Blum
eBook - ePub

Blum

Un juriste en politique

  1. 128 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Blum

Un juriste en politique

Détails du livre
Aperçu du livre
Table des matières
Citations

À propos de ce livre

La pensée politique de Léon Blum (1872-1950) a puisé largement à la source du droit. Sa réflexion revêt une dimension juridique primordiale qu'il s'agit de mettre en lumière: la République, identifiée par la défense des libertés publiques fondamentales, le socialisme, comme projet d'un droit de réparation des désordres du monde, la démocratie enfin, dans sa double dimension nationale et internationale, soumettant le socialisme aux contraintes de la pluralité.

Foire aux questions

Il vous suffit de vous rendre dans la section compte dans paramètres et de cliquer sur « Résilier l’abonnement ». C’est aussi simple que cela ! Une fois que vous aurez résilié votre abonnement, il restera actif pour le reste de la période pour laquelle vous avez payé. Découvrez-en plus ici.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l’application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Les deux abonnements vous donnent un accès complet à la bibliothèque et à toutes les fonctionnalités de Perlego. Les seules différences sont les tarifs ainsi que la période d’abonnement : avec l’abonnement annuel, vous économiserez environ 30 % par rapport à 12 mois d’abonnement mensuel.
Nous sommes un service d’abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d’un seul livre par mois. Avec plus d’un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu’il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l’écouter. L’outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l’accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui, vous pouvez accéder à Blum par Jérôme Michel en format PDF et/ou ePUB ainsi qu’à d’autres livres populaires dans Philosophie et Histoire et théorie de la philosophie. Nous disposons de plus d’un million d’ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

III
Le juriste et la démocratie :
subordonner l’absolu au relatif

« Pris entre une droite acharnée et les communistes, pouvait-il faire mieux que ce qu’il a fait ? »
François MAURIAC1
À la Libération, Léon Blum, devenu la « conscience » du socialisme français, ne propose rien de moins que de subordonner explicitement le projet socialiste, autrefois fondé sur la rupture avec les cadres capitalistes de la société, à la reconnaissance préalable du pluralisme des interprétations concurrentes du monde. « Dans un pays qui possède le suffrage universel, l’action politique signifie nécessairement l’action parlementaire et la représentation parlementaire. Et quand un parti politique a suffisamment grandi pour que son groupe parlementaire possède la majorité possible, les problèmes de l’action politique deviennent les problèmes du pouvoir […]. Nous n’avons jamais admis que nous dussions nous introduire dans le réduit central du pouvoir, pour y placer plus sûrement nos sachets de dynamite. Quand nous exerçons, ou partageons le pouvoir, dans le cadre de la société capitaliste, nous le faisons de bonne foi. Nous le faisons dans l’intérêt de la classe ouvrière, mais aussi dans l’intérêt général de la nation. Nous sommes des gérants honnêtes, loyaux […], nous nous efforçons de servir le bien public, de faire ressortir toutes les communautés d’intérêt profondes qui tiennent la classe ouvrière et l’ensemble de la nation.2 »
Soumission donc – et non abdication – du futur au présent, de l’absolu au relatif. Comme le constate Marc Sadoun, « il n’a pas réussi, et son échec a eu ici des conséquences décisives sur les modalités d’intégration du parti au système parlementaire sous la IVe République et, plus encore, sur la manière dont il a conçu l’épreuve du pouvoir sous la Ve République »3.
Mais au-delà de cet échec et de ses conséquences, la rupture de Blum d’après-guerre permet de jeter une lumière rétrospective sur les conceptions constitutionnelles qu’il n’a cessé de développer pendant près de trente ans, des Lettres sur la réforme gouvernementale en 1919 à l’adoption de la Constitution de 1946. Emiettée, réactive bien souvent à l’événement, cette réflexion ne constitue pas à proprement parler une doctrine juridique de la démocratie. Elle n’en possède pas moins une cohérence d’ensemble, que ce soit sur le plan interne ou sur le plan international. Cette pédagogie constitutionnelle fait de Léon Blum un cas d’autant plus singulier qu’elle est le fait d’un chef de parti révolutionnaire au sein duquel les problèmes institutionnels ne pouvaient être posés en tant que tels, dès lors qu’était doctrinalement niée l’autonomie du politique et du juridique. À cet égard, plus encore que pour l’idée républicaine ou le projet socialiste, la réflexion de Léon Blum sur les instances de médiation démocratique révèle le juriste en politique.

