Le CHUM
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Une tragédie québécoise

  1. 322 pages
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Le CHUM

Une tragédie québécoise

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À propos de ce livre

Tout le monde a, bien sĂ»r, entendu parler de la saga du CHUM, ce centre hospitalier universitaire qui devait ouvrir ses portes en 2005. Études, atermoiements, tergiversations, nouvelles Ă©tudes contradictoires, coups de force et coups de thĂ©Ăątre se sont succĂ©dĂ© sans qu'une seule pelletĂ©e de terre ait Ă©tĂ© levĂ©e. Ce que l'on sait moins, c'est que le projet de construire un hĂŽpital rattachĂ© Ă  l'UniversitĂ© de MontrĂ©al remonte en fait Ă ... 1927. Cela fera donc bientĂŽt un siĂšcle que MontrĂ©al attend son hĂŽpital universitaire francophone, et rien ne laisse croire que celui-ci verra le jour dans un avenir prochain.Pourquoi la plus grande universitĂ© quĂ©bĂ©coise, l'une des universitĂ©s françaises les plus prestigieuses du monde, ne dispose-t-elle pas d'un hĂŽpital universitaire Ă  la hauteur de sa mission?Quelle conjonction d'Ă©vĂ©nements a permis un tel gaspillage de temps et de ressources? Quels rapports de force ont jouĂ©, en public ou en coulisses? Quelles ambitions politiques Ă©taient Ă  l'Ɠuvre, ouvertes ou secrĂštes? Quel a Ă©tĂ© le rĂŽle des divers partis politiques et des gouvernements en place? Comment la machine bureaucratique de l'État est-elle intervenue? Quel rĂŽle ont jouĂ© les mĂ©dias et les groupes de pression? Quelles erreurs de perception et de communication ont usĂ© la patience de la population?VoilĂ  les questions auxquelles les auteurs proposent une rĂ©ponse dans ce livre percutant, qui nous oblige Ă  des constats sĂ©vĂšres sur la façon dont les Ă©lus gĂšrent notre patrimoine collectif.

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Informations

Année
2010
ISBN
9782764640661

8

Une controverse publique virulente:
technopole ou centre hospitalier
pour le CHUM?

Comme nous venons de le constater, le projet de technopole de la santĂ© et du savoir de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al provoquait dĂ©jĂ  beaucoup de rĂ©actions Ă  la fin de l’annĂ©e 2004. Et son itinĂ©raire mouvementĂ© n’allait pas se terminer dans des eaux plus tranquilles. Ce projet fut littĂ©ralement pris Ă  partie lors d’une virulente controverse publique qui embrasa nombre de communautĂ©s et milieux quĂ©bĂ©cois pendant plusieurs mois au tout dĂ©but de l’hiver 2005.
Le lecteur dĂ©couvrira dans ce chapitre toutes les composantes de ce qui constitue bel et bien une controverse publique. Nous Ă©tablirons aussi la spĂ©cificitĂ© de cette derniĂšre en mettant en relief les traits qui la singularisent. Au terme de ce chapitre, nous tenterons une rĂ©flexion plus large qui cherchera Ă  identifier les facteurs dĂ©terminants et Ă  cerner les rapports entre les diffĂ©rentes forces en prĂ©sence dans cette derniĂšre phase de l’histoire rĂ©cente du CHUM.
La rĂ©alisation du nouveau CHUM n’est en rien une histoire achevĂ©e. Ce nouveau CHUM, dont la fin de la construction fut d’abord planifiĂ©e pour 2006, puis reportĂ©e Ă  2010, n’a pas encore connu l’allĂ©gresse de la toute premiĂšre pelletĂ©e de terre. Nous ferons donc rapidement le point dans le chapitre qui suivra sur l’état d’avancement actuel de ce projet d’ériger le nouveau CHUM au 1000 Saint-Denis.

