Liens de sang
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Aux origines biologiques de la société humaine

  1. 370 pages
  2. French
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Aux origines biologiques de la société humaine

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Table des matières
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À propos de ce livre

Ce livre se veut un exercice d'intégration interdisciplinaire. Il s'agit d'une tentative de comparer, d'articuler et d'unifier la primatologie comportementale et l'anthropologie sociale sur la question des origines de la société humaine. Bernard Chapais y soutient qu'il existe une structure sociale spécifiquement humaine – pour les mêmes raisons qu'il existe une structure sociale de type chimpanzé, par exemple –, que cette structure est le reflet de la biologie humaine et qu'on peut, grâce à l'étude des primates, reconstituer les grandes étapes de son évolution biologique. Les différentes sociétés humaines, passées et présentes, constitueraient donc autant de versions culturelles distinctes de cette structure sociale unitaire ancrée dans la nature humaine.Primatologue de formation, Bernard Chapais s'est tourné vers l'anthropologie avec une idée en tête: étudier les primates afin de mieux comprendre les origines évolutionnaires et les fondements biologiques des rapports sociaux humains. Il lui est alors apparu que la meilleure façon d'y parvenir était de s'immerger dans la discipline de l'autre afin de comprendre son point de vue de l'intérieur. C'est cette idée qui est à l'origine de ce livre.Afin d'être compris des primatologues, il présente les notions de base pertinentes de l'anthropologie socioculturelle. Et comme l'immense majorité des anthropologues sociaux ne font pas porter leurs recherches sur les origines biologiques du comportement humain et sont peu au fait des théories, méthodes et données de la biologie évolutionnaire et de la primatologie, il lui a donc fallu expliquer les notions correspondantes. C'est pourquoi ce livre est accessible tant aux lecteurs profanes qu'aux spécialistes de divers domaines – bioanthropologie, primatologie, paléoanthropologie, archéologie, psychologie évolutionnaire, psychologie sociale, anthropologie évolutionnaire, anthropologie socioculturelle, sociologie.

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Informations

Année
2015
ISBN
9782764643860
CHAPITRE 1
La question de l’origine
de la société humaine
L’exogamie remonte à très loin dans l’histoire de l’homme, et aucun observateur n’en a peut-être jamais observé les balbutiements, pas plus que les conditions précises dans lesquelles elle a vu le jour.
Edward Burnett Tylor (1889a, p. 267)
Adolph Schultz (1969) a produit un grand nombre d’illustrations particulièrement frappantes de l’anatomie comparative des primates. L’une d’entre elles représente un pied humain à côté de ceux de vingt-deux autres primates, tous réduits à la même échelle (figure 1.1). Chaque pied représente le « pied moyen » d’une espèce, une sorte de pied paradigmatique. Depuis que les anatomistes comparatifs cherchent à établir des connexions évolutionnaires entre les espèces, ils traquent sans relâche la remarquable continuité des structures tout au long de leurs transformations au fil du temps. Le pied humain est spécifiquement adapté à la bipédie et possède des caractéristiques uniques à cet égard ; pourtant, sa ressemblance avec les pieds des autres primates est indéniable. Imaginons maintenant une comparaison portant non pas sur les pieds des primates, mais sur leurs systèmes sociaux, une illustration où se côtoieraient le « système social humain paradigmatique » et ceux des autres espèces de singes et de grands singes. D’un côté, le caractère distinct et unique de la société humaine se détacherait clairement des autres formes primates ; de l’autre, la connexion de la société humaine avec ces formes sociales serait tout aussi évidente. Ce livre traite de la nature de la société humaine, de la relation de cette configuration sociale particulière avec les configurations sociales d’autres primates, et de son histoire évolutionnaire.
Figure 1.1. Pieds paradigmatiques de primates. Réimpression tirée de Schultz (1969), avec la permission de Weidenfeld et Nicolson, Orion Publishing Group.
