Le Canadien français et son double
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Le Canadien français et son double

  1. 104 pages
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Le Canadien français et son double

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À propos de ce livre

L'arbre canadien-français est atteint d'un mal étrange qui ronge à la fois ses racines et son feuillage. Depuis deux siècles, nous ne sommes plus seuls dans notre pays. Non plus qu'en nous-mêmes. Quand nous tentons de nous saisir comme peuple, ou de nous projeter sur le monde, une présence s'interpose. Où que nous regardions, infailliblement nous rencontrons l'Autre – en l'occurrence l'Anglais –, dont le regard trouble notre propre regard. Le Canadien français est un homme qui a deux ombres.J. B.« Lisez cela s' il vous arrive de vous éprendre de ce qui est rare et définitif. Livre exigeant, difficile, mais clair. Nietzsche vante une certaine tradition de la pensée et du style français, concis, pénétrants, cruellement lucides. L'essai de Jean Bouthillette a droit à semblable louange. »Pierre Vadeboncoeur (extrait de la postface)

Foire aux questions

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Informations

Dépersonnalisation
Dans le silence tumultueux d’une âme collective en proie à un indicible malaise, c’est de toutes parts que nous, Canadiens français, sommes cernés.
Héritiers d’une histoire humiliée, nous redoutons toujours, moins de nous pencher sur elle, comme un entomologiste sur un insecte mort, que sur nous en elle. Blessure toujours ouverte, notre passé, à seulement en rappeler un certain visage, semble nous happer, comme pour nous engouffrer à jamais. Nous fuyons l’image que le miroir de l’intériorisation collective nous renvoie.
Et pourtant nous nous cherchons. Avidement. Mais nous nous méfions de nos sources. Comment renaître à soi-même sans ressusciter ce qui ne demande plus à vivre ?
Pour échapper à notre regard tourmenté, nous prenons du champ vis-à-vis de nous-mêmes. Ne nous voulant que froidement objectifs, nous nous penchons sur les institutions politiques et socio-économiques comme sur des réalités de soi étrangères à notre drame intérieur. Et plutôt que de sonder à travers elles des émotions qui nous gênent, nous les écartons au nom de la raison claire. Nous domestiquons notre angoisse en nous réfugiant dans l’analyse des faits.
Mais l’indicible malaise demeure.
Il n’y a pas que l’identification à la terre d’ici qui soit difficile. En quête de notre unité d’hommes, nous nous décentrons au moment que nous creusons nos racines. Mais comment, dans l’incertitude de soi, naître au monde sans se renier ou sans trahir ses sources ? Car nous nous méfions autant du monde que de nous-mêmes. Le sol sous nos pas est mouvant, comme est brouillé l’horizon devant nos yeux. Une invisible hostilité nous coupe à la fois de nous-mêmes et du monde et nous mure dans un indicible malaise.
L’arbre canadien-français est atteint d’un mal étrange qui ronge à la fois ses racines et son feuillage. Depuis deux siècles, nous ne sommes plus seuls dans notre pays.
Non plus qu’en nous-mêmes.
Quand nous tentons de nous saisir comme peuple, ou de nous projeter sur le monde, une présence s’interpose. Où que nous regardions, infailliblement nous rencontrons l’Autre – en l’occurrence l’Anglais –, dont le regard trouble notre propre regard.
Le Canadien français est un homme qui a deux ombres. Et c’est en vain que nous feignons d’y échapper : l’ombre anglaise nous accompagne toujours et partout. Et dans cette ombre nous devenons ombre.
Il y a en nous un lien mystérieux : notre apparente solitude est secrètement assiégée.
Qui sommes-nous dans cette zone d’ombre où l’Anglais semble tirer les ficelles cachées de nos vies ? Que sommes-nous inconsciemment devenus sous son regard pour ainsi fuir ce que nous cherchons tant à étreindre ?