Des prises de position de plus en plus polarisées

Reprenons donc le fil des Ă©vĂ©nements: l’annĂ©e 2005 dĂ©buta comme celle de 2004 avait fini. Le dĂ©bat sur l’implantation du nouvel hĂŽpital universitaire Ă©tait toujours aussi prĂ©sent dans l’univers des grands mĂ©dias. Les interventions de personnes d’horizons divers et aux positions divergentes s’accumulaient. Depuis un moment, la bataille mĂ©diatique faisait rage, et la polarisation entre le 1000 Saint-Denis et le site de la gare de triage Outremont s’accentuait. Dans ce concert de voix discordantes, les partisans du concept d’une technopole de la santĂ© et du savoir localisĂ©e sur le site Outremont n’avaient pas encore complĂštement perdu pied.
Dans un premier temps, au contraire, ils donnĂšrent Ă  certains Ă©gards l’impression de gagner du terrain, forts de l’appui potentiel de certains dĂ©cideurs sociopolitiques. Plusieurs des adversaires les plus fĂ©roces de cette option dĂ©criaient de plus en plus une alliance qu’ils jugeaient malsaine entre personnages puissants des milieux de la politique et de l’économie. Ces derniers, selon eux, tramaient en sourdine l’installation de la technopole de la santĂ© et du savoir sur le site Outremont. En pareille circonstance, comme c’est devenu la rĂšgle, des voix Ă©voquĂšrent la thĂ©orie du complot pour contester mieux encore des prises de position qui n’étaient pas les leurs. Pour plusieurs, l’argument clĂ© ne portait plus sur le fond, mais sur la forme: les convergences entre des forces considĂ©rĂ©es comme suspectes et ourdissant supposĂ©ment en catimini un complot aussi secret qu’inadmissible ne pouvaient qu’augurer le pire.
Et si, Ă  l’instar d’autres acteurs, certains intervenants de ces milieux sortaient du silence pour prendre publiquement position, leur geste mĂȘme, au-delĂ  des arguments qu’ils mettaient alors de l’avant, Ă©tait l’objet des plus vives critiques. ÉvĂ©nement emblĂ©matique Ă  cet Ă©gard: la publication le 5 janvier 2005 d’une longue lettre ouverte au premier ministre signĂ©e par une trentaine d’hommes d’affaires parmi les plus importants et les plus respectĂ©s au QuĂ©bec et dans le monde, appuyant avec enthousiasme la construction du nouveau CHUM Ă  Outremont. Plusieurs des opposants Ă  ce projet virent lĂ  la preuve de ce qu’ils avançaient depuis un bon moment: la prĂ©sence d’un complot et l’action du lobbying des bien nantis qui cherchaient, injustement et dans le mĂ©pris des rĂšgles dĂ©mocratiques, Ă  influencer la dĂ©cision gouvernementale Ă  venir.
Mais voyons l’histoire, pourtant toute simple, de cette lettre. Comme nous l’avons dit prĂ©cĂ©demment, aucune personnalitĂ© du milieu des affaires, Ă  l’exception de Paul Desmarais pĂšre, ne s’était impliquĂ©e avant la mi-dĂ©cembre 2004 dans l’un ou l’autre des aspects du projet Outremont. Nous prĂ©sumons que ces personnes suivaient, comme tout le monde Ă  MontrĂ©al, l’actualitĂ© et le dĂ©bat du CHUM, qui y prenait une place dĂ©mesurĂ©e. Dans la premiĂšre semaine du mois de dĂ©cembre, HĂ©lĂšne Desmarais, qui s’était intĂ©ressĂ©e au projet Outremont comme Ă  une suite logique des travaux et recommandations de diffĂ©rents comitĂ©s dont elle avait fait partie dans le domaine de la santĂ© et des entreprises biotechnologiques, signala Ă  Robert Lacroix qu’elle Ă©tait convaincue que le milieu des affaires Ă©tait en gĂ©nĂ©ral favorable au projet Outremont et qu’il Ă©tait souhaitable que cela soit connu.
