Ukraine à fragmentation
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Ukraine à fragmentation

  1. 264 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Ukraine à fragmentation

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Citations

À propos de ce livre

Comment un pays en paix s'enfonce-t-il soudainement dans la guerre? Pourquoi des citoyens sans histoire en viennent-ils à prendre les armes et à s'entretuer? Dans Ukraine à fragmentation, Frédérick Lavoie raconte à Artyom, un enfant qu'il a vu dans son petit cercueil bleu par un après-midi de janvier 2015, le fil des événements qui ont conduit à sa mort.

Foire aux questions

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Informations

Année
2015
ISBN
9782924519141
PARTIE II
Sale guerre
À cause de l’Est,
des milliers de vies furent perdues.
Chapitre 1
atterrissage
Quand j’arrive en Ukraine, le 7 janvier 2015, il ne te reste plus que onze jours à vivre.
J’ai raté la révolution, l’amputation de la Crimée et les neuf premiers mois de la guerre dans le Donbass. Depuis le début décembre, une trêve entre les rebelles et les forces ukrainiennes a considérablement réduit les combats. Il arrive encore parfois qu’un ou deux soldats soient fauchés par un obus, mais les civils ont cessé de périr. Trêve n’est toutefois pas un synonyme de paix. C’est un répit qui entretient un mince espoir de règlement durable, le plus souvent vain. Avec le temps des Fêtes qui tire à sa fin, les hostilités risquent de reprendre tôt ou tard. Les gens avec des armes, et surtout ceux qui les dirigent, ont intérêt à ce que ce soit le cas. Les rebelles revendiquent des milliers de kilomètres carrés de plus que ceux qu’ils contrôlent. Les forces ukrainiennes jurent qu’elles ne trouveront pas repos tant que tous les territoires perdus n’auront pas été reconquis. La Russie, elle, continue de nier être impliquée dans le conflit. Or, il y a longtemps qu’elle n’arrive plus à cacher l’envoi de soldats et d’armes en soutien aux séparatistes. Pour elle, cette guerre est une épine dans le pied du gouvernement post-révolutionnaire de Kiev. Tant qu’il cherchera à se détourner d’elle, à joindre l’Otan et l’Union européenne, la Russie continuera d’alimenter la rébellion.
Dans l’avion, les journaux parlent plus de la Syrie et du Nigéria que du Donbass. J’y lis notamment que durant l’année 2014, qui vient de se terminer, onze mille deux cent quarante-cinq personnes ont été tuées dans les violences entre l’armée nigériane et les djihadistes de Boko Haram. C’est beaucoup plus qu’ici, où la guerre a fait quatre mille sept cents de ces victimes de trop. Je t’épargne le bilan en Syrie, où il y a longtemps que les morts se comptent par dizaines de milliers.
Ça te paraîtra peut-être bizarre, Tyoma, mais avant même d’arriver en Ukraine, je ne peux m’empêcher de relativiser l’importance de ce conflit par rapport aux autres. Tu n’es pas encore mort que je pense à ces innombrables innocents qui perdront la vie ailleurs dans des circonstances tout aussi injustes. Pourquoi tes funérailles mériteraient-elles ce mince espace éditorial que j’arriverai à arracher à quelques médias plus que celles de Mohammad, assassiné par des insurgés islamistes à Alep en Syrie, ou celles d’Ayeesha, tuée par un drone étatsunien à Tappi au Pakistan ? Pourquoi l’Ukraine aurait-elle droit à notre attention plus que le Yémen, la Centrafrique ou le Congo ? Et pourquoi plus ces guerres que les drames silencieux – famines, épidémies, sécheresses – qui tuent autant sinon plus, loin des grands enjeux géopolitiques ? La vérité, c’est qu’il n’y a aucune raison valable. La couverture des grands et petits événements qui façonnent notre monde est une science inexacte, aléatoire et inéquitable. Il n’existe pas de calcul mathématique infaillible qui permette de classer les tragédies par ordre de gravité ou d’importance afin de déterminer lesquelles méritent le plus notre attention.
Mes propres justifications pour venir couvrir le conflit en Ukraine sont arbitraires : je parle russe, mais pas arabe, haoussa ou pachtoune. Je connais bien l’Ukraine, la Russie, l’espace postsoviétique et peux donc revendiquer une certaine autorité pour expliquer les racines et les conséquences de ce conflit. Je finance moi-même mon voyage et je sais qu’en Ukraine, je pourrai plus facilement qu’ailleurs le rentabiliser et même en dégager un certain profit. Et il y a l’aspect sécuritaire. À l’heure des guérillas urbaines et des mouvements terroristes, quand toutes les lois de la guerre volent en éclats, le conflit chez toi demeure somme toute conventionnel. La ligne de front y est assez bien délimitée. Elle sépare des groupes armés relativement symétriques par leur composition et les méthodes qu’ils emploient. Les journalistes étrangers ne sont pas des cibles pour l’un ou l’autre des belligérants. Aucun ne cherche à les enlever et à les utiliser comme monnaie d’échange, ou à leur trancher la gorge devant une caméra pour ensuite publier la vidéo sur YouTube à des fins de promotion et de recrutement. Les journalistes étrangers (pour ceux russes et ukrainiens, c’est plus compliqué) y travaillent des deux côtés des tranchées avec sensiblement les mêmes accès et les mêmes restrictions. Bref, hormis les bombes qui peuvent tomber à tout moment et n’importe où – tu le sais mieux que moi –, les dangers dans le Donbass demeurent circonscrits.
