François Mauriac
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François Mauriac

La justice des Béatitudes

  1. 128 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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François Mauriac

La justice des Béatitudes

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À propos de ce livre

Pourquoi un romancier de droite s'engage-t-il parfois au côté de la gauche dans les grands combats politiques des années 1930 aux années 1950? La Guerre d'Espagne, la Résistance, la Guerre d'Algérie sont autant d'occassions pour Mauriac de développer une éthique politique que distilleront par fragments les fameux Bloc-notes. A l'heure où une vaste révèle des pans ignorés de sa personnalité, une synthèse de sa pensée politique restait à faire.

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Informations

Année
2010
ISBN
9782368471814

1
La pierre d’achoppement

« Je crois que le Mal existe et je juge de ce qu’il est le Mal à la lumière du Christ »4
Affronter le défi que le mal jette à la conscience, c’est affronter dans le même mouvement la question : qu’en est-il de l’homme ?
Dans la société consensuelle et déchristianisée dans laquelle nous vivons, la réponse à cette question trace encore une ligne de démarcation entre ceux qui, assumant l’héritage des Lumières, insistent sur l’innocence de l’homme et à sa perfectibilité, et ceux qui continuent de croire sous une forme ou sous une autre au péché originel, autrement dit à la faillibilité native de l’homme, à sa capacité constitutive, en dehors de toutes déterminations biologiques, sociales ou économiques, de vouloir radicalement le mal.
Pour Mauriac, la présence du mal dans le monde est une réalité première. Toute l’œuvre nous donne à voir une humanité peccamineuse : « Grâce à un don d’atmosphère, écrira le romancier, j’essaie de rendre sensible, tangible, odorant l’univers catholique du mal. »5 Et le journaliste du Bloc-notes précisera que « le problème du mal, le mal innombrable et partout triomphant, il n’existe pas pour le chrétien une pierre d’achoppement pire que celle-là »6.
Le mal est multiple et protéiforme mais, pour le dire dans les termes de Simone Weil, sa marque essentielle est la pesanteur. Tout être comme toute collectivité en subit l’implacable loi. Mauriac lui dessine un paysage : le désert, pays du feu et de la soif. La géographie mauriacienne est celle d’étendues arides, brûlées sous le feu du ciel, qu’une étincelle risque d’embraser à chaque instant et où la cendre n’est que la trace d’incendies anciens. Ce paysage n’est cependant que l’avers matériel d’une métaphysique.
Le désert stérile, à la fois fournaise et glace est en effet pour Mauriac le symbole de la condition humaine, comme le cachot pour Pascal. De l’un de ses plus beaux romans, Le Désert de l’Amour, Mauriac dira, au soir de sa vie, que son titre pourrait s’appliquer à son œuvre entière. Ce désert est le non-lieu de l’amour comme il est le non-lieu de la justice. Dans l’univers mauriacien, tout n’est que hantise du crime, solitude, incommunicabilité sans retour entre les êtres, désespoir, macération des haines recuites, pharisaïsme des bigots, possession féroce des patrimoines.
Au cœur de cette jungle provinciale et dévote, quelques êtres se débattent, cherchent un air moins raréfié, une ouverture vers un ciel inaccessible. Dans ce désert, l’eau elle-même ne désaltère pas. Elle est inféconde et souillée. Tout au plus n’est-elle qu’un maigre ruisseau, une mare corrompue, parfois une porte ouverte sur la nuit : c’est au profond de la forêt landaise que le Sagouin et son père, mis au rebut par une humanité perdue, s’en iront trouver la paix sous les aulnes dans les ténèbres d’une nappe profonde.
Œuvre noire, œuvre au noir, on l’a souvent dit. On le lui a parfois reproché : « Vous voyez tout en noir… la vie n’est pas si noire, ni les hommes si méchants. »7 Au nom d’une conception esthétique de la littérature qu’il ne séparait pas du principe éthique qui la fonde, Mauriac rétorquait à ceux qui lui faisaient grief d’ajouter au pathétique ordinaire de la vie la peinture de malheurs imaginaires que « la préférence que la plupart éprouvent pour une littérature d’embellissement du réel, d’évasion hors du réel, ne doit pas les rendre injustes à l’égard des écrivains dont la vocation est, au contraire, la science de l’homme… Ce n’est pas nous qui haïssons la vie. Ceux-là seuls haïssent la vie qui, ne pouvant en souffrir l’aspect, la falsifient. Les véritables amants de la vie l’aiment telle qu’elle est. Ils lui ont arraché, un à un, tous ses masques, et à ce monstre enfin mis à nu, ils donnent leur cœur. »8
La contribution Mauriac à cette « science de l’homme » le place dans la lignée des grands moralistes pour qui la littérature n’est ni un divertissement ni un jeu formel mais un moyen de connaissance. Comprendre cette vision mauriacienne de l’homme nécessiterait de faire un long détour par ce « Grand Siècle » des lettres françaises qui fut le siècle d’élection de François Mauriac. Il est significatif que ce dernier ne se réfère que rarement aux Lumières, à l’exception de Rousseau, mais celui des Rêveries ou des Confessions et non celui du Contrat Social. Mauriac fut spirituellement un héritier du XVIIe siècle. Racine, Bossuet, Molière, La Bruyère, La Rochefoucauld, La Fontaine, ces « Messieurs de Port-Royal » : tels furent ses maîtres auprès desquels il apprit, selon lui, l’essentiel. Il est cependant, dans l’ordre de la filiation, un nom qui domine tous les autres : c’est celui de Pascal. L’auteur des Pensées est la référence centrale de Mauriac, du moraliste comme du citoyen, constitutive de son identité littéraire, spirituelle et politique. Mauriac ne s’explique pas sans Pascal.

