Naïm Kattan
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Naïm Kattan

Entretiens

  1. 178 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Naïm Kattan

Entretiens

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À propos de ce livre

Né à Bagdad, Naïm Kattan est arrivé à Montréal en 1954. Le Canada, le Québec, il les a choisis, et il a toujours refusé de se considérer comme un exilé. Cependant, rejeter l'exil ne veut pas dire renier l'étranger en soi. Dès son arrivée au Canada, Naïm Kattan a accepté sa différence, il a revendiqué l'ailleurs en lui. Il a également compris qu'être étranger pouvait être un avantage, surtout dans un pays où se creusaient de nouveaux clivages culturels.Les entretiens qui composent ce livre tentent d'analyser le rôle de la culture dans la construction des identités collectives et dans l'instauration d'un dialogue entre les communautés et entre les nations. Plus précisément, ils cherchent à rendre compte des transformations culturelles qui ont façonné le Québec depuis les années cinquante et qui ont influencé son devenir, tant dans son évolution nationale que dans ses rapports avec d'autres cultures, en Amérique du Nord, en Europe et ailleurs dans le monde.

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Informations

Année
2017
ISBN
9782764644737
Chapitre 1
Le Québec, la mémoire
Depuis la Révolution tranquille, les communautés migrantes ont, tour à tour, été perçues comme faisant obstacle à la création d’un projet national ou comme lui fournissant un nouvel ancrage. Leur adhésion à la langue française pourrait faire des immigrants les alliés naturels d’une vision nationale, pour autant que ce projet s’affirme inclusif et ouvert sur le monde. La déclaration de Jacques Parizeau sur les « votes ethniques » en 1995 a marqué un point de tension important dans cette évolution. Quelle place occupent aujourd’hui les communautés migrantes dans l’imaginaire culturel québécois ? La dichotomie allié-obstacle est-elle encore déterminante dans le rôle que jouent ces communautés dans l’affirmation d’une culture nationale ?
Pour aborder la présence des communautés migrantes ainsi que l’attitude des Québécois envers elles aujourd’hui, il est nécessaire de remonter au début de l’histoire du Canada. Les premiers Français qui ont débarqué sur les rives de ce pays étaient d’abord des conquérants. Ils étaient catholiques, et les monarques bourbons interdisaient l’entrée en Nouvelle-France aux Juifs et aux protestants. Même si le Juif bordelais Gradis était l’armateur des conquérants, il n’était pas question qu’il pose le pied sur cette terre. De longues batailles ont opposé les forces royales aux tribus amérindiennes. Il y eut des morts, voire des martyrs des deux côtés. Il faut ajouter que les militaires français comprenaient des mercenaires allemands, suisses et autres. Les coureurs des bois ont suivi les militaires et le clergé. La migration a fait son entrée.
La défaite des Français sur les plaines d’Abraham a ouvert les portes du Canada aux sujets du roi d’Angleterre. Les premiers Juifs ont alors fait leur entrée de même que les Écossais, catholiques ou protestants, suivis plus tard par les Irlandais. Ainsi, ce pays, le Bas-Canada, se peuplait d’une diversité d’ethnies et de religions. Je ne vais pas faire l’historique des deux millions d’Allemands en grande partie en Ontario ni du million et demi d’Ukrainiens surtout au Manitoba, sans parler des Italiens, des Chinois, des Japonais. En plus des Amérindiens et des Inuits, la population du Canada se compose de migrants.
Dès le départ, deux attitudes ont prévalu, celle des Canadiens anglais et celle des Canadiens français. Ces derniers insistèrent sur la primauté du catholicisme et de la langue française. Proclamant la langue comme gardienne de la foi, ils s’assurèrent que celle-ci préserve la religion et soutienne la conversion. Les Québécois Ryan et Johnson en sont l’exemple. Les Amérindiens qui embrassaient la foi catholique portèrent dès lors des noms français, même s’ils demeuraient dans les réserves. Les enfants issus des mariages mixtes se fondaient dans la masse et n’étaient pas qualifiés de métis. C’est au Manitoba et en Saskatchewan que le métissage fut reconnu et caractérisé. Jusqu’au milieu du xxe siècle, le catholicisme a régné au Canada français. Les « autres » appartenaient à la communauté anglophone, quelles que soient leur origine ou leur religion. Des écoles catholiques étaient implantées dans l’ensemble de la province. À Montréal se côtoyaient deux commissions scolaires : l’une catholique, l’autre protestante. Celle-ci ne comprenait que des écoles de langue anglaise, mis à part l’école Victoria. Ainsi les juifs, par exemple, fréquentaient les écoles protestantes de langue anglaise. La commission catholique disposait d’écoles de langue anglaise. Curieusement, les Italiens optaient en majorité pour ces écoles plutôt que pour les écoles de langue française.