Compte tenu de la grande diversité des sociétés humaines, qui va des petits groupes de chasseurs-cueilleurs et des communautés de pasteurs nomades aux immenses sociétés étatiques et industrielles, en passant par les chefferies et les sociétés agraires, le concept de système social humain paradigmatique peut paraître absurde, et il l’est d’une certaine manière. Aucune société n’est représentative de toutes les autres comme un pied standard peut représenter l’ensemble des pieds humains. La société paradigmatique que j’ai à l’esprit ne correspond à aucun groupe humain en particulier, encore moins à une sorte de structure sociale moyenne, standardisée ou normalisée. Elle désigne plutôt un ensemble universel de principes organisationnels, une structure profonde présente dans toutes les sociétés et imprégnant l’organisation sociale dans sa totalité. Cette structure a la particularité d’être invisible et de ne se révéler qu’à partir d’une analyse comparative détaillée des sociétés humaines entre elles et avec les sociétés formées par nos plus proches parents, les primates. Dans ce livre, je tenterai de démontrer non seulement qu’une telle structure existe, mais aussi que celle-ci a des assises biologiques et constitue un phénomène naturel pour la même raison que le système social propre au chimpanzé, par exemple, reflète la biologie de cette espèce.
Une structure enfouie sous ses expressions culturelles
Précisons d’entrée de jeu qu’un argument théorique conduit à penser qu’il existe bel et bien un système social spécifiquement humain, même si celui-ci se soustrait à l’observation directe. Cet argument se scinde en deux parties. D’une part, toutes les autres espèces animales vivant en société possèdent un système social qui leur est propre et qu’il est possible de définir ; il est donc plausible qu’il en aille de même pour notre espèce. D’autre part, un phénomène unique à l’espèce humaine, la culture dite cumulative, permet d’expliquer pourquoi notre espèce est la seule dont le système social unitaire est invisible : il serait enfoui sous la multitude des formes culturelles qu’il a engendrées.
Pour mieux comprendre, considérons notre plus proche parent, le chimpanzé. Le système social du chimpanzé, comme d’ailleurs celui de toute autre espèce, peut être décrit à partir d’un certain nombre de traits et de critères : la taille et la composition des groupes, les types d’unions sexuelles, le répertoire des activités sociales, la nature des relations entre les individus selon leur âge, leur sexe et leur degré de parenté génétique, la nature des rapports entre les groupes, et ainsi de suite. Le chimpanzé présente une configuration particulière de ces traits, un système social modal, qui caractérise la grande majorité des groupes dans toutes les populations étudiées. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a que peu ou pas de variations comportementales entre les communautés de chimpanzés. Au contraire, la documentation abonde au sujet de différences dans la taille et la composition des groupes, ainsi que dans la fréquence des activités sociales, différences qui reflètent, entre autres, les effets des variations écologiques selon l’habitat. Toutefois, on note peu de variations dans la forme des comportements, des activités sociales et des relations sociales. Cela s’explique par le fait qu’il y a peu de variation d’origine culturelle entre les groupes, ce qui nous amène au deuxième point de notre argument théorique.
De nombreuses espèces animales, dont le chimpanzé, sont dotées d’une capacité culturelle que l’on pourrait qualifier de rudimentaire. La culture résulte de la présence simultanée chez une même espèce de deux facultés : l’innovation, qui est la capacité d’inventer des comportements, et l’apprentissage social, soit l’aptitude à adopter les innovations faites par d’autres, par exemple en les imitant. Lorsque l’innovation d’un individu est adoptée par d’autres et qu’elle se dissémine ainsi dans le groupe entier grâce à l’apprentissage social, elle devient un élément du répertoire culturel du groupe. Elle fait partie de ses traditions, traditions qui se perdraient si le groupe venait à disparaître. La pêche aux termites avec des brindilles et le cassage de noix avec des marteaux et des enclumes en pierre ou en bois sont des exemples classiques de traditions culturelles chez le chimpanzé (Whiten et coll., 1999 ; McGrew, 2004).
