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Une controverse publique virulente:
technopole ou centre hospitalier
pour le CHUM?
Comme nous venons de le constater, le projet de technopole de la santĂ© et du savoir de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al provoquait dĂ©jĂ beaucoup de rĂ©actions Ă la fin de lâannĂ©e 2004. Et son itinĂ©raire mouvementĂ© nâallait pas se terminer dans des eaux plus tranquilles. Ce projet fut littĂ©ralement pris Ă partie lors dâune virulente controverse publique qui embrasa nombre de communautĂ©s et milieux quĂ©bĂ©cois pendant plusieurs mois au tout dĂ©but de lâhiver 2005.
Le lecteur dĂ©couvrira dans ce chapitre toutes les composantes de ce qui constitue bel et bien une controverse publique. Nous Ă©tablirons aussi la spĂ©cificitĂ© de cette derniĂšre en mettant en relief les traits qui la singularisent. Au terme de ce chapitre, nous tenterons une rĂ©flexion plus large qui cherchera Ă identifier les facteurs dĂ©terminants et Ă cerner les rapports entre les diffĂ©rentes forces en prĂ©sence dans cette derniĂšre phase de lâhistoire rĂ©cente du CHUM.
La rĂ©alisation du nouveau CHUM nâest en rien une histoire achevĂ©e. Ce nouveau CHUM, dont la fin de la construction fut dâabord planifiĂ©e pour 2006, puis reportĂ©e Ă 2010, nâa pas encore connu lâallĂ©gresse de la toute premiĂšre pelletĂ©e de terre. Nous ferons donc rapidement le point dans le chapitre qui suivra sur lâĂ©tat dâavancement actuel de ce projet dâĂ©riger le nouveau CHUM au 1000 Saint-Denis.
Des prises de position de plus en plus polarisées
Reprenons donc le fil des Ă©vĂ©nements: lâannĂ©e 2005 dĂ©buta comme celle de 2004 avait fini. Le dĂ©bat sur lâimplantation du nouvel hĂŽpital universitaire Ă©tait toujours aussi prĂ©sent dans lâunivers des grands mĂ©dias. Les interventions de personnes dâhorizons divers et aux positions divergentes sâaccumulaient. Depuis un moment, la bataille mĂ©diatique faisait rage, et la polarisation entre le 1000 Saint-Denis et le site de la gare de triage Outremont sâaccentuait. Dans ce concert de voix discordantes, les partisans du concept dâune technopole de la santĂ© et du savoir localisĂ©e sur le site Outremont nâavaient pas encore complĂštement perdu pied.
Dans un premier temps, au contraire, ils donnĂšrent Ă certains Ă©gards lâimpression de gagner du terrain, forts de lâappui potentiel de certains dĂ©cideurs sociopolitiques. Plusieurs des adversaires les plus fĂ©roces de cette option dĂ©criaient de plus en plus une alliance quâils jugeaient malsaine entre personnages puissants des milieux de la politique et de lâĂ©conomie. Ces derniers, selon eux, tramaient en sourdine lâinstallation de la technopole de la santĂ© et du savoir sur le site Outremont. En pareille circonstance, comme câest devenu la rĂšgle, des voix Ă©voquĂšrent la thĂ©orie du complot pour contester mieux encore des prises de position qui nâĂ©taient pas les leurs. Pour plusieurs, lâargument clĂ© ne portait plus sur le fond, mais sur la forme: les convergences entre des forces considĂ©rĂ©es comme suspectes et ourdissant supposĂ©ment en catimini un complot aussi secret quâinadmissible ne pouvaient quâaugurer le pire.
Et si, Ă lâinstar dâautres acteurs, certains intervenants de ces milieux sortaient du silence pour prendre publiquement position, leur geste mĂȘme, au-delĂ des arguments quâils mettaient alors de lâavant, Ă©tait lâobjet des plus vives critiques. ĂvĂ©nement emblĂ©matique Ă cet Ă©gard: la publication le 5 janvier 2005 dâune longue lettre ouverte au premier ministre signĂ©e par une trentaine dâhommes dâaffaires parmi les plus importants et les plus respectĂ©s au QuĂ©bec et dans le monde, appuyant avec enthousiasme la construction du nouveau CHUM Ă Outremont. Plusieurs des opposants Ă ce projet virent lĂ la preuve de ce quâils avançaient depuis un bon moment: la prĂ©sence dâun complot et lâaction du lobbying des bien nantis qui cherchaient, injustement et dans le mĂ©pris des rĂšgles dĂ©mocratiques, Ă influencer la dĂ©cision gouvernementale Ă venir.
