Contes sudburois
  1. 77 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Sudbury, depuis trente ans, est un creuset dans lequel les artistes continuent de puiser, qui continue de les alimenter. Six d'entre eux, dans le cœur desquels Sudbury occupe une place toute spéciale, ont accepté l'invitation d'André Perrier, directeur artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario de 1998 à 2004, et on créé un conte urbain ayant pour cadre cette ville. Le résultat est un heureux et vigoureux mélange de styles, où l'humour côtoie le dramatique, où l'émotion brute et la truculence, à l'image de cette ville du Nord, éclatent à pleine page.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Contes sudburois par Robert Marinier, Jean Marc Dalpé, Robert Dickson, Brigitte Haentjens, Michael Gauthier, Gagnon Paulette en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Literature et Canadian Drama. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Année
2015
ISBN
9782897440473

Le golfeur et la mort

Robert Marinier
C’était la nuit. Le bruit m’avait réveillé. Catherine s’était levée? Non, elle dormait à côté de moi.
Mais j’entendais bien quelqu’un en bas.
Je sors du lit, j’enfile mes pantoufles. Même pas pensé d’avoir peur, d’avancer avec précaution.
Au milieu des escaliers, je l’entends encore mieux. Ça vient du salon. On bouge des meubles? Qu’essé ça?
Dans la pénombre du salon – les lumières de la ville nous permettent toujours de distinguer des formes – il y a une silhouette penchée, on dirait dans les plantes, quelque chose à la main, en train de fouiller derrière la télévision.
« Dad? »
Rien.
« Dad! »
Il est dur d’oreille, ça court dans la famille. Une trentaine d’année underground pour Inco n’a pas aidé.
« Dad! »
« Hein! » (mi « hein » et mi « quoi » – sec comme un jappement.)
— Dad, qu’est-ce tu fais là?
— Je cherche ma boule.
— Quoi?
— Je l’ai vue tomber autour d’icitte.
Sans trop me regarder, bâton de golf à la main, c’est comme s’il m’invitait à venir l’aider à chercher. Ça fait que je me mets à chercher avec lui pour sa balle de golf, parmi les plantes… de l’autre côté de la télévision… dans le noir…
Peut-être que je devrais allumer la lumière. Mais j’ai peur de le déranger. J’ai surtout peur qu’une fois éclairé, il disparaisse.
Parce que ce n’est pas mon père… Ben, c’est mon père, mais pas vraiment…
Vous voyez, mon père est décédé. Le printemps passé. Justement en jouant au golf.
Il n’y avait personne de la famille qui était là quand c’est arrivé. Mais les gens avec qui il jouait nous ont raconté qu’au sixième trou, celui où il faut franchir le grand fossé, mon père en avait frappé une pas trop belle. Mon père souffre d’un slice dont j’ai malheureusement hérité, quoique le mien est beaucoup plus grave que le sien, mais là il faut dire que je n’ai pas autant joué que lui.
Tout le monde avait suivi la balle des yeux pour voir où elle aboutirait dans le bois. Peut-être pas trop creux, encore trouvable. Parce que mon père allait sûrement prendre le temps de la chercher – mon père va toujours chercher pour ses balles… Il ressort toujours avec trois quatre balles trouvées. Dans la cave au chalet, près du terrain de golf où on joue d’habitude, mon père a des sacs pleins de balles trouvées. Mais même à ça, même s’il a assez de balles pour se permettre d’en frapper une différente à chaque coup, il faut que sa balle soit tombée pas mal loin dans le bois pour pas qu’il prenne le temps d’aller la chercher.
En tout cas.
Quand ils se sont retournés vers lui – les gens avec qui il jouait – en pointant aux bouleaux où la balle était entrée, ils ont vu que mon père était tombé, là d’où il avait tiré, ses doigts encore entrelacés autour de son bâton de golf.
Les médecins ont dit qu’il est probablement mort avant de frapper le sol.
