FENÊTRE 1
Créer Montréal, un Montréalais à la fois
Jeune, je n’aurais jamais imaginé une seule seconde que je me retrouverais en affaires. J’étais une grande idéaliste. Je rêvais de travailler pour des organisations humanitaires. J’ai choisi de faire des études universitaires en histoire. Et quand j’ai eu besoin d’une pause avant d’entreprendre une maîtrise en études internationales, j’ai accepté de donner un coup de main dans l’entreprise de mon père.
Après plusieurs années à évoluer dans différents postes chez Prével, ma perception du monde des affaires a changé. Soudainement, je ne sentais plus le besoin de m’exiler pour contribuer à améliorer le monde. Je commençais à comprendre que je pouvais choisir de le faire les deux pieds à Montréal, au cœur d’une entreprise que j’aimais et avec des gens qui m’étaient chers.
Après beaucoup de questionnements et de détours, j’ai décidé d’entamer une maîtrise en gestion. En faisant mon MBA, j’ai découvert que le monde des affaires pouvait être ce qu’on voulait qu’il soit. Qu’il pouvait être à l’image de ce que l’on est, à condition de se permettre d’être soi-même.
J’avais, en toute connaissance de cause, cheminé de l’aide humanitaire à la promotion immobilière. Mais j’étais toujours la même fille, animée par la même authenticité et le désir de vouloir changer les choses.
L’idéaliste que je suis toujours rêve de mettre en lumière la contribution positive que peuvent avoir les promoteurs immobiliers, autant pour Montréal que pour les hommes et les femmes qui habitent les milieux que l’on crées. J’estime avoir la responsabilité de rendre justice à ce métier qui fut celui de mon père pendant 40 ans. Ce métier qui est maintenant le mien. J’ambitionne de démystifier l’image des promoteurs immobiliers… surtout ceux qui construisent des condos !
Parce qu’il faut avouer que le condo n’a pas bonne presse. Que ce soit pour dire qu’il y en a trop, qu’ils sont trop chers, trop petits, qu’ils ne sont pas appropriés pour les familles, qu’ils ne ciblent que les jeunes professionnels… Il n’y a pas beaucoup de fervents défenseurs des condos. Pourtant, des condos, ce sont des habitations. Ce sont des habitations pour les humains. Chaque fois qu’un condo se construit à Montréal, c’est un humain de plus dans notre ville. Et plus il y a d’humains qui habitent la ville, plus elle est vivante.
Le dynamisme de Montréal dépend de ses habitants. Ce sont eux qui l’arpentent chaque jour, qui font vivre ses commerces, qui mettent de la vie dans ses quartiers. Créer de l’emploi ne suffit pas pour stimuler l’essor d’une ville, il faut des citoyens pour l’animer, pour l’habiter. Ce n’est pas en passant chaque jour d’une ville-dortoir à un pôle d’emploi qu’on se crée un sentiment d’appartenance et un attachement envers sa ville. Et l’attachement, c’est la clé. Quand on aime sa ville, quand on en est fier, on a envie d’en prendre soin. On a envie de la voir rayonner, de s’y impliquer et de la rendre toujours plus accueillante.
C’est plutôt ainsi que je perçois le rôle d’un promoteur immobilier dans une grande ville comme Montréal. Faire le lien entre un Montréalais potentiel et son futur port d’attache. Convaincre le futur marié que sa fiancée a tous les attraits recherchés. Notre rôle est de faire en sorte que les gens tombent amoureux de Montréal.
Les humains qui habitent nos projets sont l’âme même de notre métropole. Chaque fois qu’on convainc un non-Montréalais d’emménager dans un de nos projets, on crée un Montréalais. On pourra dire que c’était déjà prévu, que la personne avait l’intention de déménager à Montréal. Il nous arrive pourtant régulièrement de croiser des clients qui hésitent entre Brossard, Saint-Lambert et Griffintown. Et j’ai la prétention de penser que c’est en partie l’attrait de nos projets, l’effort et l’amour qu’on leur porte ainsi que notre vigilance à garder les prix accessibles qui en persuadent plusieurs d’adopter Montréal.
Et chaque fois qu’une personne ou une famille choisit Montréal plutôt que la banlieue, c’est une petite victoire pour le développement durable.
La réalité, c’est que lorsqu’on choisit de vivre en ville, le nombre de véhicules diminue. À Mirabel ou à Saint-Bruno, c’est un tour de force de réussir à vivre sans voiture, alors qu’au centre-ville, c’est non seulement possible, mais c’est même souhaitable. On remarque d’ailleurs qu’on vend de moins en moins d’espaces de stationnement dans nos développements. On note une tendance bien réelle à délaisser la voiture, surtout chez les jeunes générations. Même chez ceux qui demeurent attachés à leur véhicule, on constate que les propriétaires de voiture habitant en ville émettent 47 % moins de gaz à effet de serre que ceux habitant en banlieue.
Mais au-delà du trafic et de la pollution qu’il engendre, chaque fois qu’on choisit Montréal plutôt que la banlieue, c’est également une victoire sur l’étalement urbain.
Selon l’Agence européenne pour l’environnement, « l’étalement urbain se manifeste lorsque le taux de changement d’occupation des terres excède le taux de croissance de la population ». Prenons l’exemple du Lowney, avec ses 1 700 unités d’habitation réparties sur 240 000 pieds carrés. Si chacun de ses occupants avait fait le choix d’une nouvelle maison unifamiliale en banlieue, avec un terrain moyen d’environ 5 000 pieds carrés, plutôt que la copropriété en ville, ce sont 8,5 millions de pieds carrés d’espace ou de terres agricoles qu’il aurait fallu sacrifier.