Je ne suis pas un reporter de guerre. Je ne veux pas être un reporter de guerre. La guerre me répugne. Je ne veux pas de cette aura romantique qui enveloppe celui qui couvre la destruction et la mort, au péril de sa vie et de son équilibre mental. Je ne cherche pas à devenir une légende ou un martyr de l’information.
Je te dis tout ça et, en même temps, je me trouve dans un avion pour aller couvrir une guerre. C’est que malgré tout, malgré cette peur de la mort qui me tenaille depuis l’enfance, peut-être même à cause d’elle, je ne peux m’empêcher d’aller voir ce qu’il faut voir. J’essaie de mon mieux de jauger les dangers, en espérant que le moment venu, je saurai résister à la tentation de franchir mes propres lignes rouges.
Chapitre 2
kiev, post-révolution
C’est soir de Noël orthodoxe. Dans le métro, des jeunes chantent des cantiques traditionnels. Les Ukrainiennes sont toujours aussi belles. Les garçons, toujours aussi sévères, aussi rustres. Le passage est encore à deux hryvnias, comme lors de mon dernier séjour il y a cinq ans pour couvrir l’élection de Ianoukovitch. Personne depuis n’a eu le courage politique de l’augmenter. À l’époque, le dollar américain valait cinq hryvnias. Il en vaut maintenant seize.
En sortant du métro, j’atterris sur le Maïdan. Au premier abord, la place semble intacte. Comme si elle n’avait pas été le théâtre récent d’une révolution sanglante qui l’avait défigurée. De nouvelles briques ont remplacé les anciennes, arrachées par les manifestants pour édifier des barricades ou servir de projectiles contre les forces de l’ordre. En observant plus attentivement toutefois, je vois apparaître les traces du passé récent. Les colonnes du bureau de poste sont encore barbouillées des slogans des manifestants. Sur un babillard sont affichées les photos des personnes disparues durant la révolution, accompagnées d’une explication sur les circonstances de leur disparition. Certaines sont frappées de la mention « Retrouvé », sans plus de précisions. Sont-elles réapparues mortes ou vivantes ? La Maison des syndicats, qui jouxte le Maïdan, est cachée par un immense rideau sur lequel on peut lire Gloire à l’Ukraine ! Aux héros la gloire ! sur fond de champ de blé jaune vif et de ciel bleu éclatant, séparés par l’horizon pour reproduire le drapeau bicolore ukrainien. L’édifice, qui était l’un des quartiers généraux des manifestants durant l’Euromaïdan, a passé au feu au plus fort des affrontements. De l’autre côté de la place, un minibus invite les passants à une excursion à Mejigorié, la fastueuse résidence de l’ancien président Ianoukovitch, envahie par les protestataires après sa fuite. Au pied de la statue de la déesse Berehynia, une exposition de photos relate les moments marquants de la révolution. Parmi les images de manifestants héroïques et de combats acharnés, j’en trouve quelques-unes montrant le squelette du controversé sapin du Nouvel An, décoré d’affiches révolutionnaires :
Le légume est mûr, il est temps de le jeter !
Vive l’Ukraine libre ! Non à la répression politique !
Russie, lève-toi ! Poutler 8, dehors !
Cette année, il n’y a pas de sapin sur le Maïdan. Les autorités municipales ont jugé qu’il aurait été indécent, voire dangereux, d’en installer un. Avec la guerre dans le Donbass et le désenchantement de plusieurs à l’égard du pouvoir, une nouvelle vague de protestations massives à Kiev ne peut être totalement exclue.
En bordure de la place, rue Institutska, un muret a été transformé en panthéon de la « Centurie céleste ». Le portrait de chacun des cent deux hommes et trois femmes tués durant la révolution est placé dans un espace cloisonné, agrémenté de lampions, de fleurs et de petits drapeaux.
En haut de la côte, toujours sur Institutska, des souvenirs de ces jours tragiques sont étalés pêle-mêle là où des manifestants ont péri sous les balles en tentant de franchir les portes de l’administration présidentielle : blocs de pavés, boucliers en bois ou en fer, casques de mineurs orangés, masques à gaz, bâtons et épées en bois, pièces d’armure de fortune, feuillets de prière, etc. Tout, partout, rappelle leur sacrifice. Pour des raisons évidentes par contre, on ne retrouve nulle part les armes et les visages des dix-huit policiers morts en défendant une autre idée de l’Ukraine. Les gagnants ont écrit l’histoire, choisi leurs héros.
Parmi les niches commémoratives, je repère celle en l’honneur...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Faux-titre
  3. Crédits et Remerciements
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Carte de Ukraine
  7. Prologue
  8. PARTIE I
  9. PARTIE II
  10. Épilogue
  11. Remerciements
  12. Table des matières
  13. Aux Éditions La Peuplade
  14. Crédits
  15. Fin
  16. Quatrième de couverture