Voltaire
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Voltaire

Le Procureur des Lumières

  1. 128 pages
  2. French
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Voltaire

Le Procureur des Lumières

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

« Aucun philosophe n'a seulement influé sur les mœurs de la rue où il demeurait ». Voltaire.Il prônera inlassablement la tolérance comme seul remède au fanatisme dans un monde divisé par la multiplicité des sectes et des croyances. Surtout il saluera en l'œuvre de Beccaria l'aurore d'une justice profondément renouvelée selon les principes de la philosophie.

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Informations

Année
1996
ISBN
9782368476017

II
L’horreur

« On rougit d’être homme »

Il est impossible d’étudier le rapport de Voltaire à la justice sans penser à la religion, il est inconcevable d’aborder les affaires judiciaires des années 1760 sans les replacer dans le contexte de la campagne contre l’infime. C’est dans une lettre à d’Alembert datée du 7/8 mai 1761 que l’expression devenue proverbiale « Écraser l’infâme » apparaît pour la première fois1. Durant six ans elle sera un des lieux communs de la correspondance adressée aux intimes, en particulier à Damilaville, le « frère » très dévoué. L’Infâme, c’est le fanatisme, sous toutes ses formes sans doute, mais plus spécialement sous sa forme chrétienne2. Le christianisme a charrié l’intolérance et Voltaire résume son histoire par ce verdict sans appel : « seize siècles de barbarie »3. Or il sent bien que le christianisme manifeste en son temps d’évidents signes de faiblesse. Les nouveaux monarques de l’Europe sont moins entichés de religion que leurs prédécesseurs, quand ils ne sont pas franchement indifférents, à l’instar de Frédéric II ou de Catherine de Russie. En outre l’influence de l’Église de Rome dans les affaires de l’Europe ne cesse de décliner. Les Jésuites, lieutenants du pape, étaient étroitement associés à la politique d’un Louis XIV, désormais leur autorité est au plus bas ; leur société sera bientôt dissoute (en 1773). Au Portugal, le marquis de Pombal, autre « despote éclairé », supprime de nombreux ordres religieux cloîtrés. L’influence politique de la religion catholique a donc fortement baissé. D’un autre côté sur le plan strictement dogmatique, l’histoire critique de la Bible, magistralement instituée par Spinoza et l’oratorien Richard Simon, donne des insomnies aux théologiens orthodoxes qui ne savent plus comment justifier ni la chronologie de l’univers instituée par le livre de la Genèse, ni les aspects indéniablement barbares de certains passages de l’Ancien Testament (le sacrifice de la fille de Jephté, les multiples incestes de Loth, les brigandages de David). Le recours à la seule autorité du texte et au mystère des voies de Dieu ne suffit plus. Le XVIIIe siècle étant, selon le mot célèbre de Kant, « le siècle de la critique », il convient que tout se soumette au tribunal de la raison, même les textes sacrés. Quant aux peuples enfin, ils ne sont plus aussi fiévreux et les transes des convulsionnaires jansénistes se font de plus en plus rares. Cela ne tient pas simplement au fait que le Roi a interdit l’accès au cimetière Saint-Médard. Que le petit peuple soit mieux nourri est en revanche essentiel : les gens n’ont plus besoin d’attendre des miracles et de se réfugier dans les transes et les convulsions. Même parmi les multiples sectes qui sont nées du schisme protestant, la passion n’est plus très grande. À témoin les Quakers, auxquels Voltaire s’intéresse longuement dans les Lettres philosophiques : ils sont de moins en moins nombreux. « Je ne puis deviner, dit-il, quel sera le sort de la religion des Quakers en Amérique ; mais je vois qu’elle dépérit tous les jours à Londres »4. Car les fils de ces Quakers, auxquels toute responsabilité politique est interdite par la loi anglaise, se sont enrichis dans le commerce et ne songent désormais qu’à fuir l’autorité de leur secte afin de briller dans la société britannique dont la civilisation devient éclatante.
Bref Voltaire pense que l’heure de l’hallali a sonné pour le christianisme. C’est pourquoi il écrit durant ces années de nombreux textes de critique historique appliquée à la Bible. Dans ces textes, les mêmes thèmes reviennent sans cesse tel un leitmotiv. Par exemple ceux-ci : l’Ancien Testament n’a aucune valeur de vérité ; il est tissé de monstruosités ; le Nouveau Testament est plein d’extravagances et de sottises ; quant à l’Église, elle a inventé de toutes pièces des dogmes que l’on ne trouverait même pas à l’état de germes dans les textes sur lesquels elle se fonde. Longuement, inlassablement, adoptant souvent le style didactique, Voltaire développe la même argumentation. Ce n’est pas qu’il veuille détruire toute forme de religion. Au contraire il combat l’athéisme qu’il considère comme une forme atténuée de fanatisme et travaille ardemment à promouvoir le théisme. Le théiste, adepte d’une religion pure, ne saurait être atteint par le fanatisme. Voici comment Voltaire le définit dans le Dictionnaire Philosophique :
« Le théiste est un homme fermement persuadé de l’existence d’un Être suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les être étendus, végétants, sentants, et réfléchissants ; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses. Le théiste ne sait pas comment Dieu punit, comment il favorise, comment il pardonne ; car il n’est pas assez téméraire pour se flatter de connaître comment Dieu agit ; mais il sait que Dieu agit, et qu’il est juste. »
Dictionnaire philosophique, art. « Théiste »