Mais voyons lâhistoire, pourtant toute simple, de cette lettre. Comme nous lâavons dit prĂ©cĂ©demment, aucune personnalitĂ© du milieu des affaires, Ă lâexception de Paul Desmarais pĂšre, ne sâĂ©tait impliquĂ©e avant la mi-dĂ©cembre 2004 dans lâun ou lâautre des aspects du projet Outremont. Nous prĂ©sumons que ces personnes suivaient, comme tout le monde Ă MontrĂ©al, lâactualitĂ© et le dĂ©bat du CHUM, qui y prenait une place dĂ©mesurĂ©e. Dans la premiĂšre semaine du mois de dĂ©cembre, HĂ©lĂšne Desmarais, qui sâĂ©tait intĂ©ressĂ©e au projet Outremont comme Ă une suite logique des travaux et recommandations de diffĂ©rents comitĂ©s dont elle avait fait partie dans le domaine de la santĂ© et des entreprises biotechnologiques, signala Ă Robert Lacroix quâelle Ă©tait convaincue que le milieu des affaires Ă©tait en gĂ©nĂ©ral favorable au projet Outremont et quâil Ă©tait souhaitable que cela soit connu.
Il fut rapidement convenu que la meilleure façon de le faire serait de publier une lettre ouverte au premier ministre. Encore fallait-il quâun nombre important de personnalitĂ©s du milieu des affaires acceptent dâĂȘtre associĂ©es Ă cette intervention publique, dont les plus connues. Quelques personnes de ce secteur, tels RĂ©mi Marcoux et Guy Savard, aidĂšrent HĂ©lĂšne Desmarais Ă faire un premier sondage auprĂšs dâun groupe important de leurs collĂšgues, aprĂšs leur avoir fait parvenir le projet Outremont tel quâil avait Ă©tĂ© soumis au gouvernement par lâUniversitĂ©. Les rĂ©actions furent extrĂȘmement positives et les appuis plus nombreux que prĂ©vu. Un projet de lettre fut alors prĂ©parĂ© et soumis aux membres de ce groupe durant les fĂȘtes pour que cette lettre puisse ĂȘtre publiĂ©e dĂšs la rentrĂ©e.
Ce geste dâune trentaine de personnes, parmi les plus importantes du milieu des affaires, fut trĂšs mal reçu par les dĂ©fenseurs du 1000 Saint-Denis, y compris les mĂ©dias, qui voyaient lĂ une pression indue des bien nantis. Lâappui donnĂ© au 1000 Saint-Denis par les dirigeants de nombreux groupes communautaires du centre-ville, des dirigeants et ex-dirigeants de centrales syndicales, un groupe dâartistes et dâautres encore Ă©tait acceptĂ© et positivement mĂ©diatisĂ©. Mais le mĂȘme geste devenait carrĂ©ment inacceptable si un groupe de personnes du milieu des affaires, Ă qui on demandait de contribuer Ă hauteur de plus de 200 millions de dollars au financement du CHUM, osaient joindre leur voix Ă celle des mĂ©decins du CHUM, des facultĂ©s de la santĂ© de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al et de sa direction, des reprĂ©sentants du secteur des biotechnologies et de lâindustrie pharmaceutique, des dirigeants dâagences subventionnaires de la recherche universitaire, des nombreux spĂ©cialistes qui sâĂ©taient penchĂ©s sur la question, de MontrĂ©al International, qui venait de dĂ©poser, en concertation avec les compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques, un plan de dĂ©veloppement de ces secteurs Ă MontrĂ©al, etc.
Pourquoi? Ces gens Ă©taient-ils moins compĂ©tents que des reprĂ©sentants des milieux communautaires, syndicaux et artistiques pour juger de la qualitĂ© et de lâopportunitĂ© du projet? Avaient-ils moins Ă cĆur lâintĂ©rĂȘt des patients, de la population et du QuĂ©bec? Devaient-ils appuyer un projet et contribuer Ă son financement les yeux et la bouche bien fermĂ©s? Si invraisemblable que cela puisse ĂȘtre, cet appui du milieu des affaires et le travail inlassable dâHĂ©lĂšne Desmarais pour promouvoir dans tous les milieux ce projet majeur pour MontrĂ©al et le QuĂ©bec eurent probablement un effet nĂ©gatif sur lâacceptation du projet Outremont par la population et les milieux politiques.