Puisque nous ne sommes plus seuls dans ce pays, interroger notre identité de peuple dans sa relation à la présence anglaise peut nous conduire à mettre à nu l’être collectif. La nationalité peut n’être qu’une étiquette, mais, dissimulée, il y a l’âme d’un peuple.
Qui sommes-nous, Canadiens français ?
Si nous interrogeons le langage courant, nous constatons que notre nom même de peuple sème en nous la confusion.
Au cours d’une entrevue littéraire, un poète demandait un jour à un autre poète, que sa profession de diplomate conduit un peu partout dans le monde : « Vous sentez-vous plus Canadien que Canadien français ? »
Cette question, quand on s’y arrête, est curieuse. Aurions-nous deux identités ? Ou quelque chose dans notre identité serait-il extérieur à notre vie canadienne, comme une réminiscence de vie antérieure ?
Non moins curieuse cette profession de foi commune à beaucoup de personnages politiques à travers notre histoire : « Je suis Canadien d’abord, français ensuite. » Y aurait-il en nous deux parts d’inégale valeur et que l’on pourrait, selon les circonstances politiques, dresser l’une contre l’autre ?
Les indépendantistes, qui ont senti la confusion, y échappent en ne se disant que Québécois. Notre nom de Canadien nous serait-il devenu secrètement étranger ?
Quant aux mystiques de la table rase, ils prennent le simplisme de leur slogan pour du dépassement : « Soyons Canadiens tout court. » Mais qu’est-ce qu’un Canadien tout court dans un pays où deux peuples se réclament de ce nom ?
Notre nom écrit, d’autre part, dont l’imprimé transmet quotidiennement l’image, ne dessine-t-il pas sous nos yeux une pente qui peut n’être pas que grammaticale ? Canadien français : d’une majuscule à une minuscule, nous glissons sur notre nom qui nous entraîne de quelque chose qui paraît important à quelque chose d’autre qui semble l’être moins. Y aurait-il en nous une invisible rupture ?
D’une confusion en apparence confinée à notre seul nom, il ne naîtrait pas en nous tant de désarroi si notre être n’était lui-même plongé dans la confusion.
Car enfin, si notre nom comporte deux vocables, notre identité est une. Cet adjectif français que nous ajoutons à notre nom originel n’ajoute rien à ce que nous sommes : il sert à nous distinguer de l’Anglais, qui se dit également Canadien, mais ne se distingue pas en nous quand nous nous saisissons comme Canadiens. Le terme français marque une relation à l’Anglais au sein d’un nom commun et c’est par relation seulement qu’il s’objective dans le langage ; hors d’elle, il n’a pas de réalité distincte. Canadien et français, dans notre Moi collectif, ne sont qu’une seule et même chose. Nous sommes indissolublement Canadienfrançais. Voilà à quelle unité fondamentale renvoient dans notre nom de peuple les vocables Canadien et français.
Que signifie alors cette distance que nous prenons, non pas vis-à-vis de l’Anglais mais vis-à-vis de nous-mêmes, quand nous nous définissons comme Canadiens ?
Quelle est cette image de nous-mêmes qui se dédouble ainsi dans le miroir de l’identité canadienne ?
Notre relation à l’Anglais serait-elle faussée à sa racine psychique ? La présence anglaise se creuserait-elle si profondément en nous qu’elle nous ravît notre image réelle ?
Le langage courant nous offre plus que l’image d’un simple nom éclaté : il nous propose celle d’un être collectif qui a rompu ses amarres.
À l’origine de cette dérive intérieure il y a, dans notre histoire, un événement que la mémoire refoule mais dont l’âme collective transmet la trace de génération en génération : la Conquête, qui projette en nous la grande ombre anglaise. La Conquête est brisure ; comme notre nom, comme notre être collectif. Et sans le savoir nous ressemblons à ce malheur initial, qui s’est figé dans l’âme commune en une durée qui nous ravit le présent.
