Enjeux de la médiatisation à l'université. Représentations dans la pratique professorale

Représentations dans la pratique professorale

Julie Boissonneault

• Éditeur: Éditions Prise de parole
• Année: 2014
• ISBN:
  9782894238820
• Sujet: Pedagogía
• Sous-sujet: Educación superior

«Enjeux de la médiatisation à l'université» s'intéresse à la façon dont l'intégration des technologies de l'information et de la communication (TIC) en milieu universitaire révolutionnent l'enseignement. L'ouvrage s'interroge, plus particulièrement, à la place qu'occupent les TIC à l'université et à leur contribution à la redéfinition des pratiques éducatives.Les cinq chapitres de l'ouvrage cherchent à éclairer comment les TIC obligent les professeurs à se resituer: à remettre en question leur rôle, voire leur contribution et leurs visées.

CHAPITRE 1

FONDEMENTS HISTORIQUES ET THÉORIQUES

Introduction

Ce premier chapitre se veut une toile de fond permettant de mieux saisir comment la formation à distance donne des pistes de réponse aux questions qui se posent depuis plus d’une décennie au regard des TIC en milieu universitaire et qui continuent à soulever des polémiques. Diverses disciplines s’étant approprié les « nouvelles technologies » en pleine expansion, il n’est pas surprenant de trouver des divergences sémantiques. Il est important de faire d’abord le point sur les différentes appellations, question de mieux comprendre le contexte, le potentiel et les limites des choix terminologiques, puis de s’arrêter sur la formation à distance pour voir comment on y traite la médiatisation de l’enseignement et de l’apprentissage. De cet encart, il n’y a qu’un pas vers les défis que présente cette médiatisation sur la scène universitaire, laquelle ne se fait pas sans controverse comme l’illustrent les différents discours tenus à ce propos. Qu’ont à apporter les médias à l’apprentissage et à l’enseignement? C’est à cette question que tente de répondre ce chapitre.

1. Précisions terminologiques et conceptuelles

La terminologie entourant la médiatisation étant d’usage interdisciplinaire, elle suscite de nombreuses divergences. Les sigles et les expressions abondent : NTIC, TIC, CMO, etc. D’aucuns parlent de technologies, d’autres de médias. On trouve également des qualificatifs variés faisant valoir l’apprentissage, l’enseignement, voire la communication.

Les précisions présentées ci-dessous sont de trois ordres. D’abord, quel glissement sémantique et conceptuel se produit lorsque l’on parle de technologie plutôt que de média? Puis, en quoi les technologies sont-elles « nouvelles »? Enfin, doit-on parler de médias d’apprentissage ou de médias d’enseignement sur la scène scolaire?

1.1. De la technologie au média

Les termes « média » et « technologie » sont tous deux utilisés de façon non discriminatoire dans les écrits et dans l’usage, mais sont-ils réellement interchangeables? L’explication de Daniel (1996) laisse entrevoir l’origine de la confusion entre les deux. Selon cet auteur, la technologie est l’application de connaissances scientifiques et de toute autre connaissance organisée à des tâches pratiques par des organisations recoupant à la fois des personnes et des machines. Il n’y a pas de technologies sans individus : « la technologie implique toujours des personnes et leurs systèmes sociaux24 ». C’est dire que la technologie recoupe tous les supports possibles, qu’il s’agisse de ressources, de machines ou de méthodes25. Elle aurait donc une composante à la fois technique (l’équipement) et humaine (personnes et ressources).

Parler de médias semble toutefois mettre davantage l’accent sur la communication, sur l’interaction en ce qu’il s’agit de « moyens basés sur la technologie, permettant de diffuser et de conserver des informations ainsi que de développer des attitudes, de susciter une rétroaction et de favoriser l’expression26 ». Dans cette optique, les médias mènent vers des processus, alors que les technologies n’en seraient que l’infrastructure. Les médias sont donc les formes de communication qui permettent de se représenter la connaissance alors que les technologies sont les supports des médias. Cela explique pourquoi, en éducation – comme dans tous les rapports interindividuels –, il est davantage question de médias puisqu’ils constituent « les matériaux de l’architecture et de l’ingénierie du processus pédagogique27 » et, de ce fait, de la communication.

Dans cette veine, certains préfèrent parler de « communication médiatisée par ordinateur (CMO) » (computer mediated communication), mettant de ce fait l’accent de façon indéniable sur l’objectif qu’est la communication par l’entremise de l’ordinateur. Il s’agit ainsi de toute communication qui se fait par le biais d’un ordinateur, que ce soit la télématique ou la conférence informatisée, l’audiographie, le courriel, Internet et le Web, ou les disques optiques28.

1.2. En quoi les technologies sont-elles nouvelles?

L’usage a qualifié de « nouvelles » les technologies de l’information et de la communication afin de les distinguer des technologies déjà existantes qui favorisaient, elles aussi, l’information et les communications (télévision, téléphone, télégraphe, radio, etc.) –, somme toute, les technologies que nous connaissions sous la dénotation des communications de masse. La nouveauté de ces technologies réside en ce

qu’elles présentent et véhiculent l’information différemment, [et] parce qu’elles permettent de communiquer autre chose, autrement. Elles surpassent ce que nous connaissions déjà en termes de multiplication, de reproduction, de distribution et de stockage d’information29.