La scĂšne mĂ©diatique des dĂ©bats et des prises de position en faveur dâun site ou de lâautre sâanima encore un peu plus le 6 janvier. Ce jour-lĂ , le maire de MontrĂ©al tint une confĂ©rence de presse pour faire connaĂźtre sa position dans le dossier du CHUM, dossier hautement stratĂ©gique pour le dĂ©veloppement de la ville dont il Ă©tait le premier magistrat. MalgrĂ© le fait que la question de lâemplacement Ă©tait dĂ©battue depuis des mois, voire des annĂ©es, le maire ne sâĂ©tait en effet pas encore prononcĂ© publiquement sur ces deux projets, largement connus pourtant des intervenants politiques et de lâopinion publique de sa ville. Tous les acteurs mobilisĂ©s par ces projets, de mĂȘme que les tenants de la scĂšne mĂ©diatique, attendaient donc avec impatience cette prise de position. Dâautant plus que Pierre Bourque, chef de lâopposition Ă lâhĂŽtel de ville et ancien maire, avait dĂ©jĂ appuyĂ© sans rĂ©serve le site Outremont.
LâUniversitĂ© de MontrĂ©al avait dâailleurs collaborĂ© avec les hauts fonctionnaires de la Ville en leur fournissant, depuis septembre 2004, toutes les donnĂ©es, anciennes et nouvelles, leur permettant de bien informer le maire et de prĂ©parer sa prise de position. Ces gens avaient aussi travaillĂ© durant les vacances des fĂȘtes pour finaliser la prĂ©paration de la confĂ©rence de presse du maire. Au tout dĂ©but du mois de janvier 2005, Arnold Beaudin, le haut fonctionnaire de la Ville qui avait coordonnĂ© le tout, informa Robert Lacroix que le maire allait mettre en valeur lâintĂ©rĂȘt du projet de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al et donner son appui au site Outremont. Cela ne faisait que confirmer les signaux implicites que lâUniversitĂ© avait dĂ©jĂ reçus du maire et de son entourage sur son adhĂ©sion au projet Outremont.
La veille de ladite confĂ©rence de presse, on informa cependant Robert Lacroix que le maire appuierait le projet de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, mais ne se prononcerait pas sur le site Outremont. DĂ©sarroi et incomprĂ©hension sâabattirent sur lâĂ©quipe de fonctionnaires qui avait travaillĂ© dâarrachepied jusquâĂ la derniĂšre minute pour prĂ©parer cette confĂ©rence de presse. Robert Lacroix dĂ©cida de contacter le maire avant son intervention pour lui exprimer sa surprise et son incomprĂ©hension. La rĂ©ponse du maire fut que le choix du site relevait du gouvernement du QuĂ©bec et quâil prĂ©fĂ©rait ne pas ĂȘtre trop explicite Ă cet Ă©gard, et que les gens qui savent lire entre les lignes comprendraient bien quelle Ă©tait finalement sa position.
Effectivement, tout le monde se demanda pourquoi le maire nâavait pas Ă©tĂ© au bout de sa logique lors de sa confĂ©rence de presse en disant explicitement quâil appuyait le site Outremont. Bien sĂ»r, la dĂ©cision ultime relevait du gouvernement du QuĂ©bec, mais la partie se jouait Ă MontrĂ©al, et les consĂ©quences de pareille dĂ©cision pour cette ville Ă©taient tellement importantes que la direction de lâUniversitĂ© nâa jamais compris cette retenue du maire.
Bien que les prises de position publiques, en faveur cette fois du 1000 Saint-Denis, ne se fussent pas vraiment attĂ©nuĂ©es durant cette pĂ©riode, la direction du CHUM manifestait de lâinquiĂ©tude quant au soutien que recevait dans certains milieux le projet de technopole sise Ă la cour de triage dâOutremont. Elle prenait ombrage de ce que certaines critiques, injustifiĂ©es selon elle mĂȘme si peu nombreuses, Ă©taient formulĂ©es Ă lâĂ©gard du site dont elle avait fait publiquement la promotion aussi rĂ©cemment quâĂ la mi-novembre 2004. Tant et si bien que le 6 janvier 2005, toujours sans que le conseil dâadministration du CHUM se soit prononcĂ© en faveur dâun site ou de lâautre, le prĂ©sident du conseil, Patrick Molinari, convoqua la presse. Ătant donnĂ© les « prises de position publiques des uns et des autres dans le dossier visant pour lâessentiel Ă discrĂ©diter le projet du 1000 Saint-Denis », il Ă©tait normal pour le prĂ©sident du conseil de consacrer sa confĂ©rence de presse Ă montrer « lâexcellent travail accompli et la rigueur dĂ©montrĂ©e par les gens qui ont ĆuvrĂ© Ă la planification du CHUM sur le site Saint-Denis » et les attributs positifs du 1000 Saint-Denis pour recevoir le nouvel hĂŽpital et des facultĂ©s des sciences de la santĂ© de lâUniversitĂ©.