Lorsque des innovations distinctes émergent dans différents groupes au gré de l’imagination des individus et de circonstances particulières, cela crée de la diversité culturelle entre les groupes. La comparaison de six groupes d’orangs-outans a par exemple révélé des variations culturelles dans dix-neuf types de comportements ; qui plus est, le nombre de différences culturelles entre les groupes augmentait à mesure que croissait la distance géographique les séparant (van Schaik et coll., 2003), comme c’est le cas chez l’humain. Cela dit, les primates et les autres espèces animales ont un répertoire culturel très limité, et la majeure partie de leurs innovations sont de nature technologique, une fraction seulement étant de nature sociale. En effet, les primates inventent rarement de nouvelles formes de combat, de séduction ou de jeu, formes qui pourraient être adoptées par d’autres individus et créer ainsi des traditions sociales distinctes et, de là, une variation socioculturelle entre les groupes. C’est précisément parce qu’il y a très peu de variation de cette nature qu’il est possible de définir la société de type chimpanzé ou la société de type gorille.
La situation est radicalement différente dans le cas de notre espèce. L’évolution du cerveau humain a profondément enrichi les deux catégories de processus psychologiques qui fondent la capacité culturelle : l’innovation (ou créativité) et l’apprentissage social. Chez l’être humain, le potentiel de créativité s’est trouvé décuplé par l’effet combiné de plusieurs nouvelles facultés cognitives, comme la capacité de manipuler mentalement des concepts et de les associer en idées nouvelles (capacité symbolique), de raisonner logiquement, d’anticiper les événements et leurs conséquences, d’attribuer des pensées et des croyances aux autres et donc de tenter de les modifier (faculté appelée théorie de l’esprit), autant d’aptitudes qui sont soit embryonnaires, soit moins développées chez notre plus proche parent, le chimpanzé (voir, par exemple, Moll et Tomasello, 2010). Il en va de même pour le potentiel humain d’apprentissage social et d’adoption des innovations d’autrui. Notre aptitude à reproduire des séquences précises de gestes et d’activités en observant les autres est beaucoup plus poussée que celle du chimpanzé (Tennie et coll., 2009 ; Dean et coll., 2012). La conséquence majeure de ces facultés cognitives d’innovation et d’apprentissage social est que la culture humaine est devenue cumulative. Cela signifie que, contrairement aux autres espèces dotées de culture, nous pouvons aisément modifier des traditions existantes par ajouts, retranchements ou recombinaisons d’éléments et ainsi créer de nouvelles traditions qui seront transformées à leur tour, le tout générant un changement cumulatif en théorie ininterrompu, et ce, tant dans le domaine technologique que dans le champ social (Tomasello, 1999 ; Tennie et coll., 2009 ; Whiten, 2010 ; Dean et coll., 2012). Ce caractère cumulatif de la culture a donné naissance au phénomène spécifiquement humain qui devait bouleverser profondément la notion même d’évolution : l’histoire. L’histoire est un corollaire de la culture cumulative, sa propriété la plus fondamentale. Chez les espèces dépourvues de culture, l’histoire est absente par définition ; et chez les espèces dotées d’une culture rudimentaire, l’histoire est un phénomène au mieux embryonnaire, manifeste dans des traditions culturelles simples et pour la plupart statiques, ou évoluant avec une extrême lenteur. À l’inverse, le changement culturel cumulatif chez l’humain est selon toute vraisemblance à l’œuvre depuis des centaines de millénaires – bien que sa vitesse ait varié considérablement selon les époques. Comme le contenu des innovations diffère selon les groupes au gré de l’imagination des individus et des contraintes qu’imposent les innovations précédentes, l’évolution culturelle de l’humanité s’est traduite par une diversification progressive des groupes, et ce processus a abouti à la diversité actuelle dans tous les domaines, des langues parlées aux systèmes politico-économiques, des religions aux styles vestimentaires et culinaires.
Ce raisonnement succinct sur les origines et les conséquences de l’avènement de la culture cumulative mène à l’idée qu’il existe bel et bien un système social humain unitaire, mais que celui-ci se trouve profondément enfoui sous une multitude de variantes culturelles – ce qui n’est pas le cas des autres espèces. Seul l’humain a un système social qui peut être qualifié de profond, au sens de sous-jacent et caché, parce que lui seul a une culture cumulative. Ce système est un peu comme la lettre B de la figure 1.2, qui présente neuf versions très ornementées de sa forme épurée. Le contour de la lettre B est encore visible, bien que considérablement plus altéré dans certaines variantes que dans d’autres. Pour quiconque à qui l’alphabet romain ne serait pas familier, il pourrait même être difficile d’identifier la lettre originelle, et il est bien sûr possible d’imaginer des formes encore plus ornementées où la structure sous-jacente du B serait carrément impossible à distinguer. Il est clair cependant que le contour du B fait peser de fortes contraintes sur les formes enjolivées. En clair, la figure 1.2 présente un mélange d’unité et de diversité.