Avant de proclamer et de définir leur espace – le Québec –, les Canadiens français ont affirmé leur unicité. Ils en continuèrent l’affirmation en réclamant une souveraineté politique. La religion, de moins en moins professée, ne suffisait plus à définir leur identité.
Depuis la Conquête, les Canadiens français résistaient et s’opposaient à ce qu’ils considéraient comme une intrusion des groupes de migrants. Même les catholiques, les Siciliens, par exemple, faisaient face, au début du siècle dernier, à l’hostilité des Canadiens français. À cette époque, les Juifs d’Europe centrale, des colporteurs et des ouvriers de l’industrie du vêtement, commencèrent à ouvrir des épiceries. La Société Saint-Jean-Baptiste lança alors une campagne incitant à l’« achat chez nous » pour contrer leur concurrence. Quand des Juifs, tentant de fuir l’Europe et d’échapper au nazisme, dans les années trente, cherchaient refuge au Canada, les politiciens et les journaux canadiens-français ne cachaient pas leur hostilité. Ce fut le cas aussi, d’ailleurs, des Canadiens anglais.
Cherchant à rester fidèle à la France, le clergé catholique, renforcé par l’immigration de clercs français après la proclamation de la loi Combes en France au début du siècle dernier1, choisissait une France non trahie par la Révolution. Les adeptes de Charles Maurras étaient nombreux et le chanoine Lionel Groulx fonda un périodique qui en portait la marque : L’Action française. Le périodique dut changer de nom et devint L’Action nationale, qui existe encore aujourd’hui, mais qui a abandonné l’idéologie maurassienne.
L’attitude du Canada envers les groupes ethniques est marquée chez les francophones par celle de la France envers ses groupes régionaux. Bretons, Provençaux ou Basques sont d’abord français. La Grande-Bretagne, par contre, est un ensemble, un Royaume-Uni d’Anglais, d’Écossais, de Gallois et d’Irlandais du Nord. Un Canadien d’origine grecque est défini au Canada anglais comme un Gréco-Canadien et au Québec comme un Québécois d’ascendance ou d’origine grecque. Cela se poursuit aujourd’hui dans le domaine littéraire, entre autres. Au Canada anglais on est un écrivain italo-canadien et au Québec un écrivain migrant avant de devenir un écrivain québécois d’origine italienne. Il n’est pas surprenant que le premier grand roman du Canada français, Maria Chapdelaine, ait pour auteur un migrant français.
Quelle a été ta propre expérience en tant qu’immigrant dans les années cinquante ? Francophone d’origine irakienne, de quelle communauté t’es-tu senti le plus proche au moment de ton arrivée au Canada ?
Je voudrais signaler les diverses étapes de mon adaptation à mon nouveau pays en tant que migrant. Ayant perdu mon passeport irakien en 1949 en raison de mon judaïsme, je suis venu au Canada muni d’un document français de réfugié. Cela m’avait pris plusieurs mois pour obtenir le visa d’immigrant à Paris. En février, le bateau, empêché par la glace, s’arrêta à Halifax. Là, l’officier de frontière me demanda où se trouvait Bagdad, ma ville de naissance. En Irak, répondis-je. C’est où ? En Asie. En Asie ? Vous êtes asiatique ? J’ai indiqué le visa d’immigration. Cela n’a pas paru le rassurer. Je suis juif, ai-je fini par lancer, croyant répondre à une question qu’il ne voulait pas me poser directement. Il fallait le dire, s’exclama-t-il. Les Juifs sont des Caucasiens, ce ne sont pas des Asiatiques. Mon visa fut rapidement estampillé.
J’ai appris plus tard qu’il existait alors une loi canadienne qui limitait le nombre d’immigrés asiatiques à cent par année. À mon arrivée à Montréal, deux petits groupes accueillaient les immigrants, l’un offrant aux protestants le Montreal Star, l’autre offrant aux catholiques Le Devoir. Je suis passé entre les deux et personne ne m’a retenu. J’ai eu le temps d’apercevoir la manchette du Devoir : « Cinq cent mille chômeurs ! » Cela ne me concernait pas, me dis-je.
J’ai pris une chambre au YMCA, rue Drummond, et, bravant la neige, je me rendais aux adresses indiquées dans les offres d’emploi trouvées dans La Presse et dans le Montreal Star. Les francophones me demandaient à quelle paroisse j’appartenais, et quand je soulignais que je n’étais pas catholique, on insistait, ne comprenant pas qu’un francophone ne le soit pas. Les anglophones s’attardaient sur mon nom et, décelant ma religion, me conseillaient d’aller chez « les miens ».