Or le mĂȘme jour, les membres du conseil dâadministration du CHUM provenant de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al dĂ©noncĂšrent publiquement cette intervention faite alors mĂȘme que le conseil nâavait pas encore optĂ© en faveur de quelque site que ce soit. Ils critiquĂšrent Ă©galement lâaffirmation du prĂ©sident selon laquelle le projet du site du 1000 Saint-Denis accueillerait les facultĂ©s des sciences de la santĂ© de lâUniversitĂ© et rappelĂšrent que lâUniversitĂ© avait expliquĂ© publiquement que le dĂ©mĂ©nagement au centre-ville de ses facultĂ©s des sciences de la santĂ© nâĂ©tait pas souhaitable, car il nuirait aux synergies scientifiques dĂ©jĂ Ă©tablies entre ces facultĂ©s, dâautres facultĂ©s de son campus central et son rĂ©seau de la recherche biomĂ©dicale.
Un rebondissement politique inattendu
Le 7 janvier, le premier ministre et le ministre de la SantĂ© annoncĂšrent la crĂ©ation dâun comitĂ© de deux experts, Guy Saint-Pierre et Armand Couture. On lui confia le mandat de procĂ©der Ă un examen rigoureux et comparatif des projets dâimplantation du CHUM au 1000, rue Saint-Denis et Ă Outremont. Le gouvernement demanda au comitĂ© de lui faire part de ses remarques et analyses dĂšs le dĂ©but du mois de fĂ©vrier. Les six enjeux suivants devaient y ĂȘtre Ă©tudiĂ©s:
â la couverture des besoins en soins hospitaliers;
â lâinsertion du nouveau CHUM dans lâorganisation des soins de santĂ© sur lâĂźle de MontrĂ©al et dans la rĂ©gion de MontrĂ©al (la clientĂšle qui sera desservie par rapport aux besoins, les nouveaux Ă©quipements de soin, dâenseignement et de recherche, lâinsertion du CHUM par rapport au territoire des rĂ©seaux universitaires de McGill et de MontrĂ©al);
â la synergie et les dĂ©veloppements futurs rĂ©sultant dâun regroupement du CHUM avec les facultĂ©s des sciences de la santĂ© de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, lâenseignement et la recherche et dĂ©veloppement des technologies en santĂ© (en fonction des besoins manifestĂ©s par lâUniversitĂ© de MontrĂ©al et de ceux qui ont Ă©tĂ© Ă©valuĂ©s par le ministĂšre de lâĂducation);
â la sĂ©curitĂ© de lâimplantation proposĂ©e (sĂ©curitĂ© environnementale, sĂ©curitĂ© reliĂ©e aux activitĂ©s industrielles avoisinantes) compte tenu de la nature stratĂ©gique du projet;
â lâaccessibilitĂ© du site proposĂ©, en termes dâinfrastructures de transport (rĂ©seaux routiers, transport en commun);
â les investissements requis, ainsi que les incertitudes reliĂ©es Ă certains des coĂ»ts projetĂ©s (notamment en matiĂšre dâinfrastructures urbaines et de transport) devront faire lâobjet dâun avis de la part des deux experts 1
Pourquoi le gouvernement Charest prend-il Ă ce moment-lĂ pareille position? De toute Ă©vidence, le premier ministre du QuĂ©bec nâavait pas encore abandonnĂ© un projet quâil avait dĂ©jĂ fortement appuyĂ©. Des articles de journaux parus le lendemain citaient dâailleurs le premier ministre Charest invoquant la nouveautĂ© du dernier projet en lice, celui dâune vĂ©ritable technopole de la santĂ© et du savoir, pour expliquer la dĂ©cision gouvernementale. Le premier ministre se permettait mĂȘme dâajouter: « Avant, on avait un projet et plusieurs sites. LĂ , il y a deux projets sur diffĂ©rents sites. » 2
Le comitĂ© avait Ă©videmment accĂšs Ă lâensemble des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur les deux sites, y compris celles faites par la SICHUM. De plus, deux spĂ©cialistes ayant une profonde connaissance des dossiers vinrent se joindre au comitĂ©, le Dr Georges LâEspĂ©rance, consultant et antĂ©rieurement membre du personnel de la SICHUM, et Jules Larouche, vice-prĂ©sident de la Corporation dâhĂ©bergement du QuĂ©bec.