Il fut rapidement convenu que la meilleure façon de le faire serait de publier une lettre ouverte au premier ministre. Encore fallait-il qu’un nombre important de personnalitĂ©s du milieu des affaires acceptent d’ĂȘtre associĂ©es Ă  cette intervention publique, dont les plus connues. Quelques personnes de ce secteur, tels RĂ©mi Marcoux et Guy Savard, aidĂšrent HĂ©lĂšne Desmarais Ă  faire un premier sondage auprĂšs d’un groupe important de leurs collĂšgues, aprĂšs leur avoir fait parvenir le projet Outremont tel qu’il avait Ă©tĂ© soumis au gouvernement par l’UniversitĂ©. Les rĂ©actions furent extrĂȘmement positives et les appuis plus nombreux que prĂ©vu. Un projet de lettre fut alors prĂ©parĂ© et soumis aux membres de ce groupe durant les fĂȘtes pour que cette lettre puisse ĂȘtre publiĂ©e dĂšs la rentrĂ©e.
Ce geste d’une trentaine de personnes, parmi les plus importantes du milieu des affaires, fut trĂšs mal reçu par les dĂ©fenseurs du 1000 Saint-Denis, y compris les mĂ©dias, qui voyaient lĂ  une pression indue des bien nantis. L’appui donnĂ© au 1000 Saint-Denis par les dirigeants de nombreux groupes communautaires du centre-ville, des dirigeants et ex-dirigeants de centrales syndicales, un groupe d’artistes et d’autres encore Ă©tait acceptĂ© et positivement mĂ©diatisĂ©. Mais le mĂȘme geste devenait carrĂ©ment inacceptable si un groupe de personnes du milieu des affaires, Ă  qui on demandait de contribuer Ă  hauteur de plus de 200 millions de dollars au financement du CHUM, osaient joindre leur voix Ă  celle des mĂ©decins du CHUM, des facultĂ©s de la santĂ© de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al et de sa direction, des reprĂ©sentants du secteur des biotechnologies et de l’industrie pharmaceutique, des dirigeants d’agences subventionnaires de la recherche universitaire, des nombreux spĂ©cialistes qui s’étaient penchĂ©s sur la question, de MontrĂ©al International, qui venait de dĂ©poser, en concertation avec les compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques, un plan de dĂ©veloppement de ces secteurs Ă  MontrĂ©al, etc.
Pourquoi? Ces gens Ă©taient-ils moins compĂ©tents que des reprĂ©sentants des milieux communautaires, syndicaux et artistiques pour juger de la qualitĂ© et de l’opportunitĂ© du projet? Avaient-ils moins Ă  cƓur l’intĂ©rĂȘt des patients, de la population et du QuĂ©bec? Devaient-ils appuyer un projet et contribuer Ă  son financement les yeux et la bouche bien fermĂ©s? Si invraisemblable que cela puisse ĂȘtre, cet appui du milieu des affaires et le travail inlassable d’HĂ©lĂšne Desmarais pour promouvoir dans tous les milieux ce projet majeur pour MontrĂ©al et le QuĂ©bec eurent probablement un effet nĂ©gatif sur l’acceptation du projet Outremont par la population et les milieux politiques.
La scĂšne mĂ©diatique des dĂ©bats et des prises de position en faveur d’un site ou de l’autre s’anima encore un peu plus le 6 janvier. Ce jour-lĂ , le maire de MontrĂ©al tint une confĂ©rence de presse pour faire connaĂźtre sa position dans le dossier du CHUM, dossier hautement stratĂ©gique pour le dĂ©veloppement de la ville dont il Ă©tait le premier magistrat. MalgrĂ© le fait que la question de l’emplacement Ă©tait dĂ©battue depuis des mois, voire des annĂ©es, le maire ne s’était en effet pas encore prononcĂ© publiquement sur ces deux projets, largement connus pourtant des intervenants politiques et de l’opinion publique de sa ville. Tous les acteurs mobilisĂ©s par ces projets, de mĂȘme que les tenants de la scĂšne mĂ©diatique, attendaient donc avec impatience cette prise de position. D’autant plus que Pierre Bourque, chef de l’opposition Ă  l’hĂŽtel de ville et ancien maire, avait dĂ©jĂ  appuyĂ© sans rĂ©serve le site Outremont.