J’ai fini par me présenter au Congrès juif canadien, rue Sherbrooke Ouest. Le directeur, Saul Hayes, me reçut avec bienveillance. Il était curieux et voulait que je lui en dise plus long sur mon appartenance à la communauté juive irakienne. Pour ma part, je me suis montré surpris que la communauté juive d’une ville à majorité francophone n’eût aucun service en français. Il m’apprit qu’un Cercle juif se réunissait chaque mois, autour d’un conférencier, des juifs originaires de France, de Belgique ainsi que des Canadiens français, et me proposa d’en être le prochain. J’ai suggéré de parler de mes rencontres avec des écrivains français : Gide, Malraux, Claudel.
À la suite de cette conférence, Judith Jasmin m’appela pour m’interviewer à l’émission Carrefour qu’elle animait avec René Lévesque. Ce fut, avec le futur premier ministre du Québec, le début d’une amitié qui se poursuivit jusqu’à son décès. Saul Hayes me proposa ensuite un emploi à temps partiel pour prendre en charge le Cercle. Enhardi, je lui proposai de publier un bulletin, en français, où l’on rendrait compte des cultures juive et canadienne-française. Dès le premier numéro, stéréotypé, l’accueil fut fort favorable. Des articles sur le Bulletin parurent dans La Presse, Le Devoir, La Patrie. Je me présentais à ces journaux et on m’accueillait avec chaleur et curiosité. Jean-Marc Léger, journaliste à La Presse, m’interviewa et nous devînmes amis.
L’élite intellectuelle canadienne-française était en grande partie constituée de membres du clergé. Connaissant mal le christianisme, j’entamais des rapports, des liens et des amitiés. C’était l’époque de l’ouverture au monde du Canada français et cela commençait par l’Église. Mon intérêt n’était ni suspect ni menaçant. Je ne tentais de convertir personne. L’un des premiers enthousiastes de mon activité au Cercle fut un jésuite, le père Stéphane Valiquette, qui manifestait un intérêt quasi fervent pour le judaïsme, apprenant le yiddish pour multiplier ses contacts avec la communauté juive.
J’ai connu d’autres prêtres. Le dominicain Georges-Henri Lévesque, par exemple, m’invita à passer une fin de semaine dans son monastère à Québec pour parler de judaïsme. Je l’ai revu plusieurs fois ensuite et nous nous retrouvions toujours avec plaisir. Mon amitié avec l’abbé Louis O’Neill fut aussi fervente. Il m’invitait dans sa cellule à trinquer avec du vin de messe. Le père Bernard Mailhot, professeur à l’Université de Montréal, qui donnait un cours sur le racisme, donna une conférence impressionnante au Cercle juif.
Mes liens et mes amitiés se multipliaient. André Laurendeau fut un ami proche. Nous déjeunions ensemble une fois par mois. Je commençai alors à m’intéresser à la littérature du Canada anglais et des États-Unis. Constatant que Le Devoir, dont il était le rédacteur en chef, ne consacrait aucun article à ces littératures, je lui fis part de ma surprise. Il me proposa aussitôt d’écrire moi-même sur ces sujets. Un demi-siècle plus tard, je suis toujours chroniqueur au Devoir.
À mon arrivée à Montréal, il y a soixante ans, le Montreal Star ignorait l’existence de la vie culturelle et sociale du Canada français et La Presse demeurait aveugle à la culture canadienne-anglaise. La réalité, aujourd’hui, est très différente. Que s’est-il passé ? D’abord, il y a eu l’urbanisation des Canadiens français. Gabrielle Roy l’a très bien décrite dans Bonheur d’occasion. Elle fut suivie par d’autres romanciers : Roger Lemelin, André Langevin. Des poètes se faisaient entendre : Alain Grandbois, Rina Lasnier. Et puis, alors que l’Église s’ouvrait au monde, des voix s’élevaient pour la première fois pour marquer leur appartenance à une société qu’ils voulaient laïque. Des revues telles que Liberté et Les Écrits du Canada français illustraient ce changement.
Quelle a été l’influence des communautés culturelles sur l’avènement d’une conscience nationale au Québec ?
Avant de tenir compte des groupes culturels au sein de la société, les Canadiens français ont commencé par prendre conscience de leur propre existence. Le nationalisme n’était plus religieux. Il avait revêtu un caractère culturel et, pour se concrétiser, il embrassa la politique. André d’Allemagne, l’un des fondateurs du Ras...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. Collection
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Avant-propos
  8. Chapitre 1
  9. Chapitre 2
  10. Chapitre 3
  11. Chapitre 4
  12. Chapitre 5
  13. Conclusion
  14. Crédits et remerciements
  15. Fin
  16. Quatrième de couverture