La démocratie politique

Si Léon Blum, à plusieurs reprises, s’est employé à dissocier conceptuellement parlementarisme et démocratie, il n’en reste pas moins que, fils de son siècle, le régime parlementaire de la IIIe République restait l’horizon constitutionnel indépassable. C’est que le régime parlementaire fut pour Léon Blum, si imparfait qu’il fût (il n’en ignorait aucune des tares), le régime politique qui s’approchait le plus de son idéal démocratique. C’est pourquoi – et le cas est singulier – contre la quasi-unanimité de la doctrine publiciste de son temps, il plaida passionnément la cause du parlementarisme dans lequel il voyait la plus haute expression de la raison politique. Dudit parlementarisme, il s’astreignit à sauvegarder les principes fondamentaux et proposa des réformes pour en assurer l’efficacité. Enfin, s’il fut tenté de voir dans les exemples suisse et américain une possibilité de dépassement du parlementarisme français, il ne put – ou ne voulut – aller au-delà, laissant ainsi à d’autres le soin de remédier à la crise institutionnelle française.

a) Sauvegarder le parlementarisme

Le régime représentatif trouve son fondement dans une vision pessimiste des sociétés humaines. Celles-ci apparaissent, en effet, incapables de décider pacifiquement et rationnellement de leur organisation interne. À la veille de l’accession d’Adolf Hitler au pouvoir, Kelsen exposait ainsi la duplicité nécessaire du système représentatif : donner l’illusion à l’universalité des citoyens d’une nation que celle-ci se gouverne elle-même avec un Parlement élu, alors que ce dernier canalise en réalité « une exagération de l’idée démocratique dans la réalité politique, exagération qui n’aurait pas été sans danger pour le progrès social parce qu’elle serait allée nécessairement de pair avec un recul anti-naturel de la technique politique à un état primitif.4 » À l’ère des masses inorganisées, le régime parlementaire constitue ainsi, pour ses tenants, le meilleur rempart pour la protection de la liberté politique. Léon Blum ne pensait pas autre chose.
Dès le congrès de Tours, il a clairement l’intuition que le pouvoir exercé par le prolétariat sans instance de médiation conduit purement et simplement au totalitarisme. Le kantien qu’il n’a jamais cessé d’être rétorque à Lénine que, sans un long processus d’éducation vers le « moment historique de l’avènement des masses à l’âge adulte »5, la conquête révolutionnaire du pouvoir est vouée à l’échec et aux fosses communes : « Vous ne ferez pas la révolution avec ces bandes qui courent derrière tous les chevaux6. Vous la ferez avec des millions d’ouvriers organisés, sachant ce qu’ils veulent, quelles méthodes ils emploieront pour aller au but, prêts à accepter les souffrances et les sacrifices nécessaires.7 » Et Léon Blum de se faire, à l’heure de la scission, l’avocat du groupe parlementaire socialiste à l’Assemblée nationale : « Le rôle, le devoir du groupe parlementaire, c’est, conformément à la doctrine révolutionnaire que je vous ai exposée, d’une part d’aider à la propagande générale révolutionnaire dans le pays, et d’autre part, à l’intérieur du Parlement, de soutenir ou de provoquer toutes les réformes qui peuvent améliorer la condition morale et physique des travailleurs, et qui, par cela même, comme je vous l’ai démontré, aident cette transformation sociale, qui est la révolution.8 »
Autrement dit, le chemin qui mène à la démocratie intégrale passe nécessairement par des instances de médiation assurant un double rôle d’éducation et de représentation. La démocratie socialiste réalisée est à la conquête du pouvoir ce que le parlementarisme est à l’exercice du pouvoir. Nous retrouvons ici, dans ce troisième registre, la conjugaison du temps politique qui permet à Léon Blum de dissocier l’idéal du réel, l’œuvre future de l’action présente. La conception du temps commande la pratique politique. Tant que les hommes, dans leur universalité, ne seront pas sortis de l’état de minorité, il sera nécessaire de distinguer demain d’aujourd’hui, le social et le politique, le projet de la vie bonne et les limites que lui oppose la réalité présente.
Léon Blum, initié à la politique dans la tourmente de l’affaire Dreyfus, se présente comme le gardien vigilant de la mémoire républicaine cristallisée après la chute de Napoléon III. S’il constate que le parlementarisme n’est pas, en tant que tel, synonyme de démocratie, « les critiques actuels de l’institution parlementaire sont les ennemis avérés de la démocratie et […] ils cherchent à atteindre la démocratie à travers l’institution parlementaire »9. Qu’ils soient les tenants de l’Empire d’hier, les partisans du général Boulanger10, les léninistes de 1920, les néo-socialistes des années trente ou, enfin, les promoteurs d’une « réforme de l’État » qui aboutissait, selon lui, au bâillonnement de la représentation nationale, ces ennemis ouvraient la voie au césarisme, cette vieille maladie française11 au pouvoir personnel, libéraient les forces de la passion et de l’émotion contre les digues de la raison critique.
