Habiter la distance
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Habiter la distance

Études en marge de «La distance habitĂ©e» de François ParĂ©

  1. 195 pages
  2. French
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Études en marge de «La distance habitĂ©e» de François ParĂ©

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Études en marge de «La distance habitĂ©e» de François ParĂ©En 1993, François ParĂ© remportait le prix du Gouverneur gĂ©nĂ©ral pour «Les littĂ©ratures de l'exiguĂŻté» (1992), un essai sur les cultures et littĂ©ratures francophones minoritaires au Canada et dans la francophonie mondiale. Dans «ThĂ©ories de la fragilité» (1994) et «La distance habitĂ©e» (2003), il a prolongĂ© et enrichi son thĂšme de prĂ©dilection. De nombreux chercheurs se sont inspirĂ©s de ses travaux. Les articles regroupĂ©s ici s'inspirent des grands thĂšmes de l'essayiste pour Ă©clairer des Ɠuvres de genres aussi divers que la chanson, le roman et l'essai et d'artistes aussi divers que France Daigle, Michel Ouellette, Daniel Poliquin, Gabrielle Roy, Michel Tremblay et GisĂšle Villeneuve. Des rĂ©flexions sur la langue, la mĂ©moire, la migration et les frontiĂšres tant culturelles, linguistiques que textuelles sont menĂ©es par huit chercheurs de l'Ontario, du QuĂ©bec, de l'Est et de l'Ouest canadiens, dont Catherine Leclerc, Johanne Melançon et Jean Morency. En postface, François ParĂ© prolonge cette rĂ©flexion qu'il dĂ©veloppe depuis une vingtaine d'annĂ©es.

