Kelsen
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Kelsen

Plaider la démocratie

  1. 128 pages
  2. French
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Plaider la démocratie

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Face aux critiques antiparlementaires virulentes de l'entre-deux-guerres et au désenchantement à l'égard des institutions républicaines, Hans Kelsen (1881-1973) se présente en défenseur de la démocratie. Aux objections qui délégitiment le jeu démocratique, sous prétexte qu'il est incapable de produire la « bonne » décision, Kelsen oppose son relativisme mettant au coeur de la vie des institutions les conflits et leur résolution pacifisue.

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Informations

II
Les instruments de la liberté politique

Si la démocratie ne requiert pas, chez Hans Kelsen, de justification axiologique, si elle ne s’établit pas sur des valeurs intangibles, qu’est-ce qui la distingue d’une autre forme de gouvernement ? Le respect du principe d’autonomie ou d’autodétermination trace, chez l’auteur, une ligne de partage entre les régimes. Les individus vivent en démocratie tant qu’ils se soumettent aux règles qu’ils ont choisies. Sa distinction entre les formes de gouvernement s’établit sur le principe de la liberté politique et créée ainsi deux types idéaux : l’autocratie ou la démocratie. Est politiquement libre celui qui est soumis à sa propre volonté et non pas à une volonté hétéronome ou étrangère. Au sein d’un régime démocratique, la volonté exprimée dans l’ordre juridique est identique à la volonté des sujets. En revanche, s’ils sont soumis à une autocratie, ils demeurent exclus de la création normative, l’harmonie entre l’ordre et leur volonté n’est plus assurée.
À l’instar de Jean-Jacques Rousseau, Hans Kelsen se demande « comment [l’on peut] être sujet d’un ordre juridique tout en restant libre »1 À l’exemple du philosophe français, Kelsen dépouille le concept de liberté de son acception originale « négative » – celle de l’absence de contrainte – pour lui conférer un sens politique « positif »2La liberté devient alors « l’autodétermination de l’individu par sa participation à la création de l’ordre social. La liberté politique est liberté, et la liberté c’est l’autonomie »3. La constitution d’un État et de son système juridique s’accompagne nécessairement d’une métamorphose dans la signification de la liberté. À la liberté de l’individu, celle de l’état de nature, se substitue la revendication de la souveraineté du peuple, de son pouvoir de déterminer les règles auxquelles il est soumis, selon le principe de l’autonomie4, principe premier de la démocratie. Pour le juriste viennois, la légalité remplace la liberté naturelle dans les sociétés démocratiques5. Si Kelsen et Rousseau partagent cette interrogation sur le sens à donner au concept de liberté dans un système d’ordre contraignant, ils divergent sur les modes de formation de la volonté de l’État. À la différence de Rousseau, Kelsen n’exclut pas le conflit des procédures démocratiques. La notion de « volonté générale » est traitée comme une image et il y préfère souvent la notion d’ordre social6. Dans la définition kelsénienne de la démocratie, l’idée de liberté, dans son sens positif, est première ; la notion d’égalité ne joue qu’un rôle strictement formel. L’égalité ne rentre en considération que sous cet angle-ci : « chacun doit être le plus libre possible, donc tous doivent l’être également ; par suite, chacun doit participer à la formation de la volonté générale, donc tous doivent y participer de façon égale »7. Kelsen ne peut donc que résister aux courants marxistes qui tentent de substituer à la démocratie formelle un mode d’organisation sociale considérée comme plus égalitaire ou plus juste. En opérant ce changement de sens, la démocratie perd sa signification, elle n’est plus essentiellement caractérisée par la liberté politique ou l’autodétermination. Dans son acception kelsénienne, la démocratie doit laisser ouvert et incertain le choix des valeurs, des modes d’organisation et de la distribution des ressources. Aussi, le détournement de sens de la démocratie auquel procède la pensée marxiste est jugé avec une grande sévérité par le juriste viennois, ce dont cette formule témoigne : « Grâce à cette trituration terminologique, le grand pouvoir de légitimation et toute la valeur affective que l’idée de liberté vaut au mot d’ordre démocratique sont détournés au profit d’un système de dictature politique caractérisée.8 »
Si un régime démocratique suppose, selon Kelsen, que les individus soient soumis aux règles choisies par la majorité, cela implique que les normes ne ressortent pas d’une seule volonté, c’est-à-dire qu’elles soient créées de manière « décentralisée ». Le juriste autrichien mène, notamment dans Théorie générale du droit et de l’État, une réflexion sur les relations entre les types d’État que sont l’autocratie et la démocratie et les formes d’organisation, soit centralisées, soit décentralisées. Il y distingue deux significations de la centralisation (ou de la décentralisation). Elle peut être statique, elle concerne alors « la validité territoriale des normes », ou dynamique et renvoie aux modes de création et d’exécution des normes. En d’autres termes, si la décentralisation statique suppose une division territoriale de l’État, par exemple en provinces, en cantons, en départements, etc., la décentralisation dynamique implique que la formation de la volonté de l’État et son exécution soient le fait de plusieurs personnes. Dans l’esprit de Kelsen, si la démocratie implique nécessairement une décentralisation dynamique, logiquement, elle ne suppose pas une décentralisation statique. À titre d’exemple, une démocratie parlementaire pourrait conceptuellement se concilier avec une centralisation territoriale et une autocratie s’accommoder d’une telle décentralisation. Mais, pratiquement, la division du territoire en entités partiellement autonomes ne permet pas à l’autocratie de s’exercer efficacement : la délégation à des représentants affaiblit le contrôle autocratique. En outre, la démocratie s’épanouit tendanciellement le mieux dans des régimes décentralisés, lorsque le territoire est administrativement parcellisé. La démocratie exigeant une conformité entre la règle qui s’impose aux sujets et leur volonté, la décentralisation statique est certainement plus à même de respecter cette équivalence ou son approximation9. Si les processus législatifs doivent se rapprocher de l’idéal démocratique, donc respecter le plus possible la règle de l’autodétermination, l’exécution administrative et judiciaire n’a pas à être démocratisée. Aux yeux de Kelsen, la législation et l’exécution relèvent de processus très différents. Si la création de normes générales répond au principe de la liberté politique, l’exécution doit satisfaire aux exigences de l’égalité de traitement et donc ne peut varier, fluctuer10. Une démocratisation de l’exécution et de l’administration se réalise au détriment de la prévisibilité, elle « ne peut se faire qu’aux dépens de l’intensité intrinsèque de la fonction législative »11.