La dette pascalienne

Dans Ce que je crois (1964), belle méditation spirituelle et quasi-testamentaire, François Mauriac, presque octogénaire, rappelle tout ce qu’il doit à Pascal : « Il est étonnant que l’écrivain à qui je dois le plus et qui m’a le plus marqué, et qui fut mon maître dès ma seizième année, dès que j’eus entre les mains les Pensées et Opuscules de l’édition Brunschvicg, le demeure aujourd’hui encore, et que le vieil homme devenu journaliste n’ait pas eu à changer d’école, et qu’il ait cherché dans Les Provinciales, sans jamais l’atteindre bien sûr, le secret de cette verve qui, d’un débat éphémère, a fait un débat éternel. »9 Tout le pascalisme de Mauriac tient en ces quelques lignes, le double héritage que ce dernier assuma de manière éminente au cœur de son siècle : une certaine vision de l’homme et une certaine conception de l’engagement moral.
Continûment vénéré et médité, Pascal qui a « décidé de ma vie en ce monde, et peut-être de mon éternité » a profondément déterminé la politique de Mauriac pour qui le feu ardent de la nuit du 23 novembre 1654, attesté par le Mémorial, ne s’est jamais éteint : « Pour moi qui eus vingt ans en ces jours où l’Église de France payait les frais de l’affaire Dreyfus, où les couvents étaient vidés au nom de la loi, où l’Encyclique Pascendi paraissait interdire à l’étudiant que j’étais tout contact avec la pensée moderne, je l’atteste aujourd’hui, ce fut le Christ de Pascal qui me dit, en ces heures-là : « Reste avec moi »10.
Plus que tout autre texte, réserve faite des Évangiles, les Pensées et le Mémorial ne cesseront d’alimenter, jusqu’à la fin de sa vie, la source à laquelle Mauriac puise l’essentiel de sa vision du monde.
La filiation pascalienne est revendiquée sans cesse, assumée toujours. Elle l’est, évidemment, dans sa dimension anthropologique, Mauriac reprenant à son compte, sans rien y ajouter, cette vision tragique de l’homme au cœur « creux et plein d’ordures », écartelé entre le fini et l’infini, entre le « principe de misère » et le « principe de grandeur », la nature et la grâce, s’abîmant dans les divertissements, s’abandonnant à la concupiscence. D’une certaine manière, toute l’œuvre romanesque de Mauriac peut être lue comme une mise en intrigue de la métaphysique pascalienne11.
Elle l’est aussi fondamentalement dans sa dimension politique. Tout autant que le Mémorial ou la séquence des Pensées intitulée par Brunschvicg « Misère de l’Homme sans Dieu », Mauriac n’a jamais cessé de méditer le fameux fragment sur la distinction des trois ordres : l’ordre des corps, l’ordre de l’esprit et l’ordre de la charité12 qui recouvrent les domaines de l’histoire, de la raison et de la foi. Chaque ordre, pour Pascal, est incommensurable aux autres : « de tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions ne valent point le moindre mouvement de charité ». Ces trois ordres doivent être nécessairement distingués sans être cependant radicalement séparés. Mauriac a appris de Pascal que les pires maux viennent, à la fois, de la prétention humaine à vouloir, par