Frères d'hiver

Michel Ouellette

• Éditeur: Éditions Prise de parole
• Année: 2013
• ISBN:
  9782894238615
• Sujet: Littérature
• Sous-sujet: Poésie canadienne

Paul, le frère de Pierre, se noie dans l'eau d'un étang glacé, un étang tout comme celui où, plus jeunes, l'hiver, les deux frères jouaient au hockey. Tout porte à croire que c'est un suicide. Cette mort subite incite Pierre à chercher à comprendre qui était devenu son frère, cet homme obèse dont il s'était éloigné et qu'il ne reconnaît plus. À travers les écrits laissés derrière par le défunt, il tente de renouer les liens fraternels défaits au fil des ans. Les mots constituent la trame sur laquelle se déroule la quête du vivant vers le mort.Extrait: Je lis, me relis à mon frère une dernière fois. Je lis à voix haute pour que les mots retentissent dans le vide de la pièce, pour qu'ils frappent sur le couvercle du cercueil.Mais Paul n'est pas là. Il n'est plus.J'entends les mots retomber sur le plancher comme de la poussière

Deuxième partie
Inappétence apparente

Je suis dans cette maison comme dans mon corps

Un rat dans une souricière

J’ai mordu à l’appât

Je suis fait et n’attends pour me défaire

Qu’une main miséricordieuse ou l’administration d’un poison

Pâles lueurs à l’horizon

Je m’empale sur les rayons du jour mourant

Pâleur des heures

Fadeur des goûts

Je ne saurai tenir le coup

Le Nord est en moi sourd et sans reflets

Mon ombre bleu pâle

Qui s’efface

Qui décroît dans la lumière artificielle de la ville

Mes origines sont des racines plantées dans le vent

Je suis un arbre à l’envers troué de néons

J’ai besoin d’un peu d’humour pour calmer ces heures

Qui m’angoissent, qui froissent mon cœur déchu

Mes poumons sont déchirés par des tumeurs

Mon souffle est en charpie

Dans ma cage

Un lynx s’étouffe avec une boule de poils

Je tousse mon courage

Je crache mon infamie

J’ai besoin d’air

Je respire de l’eau

Les humeurs cardinales de ma maladie

Je me noie en moi-même tous les lundis

Je cours vers toi les bras fermés

La tête dans le ventre pour ne pas la perdre

J’ai peur d’enfanter mon corps

J’avorte mes gestes

Me contente du silence qui reste

Je suis un ours à rebours poil

Un homme contre lui-même

Un hérétique

Si je pouvais chevaucher le loup qui s’accroche à la lune

Dans le firmament de la nuit, je brille par mon absence

Je sais que tu ne dors pas

Ton lit est défait

Ton livre de chevet toujours ouvert

J’entends tes pas en sourdine sous les bruits de la circulation de la ville

Si je pouvais être le loup noir qui plonge dans la lune blanche

Je serais avec toi dans ta défaite

Nous serions des vaincus du désir

Des amants malgré l’impolitesse de nos corps affligés

Je suis un chien dans la gueule d’un piège

Qui se mord la patte jusqu’à l’os

Tu es le chant d’un oiseau de nuit

Une effraie

Tel un orignal dans la ville

Je marche dans la fêlure du jour

Au milieu des voitures rutilantes et des hommes à cravache en rut

Qui hument l’air à la recherche d’un parfum qui brûle

Je goûte la pollution

Me dégoûte de ma position

Seul sur le chemin du retour

Vendredi sans Vénus

Je mangerai des algues pour me consoler

Sans panache, je me coupe un chemin de travers

Je suis dans le bois de la ville

Sans bois, sans moi

Un original à genoux

Dans une bouche de métro

Nord, naître au nord de soi

Ne pas être

Pourquoi

Enfance de fenêtres d’école sur des cieux heureux

Je regardais les nuages

J’en faisais des mots

Pendant que la maîtresse me saignait de rouges corrections

J’étais bleu sur blanc

Sans heures, sans loi

Élève des fautes

Enfant du doute

Petit roi-soleil dans un gilet de laine bleue dominant un pays d’ombre

Je suis né au Nord de mes rêves

Je suis mort où sont nées les règles

La craie des tableaux noirs s’effrite entre mes doigts

Mes mains sont blanches

Je suis coupable

J’attends ma punition qui ne vient pas

La maîtresse rit dans la barbe du directeur

Je ne suis pas digne de ma faim

C’est pourquoi je mange la racine des arbres

Le passé dans mes entrailles entrave la croissance d’un enfant qui ne veut pas naître

Je suis un homme sans avenir

Un affamé qui cannibalise les mémoires et les souvenirs

Qui veut venir au monde mais qui se tait

Réduits en poussière sur l’ardoise

Les bâtons de craie

Osselets de la connaissance effraient

Plus je m’élève dans le souvenir

Plus j’entends le bruit de la brosse qui m’efface

Je suis dans la poussière blanche

Un fantôme sans conviction

Je suis dans un tiroir de ma mémoire

Une boul...

Table des matières

• Couverture
• Du même auteur
• Titre
• Crédits
• I
• Wendy
• II
• Wendy
• Journal d’accompagnement
• Wendy
• III
• Journal d’accompagnement (extraits)
• IV
• Wendy
• V
• Journal d’accompagnement (extraits)
• VI
• Première partie : Saisons rimbaldiennes
• Deuxième partie : Inappétence apparente
• 4e de couverture