Marqués du triangle rose

Ken Setterington

• Éditeur: Éditions du Septentrion
• Année: 2018
• ISBN:
  9782894489284
• Sujet: Histoire
• Sous-sujet: Histoire du 20ème siècle

Avant les années 1930, l'Allemagne, et en particulier sa capitale, Berlin, était l'un des endroits les plus tolérants envers les homosexuels. Des militants comme Thomas Mann et Albert Einstein ont ouvertement milité pour les droits des gais. Mais tout cela change quand le Parti nazi arrive au pouvoir. La vie des homosexuels devient alors rapidement un enfer: raids, arrestations, emprisonnement et expulsions deviennent monnaie courante. Lorsque les camps de concentration sont construits, les homosexuels sont emprisonnés en même temps que les autres groupes que les nazis veulent supprimer. Le triangle rose, cousu sur les uniformes des camps, devient ainsi le symbole de la persécution des homosexuels, une persécution qui continuera pendant de nombreuses années après la guerre.Ken Setterington relate ces événements à travers un mélange de recher­ches historiques, de témoignages et de récits individuels, avec l'espoir que ces histoires de bravoure devant la cruauté et d'amitiés trouvées dans les profondeurs du désespoir sauront à la fois éduquer et inspirer les futures générations. Ken Setterington est conteur, auteur, critique de livres pour enfants et biblio­thécaire. Il a été membre de nombreux comités d'attribution de prix littéraires.

Chapitre 1

Berlin, capitale homosexuelle d’Europe

Au cours des premières années du xxe siècle, la vie était extrêmement difficile pour les hommes et les femmes gais. Dans les villes qui célèbrent aujourd’hui la fierté gaie, les homosexuels1 ont été persécutés sans relâche. Les lois interdisaient les relations sexuelles entre hommes. Par conséquent, la plupart des homosexuels ont été forcés de vivre dans le secret et ont dû établir leurs propres réseaux clandestins.

Il y avait tout de même des exceptions, et Berlin était une ville hors du commun.

Pour les homosexuels d’Allemagne, la vie était beaucoup plus facile qu’elle ne l’était ailleurs en Europe, ou même dans le reste du monde. Les lois allemandes interdisant les relations sexuelles entre hommes étaient rarement appliquées. Par conséquent, la culture homosexuelle a prospéré et a reconnu en Berlin sa capitale.

Pour les jeunes couples homosexuels comme celui-ci, la vie à Berlin au début des années 1900 était simple et libre. United States Holocaust Memorial Museum (USHMM).

Menschenrecht (Droits de l’homme) n’était qu’une des nombreuses publications (journaux, magazines et revues) s’adressant spécifiquement au lecteur gai. (USHMM).

Plusieurs publications allemandes s’adressaient aux hommes et aux femmes gais : Menschenrecht (Droits de l’homme), Die Insel (L’île) et Der Eigene (Soi-même) pour les hommes, et Ledige frauen (Femmes célibataires), Frauenliebe (L’amour des femmes) and Die Freundin (La copine) pour les lesbiennes.

Le quartier gai de Berlin incluait plusieurs bars, restaurants et boîtes de nuit. Il était souvent difficile de déterminer le sexe des clients puisque leurs vêtements, leur coiffure et leur maquillage défiaient la norme. (USHMM).

Beaucoup de clubs et de bars, de restaurants et de boîtes de nuit populaires, tous situés dans le secteur gai de Berlin, attiraient une clientèle qui préférait l’intimité des gens du même sexe. Dans ces lieux, il était parfois difficile de distinguer les hommes des femmes.

Le Club Violetta attirait les lesbiennes. Des homosexuels du monde entier venaient à Berlin pour y faire l’expérience de la vie gaie. (USHMM).

Des quatre coins du monde, on venait à Berlin pour jouir de la liberté de cette atmosphère excitante. Un survivant de cette période s’est rappelé du Schwanenburg, une boîte populaire qu’il a fréquentée :

C’était une boîte, un bar normal, mais certains jours de la semaine, c’était loué par des homosexuels. Ces jours-là, c’était très joyeux… Il y avait des homosexuels qui dansaient et, de temps en temps, simplement pour se jouer des tantes, quelqu’un criait : « La police arrive ! » Elles relevaient toutes leurs jupes et partaient à la course. Mais la police n’est jamais vraiment venue… C’est difficile de s’imaginer combien c’était fou à Berlin… Les hommes dansaient avec les hommes, les femmes avec les femmes. À Berlin, c’était les années de l’âge d’or.2

Le premier film gai, Anders als die Andern (Différent des autres), a été scénarisé et produit en Allemagne en 1918. (USHMM).

En 1918, le premier film international à thématique gaie, Anders als die Andern (Différent des autres), a été réalisé en Allemagne. Produit dans le but d’éduquer le public à propos de l’homosexualité, il a été coécrit par Dr Magnus Hirschfeld, un chercheur en sexualité humaine qui apparaît également dans le film.

L’écrivain britannique Christopher Isherwood a quitté l’Angleterre pour Berlin dans les années 1920 puisque, plus que n’importe où ailleurs dans le monde, c’était un milieu de vie excitant pour un homme gai. Plusieurs années plus tard, lorsqu’il deviendra célèbre, il relatera ses expériences berlinoises dans Christopher and His Kind (1976). Mais c’est des décennies plus tôt qu’il écrivit le livre qui le rendit si célèbre, Goodbye to Berlin, où l’on retrouve les descriptions, les personnages, l’énergie et la décadence qu’il associait à cette ville, et dans lequel il immortalisa le célèbre Kit Kat Club pour les générations suivantes. La pièce de théâtre I Am a Camera fut produite à partir de Goodbye to Berlin, et, plus tard, on en fit la comédie musicale et le film Cabaret, couronnés de prix.

Pour beaucoup d’hommes et de femmes gais de Berlin, la vie a été un véritable cabaret au cours des années 1920 et au début des années 1930. Mais comme le présageait le livre d’Isherwood, un nuage très sombre se profilait à l’horizon....

Table des matières

• Marqués du triangle rose
• Préface
• CHAPITRE 1 • Berlin, capitale homosexuelle d’Europe
• CHAPITRE 2 • La montée des nazis
• CHAPITRE 3 • La vie gaie n’est plus
• CHAPITRE 4 • La race supérieure : le plan nazi pour débarrasser l’Allemagne des inférieurs
• CHAPITRE 5 • La mort par le travail : le confinement dans les camps de concentration
• CHAPITRE 6 • Les nazis dans les territoires occupés
• CHAPITRE 7 • Les juifs homosexuels
• CHAPITRE 8 • Contrecoups
• CHAPITRE 9 • La reconnaissance, enfin
• CHAPITRE 10 • Les survivants
• CONCLUSION • Ça ira mieux
• Épilogue
• Remerciements
• Chronologie des événements majeurs pour les hommes gais en Allemagne
• Bibliographie
• Crédit