Se taire
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Se taire

  1. 83 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Il y a seize ans, Alexandra a quitté son village en disgrâce. Elle était la Cassandre des lieux: elle avait le don de prophétie, mais la malédiction qu'on ne la croit jamais. Son départ a laissé un trou béant que sa tante Marguerite a cherché à combler par un culte de seize femmes muettes dédié à son souvenir. Aujourd'hui, après seize ans de pérégrinations, Alexandra rentre, épuisée, au bercail. Celle qui troublait par ses visions ne dit plus rien. Aphone, elle inquiète d'autant les villageois par son silence. Que cache-t-elle de si terrible qu'elle n'en dit rien? Pourquoi est-elle revenue après seize ans?

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Informations

Année
2013
ISBN
9782894235966

1. Prologue : « Le retour se vit un pas à la fois »

 
Arrive Alexandra ; elle a quarante ans bien fatigués. Elle porte le poids du monde sur ses épaules. Le poids de ce qu’elle devra accomplir. Depuis des mois, elle ne ferme plus l’œil. Des rêves troublants l’éveillent et lui rappellent qu’elle ne pourra pas fuir ses origines à tout jamais.
Elle a compris, une nuit, qu’il lui faudrait rentrer chez elle et accomplir cette tâche : taire la voix qui ne lui inspire que méfiance.
Le retour se vit, un pas à la fois, depuis la traversée océane jusqu’à la route du village qu’elle foule aujourd’hui en direction inverse. Qu’a-t-elle accompli au cours de ces seize années d’exil? Rien, sinon des fuites, des feintes. Seize ans de songes inquiétants, le regard et le souvenir fixés sur ce village qui n’était plus le sien. Un village qui ne voulait plus d’elle, qui l’avait rejetée et propulsée dans le vaste monde.
Et cette longue lame de rasoir qu’elle trimbale depuis déjà seize ans ne l’a jamais quittée. La lame lui a souvent servi pour tenir à distance les importuns qu’elle rencontrait inévitablement lors de ses voyages. Elle l’affile le soir par désœuvrement depuis si longtemps que le geste est devenu routinier.
Le village au loin.
Le voilà, ce village de malheurs. D’où lui vient ce pincement au cœur devant ce village qui n’est plus que souvenirs et spectres? Elle y entrera comme une revenante, celle qui a tant accablé les gens avec des prophéties que personne n’a jamais crues. Voilà sa malédiction : voir et avertir sans être entendue. Voilà pourquoi elle a pris le pari du silence.
Elle ne parle plus depuis le début de son exil, il y a seize ans. À quoi bon? Personne ne l’a jamais crue. Elle porte en elle le tracé de tant de vies, l’inévitabilité des actions. Les mensonges qu’on se raconte, les illusions qu’on se fait croire. Tout ça en elle. Après s’être réfugiée dans le silence, elle s’y est trouvée étrangement bien. L’idée ne lui vient même plus de parler.
Ce parfum — on vient de faire les foins ; à l’entrée du village, le garage suinte d’huile. L’angélus du soir sonne au loin. Ce ciel dégarni, ouvert, ce ciel que rien n’empêche de considérer.
Les odeurs du village, sa rumeur, sa lumière. Alexandra se gave de tout cela alors que ressurgissent les souvenirs qui l’amènent à comparer, à attester, à constater ce qui a changé au cours de son absence prolongée.
Une femme étrange à l’entrée du village. Il y en avait régulièrement. Aujourd’hui, c’est elle l’étrangère, porteuse d’un bagage inquiétant, parce qu’inconnu et insoupçonné.
Voilà des enfants qui s’excitent, qui courent déjà en éclaireurs annoncer la venue d’une étrangère. Leurs parents la reconnaîtront-ils?
Ce qu’elle veut plus que tout : revoir la petite Christine, la fille de François, celui qui l’a exilée. Christine est née l’année de son départ il y a seize ans. Qu’est-elle devenue? Connaît-elle même l’existence de celle qui avait prédit la mort de sa mère ; de celle qui avait prédit ce premier malheur? Retrouver aussi sa troublante tante Marguerite, la seule qui à l’époque savait l’écouter. La prendre dans ses bras et la consoler, malgré le drame de sa propre vie.
Surtout — et c’est ce qui l’a menée sur la route du retour —, trouver la sorcière qui trouble ses songes, celle qui parle en son nom, qui colporte des visions d’horreur et qui l’empêche de dormir. Couper cette langue sale, médisante, enjoliveuse. Mettre fin aux exordes, aux ululements indécents de cette prédicatrice qui prêche en son nom un avenir terrible. Taire celle qui, par son infecte logorrhée, transforme à chaque énoncé l’avenir des siens, le soumettant à des fantasmes destructeurs. Redonner place au murmure rassurant et bénin du village.
Justement, le murmure se fait entendre. Sauf qu’il y a en son cœur un trou silencieux qu’une Prédicatrice tente d’emplir.