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Informations

Année
2014
ISBN
9782894238790

CHANTER CONTRE L’AUTRE

OU COMMENT HABITER LA DISTANCE DANS LA CHANSON EN ONTARIO FRANÇAIS
Johanne Melançon
Université Laurentienne
Si la langue maternelle ou premiĂšre façonne l’identitĂ©, de quelle langue s’agit-il? [
] Pour l’écrivain franco-ontarien, est-ce le français ou l’anglais? ou les deux?65
Dans le chapitre intitulĂ© « La migration dans la langue » de son essai La distance habitĂ©e, François ParĂ© nous rappelle « la fragilisation accrue des diffĂ©rences linguistiques et culturelles66 ». À l’heure de la mondialisation, la culture n’échappe surtout pas Ă  cette fragilisation. « La littĂ©rature mĂȘme, entre autres formes d’expression, est aujourd’hui nourrie par la dislocation des repĂšres de l’identitĂ© commune et par des pratiques diglossiques concertĂ©es67 », ajoute-t-il. Mais il n’y a pas que la littĂ©rature qui soit un lieu d’expression des pratiques diglossiques, ou, plutĂŽt, un lieu oĂč l’on peut prendre le pouls d’une pratique culturelle et sociale en train de se transformer. Dans Bruits. Essai sur l’économie politique de la musique, Jacques Attali nous amĂšne Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  cette question Ă  partir d’une autre pratique culturelle. Selon lui,
[l]a musique est lĂ  pour faire entendre des mutations. Elle oblige alors Ă  l’invention de nouvelles catĂ©gories, de nouvelles dynamiques qui rĂ©gĂ©nĂ©reront une thĂ©orie sociale aujourd’hui cristallisĂ©e, piĂ©gĂ©e, moribonde68.
AssurĂ©ment, l’une des manifestations populaires de la musique, la chanson, constitue une forme privilĂ©giĂ©e pour observer ces « pratiques diglossiques ». En milieu minoritaire, que ce soit dans le QuĂ©bec des annĂ©es 1960, en Acadie ou en Ontario français, la chanson a constituĂ© et constitue encore aujourd’hui un discours culturel par lequel on tente de construire une identitĂ© collective. En Ontario, depuis la « RĂ©volution sereine » sudburoise du dĂ©but des annĂ©es 1970, on peut dire que la chanson, influencĂ©e par tout le mouvement culturel nord-amĂ©ricain, est habitĂ©e par la mixitĂ© culturelle en plus de la mixitĂ© linguistique. Si « Chanter en français en Ontario, c’est un acte presque politique69 », comme l’affirmait Paul Demers, la question « Chanter en français ou en anglais? » peut devenir un cas de conscience pour les artistes et mĂȘme une source de tension entre les tenants ou les gardiens de la langue et de la culture et les artistes qui revendiquent plus de libertĂ©. Reprenant l’analyse que fait François ParĂ© de cette tension entre le collectif et l’individuel, on associera la posture des premiers Ă  la stratĂ©gie de la communautĂ© diasporale et Ă  son discours de la rĂ©sistance — le français Ă  tout prix! —, alors que la pratique culturelle des seconds se rapprocherait souvent davantage de la solution pragmatique de l’individu, soit celle de l’accommodement70. En Ontario français, plusieurs artistes ont chantĂ© pour la « cause » ou ont Ă©tĂ© associĂ©s Ă  celle-ci en chantant en français. Ceux qui ont choisi de chanter quelquefois en anglais ou d’interprĂ©ter des chansons bilingues sont-ils pour autant traĂźtres Ă  la cause? La question a son importance car « Comment une culture peut-elle survivre dans sa diffĂ©rence sans la frontiĂšre rĂ©elle de la langue71? » S’il est vrai que « Toute culture, au fond, permet Ă  chacun et Ă  chacune de nous d’habiter la distance entre soi et les autres, dans un univers interstitiel oĂč se confirme notre emprise sur les choses72 », la chanson, Ă  la fois pour les artistes et pour le public, constitue un espace interstitiel privilĂ©giĂ© dans la culture populaire contemporaine pour vivre sa langue et sa culture. Mais que se passe-t-il lorsque la langue de l’autre, l’anglais, s’immisce dans la chanson franco-ontarienne?
Ainsi, comment habiter la distance entre deux langues « officielles » lorsqu’on fait de la chanson en Ontario français? Deux exemples — deux groupes de Sudbury —, Cano et Konflit Dramatik, permettront d’étoffer la rĂ©flexion en rapport avec cette question. Deux groupes, deux Ă©poques diffĂ©rentes, deux stratĂ©gies : les deux premiers albums de Cano-musique, au milieu des annĂ©es 1970, proposaient les paroles en anglais et en français de toutes les chansons, mĂȘme si les chansons Ă©taient chantĂ©es uniquement en français ; les deux premiers albums de Konflit Dramatik, au dĂ©but des annĂ©es 2000, offrent des chansons dans les deux langues, sans traduction des paroles73.
Que nous apprennent ces deux postures quant Ă  la langue dans la pratique de la chanson? Faut-il y voir un Ă©quilibre entre deux pĂŽles — deux langues : le français et l’anglais —, ou une façon propre Ă  son Ă©poque d’« habiter la distance » qui sĂ©pare l’anglais et le français?
Cano : « La musique est la langue commune »
