Pliures

Michel Ouellette

• Éditeur: Éditions Prise de parole
• Année: 2016
• ISBN:
  9782894239865
• Sujet: Littérature
• Sous-sujet: Poésie canadienne

«Pliures» se construit autour d'un deuil. Le poète y traite de la maladie de son père, de sa mort, et s'interroge sur leurs rapports. La distance, jamais comblée, qui les séparait se transforme ici en un retour sur le sentier des souvenirs. Par les mots, la voix poétique cherche à apprivoiser le père dépouillé des artifices de l'autorité, un homme dont les passions, les rêves et les blessures ont été vécues en silence jusqu'à la fin. Une bouleversante conversation à sens unique.Avec ce recueil, Michel Ouellette, figure incontournable de la littérature franco-ontarienne, révèle une introspection où le corps, à force de chercher à pallier l'absence, en vient à se ronger de l'intérieur.

Arc-bouté pieds et mains

Sur la flèche irréversible du temps

Je bascule

Dans l’immobilité de l’espace qui se tait

Le silence plane sur ma nuit

Plantée d’étoiles étreintes

Je me cherche une voie lactée

Vers vous

Je dirai vous car tu es si loin de moi

Dans les interstices des fractures qui nous séparent

Comme j’aimerais me taire

Mais je me suis tant tu que vous êtes

Et je suis

Las

Mes nuits m’ensongent

Une main tendue vers l’invisible

Votre main

Bout du doigt

Je dois

Faire vibrer la corde raide temporelle

Je reste enfermé dans la chambre

Dans laquelle vous avez expiré

Fausses notes

Parmi le souffle dernier

Qui saccage mes nuits blêmes

Je compte toujours la durée des intervalles

Sans intervenir

La respiration saccadée s’étire

Tendue vers l’infini

Votre corps qui se déterrestre

Moi qui reste prisonnier d’une chambre de chair en ruine

Fiché dans la carte-monde de votre vie

Là où je n’ai pas ma place

Mes fautes devaient s’expier

Devraient

Tôt ou tard

Je veux m’arracher à la nuit

C’est toujours la nuit

Toujours dimanche

Je mange des œufs

Il pourrait y avoir des odeurs d’autrefois

Ces moments souvenirs qui ne me reviennent plus

Tout en langueur

Le chocolat chaud

Le bruit du grille-pain

Une chanson western

Je suis dans ma tête

Sur une voie d’évitement

Un convoi citerne d’émotions polluantes

Essence de mes sables bitumineux

Je me biture aux excès de liquides noirs

Pourtant mes larmes sont sèches

Une lame découpe le dimanche en lambeaux d’heures

J’ai crevé les jaunes

Je suis toujours blanc portant

Menhir noctambule

Vers vous, c’est une route

Longue route sans espoir

Sur laquelle j’ai roulé

Mu par des musiques

Mes misères

Mes doutes

Mes pensées secrètes

Qui ont sapé votre autorité sur moi

Votre ascendance descendante

Alors que le moteur rugit dans la côte

Un lion ailé prêt à prendre le ciel

En proie à la bête fauve

Je m’enterre pour éviter les coups de griffes

J’allais faire une bêtise

Oublier la route

Prendre le décor

Me décorporaliser

Véhicule redressé dans sa voie

Je m’engouffre

Dans l’asphalte brûlant

Je voudrais me révolter

Faire sauter les barrières

Mais j’ai trop peur de tomber

Face première

Avec le vide de mes ambitions

Il n’y a plus rien à faire

Ça ne tourne plus

Le monde fait du surplace

Dans ses ombres numériques

Des vérités nébuleuses

Nuages intercalaires de poussière d’existences égocentriques

Je voudrais m’excentrer

Mais je reste au centre de moi-même

Tout est relatif

Tout est relation

Tout est vitesse

Nos territoires tremblent et nous secouent

Jusque dans nos entraves int...

Table des matières

• Page couverture
• Prise de parole
• Du même auteur
• Page titre
• Crédits / Catalogage
• Pliures
• 4e de couverture