2. Exorde : « C’est tout mon corps qui m’annonce qu’elle sera bientôt auprès de nous »

La Prédicatrice
au chœur des Silencieuses
Venez, venez! J’ai quelque chose à vous dire. Venez, mes chères. Arrive Ginette, je t’attends depuis trop longtemps, venez Rolande, Chantal, dépêche-toi Blanche, allez, Eva et Martine, un peu plus d’entrain ; ce n’est pas le temps de faire la mine Sheila, Berthe, Estelle, Florence. Ah, te revoilà, Jeanne, ça va mieux? Suzanne, aide un peu Régine, elle a du mal à marcher. Giselle, Juliette, Céline ; avancez, avancez. Et bien sûr, Monique, toujours à la remorque du groupe!
Mes chères amies, mes sœurs, mes alliées dans le silence et dans l’attente du retour d’Alexandra… En vérité, je vous le dis, c’est tout mon corps qui m’annonce qu’elle sera bientôt auprès de nous!
J’ai rêvé qu’Alexandra rentrait de son exil. Elle tirait derrière elle une wagonnette dans laquelle se trouvaient des cadeaux rapportés de pays exotiques, des pays dont on n’a jamais même soupçonné l’existence. Celle qui n’a pas parlé depuis son départ se taisait toujours.
Vous vous souvenez du regard d’épouvante qu’elle avait? Souvenez-vous de ses derniers mots : « Faudra-t-il se taire, alors? ». Une manière de réponse posée comme une question. La conclusion d’un débat intérieur qui l’avait accablée pendant des semaines suivant la mort de la pauvre Francine — qu’elle repose en paix. Comme d’habitude, personne ne l’avait écoutée, personne n’avait cru à la mort tragique de Francine à la naissance de la petite Christine. Personne. Pas une d’entre nous n’avait saisi ce qu’Alexandra nous disait. Elle nous l’avait pourtant répété plusieurs fois que cette pauvre femme allait mourir. Comme à chaque fois, nous n’avions rien entendu. Sa seule réponse? « Faudra-t-il se taire, alors? » Depuis, plus rien. Elle s’est emmurée dans son silence.
S’est-elle tue parce que la prophétie était si terrible, si abjecte qu’elle n’arrivait pas à l’articuler? Ou bien est-ce que c’était en réaction à nos violences, à notre indifférence à chaque fois qu’elle prononçait une vérité?
C’est en souvenir de ce départ, en souvenir de ces prophéties, en souvenir de celle que nous avons exilée plutôt qu’écoutée que vous vous taisez toutes aujourd’hui. Mes sœurs, je devine son retour au plus profond de mon être. La sentez-vous qui approche du village? Le fond d’ennui placide qui nous enveloppe depuis des années est en voie de se dissiper. Alexandra rentre chez elle. Elle revient s’assurer que nous avons bien saisi la leçon.
À sa question « Fallait-il se taire », nous répondons : « Oui, il le fallait! » Il le fallait pour que notre présence soit entendue. Il le fallait pour redonner au village sa conscience. Il le fallait pour éviter que le village ne perde son âme. Il le fallait pour que nous puissions reprendre l’autorité morale ; pour éviter de sombrer dans l’insignifiance.
« Fallait-il se taire? » Oui, en effet, comme Alexandra, pour elle et pour le salut de notre communauté.
Entre Christine, dite Alex. Elle se fait discrète et écoute l’exorde de Marguerite.
Se taire, sans se poser de questions, en hommage à celle qui avait toujours eu raison et que nous avons toutes été trop bêtes pour comprendre. Toutes trop occupées à raconter n’importe quoi plutôt qu’à l’écouter. Lorsqu’elle rentrera de son exil honteux — honteux puisque imposé —, elle nous retrouvera, nous les Silencieuses, et elle ne sera pas peu fière de notre silence contemplatif. Ce silence, elle le préconisait comme antidote à l’horreur qu’elle devinait. Ce silence devait être une prière, un don, un engagement à changer le destin du village. Nous tromperons le destin!
Alex
provocante, mais calme
Foutaise. Balivernes. Fantasmes de vieilles désœuvrées.
La Prédicatrice
poursuivant malgré l’interruption
Il faudra l’accueillir avec notre silence rédempteur. Il faudra la protéger des impies et des langues fourchues.
Alex
remarquant Alexandra qui écoutait également depuis un moment
Tiens, une nouvelle disciple? C’est rendu que tu les attires des villages avoisinants?
Temps. Elles regardent toutes cette femme. Alexandra les reconnaît. La Prédicatrice et le chœur mettent un moment avant de comprendre qui se trouve devant elles.
La Prédicatrice
incréd...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Du même auteur
  3. Titre
  4. Crédits
  5. Dédicace
  6. Préface « Faudra-t-il se taire alors? »
  7. Personnages
  8. 1. Prologue : « Le retour se vit un pas à la fois »
  9. 2. Exorde : « C’est tout mon corps qui m’annonce qu’elle sera bientôt auprès de nous »
  10. 3. Prétérition : « Moins tu parles, plus j’ai besoin d’en dire »
  11. 4. Duel : « Viens vers moi »
  12. 5. Hypotypose : « Qu’est-ce que j’y ai vu? C’est plutôt ce que j’y ai entendu qui m’a troublée. »
  13. 6. Anacoluthe : « C’est ben compliqué comme mot »
  14. 7. Catharsis : « Faudra-t-il lui extraire cette langue qu’elle manie avec frivolité? »
  15. 8. Péroraison : « Tu lui enfiles une camisole de force et tu lui dis de se taire?!? »
  16. 9. Bienséances
  17. 10. Paratopie : « Partir. Moi, je ne sais plus faire autre chose. »
  18. Distribution
  19. 4e de couverture