La réponse à l’étalement urbain, c’est la densification. La densification. Ce mot qui effraie. Pourquoi en avoir peur ? Qu’est-ce qui nous terrifie tant avec la densité d’une ville ? Pourquoi a-t-on forcément l’impression qu’un bâtiment en hauteur déshumanise l’expérience citoyenne ? Pourquoi ne peut-on pas avoir de petits commerces de proximité, des vitrines inspirantes, des squares et des trottoirs animés même si des dizaines d’étages s’élèvent au-dessus ?
Je dois avouer que je reste un peu confuse devant une certaine tendance à condamner la densité. C’est l’habitation de type triplex qui semble avoir la faveur chez une partie de l’intelligentsia montréalaise. Pourtant…
Prenons cette fois l’exemple du 21e Arrondissement. Sur 100 000 pieds carrés, avec des hauteurs qui varient de 6 à 14 étages, on peut concrétiser 900 unités d’habitation. Si l’on prend ces mêmes 100 000 pieds carrés et qu’on y implante des triplex, on peut en construire une quarantaine et donc offrir 120 logements. Il y a ainsi sept fois et demie moins d’unités. En limitant de cette façon l’offre, on fait forcément monter les prix. On rend l’habitation de moins en moins abordable. Pensons à Greenwich Village à New York où beaucoup ont milité pour conserver une faible densité, pour favoriser les bâtiments de trois étages et ne surtout pas dépasser cinq étages. Aujourd’hui, un appartement à Greenwich peut se vendre huit millions de dollars américains. Et l’on déplore la culture bohème aujourd’hui disparue. J’ai du mal à m’expliquer comment on peut militer pour l’abordabilité d’une ville et ne pas souhaiter davantage d’habitations disponibles.
Malgré les politiques contre l’étalement urbain et en faveur de la densification, la réalité a été mise en lumière récemment par une étude du Conseil canadien d’urbanisme : « Dans la région métropolitaine de Montréal, il y a maintenant 226 000 habitants de plus à l’extérieur de l’île que sur l’île. C’est un chiffre énorme. Ça s’explique simplement : c’est à l’extérieur de l’île qu’a lieu presque toute la croissance démographique des 10 dernières années, soit 83 %. »
Je ne comprends pas non plus comment on peut être en faveur du développement durable et contre la densité. Lorsqu’on favorise la densité, il y a nécessairement moins de déplacements, donc moins de pollution. Les gens développent davantage un mode de vie sain, marchant plus ou utilisant le vélo. Et le transport en commun local a beaucoup plus de chances d’être rentable, donc de survivre, si un plus grand nombre l’utilise. Et c’est sans compter que la croissance urbaine permet d’amener plus d’habitations qui sont taxables, donc plus de revenus à investir dans des infrastructures déterminantes pour la mobilité montréalaise.
Par ailleurs, au-delà du développement durable, la densification engendre une ville dynamique, vibrante, attrayante. Elle permet de faire vivre des commerces et des évènements culturels, de financer des services. Elle favorise la vie de quartier. La proximité encourage les interactions humaines, les échanges. Elle permet de gagner du temps et de vivre dans le présent plutôt que dans sa voiture.
C’est l’économiste américain Edward Glaeser qui a le mieux résumé cette vision dans son livre Triumph of the City : « Greater density is the goal : more people, means more interaction, which means more possibility. We are a social species that gets smarter by being around other smart people, and that’s why cities thrive. »
La densification peut être extrêmement positive si elle est réalisée avec savoir-faire et doigté, dans le respect de la ville, de l’histoire de ses quartiers tout comme de la sensibilité de celles et ceux qui y habitent déjà et qui y travaillent. Les condos, ces mal-aimés, peuvent redynamiser des pans entiers d’une ville, être des catalyseurs de changements urbains.
Alors, laissez-moi faire ce plaidoyer pour les condos et principalement pour les petits condos.
Depuis aussi longtemps que je travaille au sein de l’entreprise, j’ai vu Jacques et Jonathan – j’ai eu la chance de me joindre à eux par la suite – passer des heures et des heures à perfectionner un plan pour s’assurer que chaque pouce carré est maximisé, pour qu’il soit le plus fonctionnel possible, pour que notre client s’y sente bien. C’est beaucoup plus compliqué de concevoir de petits espaces que des unités de 1 000 ou 2 000 pieds carrés ! Et, en plus, en tant que promoteur, cela ne coûte pas moins cher de construire de petits espaces parce que cela signifie plus d’entrées électriques, plus de cuisines, plus de plomberie…
Évidemment, pour notre client, moins de pieds carrés, c’est forcément moins cher à l’achat. Et si ça coûte moins cher à acheter, c’est qu’on permet l’accès à la propriété à beaucoup plus de gens, surtout des jeunes, qui n’auraient pas eu les moyens de devenir propriétaires autrement ou qui n’auraient pas pu le faire aussi tôt dans leur vie.
Je suis bien consciente que pour plusieurs, ce n’est pas un objectif à long terme que d’habiter dans 400 pieds carrés. Mais il faut comprendre que le client qui fait ce choix le fait en fonction de son budget. Il choisit d’habiter plus petit pour pouvoir être en ville, près de son travail, et pour vivre l’effervescence de Montréal.
Avec un petit condo, il peut se bâtir un patrimoine. Il peut mettre un pied dans l’immobilier. Il peut acquérir un actif qui ...