fanatisme, exalter des valeurs relevant d’un ordre dans le cadre d’un autre ordre – attitude qui peut ressortir de l’angélisme – et ignorer ainsi la logique propre à chaque ordre dans une transgression violente… La confusion des plans conduit immanquablement à la tyrannie et à l’injustice. Comme le dit Pascal, « la tyrannie consiste au désir de domination, universel et hors de son ordre ». Chaque ordre est soumis à sa justice particulière. La loi du monde ne relève pas de la vérité scientifique, pas plus qu’elle ne relève de la foi religieuse. Le citoyen François Mauriac ne se départira jamais de ce viatique pour juger l’Histoire, combattre le mal et penser la justice.
Le refus inné du totalitarisme, acmé de la confusion des trois ordres, dont témoigna sans faiblesse François Mauriac quand tant d’intellectuels s’en firent à droite comme à gauche les thuriféraires passionnés, s’enracine dans la fidélité pascalienne. Ce fut également Pascal qui le détourna de Nietzsche. Mauriac, polémiste d’instinct, aimait à incarner les termes du combat politique ou spirituel. À ses yeux, les idées sont faites de chair – et bien souvent de sang. Elles ont un visage, une voix, un style. Ainsi, dans l’ordre politique, fera-t-il de Machiavel la personnification « du crime collectif », l’identification de la politique séparée de la morale. Nietzsche est le grand adversaire, l’anti-Pascal en quelque sorte : « Le « Dieu est mort » de Zarathoustra oppose une affirmation à une autre affirmation »13. Nietzsche est le grand tentateur, celui qui invite le grêle Jean Péloueyre, dans le Baiser au Lépreux, à rompre avec le refuge de la foi, à substituer la morale des maîtres à celle des esclaves et à exalter en lui la volonté de puissance14. Nietzsche a porté à Pascal « des coups autrement plus redoutables que ceux de Voltaire »15 mais n’a cependant pu déraciner la foi car « la négation du monde moderne n’a eu aucune prise sur les esprits (et je suis l’un d’eux) pour qui Pascal est venu ».
Mauriac refuse ainsi, au nom de Pascal, l’ivresse dionysiaque de l’homme devenu Dieu, de la même manière qu’il récuse l’idée du progrès inévitable et de la perfectibilité de l’Humanité, de tout providentialisme, qu’il soit laïc ou religieux, de toute théodicée qui ferait du mal un moment négatif du bien. La distinction nécessaire à tenir entre les ordres lui sert de boussole pour s’orienter dans le labyrinthe de l’Histoire. Tout subversion d’un ordre par un autre, qu’il prenne la forme d’une religion du politique ou d’une politique cléricale, conduit immanquablement au désastre et ne fait qu’ajouter à l’iniquité du monde régi par la loi de « l’entre-dévorement ».

La loi de l’entre-dévorement

Pour le pasca...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de Couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Introduction
  7. 1. La pierre d’achoppement
  8. 2. La justice et la charité
  9. 3. Politique des Évangiles
  10. Conclusion. Une leçon de veille
  11. Bibliographie
  12. Table des matières
  13. Le bien commun
  14. Titres parus dans la même collection