L’UniversitĂ© de MontrĂ©al avait d’ailleurs collaborĂ© avec les hauts fonctionnaires de la Ville en leur fournissant, depuis septembre 2004, toutes les donnĂ©es, anciennes et nouvelles, leur permettant de bien informer le maire et de prĂ©parer sa prise de position. Ces gens avaient aussi travaillĂ© durant les vacances des fĂȘtes pour finaliser la prĂ©paration de la confĂ©rence de presse du maire. Au tout dĂ©but du mois de janvier 2005, Arnold Beaudin, le haut fonctionnaire de la Ville qui avait coordonnĂ© le tout, informa Robert Lacroix que le maire allait mettre en valeur l’intĂ©rĂȘt du projet de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al et donner son appui au site Outremont. Cela ne faisait que confirmer les signaux implicites que l’UniversitĂ© avait dĂ©jĂ  reçus du maire et de son entourage sur son adhĂ©sion au projet Outremont.
La veille de ladite confĂ©rence de presse, on informa cependant Robert Lacroix que le maire appuierait le projet de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al, mais ne se prononcerait pas sur le site Outremont. DĂ©sarroi et incomprĂ©hension s’abattirent sur l’équipe de fonctionnaires qui avait travaillĂ© d’arrachepied jusqu’à la derniĂšre minute pour prĂ©parer cette confĂ©rence de presse. Robert Lacroix dĂ©cida de contacter le maire avant son intervention pour lui exprimer sa surprise et son incomprĂ©hension. La rĂ©ponse du maire fut que le choix du site relevait du gouvernement du QuĂ©bec et qu’il prĂ©fĂ©rait ne pas ĂȘtre trop explicite Ă  cet Ă©gard, et que les gens qui savent lire entre les lignes comprendraient bien quelle Ă©tait finalement sa position.
Effectivement, tout le monde se demanda pourquoi le maire n’avait pas Ă©tĂ© au bout de sa logique lors de sa confĂ©rence de presse en disant explicitement qu’il appuyait le site Outremont. Bien sĂ»r, la dĂ©cision ultime relevait du gouvernement du QuĂ©bec, mais la partie se jouait Ă  MontrĂ©al, et les consĂ©quences de pareille dĂ©cision pour cette ville Ă©taient tellement importantes que la direction de l’UniversitĂ© n’a jamais compris cette retenue du maire.
Bien que les prises de position publiques, en faveur cette fois du 1000 Saint-Denis, ne se fussent pas vraiment attĂ©nuĂ©es durant cette pĂ©riode, la direction du CHUM manifestait de l’inquiĂ©tude quant au soutien que recevait dans certains milieux le projet de technopole sise Ă  la cour de triage d’Outremont. Elle prenait ombrage de ce que certaines critiques, injustifiĂ©es selon elle mĂȘme si peu nombreuses, Ă©taient formulĂ©es Ă  l’égard du site dont elle avait fait publiquement la promotion aussi rĂ©cemment qu’à la mi-novembre 2004. Tant et si bien que le 6 janvier 2005, toujours sans que le conseil d’administration du CHUM se soit prononcĂ© en faveur d’un site ou de l’autre, le prĂ©sident du conseil, Patrick Molinari, convoqua la presse. Étant donnĂ© les « prises de position publiques des uns et des autres dans le dossier visant pour l’essentiel Ă  discrĂ©diter le projet du 1000 Saint-Denis », il Ă©tait normal pour le prĂ©sident du conseil de consacrer sa confĂ©rence de presse Ă  montrer « l’excellent travail accompli et la rigueur dĂ©montrĂ©e par les gens qui ont ƓuvrĂ© Ă  la planification du CHUM sur le site Saint-Denis » et les attributs positifs du 1000 Saint-Denis pour recevoir le nouvel hĂŽpital et des facultĂ©s des sciences de la santĂ© de l’UniversitĂ©.
Or le mĂȘme jour, les membres du conseil d’administration du CHUM provenant de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al dĂ©noncĂšrent publiquement cette intervention faite alors mĂȘme que le conseil n’avait pas encore optĂ© en faveur de quelque site que ce soit. Ils critiquĂšrent Ă©galement l’affirmation du prĂ©sident selon laquelle le projet du site du 1000 Saint-Denis accueillerait les facultĂ©s des sciences de la santĂ© de l’UniversitĂ© et rappelĂšrent que l’UniversitĂ© avait expliquĂ© publiquement que le dĂ©mĂ©nagement au centre-ville de ses facultĂ©s des sciences de la santĂ© n’était pas souhaitable, car il nuirait aux synergies scientifiques dĂ©jĂ  Ă©tablies entre ces facultĂ©s, d’autres facultĂ©s de son campus central et son rĂ©seau de la recherche biomĂ©dicale.