Après le choc initial, dans la famille – mes frères, ma sœur, moi – on était tous d’accord pour dire que dans le fond, dans le fond là, c’était une belle mort… Surtout pour un golfeur.
C’est juste de valeur que son dernier coup a dû être un slice. Le slice qui l’a damné toute sa vie. Le slice qui, sur le dernier swing de sa vie, l’a obligé de nourrir les dieux du golf qui vivent dans la forêt, une dernière fois… De sacrifier sur l’autel de son sport préféré une dernière balle… Probablement la balle qu’il cherche maintenant dans les hibiscus de ma blonde.
« Je comprends pas. Je suis sûr que je l’ai vue rentrer drette autour d’icitte. »
Et il continue de tasser les branches des pauvres plantes sans délicatesse, d’abord d’un côté, ensuite de l’autre, avec son bâton de golf… Un bois, son trois je pense… C’est un peu trop sombre pour voir.
La pénombre ne semble pas le déranger, lui. Est-ce que je devrais lui offrir d’allumer les lumières? Est-ce qu’il va disparaître? Je devrais peut-être attendre qu’il me le demande. Mais s’il faut que j’attende qu’il me parle… Dans la mort comme dans la vie, il ne sera probablement pas trop trop jaseux… Surtout avec moi. Mais quelque part en dedans de moi j’ai l’espoir que, s’il est ici dans mon salon, s’il est venu ici, d’outre-tombe, ce n’est sûrement pas juste pour chercher une maudite balle de golf.
— Dad?
— Hein?
— Qu’est-ce que tu fais ici?
— Je cherche ma boule. Qu’est-ce que ç'a l’air?
— Non mais, pourquoi t’es venu me voir?
— Hein?
— Es-tu revenu pour me dire quelque chose?… Quelque chose d’important?
— Hein?
— Il y a-tu quelque chose que tu veux me dire?
— Charche donc là-bas pour voir si a’ serait pas là.
Automatiquement, je me mets à chercher là-bas voir si elle est là, obéissant instinctivement à mon père. Tout comme, instinctivement, après une vie entière exposée à une culture télévisuelle de psychologie pseudo-freudienne, je sais que personne n’agit pour rien et que, grâce à l’inconscient, les accidents, ça n’existe pas.
— Veux dire, pourquoi es-tu venu chercher ta balle ici? Il doit y avoir une raison?
— C’est icitte qu’elle a tombé.
— Mais pourquoi ici? Pourquoi elle serait tombée ici?
— Parce que c’est icitte que je l’ai frappée.
— Mais pourquoi l’as-tu frappée ici? Pourquoi es-tu venu la chercher spécifiquement ici, chez moi?
— Hein?
— T’aurais pu en jouer une autre.
— Non.
— Pourquoi pas?
— Ben, je peux pas.
— Pourquoi? T’as pas d’autres balles?
— Non non, j’en ai d’autres. Mais faut que je joue celle-là.
Malgré qu’il ne semble pas vouloir décrocher de sa maudite balle de golf, je me rends compte avec un certain optimisme qu’on est peut-être finalement engagé sur la voie de la communication : c’est quand même une des plus longues conversations qu’on a jamais eues tous les deux.
Vous voyez, mon père et moi, on n’a jamais eu bien bien grand-chose à se dire. Pas parce qu’on ne s’aimait pas ou qu’on se chicanait, c’est juste qu’on avait rien à se dire. On n’avait pas bien bien grand-chose en commun.
Mon père a lâché l’école à quatorze ans pour aller bûcher dans le nord, et ensuite il a passé la majorité de trente-cinq ans à l’Inco à travailler sous terre. Ce qui m’a permis, à moi, d’étudier le plus possible, à Montréal, en France, et d’aboutir dans les arts. Un métier – et le comportement qui en découle –, j’en suis convaincu, que mon père ne comprenait absolument pas. Parce que je suis devenu par déformation professionnelle – ou peut-être que je suis juste né comme ça – tout le contraire de ce qu’est mon père.
Les deux solitudes : l’art et le sport.
