Les États-Unis du vent
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Les États-Unis du vent

  1. 289 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Les États-Unis du vent

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Fin 2010. De l'automne tardif au début de l'hiver, Daniel Canty devient chercheur de vent. À bord de la Blue Rider, un vénérable camion d'un bleu de minuit coiffé d'une girouette, il s'abandonne à une dérive entièrement dictée par la fluidité des courants aériens. L'aventure l'emporte des plaines herbeuses du Midwest à Chicago la venteuse, il s'engouffre dans le wind tunnel des Grands Lacs, découvre les cités d'industrie perdue de la rust belt, bifurque par les pastoraux territoires amish vers les forêts de Pennsylvanie, terres d'or noir et de guerre civile.Entre travelogue et fabulation, Les États-Unis du vent est un livre aux pieds ailés, où transparaît la carte d'une Amérique invisible, nappée par la lumière des révélations.

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Informations

Éditeur
La peuplade
Année
2014
ISBN
9782923530802

1
SAMEDI 27 NOVEMBRE
ENVOL
MONTRÉAL, PHILADELPHIE,
CINCINNATI
TAUX DE CHANGE
La première neige doit avoir commencé très tôt. Le ciel est gris, la poudreuse est blanche, et il fait bleu. J’ai glissé mon appareil photo, un petit Rollei argentique, dans ma poche gauche. À une époque, il fut la caméra manuelle la plus compacte du monde. Lorsque je soupèse sa masse métallique au fond de ma paume, je peux me convaincre que les images, même oubliées, ont un poids. Le noir et blanc accuse le relief des choses. Avant de monter dans le taxi, je prends deux photos de la même chose. Sous la grisaille du ciel, la première neige opacifie les airs, semble vouloir étouffer la ville et sa lumière. Je redouterai, tout au long du voyage, que cette saison qui se referme autour de nous m’attende au retour.
Sur le ruban morne de l’autoroute 20, le taxi fend les rosaces des flocons qui frappent le pare-brise avec une ardeur de plus en plus prononcée. J’ai des élans claustrophobes. À partir du moment où je monte dans un taxi, je compte les minutes. Je connais bien le chemin vers l’aéroport, mais j’ai tout de même peur, si on n’y arrivait pas à temps, d’être indéfiniment retenu dans l’impossibilité du départ. Muré dans ce taxi, sur l’autoroute enneigée, ou suspendu dans les couloirs de Dorval, à contempler l’accumulation silencieuse des neiges par ses verrières.
Le chauffeur haïtien fait bien de me divertir de ces rêveries étouffantes. Il s’échauffe en évoquant les abus de pouvoir commis autrefois à l’aéroport par certains agents frontaliers américains. Il a la voix chantante, les yeux exorbités d’outrage.
Le douanier sort un dollar haïtien du portefeuille de l’homme noir.
What is this ? Are you a terrorist ?
L’entretien a trop duré. L’homme ne tolérera plus ces sophismes. Il agite d’une main fébrile, celle des discours dictatoriaux ou des prêches emportés, un yankee dollar.
What is THIS ?
Je ne vois pas qui des deux personnages de ce dramuscule tient le portefeuille. Est-ce qu’ils se le disputent, se l’arrachent tour à tour ? Le temps tourne à des rythmes divergents pour chacun de nous. La pensée du monde nous rejoint en différé. Pour ma part, j’ai récemment appris que la révolution haïtienne a donné naissance à la première république noire du monde. Les états américains, home of the brave, land of the free, ont déclaré un embargo commercial sur les esclaves émancipés. Sur son dollar trompé, Toussaint Louverture, dans son costume de Napoléon, regarde au loin, vers un pays qui à force de mauvaise volonté et de malheurs pourrait finir par se demander si Dieu est un terroriste. Aux États-Unis, il n’y a qu’un Haïtien pour reconnaître la valeur du dollar.
COMMERCE ÉQUITABLE
Dans la zone de contrôle de l’aéroport de Dorval, les douaniers américains, alignés dans leurs petits cagibis de verre, trônent sur des tabourets pivotants. La lueur verdâtre des terminaux informatiques colore leur regard. Les bases de données du gouvernement fédéral brillent de l’archaïque radiance des premières machines électroniques. Il y a longtemps qu’on pratique le calcul et le contrôle social, passé les portes d’Ellis Island.
Le douanier qui m’accueille semble autochtone. Il a un de ces visages ciselés, à la peau d’écorce basanée. À une autre époque, il aurait pu affronter John Wayne en chef indien, stoïque sous son altière coiffe de plumes en Technicolor. Mais le douanier semble n’avoir que faire de ces clichés. Il porte bien l’uniforme bleu marine, au col pressé, de sa station. Moi aussi je porte mon bleu réglementaire : jeans, tricot, peacoat marines. J’ai avalé une gélule de valériane avant de franchir la frontière, et tout m’en semble adouci. Calumet de la paix. Cet homme a le regard mélancolique. Il s’est résigné, sans drame, à son métier.
Laconique Hi.
Bonjour, mon nom est Personne, et je pars suivre les routes bleues 4.