C’est sous forme de résidu scolaire que la Conquête s’intériorise d’abord en nous, inoculée dans nos âmes d’enfants par une histoire bien divisée en deux parts qui se repoussent : avant, après ; qui sonnent comme toujours, jamais. Un régime français tout glorieux de notre présence héroïque et généreuse. Puis la cassure. C’est comme si tout d’un coup nous n’étions plus là, comme si notre vie s’arrêtait, le souffle de notre histoire coupé net. C’est désormais l’Anglais qui bâtit ce pays à son image ; et nous devenons les spectateurs d’une histoire qui semble ne plus être la nôtre. Il y a les bons gouverneurs anglais, soit ceux qui aimaient les Canadiens français ; et les autres, qui tramaient notre perte. D’une seule coulée dans nos jeunes âmes : Frontenac – « Allez dire à votre maître… » ; Carillon. Et puis les plaines d’Abraham. Tout se recroqueville subitement, nous désintéresse jusqu’au sursaut des Patriotes de 1837. Puis vient la torpeur définitive : plus notre histoire se fait contemporaine, plus elle s’éloigne et devient brumeuse. Et l’on reprend au beau Régime français, qui nous apparaît soudain comme un baume. « Ne pleurez plus, mes enfants, je vais vous relire la bataille de Carillon »…
Et il nous faudrait oublier ?
À vingt ans, il est vrai, nous avons séché nos pleurs, oublié nos malheurs qui n’étaient, après tout, que des malheurs d’enfants. Et nous avons pensé à autre chose, pour devenir des hommes.
Mais la blessure est toujours là, si mal cicatrisée qu’elle se rouvre à chaque génération ou presque.
Et si la Conquête était infiniment plus qu’un simple saisissement dans nos jeunes cœurs ? Et nos sautes d’humeur chroniques, infiniment plus qu’une émotivité d’écoliers attardés ?
Les récits de nos manuels d’histoire cachent autre chose que de puériles complaintes.
Comme origine et comme durée d’un mal enraciné dans l’âme collective, qu’est-ce que la Conquête anglaise ?
À la source : une subtile infiltration.
Nous étions Canadiens. Après 1760, l’Anglais en vient lui aussi à se dire Canadien. Non seulement s’empare-t-il de notre pays, mais il s’approprie notre nom de peuple, qui se charge de sa présence.
La Conquête a une face cachée : elle ouvre notre pays intérieur à l’occupation anglaise. Lentement, sans que nous prenions garde, la présence anglaise va nous déloger de nous-mêmes, la dépossession se faire invisible.
La Conquête porte en germe une forme secrète d’assimilation à l’Anglais.
Mais au moment où elle permet à l’Anglais de s’insinuer en nous comme une ombre, la Conquête nous met brutalement au monde comme peuple distinct. Distinct de la France puisque désormais séparé ; distinct de l’Angleterre malgré l’occupation, mais lié à elle.
La Conquête a aussi une face visible : elle porte en germe notre personnalisation comme peuple distinct dans ce pays et face au monde. Personnalisation dont le processus avait d’ailleurs été amorcé normalement près d’un demi-siècle auparavant, puisque l’on commençait déjà de distinguer les Canadiens des Français. Sans la Conquête, qui accélère brusquement le processus par opposition à l’envahisseur, cette personnalisation eût pu aboutir à sa maturité naturelle dans la rupture politique avec la France, tout comme les Américains ont un jour coupé tout lien de dépendance vis-à-vis de l’Angleterre.
Peuple en gestation avant 1760, la Conquête coupe trop tôt le cordon ombilical qui nous lie à la mère patrie. Notre naissance à nous-mêmes est non seulement prématurée, précaire et démunie, mais nos yeux s’ouvrent sur un monde hostile. Une seconde gestatio...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. Titre
  5. Crédits
  6. Exergue
  7. Dépersonnalisation
  8. Culpabilité
  9. Reconquête
  10. Postface
  11. Crédits et remerciements
  12. Fin
  13. Quatrième de couverture