1. Les institutions de la délibération

Dès lors que Kelsen a posé le principe d’autonomie ou la liberté politique comme fondement ultime de la démocratie, il examine la réalité démocratique dans son incapacité à accéder pratiquement à cet idéal. L’on peut même dire que, dans l’entre-deux-guerres, la réflexion du juriste viennois sur la démocratie se réalise à partir des limites nécessaires qui s’imposent à la pure forme démocratique, dans les États modernes. C’est plus particulièrement dans cette antithèse entre idée (ou idéologie) et réalité qu’il pense les institutions de la démocratie, notamment parlementaire12. Selon son modèle idéal, la démocratie envisage l’ordre social et juridique comme le produit de la volonté des dominés (« Unterworfenen »). Mais, cette identité idéale entre sujet et objet de la domination d’un ordre démocratique s’avère irréaliste pour les motifs que Hans Kelsen énumère en 1927, dans son article « Demokratie ». Premièrement, les caractéristiques physiques et psychiques des élus leur donnent un pouvoir inégal dans la participation à la formation de la volonté de l’État. Deuxièmement, l’intérêt variable dans la chose publique les rend inégaux dans l’influence politique qu’ils exercent. Troisièmement, le principe majoritaire ne respecte entièrement que la volonté de la majorité. Quatrièmement, la division du travail, si elle justifie un système de représentation, confère aux « mandataires » une position de pouvoir accru. Cinquièmement, l’exécution des lois démocratiques se réalise par une bureaucratie qui n’est pas sélectionnée par des voies démocratiques. Finalement, les intermédiaires entre sociétés civile et politique que sont les partis politiques ne se forment pas toujours de manière démocratique.
C’est en considérant les limitations incontournables apportées à l’idéal démocratique que Kelsen donne sa définition de la démocratie réelle. Si elle doit renoncer à son idéal d’autonomie, au sens d’une participation de tous et égale dans la formation de la volonté étatique, quels sont les moyens de se rapprocher de cette utopie compte tenu des contraintes qui sont celles des États modernes ? Cette interrogation oriente l’ensemble de ses observations sur les institutions. À cet égard, Kelsen accorde une attention particulière au principe majoritaire, aux partis politiques et à la démocratie représentative, comme moyens de formation de la volonté de l’État. Si ceux-ci contreviennent à l’idéal d’autonomie, ils n’en sont pas moins, chez l’auteur, des instruments décisifs et extrêmement valorisés des démocraties modernes, puisqu’ils permettent de se rapprocher d’une démocratie parfaite.