Avec le temps, certains en sont venus à ne parler que de technologies de l’information et de la communication – les TIC –, jugeant la nouveauté passée30. Il faut néanmoins se rappeler que ces technologies sont en perpétuel devenir31 et qu’elles se développent plus rapidement que notre capacité de les utiliser32. Ce ne sont peut-être pas tant les technologies elles-mêmes qui changent, mais leurs attributs, c’est-à-dire leur capacité graphique, sonore, temporelle, remodelant ainsi constamment leur portée33.

1.3. Média d’apprentissage ou média d’enseignement?

Depuis la fin des années 1990, le terme le plus usité associé à ces médias ou à ces technologies est sans conteste « apprentissage », lequel semble avoir supplanté le dénominatif « enseignement ». Que l’usage privilégie de plus en plus l’expression « technologie ou média d’apprentissage » plutôt que son homologue « technologie ou média d’enseignement » illustre le passage d’une visée ou d’une finalité axée sur l’enseignement à une visée ou une finalité centrée sur l’apprentissage. Le choix des dénominatifs est d’importance puisque ces derniers versent vers l’un ou l’autre des deux paradigmes éducationnels qui ont cours dans le monde de l’éducation.

Cela dit, l’usage de l’expression « technologie de l’apprentissage » est plutôt rare34, mais l’appellation « média d’apprentissage », certes plus courante, n’est pas sans polémique en raison de la diversité d’attributions liées au concept lui-même. Rocheleau (1995) a bien documenté les différentes interprétations attribuées aux médias d’apprentissage et en arrive au constat que les auteurs utilisent ce terme aussi bien pour faire référence aux concepts de support, au prolongement du professeur, au mode d’expression et de communication que pour parler du moyen physique par lequel le message est véhiculé.

Les médias d’apprentissage sont des produits technologiques de consultation, de production et de gestion de l’apprentissage qui impliquent l’utilisation d’une ou de plusieurs infrastructures, d’un ou de véhicules et d’un ou de supports dans les relations pédagogiques et qui comprennent ou transmettent des messages dans le but de soutenir l’apprentissage35.

Compte tenu que les définitions avancées par différents auteurs sont aussi variées et qu’elles mettent l’accent sur différents attributs, cette définition de Rocheleau a le mérite de délimiter ce que sont les médias dans un contexte éducationnel. Ils s’insèrent d’abord dans une infrastructure quelconque : par exemple, dans des installations soit physiques (les salles de classe, les bureaux), soit technologiques (les serveurs, le système de câblodiffusion). Cette infrastructure se traduit par des véhicules concrets, des appareils tels que nous les voyons et les manipulons : ordinateurs, magnétoscope, écran, etc. Grâce aux divers supports que sont, entre autres, disquettes, vidéocassettes et disques numériques, il est alors possible d’utiliser les médias dans différentes fonctions, que Rocheleau (1995) recoupe en trois volets : la consultation, la production et la gestion. La capacité de produire des informations, de les consulter puis de les gérer permet en retour d’échanger avec autrui, donc de communiquer. Dans cette dernière perspective, les médias permettent la poursuite d’une visée pédagogique.

2. Formation à distance : pour un nouveau regard sur la médiatisation de l’enseignement et de l’apprentissage

Pour en arriver à parler de médias d’apprentissage, encore a-t-il fallu que la technologie évolue au point d’être partie prenante des pratiques scolaires. Le premier média – dans son sens initial de moyen de communication de masse – serait, aux yeux de plusieurs, le livre, suivi par tous les autres supports ou moyens de diffusion. Avec le temps, d’autres médias se sont greffés aux pratiques – il suffit de penser aux technologies de l’audiovisuel –, mais à titre d’outils auxiliaires et toujours dans un usage en face à face.

Si je m’arrête expressément à la formation à distance, c’est qu’elle est hautement tributaire des médias et illustre bien l’évolution technologique et médiatique ayant cours depuis près d’un siècle ainsi que la façon dont les instances éducationnelles ont mis à profit les médias : l’enseignement est passé de la base imprimée par le courrier postal (enseignement par correspondance) à l’enseignement radiophonique et télévisé (télé-enseignement), puis il s’est informatisé (enseignement assisté par ordinateur). Les plus gros changements sont sans contredit ceux qui sont venus de pair avec les TIC. De moyen individuel, l’ordinateur est devenu un outil collectif permettant la création de réseaux multimédias et la numérisation des moyens.

La formation à distance semble être le champ d’application de l’enseignement et de l’apprentissage le plus propice à l’intégration des TIC en raison de son historique et du fait que plusieurs la voient comme le terrain le plus apte à transformer de façon radicale les pratiques d’établissements d’enseignement36, notamment les universités. Par ailleurs, « [d]e nombreuses universités nord-américaines et européennes favorisent l’intégration des TIC par le biais de la formation à distance où l’utilisation des technolog...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Crédits
• Remerciements
• Introduction
• Chapitre 1 - Fondements historiques et théoriques
• Chapitre 2 - Reprsésentations et paradigmes en milieu universitaire
• Chapitre 3 - Enquête
• Chapitre 4 - Présentation et analyse des données
• Chapitre 5 - Représentations de l'enseignement universitaire médiatisé
• Conclusion
• Annexe — Questionnaire d'entretien
• Références
• Table des matières
• 4e de couverture