Un rebondissement politique inattendu

Le 7 janvier, le premier ministre et le ministre de la SantĂ© annoncĂšrent la crĂ©ation d’un comitĂ© de deux experts, Guy Saint-Pierre et Armand Couture. On lui confia le mandat de procĂ©der Ă  un examen rigoureux et comparatif des projets d’implantation du CHUM au 1000, rue Saint-Denis et Ă  Outremont. Le gouvernement demanda au comitĂ© de lui faire part de ses remarques et analyses dĂšs le dĂ©but du mois de fĂ©vrier. Les six enjeux suivants devaient y ĂȘtre Ă©tudiĂ©s:
— la couverture des besoins en soins hospitaliers;
— l’insertion du nouveau CHUM dans l’organisation des soins de santĂ© sur l’üle de MontrĂ©al et dans la rĂ©gion de MontrĂ©al (la clientĂšle qui sera desservie par rapport aux besoins, les nouveaux Ă©quipements de soin, d’enseignement et de recherche, l’insertion du CHUM par rapport au territoire des rĂ©seaux universitaires de McGill et de MontrĂ©al);
— la synergie et les dĂ©veloppements futurs rĂ©sultant d’un regroupement du CHUM avec les facultĂ©s des sciences de la santĂ© de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al, l’enseignement et la recherche et dĂ©veloppement des technologies en santĂ© (en fonction des besoins manifestĂ©s par l’UniversitĂ© de MontrĂ©al et de ceux qui ont Ă©tĂ© Ă©valuĂ©s par le ministĂšre de l’Éducation);
— la sĂ©curitĂ© de l’implantation proposĂ©e (sĂ©curitĂ© environnementale, sĂ©curitĂ© reliĂ©e aux activitĂ©s industrielles avoisinantes) compte tenu de la nature stratĂ©gique du projet;
— l’accessibilitĂ© du site proposĂ©, en termes d’infrastructures de transport (rĂ©seaux routiers, transport en commun);
— les investissements requis, ainsi que les incertitudes reliĂ©es Ă  certains des coĂ»ts projetĂ©s (notamment en matiĂšre d’infrastructures urbaines et de transport) devront faire l’objet d’un avis de la part des deux experts 1
Pourquoi le gouvernement Charest prend-il Ă  ce moment-lĂ  pareille position? De toute Ă©vidence, le premier ministre du QuĂ©bec n’avait pas encore abandonnĂ© un projet qu’il avait dĂ©jĂ  fortement appuyĂ©. Des articles de journaux parus le lendemain citaient d’ailleurs le premier ministre Charest invoquant la nouveautĂ© du dernier projet en lice, celui d’une vĂ©ritable technopole de la santĂ© et du savoir, pour expliquer la dĂ©cision gouvernementale. Le premier ministre se permettait mĂȘme d’ajouter: « Avant, on avait un projet et plusieurs sites. LĂ , il y a deux projets sur diffĂ©rents sites. » 2
Le comitĂ© avait Ă©videmment accĂšs Ă  l’ensemble des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur les deux sites, y compris celles faites par la SICHUM. De plus, deux spĂ©cialistes ayant une profonde connaissance des dossiers vinrent se joindre au comitĂ©, le Dr Georges L’EspĂ©rance, consultant et antĂ©rieurement membre du personnel de la SICHUM, et Jules Larouche, vice-prĂ©sident de la Corporation d’hĂ©bergement du QuĂ©bec.
Le comitĂ© devait en somme apporter des rĂ©ponses aux nombreuses questions soulevĂ©es au cours des mois prĂ©cĂ©dents sur les deux projets, et particuliĂšrement sur le projet Outremont. Les deux membres du comitĂ© Ă©taient des personnes Ă©minemment compĂ©tentes, trĂšs expĂ©rimentĂ©es et d’une intĂ©gritĂ© reconnue. En effet, Guy Saint-Pierre et Armand Couture sont deux ingĂ©nieurs qui ont Ă©tĂ© impliquĂ©s, comme hauts responsables, dans une foule de grands projets, autant au QuĂ©bec qu’à l’étranger. Tous deux jouissent d’une grande rĂ©putation au niveau national et international. À ce stade de leur vie respective et compte tenu de cette rĂ©putation acquise sur prĂšs de cinquante ans de carriĂšre, aucun n’avait intĂ©rĂȘt Ă  fausser la rĂ©alitĂ© pour plaire Ă  un premier ministre et vivre, par la suite, avec les consĂ©quences de recommandations non fondĂ©es.
Pourtant, la mise en place du comitĂ© et la nomination de MM. Couture et Saint-Pierre furent accueillies, dans la plupart des mĂ©dias, avec un cynisme rarement vu. Ce cynisme Ă©tait la consĂ©quence du scepticisme ambiant envers toute expertise, que nourrissait un dĂ©bat devenu depuis un bon moment de plus en plus strictement politique, voire idĂ©ologique. Pour certains, il Ă©tait clair que le club des nantis Ă©tait finalement parvenu Ă  placer deux des siens dans le comitĂ© nommĂ© par le gouvernement du QuĂ©bec pour Ă©valuer les deux projets. De lĂ  Ă  suggĂ©rer que les dĂ©s Ă©taient pipĂ©s, il n’y avait qu’un pas, que certains ont bien vite franchi. Heureusement, cela n’empĂȘcha pas les deux experts en question de faire leur travail avec tout le professionnalisme qui avait caractĂ©risĂ© leurs travaux antĂ©rieurs.