Cano-musique Ă©tait bilingue Ă  sa façon : il regroupait des anglophones et des francophones provenant de cultures et de milieux diffĂ©rents : « Le groupe CANO c’est : Marcel, David, John, les deux Michel, Michael, Gary, Mark, Wasyl, Rachel et AndrĂ© ; plusieurs identitĂ©s de milieux et de cultures diffĂ©rentes [sic] : franco-ontariens, acadiens, anglo-ontariens, ukrĂ©niens [sic]74 », comme on peut le lire sur la pochette intĂ©rieure de Tous dans l’mĂȘme bateau. Pour ce premier album, de mĂȘme que pour le deuxiĂšme, Au nord de notre vie, produit l’annĂ©e suivante, on propose une traduction en anglais des paroles de toutes les chansons. Ainsi, lorsqu’on ouvre le rabat de la pochette du 33 tours75, on peut lire d’un cĂŽtĂ© les paroles de « Viens nous voir », la chanson d’accueil et chanson thĂšme officielle de La Nuit sur l’étang, et, tout Ă  cĂŽtĂ©, les paroles, traduites en anglais, de la chanson de Marcel Aymar qui est devenue « Won’t You Come See Us » :
Viens t’asseoir à ma table
Come and sit at our table
Il y a Ă  manger pour tous
There is plenty to eat for all
Viens raconter une histoire
Come and tell a story
Du bon vieux temps
About the good old times
[
]
[
]
Oui, viens nous voir
Won’t you come see us
On t’attend
We’re waiting
Il y a tellement longtemps
It’s been such a long time
Qu’on s’est pas vus
Since we last saw each other
Des choses Ă  dire
All the things to say, laughing them all away
Des Ă©clats de rire
Filling our eyes with smiles
Les yeux pleins de sourires
Come — won’t you come see us76
En fait, toutes les informations contenues sur la pochette de l’album sont bilingues, la distance entre les deux langues s’abolissant dans la musique : « La musique est la langue commune » / « The music is the common language », souligne la pochette de Tous dans l’mĂȘme bateau.
Ce premier album du groupe issu du mouvement contre-culturel sudburois est lancĂ© Ă  l’automne 1976 (en grande pompe le 18 octobre Ă  MontrĂ©al, puis le 20 octobre Ă  QuĂ©bec), la compagnie A&M Records ayant dĂ©cidĂ© d’en faire une importante promotion, visant tant le public anglophone que francophone pour sa premiĂšre production francophone. Lorsqu’on consulte le dossier de presse de A&M77, il est clair que l’album de Cano s’inscrit dans l’idĂ©al du bilinguisme et du biculturalisme alors en perte de vitesse : « [A]vec tous les dĂ©bats qui mettent en cause le bilinguisme et le biculturalisme au Canada, A&M a jugĂ© bon de s’intĂ©resser de plus prĂšs au cĂŽtĂ© francophone », peut-on lire dans le Secret des artistes78.
Dans plusieurs articles, on souligne d’emblĂ©e cette approche « particuliĂšre » de la langue, que l’on attribue, entre autres, Ă  un dĂ©sir du groupe de ne pas ĂȘtre identifiĂ© (et relĂ©guĂ©) au seul territoire quĂ©bĂ©cois :
But CANO is even more curious because of its approach to Canada’s two official languages.
They sing in French, about their Franco-Ontarian heritage, but they sing to both French and English Canada. Group spokesman Andre Paiement said in an interview Friday that CANO wanted to avoid being restricted, in the public’s mind, to just the Quebecois world. [
] “Music is our language — it gives us lots of common ground with people”79.
Dans le discours du groupe, sur fond de bilinguisme et de biculturalisme, la musique est vue comme une façon de faire sauter la barriĂšre Ă©rigĂ©e par la langue. L’époque n’est-elle pas Ă  la mise en commun des idĂ©es, des idĂ©aux, des talents pour crĂ©er et pour changer le monde? Pour cet album, cette volontĂ© prend la forme de la traduction des paroles et des textes en anglais Ă  l’intĂ©rieur de la pochette. Plusieurs articles (tous en anglais!) y sont sensibles. Ainsi, on peut lire dans le Saskatoon Star :
The second “b” in b&b tends to be overlooked in these days of air traffic disputes and linguistic conservatism. It is a pity, really, because biculturalism is a concept which holds out many rewards to those willing to seek them, as CANO so clearly demonstrates with Tous Dans L’MĂȘme Bateau [sic].
As an added feature — if in your personal quest for bilingualism you are ready to graduate from the Corn flakes box — the liner notes (including song lyrics) are in both French and English.
Et maintenant : entendez
 traduissez [sic]80.
Il s’agit, pour le groupe, de crĂ©er des liens : « And on that French-English barrier business? “We think we can help bring the two cultures together,” he [AndrĂ© Paiement] added. “We’d love to be able to do something to help out anyway81”. » On sent la volontĂ© de dĂ©passer la barriĂšre de la langue qui, Ă  cause du...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Des mĂȘmes auteurs
  3. Titre
  4. Crédits
  5. Remerciements
  6. Introduction
  7. L’Acadie (s’)Ă©clate-t-elle Ă  Moncton?
  8. Chanter contre l’autre
  9. Stratégies relationnelles du Far Ouest
  10. Habiter et rĂȘver la Colombie-Britannique francophone
  11. Mémoire et expérience migrante dans la science-fiction
  12. S’éloigner, s’exiler, fuir
  13. Romanciers du Canada français
  14. Le Canon des Gobelins de Daniel Poliquin
  15. Postface
  16. Table des matiĂšres
  17. 4e de couverture