4 Les routes secondaires étaient autrefois indiquées, sur les cartes des atlas routiers, par un trait bleu. En 1978, suite à son divorce et son congédiement, William Least Heat-Moon, voyageur de sang mêlé — Anglais, Irlandais, Osage — les a parcourues une à une à bord d’un camion modifié pour l’occasion, à la recherche de lui-même. On retrouve encore Blue Highways (1982), premier de ses livres de route, dans de nombreuses librairies de l’intérieur américain. Les cartographes de la Rand-McNally allaient bientôt modifier leur palette. Aujourd’hui, il faudrait dire routes rouges.
Je ne dis rien. Je lui passe mes papiers.
Subtile rotation de tabouret. Il se retourne laconiquement vers son écran. Tranquillement tapote. Un instant infinitésimal, ses pupilles se dilatent. Cowboy sur la crête herbeuse. Bison qui broute. Troupeau en cavale. Il embrasse la situation d’un regard. M’a dans sa mire.
Sous mon nuage, j’attends le choc d’une question, je m’invente déjà des alibis. I’m going to Cincinnati to see the Indians play the Yanks. Mes compagnons remonteront de Louisville, où l’on cisèle les battes de baseball dans le noyer d’Ohio, pour me rejoindre à l’aéroport de Cincinnati. Sur la casquette des Reds, on voit un Indien de bandes dessinées au sourire démesuré, plus large que son front.
Le douanier, lui, sait contenir son étonnement. Il ne me demande rien. Absolument rien. Même pas où je vais. Tac. Estampe. Il m’enjoint d’avancer en me rendant mon passeport. Les hommes aux nerfs d’acier sont rares, dans sa profession. Je suis chanceux : un de ses collègues m’a un jour condamné à la file des suspects, généralement composée d’un échantillon de toutes les populations de couleur, parce que j’avais demandé un tampon en souvenir de mon passage.
Nos regards se croisent à travers le brouillard de la valériane. Je crois deviner un vague sourire, un mouvement presque imperceptible à la commissure de ses lèvres. Taking it in. Taking it all in at a glance.
I am off to follow the winds, officer my brother. Rien à déclarer. Où que le vent me porte, j’honorerai ton silence.
LE VENT PARLEUR
J’ai enjambé sans accroc le pointillé invisible qui, sur les cartes, nous ramène à l’ailleurs et à l’ordre. Dans l’intervalle, le monde a changé. Derrière les baies vitrées de l’aéroport, maintenant que le dehors est dehors, le soleil perce. La neige, cristalline, brille.
Je ne sais rien ou presque du paysage qui m’attend. Une arche aérodynamique coiffe la ville, passe de béton pour cheveux de blé d’or des prairies. Cincinnati dispute à Chicago son titre de capitale des vents. Chicago, ville de gangsters et de rhéteurs politiques, subtilisée aux Indiens grâce à de fausses promesses, tient son nom de ses beaux parleurs. Can we say that ? YES WE CAN. Les chamans entendaient le vent parleur, the talking wind. Aujourd’hui, au pied des gratte-ciel, talking wind nomme la verve des menteurs.
Je mens un peu aussi, car je me leurre. L’arche appartient en fait à Saint-Louis. Des autos décorées d’ailerons de requin circulent sous elle. Dans des médaillons disposés en mosaïque autour de la signature en lettres cursives de l’état, les attractions principales miroitent de promesse. On peut facilement vérifier cette vision en fouillant dans une de ces boîtes à souliers, remplies de cartes postales commémoratives, qu’on retrouve dans n’importe quelle brocante du bord des routes. Mais je n’y suis pas encore.
Mille petits diamants de neige miroitent sur la piste d’atterrissage. Les images aussi sont trompeuses. Alors que je patientais au poste-frontière, Al Capone, mort depuis soixante-trois ans, a décidé, par pur désœuvrement, de cambrioler l’hiver. Il est apparu, entouré de sa bande, en fedoras et complets à rayures, au milieu de la piste. Ses hommes pointent leurs mitraillettes au ciel, appuient sur la gâchette, saupoudrent les nuages d’une pluie de balles à la ronde. Heureusement, les verrières de l’aéroport, épaisses comme des cloisons pare-balles, sont conçues afin de rendre tolérable aux passagers en attente le tonnerre des atterrissages. Ceux qui assistent, incrédules, au spectacle, n’y entendent rien. La grisaille éclate en mille pépites, qui retombent en confettis autour des brigands. Le soleil réapparaît alors qu’Al, satisfait, tire une grande bouffée de son cigare.
Les gangsters ne sont pas poètes, quoi que tiennent à en croire certaines dames impressionnables, au risque de finir dans un film noir. Ce n’est que l’hiver après tout, et quand Al se penchera pour la recueillir, la fortune à ses pie...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Faux-titre
  3. Crédits
  4. Titre
  5. La rose américaine
  6. Prologue au vent
  7. 1 - Envol
  8. 2 - Nord-ouest
  9. 3 - Nord-nord-ouest
  10. 4 - Est
  11. 5 - Est
  12. 6 - Est-nord-est / Nord-nord-est
  13. 7 - Est
  14. 8 - Sud
  15. 9 - Envol
  16. Remerciements
  17. Crédits et Remerciements