivait Italo Calvino, il suffit de quelques accessoires. » Des paravents pour les isoloirs, des boîtes pour l’urne, des bulletins de vote, des crayons à mine et quelques affiches. On dispose le tout dans des locaux anonymes, on ajoute quelques chaises pour le personnel (scrutateurs, greffiers, représentants des partis), « qui autour de ces objets encore plus anonymes, prennent derrière leur table l’air impersonnel exigé par leur fonction ».
J’ai pris cet air-là pour une première fois en 1994, au rez-de-chaussée d’une des tours Rockhill qui défigurent le chemin Côte-des-Neiges. C’était lors des élections provinciales qui allaient ramener le Parti québécois au pouvoir avec Jacques Parizeau à sa tête. C’est ce rôle bien passif qui m’a conduit – un peu par hasard – vers la politique active.
Au départ, c’était surtout pour l’argent. J’avais entendu dire qu’on payait plus de cent dollars pour une journée passée assis dans un bureau de vote « à ne rien faire ». À ma décharge, je ne roulais pas sur l’or : c’est grâce à des vingt, des cinquante dollars gagnés ici et là – comme entraîneur d’escrime ou arbitre, commis ou gardien d’enfants – ajoutés à mes prêts et bourses que je vivais le début de ma vie d’adulte.
Être aux premières loges, acteur même, d’un événement politique d’importance était autant le bienvenu que la compensation financière. Gagner ma vie sans travailler et changer le monde sans effort étaient alors mes deux objectifs de vie plus ou moins avoués, et cet emploi prouvait l’accessibilité de ce rêve, quoi qu’en pensaient ma mère et mon conseiller d’orientation.
Pour décrocher le poste, il fallait par contre être référé par un parti politique.
Au local électoral du PQ, on ne m’a rien demandé d’autre que mes coordonnées. La dame ne m’a pas regardé croche quand j’ai épelé machinalement mon nom et que j’ai souligné avec empressement mes sympathies souverainistes. Faut dire que le nom du candidat de mon comté, Salomon Cohen, ne sonnait pas très péquiste non plus, et je me demandais encore s’il ne s’agissait pas d’une bonne blague en hommage à Louis de Funès.
« La formation du personnel électoral est demain soir, si vous ne vous présentez pas, vous n’avez pas la job. »
Ma carrière de citoyen engagé pouvait débuter. Dix ans plus tard, c’est moi qui donnais la formation.
Ça a l’air bien plate d’être assis sur une chaise pliante à observer le fastidieux défilé d’un quartier pendant douze heures, mais le fin observateur de la vie démocratique a de quoi se mettre sous la dent. Il s’étonne de la sérénité des lieux, même quand l’enjeu est de faire deux pays avec un. Il remarque « la vie dans sa variété qui entre avec les électeurs », la diversité de ses concitoyens, même dans les sections de vote les plus homogènes. Il se dit que c’est quand même bien qu’ils aient tous le même poids dans la démocratie, même cet hurluberlu qui cherche Jean Drapeau sur le bulletin de vote et l’autre qui ne comprend pas un mot de français ni d’anglais.
Le pas fin observateur de l’exercice démocratique, lui, remarque les navettes qui traînent des gens au bureau de vote qui, san...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. Titre
  5. Crédits
  6. Dédicace
  7. Exergue
  8. D’où je viens?
  9. Première étape
  10. Deuxième étape
  11. Troisième étape
  12. Crédits et remerciements
  13. Fin
  14. Quatrième de couverture