Un homme qui n’a connu que le travail, mon père a trouvé la détente dans le sport. Je me souviens, quand j’étais jeune, c’était sacré son hockey le samedi soir ; aujourd’hui, avec le câble, c’est tous les soirs de la semaine, même les parties junior. Et il a toujours joué aux quilles et au curling l’hiver, fait du ski de fond et de la pêche sur glace.
Mais l’été, dès le début de la saison – et il aurait joué jusqu’à la première neige si les terrains étaient ouverts – c’était le golf. Après avoir passé sa vie à travailler dans un trou noir, sale et renfermé à Garson Mine, il allait se venger sur la mine à vivre tous les étés de sa retraite au grand soleil, à mettre une petite balle blanche dans un trou… au lieu de lui-même.
C’est pour ça, d’ailleurs, que moi j’ai commencé à jouer au golf. Pour que je puisse avoir une sorte de relation avec lui – et mes frères, des sportifs eux aussi – pour qu’on puisse avoir au moins une chose en commun : même s’il fallait que ça soit le golf.
Mais là, avec mon père ici avec moi, sûrement la dernière chance que j’aurai de lui parler, ce n’est certainement pas du golf qu’on va discuter, pour l’amour du ciel.
« Dad. Je peux pas croire que tu serais venu me voir juste pour que je t’aide à trouver une balle de golf. Si t’es venu jusqu’ici, c’est sûrement pour quelque chose d’important, pour me dire quelque chose d’important…Quelque chose de personnel peut-être? Que t’aurais jamais pu me dire de ton vivant. Hein? Come on, Dad, vide-toi le cœur. C’est correct entre gars ast’heure. »
Et là, comme si je venais de le toucher au plus profond de son être, mon père se dirige vers le divan, utilisant son bâton de golf on dirait comme une canne… Ça le vieillit beaucoup.
Et en essuyant le coussin comme s’il enlevait des feuilles mortes sur un banc de parc, il s’assoit, regardant droit devant lui, reposant son poids sur son bâton de golf qu’il tient à deux mains. Et il reste immobile pour quelques secondes, comme s’il cherchait quelque chose très loin, comme si ce qu’il allait me dire était perdu très loin dans un vieux souvenir.
« Ben t’sais… le golf c’est comme la vie, hein. Il y a des étapes à franchir, pis il faut que tu joues chaque étape le mieux que tu peux, avec l’équipement qui t’est donné. Si tu joues une boule, c’est à toé d’amener la boule jusqu’au bout’ pis de la mettre dans le trou. Ç’a pas vraiment d’importance combien de coups ça te prend, mais faut que tu la mettes dans le trou. Quand tu frappes ta boule dans le bois ou dans l’eau, faut que tu la trouves, ou tu payes une penalty. Moé, j’ai toujours essayé de finir avec la boule que j’ai commencé avec. »
Mon père ne m’a jamais parlé comme ça, surtout jamais autant que ça… Mais ce n’est pas ça que je veux entendre.
« C’est ça que t’es venu me dire? C’est pas de la philosophie de locker-room que je veux entendre, Dad. Je veux savoir comment c’est là-bas, ce que tu regrettes, je le sais pas, moi. Mais c’est certainement pas du golf que je veux parler, t’sais. »
Et là, il se tourne vers moi et me regarde pour la première fois depuis qu’on se parle. Et son visage affiche cette même expression que je voyais toujours de son vivant, cette même expression d’incompréhension totale qu’il avait toujours quand il me regardait – en tout cas, la plupart du temps qu’il me regardait – comme si tout dans mon comportement avait été pour lui la plus grande des énigmes. De tous mes frères et sœur, j’étais le seul qu’il ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Crédits
  4. Avant-propos
  5. Préface
  6. Crime
  7. Sans titre
  8. J’ai pas toujours eu l’air que j’ai
  9. L’illuminé
  10. Mercy
  11. Le golfeur et la mort
  12. Table des matières
  13. 4e de couverture