La rĂ©Ă©mergence mĂ©diatique d’un thĂšme bien connu: la sĂ©curitĂ© du site Outremont, cette fois

Pendant que le comitĂ© Couture-Saint-Pierre Ă©tait occupĂ© Ă  remplir son mandat, incluant l’examen des risques environnementaux relatifs au site Outremont, une sĂ©rie d’articles dans La Presse mettaient dĂ©jĂ  sĂ©rieusement en cause la pertinence mĂȘme de construire un hĂŽpital sur ce site. À l’origine de ce questionnement: les problĂšmes potentiels de sĂ©curitĂ© qui dĂ©coulaient du trafic ferroviaire, dont le transit de matiĂšres dangereuses sur le site. Les questions ainsi soulevĂ©es Ă©taient lĂ©gitimes. Elles s’appuyaient essentiellement sur une Ă©tude qui avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e, Ă  la demande du CHUM, par le cabinet Dessau-Soprin. Bien que confidentielle et trĂšs embryonnaire, cette derniĂšre avait trouvĂ© son chemin pour aboutir dans les mĂ©dias.
Nous avons dĂ©jĂ  fait mention de cette Ă©tude. Rappelons qu’elle consiste essentiellement en une identification des risques, ce que le cabinet Dessau-Soprin n’a jamais dissimulĂ©. Ce type d’étude est considĂ©rĂ© comme prĂ©liminaire et est gĂ©nĂ©ralement suivi d’une dĂ©marche plus exhaustive d’évaluation et de quantification des risques, puis d’une analyse rigoureuse des possibilitĂ©s d’attĂ©nuation et de mitigation des risques Ă©valuĂ©s. Et ce n’est qu’à la suite de ces dĂ©marches plus exhaustives et comprĂ©hensives que l’on peut vraiment porter un jugement averti sur les risques p...

Table des matiĂšres

  1. DES MÊMES AUTEURS
  2. Avertissement
  3. Introduction Une tragédie canadienne-française?
  4. I
  5. RĂȘver un impossible rĂȘve
  6. 2
  7. Le phénix prend son envol
  8. 3
  9. La SociĂ©tĂ© d’implantation du CHUM: un exemple d’expertise
  10. 4
  11. La commission Mulroney-Johnson: un tournant majeur
  12. 5
  13. Un rapport au contenu problématique
  14. 6
  15. Un rapport menant à des décisions problématiques
  16. 7
  17. Un projet de technopole de la santé et du savoir sur le site Outremont
  18. 8
  19. Une controverse publique virulente: technopole ou centre hospitalier pour le CHUM?
  20. 9
  21. La victoire de Philippe Couillard
  22. Conclusion
  23. Table des matiĂšres
  24. EXTRAIT DU CATALOGUE