Dans ce contexte, le Parlement est, aux yeux de Léon Blum, le lieu où se forme, dans la pleine lumière de la délibération argumentée, la vérité politique. Là encore, la mémoire de son expérience de la pratique du droit apparaît fondamentale. En effet, traduisant son expérience parlementaire dans les catégories du prétoire où se construit, dans la rhétorique des arguments des parties, la vérité judiciaire, Léon Blum fait de la procédure contentieuse écrite et inquisitoriale, applicable devant le Conseil d’État dont il possédait tous les rouages, le modèle de la délibération politique – par opposition à la procédure judiciaire orale et accusatoire. « La Chambre […] est gâtée par de mauvaises règles de procédure. Un grand procès au tribunal peut être tranché sans que ni les avocats, ni les juges, aient manié personnellement les pièces du dossier. Les avocats plaident sur les notes préparées par des secrétaires, les juges décident sur les plaidoiries. Cette procédure purement orale substitue à l’étude directe de la cause une habileté toute factice d’exposition, une ingéniosité d’amplification personnelle. Ce vice est devenu peu à peu celui de nos Chambres, et pour les guérir radicalement l’une et l’autre, le plus sûr moyen serait d’étendre à la matière judiciaire les règles de procédure qui ont fait leurs preuves devant les tribunaux administratifs.12 » Autrement dit, substituer à l’éloquence creuse l’échange réglé des thèses en présence dont la ressaisie finale construit le bon choix politique. : « Il faut être en état d’écouter ; il faut être en état de répondre à l’argument, aux faits qui viennent d’être produits ; il faut, en un mot, que l’ensemble du débat s’ordonne sensiblement comme un tout logique, où chaque phrase ajoute à la clarté et contribue à la conviction.13 »
La délibération parlementaire ne peut être l’expression d’une démagogie de tribune, sans dénaturer l’essence du régime. Elle doit être, au contraire, une propédeutique de la démocratie à destination du corps politique assemblé. Elle n’est pas l’affirmation d’une opinion mais l’occasion d’une recherche libre des fondements d’une bonne décision. Elle opère comme si l’administré était déjà un citoyen capable de délibérer sans entraves des affaires de la cité.
Face aux critiques d’une grande partie de la doctrine publiciste de l’entre-deux-guerres, tel Joseph Barthélémy qui considère le régime parlementaire hérité du XIXe siècle comme un modèle institutionnel dépassé incapable d’agir, et face au rejet du parlementarisme, qui sourd d’une partie de l’opinion publique pour laquelle ce régime n’est que celui du bavardage stérile et de l’incompétence, Léon Blum réaffirme sa foi en sa grandeur et sa capacité à animer la vie politique.
Ainsi, le régime parlementaire restait, pour lui, le meilleur rempart de la pratique et des libertés démocratiques. Reposant sur le suffrage universel, il reflète en les mettant à distance les opinions diverses des citoyens par la discussion rationnelle dont la loi est le produit fini. Par le triple jeu de la délégation, du contrôle et de la délibération argumentée, il se protège des deux dangers qui le menacent de manière permanente : le césarisme, ou le pouvoir personnel d’un seul par le détournement du suffrage universel, et le léninisme, ou la dictature d’une partie sur le tout par la suppression de la délibération.
Ce régime reste le plus démocratique dès lors que l’élection constitue le fondement de la représentation. En conséquence, pour le républicain, il ne saurait y avoir de distinction entre régime représentatif et régime parlementaire : « En République, la souveraineté appartient au peuple et aux élus qui sont les représentants du peuple. Dans la conception républicaine qui a prévalu en France, l’assemblée législative est l’unique pouvoir émanant directement de l’élection populaire, et c’est par elle qu’est, par conséquent, représentée la souveraineté. À côté du Parlement, il existe, de par la nécessité des choses, un pouvoir exécutif, mais le pouvoir exécutif n’existe qu’en vertu d’une...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de Couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Introduction : Le juriste et son siècle : espérer en de sombres temps
  6. I. Le juriste et la République : défendre les libertés publiques
  7. II. Le juriste et le socialisme : remanier le vieux droit du monde
  8. III. Le juriste et la démocratie : subordonner l’absolu au relatif
  9. Conclusion : La patience de la justice
  10. Bibliographie
  11. Table des matières
  12. « Le bien commun »
  13. Titres parus dans la même collection