Figure 1.2. Neuf versions ornementées de la lettre B. De gauche à droite et de bas en haut : les lettres 1, 3, 5 et 8 sont tirées de Midolle et coll. (1976), et les lettres 2, 4, 6, 7 et 9 de Lehner (1968). Composition : Evelyne Gauthier.
Comme je le mentionnais plus tôt, le système social de toute espèce peut être décrit à partir d’un certain nombre de classes de traits. J’en distingue quatre : 1) le répertoire des activités sociales de l’espèce – par exemple, le toilettage, le jeu, les coalitions, la séduction, etc. ; 2) les divers types de relations sociales dyadiques définies selon l’âge, le sexe et le statut social des deux individus ainsi que selon leur degré de parenté génétique – par exemple, les relations entre partenaires de reproduction, entre frères et sœurs, entre mâles adultes non parents, entre mères et enfants, et ainsi de suite ; 3) les diverses configurations sociales (ou patterns sociaux), qui sont des structures récurrentes de rapports sociaux, comme une hiérarchie de dominance ou une structure de parenté ; 4) la caractéristique la plus globale de tout système social, la structure sociale, terme qui inclut ici des facteurs tels que la taille et la composition des communautés, le système de reproduction en vigueur, la structure généalogique des groupes, la nature des relations entre ceux-ci, etc.
Dans ce livre je me concentre essentiellement sur le quatrième aspect en cherchant à définir la structure profonde de la société humaine. Trois raisons dictent ce choix. D’abord, il y a l’ampleur même de la tâche que représentent la caractérisation de cette structure et la reconstruction de son histoire évolutionnaire : couvrir les trois autres aspects du système social humain nécessiterait plusieurs tomes. Ensuite, le fait de définir la structure sociale permet d’obtenir une vue d’ensemble de la société humaine, à partir de laquelle il est plus facile de saisir dans leur globalité les éléments qui nous rapprochent des autres primates et ceux qui nous en différencient. Enfin, d’autres auteurs se sont intéressés à l’évolution de la structure sociale humaine, ce qui me permet de poursuivre le travail déjà commencé. Le lecteur fera donc bien de garder en tête que la structure sociale décrite dans ce livre ne constitue qu’une partie, certes fondamentale, du système unitaire du genre humain, et que les fondements biologiques de la vie sociale humaine vont bien au-delà des traits relatifs à la structure sociale.
Un sujet orphelin
La seule discipline possédant une vue d’ensemble de la diversité des sociétés humaines est l’anthropologie socioculturelle, qui s’emploie à décrire la variabilité comportementale humaine depuis la deuxième moitié du xixe siècle. On pourrait donc penser que dégager la structure profonde de la société humaine a été l’un de ses objectifs les plus élémentaires. Pourtant, cette question n’apparaît pas dans son programme de recherche. Aucune réflexion sur la structure profonde de la société ne figure par exemple dans les manuels d’anthropologie socioculturelle. De nombreuses raisons expliquent cette absence.
La plus fondamentale est sans doute l’étendue même de la variabilité culturelle humaine. Si grande est la diversité et si nombreux sont les facteurs qui la génèrent qu’il n’est pas exagéré de dire que l’analyse de la variation culturelle est l’un des sujets les plus complexes abordés par les chercheurs depuis l’avènement de la méthode s...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. Du même auteur
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Dédicace
  8. Préface
  9. Chapitre 1 - La question de l’origine de la société humaine
  10. Chapitre 2 - Quelques aspects méthodologiques
  11. PARTIE I - Les archives animales du comportement humain
  12. PARTIE II - La définition de la société humaine
  13. PARTIE III - L’histoire phylogénétique de la société humaine
  14. Remerciements
  15. Glossaire
  16. Bibliographie
  17. Crédits et remerciements
  18. Fin
  19. Quatrième de couverture