La règle de la majorité

L’idéal de liberté politique supposerait que les règles d’un ordre social et politique soient le fruit de la volonté unanime des membres d’un État. Pourtant, ce principe d’autodétermination doit être soumis à des restrictions, puisqu’il n’est pas possible de satisfaire aux exigences de l’unanimité sans renoncer à toute réforme d’un ordre donné. L’existence inévitable de conflits et de divergences de vue au sein d’un État impose donc des limitations à l’autodétermination, équivalant ici au respect du principe d’unanimité. Selon Kelsen, c’est la règle majoritaire qui est la plus encline à garantir le maximum d’autonomie tout en permettant des modifications de l’ordre social. Le principe de majorité participe donc du changement de sens conféré à l’idéal de liberté, nécessaire à la constitution d’un ordre social et politique.
Le degré suprême de liberté individuelle possible – qui s’approche le plus de l’idéal d’autodétermination compatible avec l’existence d’un ordre social – est garanti par le principe selon lequel toute modification de l’ordre social nécessite le consentement à la majorité simple des sujets de l’ordre13.

Les partis politiques

Afin que la liberté politique se concrétise, selon Kelsen, la société doit se doter d’instruments qui lui permettent d’exprimer efficacement ses préférences. En cela, les partis politiques jouent un rôle essentiel de transmission des préférences. Dans ses travaux des années vingt notamment, le juriste viennois ne pensait la démocratie que comme un « État de partis », impliquant nécessairement des formations collectives qui s’insèrent entre les sociétés civile et politique14. La réflexion qu’il engage après la Première Guerre mondiale valorise et promeut le rôle nouveau et croissant que prennent, plus particulièrement en Autriche et en Allemagne, les partis politiques dans l’évolution et la transformation de la Constitution15. Pour Kelsen, il n’y a pas de vie politique sans l’existence des partis qui sont les premiers interlocuteurs de la démocratie, dans la recherche d’un compromis entre la majorité et la minorité. Il est donc naturel, à ses yeux, qu’un statut juridique leur soit donné, qu’une place leur soit conférée dans la Constitution, en tant qu’organes prenant part à la formation de la volonté étatique. Kelsen esquisse, dans La Démocratie, un programme de revalorisation des partis politiques, dont nous examinerons quelques aspects ultérieurement. En représentant les intérêts de la société civile et ainsi en permettant que les règles adoptées soient conformes aux vœux de la majorité, les partis politiques jouent, selon le juriste autrichien, un rôle déterminant dans le respect du principe d’autonomie. Ce qui explique, en dernier lieu, l’importance que ceux-ci recouvrent dans sa théorie de la démocratie. À l’instar d’Alexis de Tocqueville, Kelsen considère qu’un individu isolé pèse peu d...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de Couverture
  3. Exergue
  4. Introduction
  5. I. La règle sans la transcendance
  6. II. Les instruments de la liberté politique
  7. III. L’État et le droit : controverse sur leur relation
  8. Conclusion
  9. Choix bibliographique
  10. Table des matières
  11. Titres parus dans la même collection