Le comitĂ© devait en somme apporter des rĂ©ponses aux nombreuses questions soulevĂ©es au cours des mois prĂ©cĂ©dents sur les deux projets, et particuliĂšrement sur le projet Outremont. Les deux membres du comitĂ© Ă©taient des personnes Ă©minemment compĂ©tentes, trĂšs expĂ©rimentĂ©es et dâune intĂ©gritĂ© reconnue. En effet, Guy Saint-Pierre et Armand Couture sont deux ingĂ©nieurs qui ont Ă©tĂ© impliquĂ©s, comme hauts responsables, dans une foule de grands projets, autant au QuĂ©bec quâĂ lâĂ©tranger. Tous deux jouissent dâune grande rĂ©putation au niveau national et international. Ă ce stade de leur vie respective et compte tenu de cette rĂ©putation acquise sur prĂšs de cinquante ans de carriĂšre, aucun nâavait intĂ©rĂȘt Ă fausser la rĂ©alitĂ© pour plaire Ă un premier ministre et vivre, par la suite, avec les consĂ©quences de recommandations non fondĂ©es.
Pourtant, la mise en place du comitĂ© et la nomination de MM. Couture et Saint-Pierre furent accueillies, dans la plupart des mĂ©dias, avec un cynisme rarement vu. Ce cynisme Ă©tait la consĂ©quence du scepticisme ambiant envers toute expertise, que nourrissait un dĂ©bat devenu depuis un bon moment de plus en plus strictement politique, voire idĂ©ologique. Pour certains, il Ă©tait clair que le club des nantis Ă©tait finalement parvenu Ă placer deux des siens dans le comitĂ© nommĂ© par le gouvernement du QuĂ©bec pour Ă©valuer les deux projets. De lĂ Ă suggĂ©rer que les dĂ©s Ă©taient pipĂ©s, il nây avait quâun pas, que certains ont bien vite franchi. Heureusement, cela nâempĂȘcha pas les deux experts en question de faire leur travail avec tout le professionnalisme qui avait caractĂ©risĂ© leurs travaux antĂ©rieurs.
La rĂ©Ă©mergence mĂ©diatique dâun thĂšme bien connu: la sĂ©curitĂ© du site Outremont, cette fois
Pendant que le comitĂ© Couture-Saint-Pierre Ă©tait occupĂ© Ă remplir son mandat, incluant lâexamen des risques environnementaux relatifs au site Outremont, une sĂ©rie dâarticles dans La Presse mettaient dĂ©jĂ sĂ©rieusement en cause la pertinence mĂȘme de construire un hĂŽpital sur ce site. Ă lâorigine de ce questionnement: les problĂšmes potentiels de sĂ©curitĂ© qui dĂ©coulaient du trafic ferroviaire, dont le transit de matiĂšres dangereuses sur le site. Les questions ainsi soulevĂ©es Ă©taient lĂ©gitimes. Elles sâappuyaient essentiellement sur une Ă©tude qui avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e, Ă la demande du CHUM, par le cabinet Dessau-Soprin. Bien que confidentielle et trĂšs embryonnaire, cette derniĂšre avait trouvĂ© son chemin pour aboutir dans les mĂ©dias.
Nous avons dĂ©jĂ fait mention de cette Ă©tude. Rappelons quâelle consiste essentiellement en une identification des risques, ce que le cabinet Dessau-Soprin nâa jamais dissimulĂ©. Ce type dâĂ©tude est considĂ©rĂ© comme prĂ©liminaire et est gĂ©nĂ©ralement suivi dâune dĂ©marche plus exhaustive dâĂ©valuation et de quantification des risques, puis dâune analyse rigoureuse des possibilitĂ©s dâattĂ©nuation et de mitigation des risques Ă©valuĂ©s. Et ce nâest quâĂ la suite de ces dĂ©marches plus exhaustives et comprĂ©hensives que lâon peut vraiment porter un jugement averti sur les risques p...