Mais la plupart des chrétiens ne veulent pas s’en tenir à cette foi que Voltaire pense universellement présente sous l’habillage chatoyant de la multitude des religions positives. Non, les chrétiens prétendent savoir ce qu’est Dieu, comment Il agit et ils ont inventé, par le moyen de leurs théologiens, des dogmes aberrants, telle la transsubstantiation ou encore l’incarnation. Ces dogmes, dont la structure théorique est empruntée à la métaphysique grecque, ne sont pas tant des concepts que des chimères. Ces chimères, brillantes aux yeux du vulgaire, ont fait cristalliser sur elles les rages les plus folles. On finit par tenir à l’incarnation du Père éternel davantage qu’à ses propres parents ou qu’à sa propre vie. Au nom de cette croyance jugée délirante on se ferait martyr ou l’on massacrerait ses frères, l’écume à la bouche :
« Cette théologie raisonneuse est en même temps le plus absurde et le plus abominable fléau qui ait jamais affligé la Terre, s’écrie-t-il. Les nations anciennes se contentaient d’adorer leurs dieux, et n’argumentaient pas ; mais nous autres nous avons répandu le sang de nos frères pendant des siècles pour des sophismes. »
Dieu et les hommes [XXVIII, 238]
Cette folie qui s’est emparée des hommes les fait ressembler à « des tigres » et ces tigres sont sortis de « l’abîme des questions inintelligibles où se précipite le langage »5. Voltaire est véritablement fasciné par la folie furieuse sécrétée par le discours théologique. Il ne cesse d’y revenir, comme si le fanatisme était le centre magnétique de ses pensées. Dans le Dictionnaire philosophique, pour l’édition de 1769, 78 articles sur 118 concernent directement, par un biais ou un autre, les religions. À l’article « Philosophie », qui occupe quatre pages, plus de deux pages et demie sont consacrées à la persécution religieuse et à ses motifs. Dans l’Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven, il ne cesse de s’attacher à la question du fanatisme. Même dans les traités où il s’occupe de questions purement juridiques, il accorde une grande place à la dénonciation du fanatisme. À cet égard, soulignons que c’est la grande différence entre Beccaria et lui. Beccaria avait écarté au paragraphe XXXIX du Traité des délits et des peines les délits de nature religieuse – qu’il nomme « un genre particulier de délits ». Il s’était contenté d’un trait d’ironie mordante sur « la foule stupide (qui) prenait plaisir à ce spectacle » public qu’étaient les bûchers où « grillaient les viscères encore palpitants ». Puis il avait déclaré :
« Je ne parle ici que des délits qui sont le fait de l’homme naturel et qui violent le pacte social, et non pas des péchés, dont la punition, même temporelle, doit s’inspirer d’autres principes que ceux de la simple philosophie. »
Les « péchés » sont l’hérésie, la sorcellerie, le blasphème, le sortilège. Il n’en est pas question dans l’ouvrage de Beccaria qui, de fait, sécularise, nous dirions laïcise, la justice. En revanche chez Voltaire ces questions ont droit à une place de choix. Aussi cela donne lieu à quelques étrangetés. En voici une : quand il lit le titre de son opus de 1766, Commentaire sur le livre des délits et des peines, le lecteur s’attend à voir Voltaire reprendre et développer les thèmes du jurisconsulte italien. C’est la règle du genre. Or sur 23 sections, 7 (les § 3 à 9 inclus) sont exclusivement consacrées aux délits d’origine religieuse : § 3 « Des peines contre les hérétiques » ; § 4 « De l’extirpation des hérésies » etc., délits dont Beccaria ne dit mot. Tout se passe comme si Voltaire se situait en deçà de Beccaria. Pour ce dernier, l’affaire serait entendue : la justice de l’État et les questions religieuses sont distinguées, par conséquent, un traité sur la justice pénale n’a plus à tenir compte des prescriptions du droit canon. Il suffit donc d’écarter en une section le droit de l’Église catholique et d’annuler la légitimité de toute collusion entre lui et le glaive de la justice des hommes. Certes, Beccaria n’écarte pas entièrement la possibilité d’une sanction temporelle pour les délits strictement religieux, mais il exclut qu’elle relève du droit pénal. Implicitement, il reprend les thèses de John Locke : une Église est une société qui relève du droit privé et « les exhortations, les avis et les conseils sont les seules armes que cette société doive employer pour retenir ses membres dans le devoir. Si tout cela n’est pas capable de ramener les égarés, et qu’ils persistent dans l’erreur ou dans le crime [crime de nature religieuse : hérésie, blasphème, etc.], sans donner aucune espérance de leur retour, il ne lui reste alors d’autre parti à prendre qu’à les éloigner de sa communion. C’est le plus haut degré où le pouvoir ecclésiastique puisse atteindre ; et toute la peine qu’il inflige se réduit à rompre la relation qu’il y avait entre le corps et le membre qui a été retranché en sorte que celui-ci ne fasse plus partie de cette Église. »6
L’excommunication est donc la seule peine laissée aux Églises. Les principes du droit pénal, fondés sur la raison et par voie de conséquence sur la philosophie, ne doivent nullement être au service des sociétés religieuses et des exigences de leur droit canon. Mais Voltaire ne considère pas que cette position étant admise, le problème soit résolu. Il constate que les Parlements de son pays continuent de juger des affaires qui ne relèvent que de la religion (le chevalier de la Barre) ou dans lesquelles la religion prend une grande part (les Calas et les Sirven). Il voir partout le fanatisme à l’œuvre et il n’estime pas inutile de le dénoncer avec vigueur. Aussi disions-nous qu’il se place en deçà de Beccaria, car à ses yeux le problème de la religion n’est pas réglé, il est toujours d’une actualité brûlante et il mérite une place essentielle dans les traités sur la justice :
« Craignons toujours les excès où conduit le fanatisme. Qu’on laisse ce monstre en liberté, qu’on cesse de couper ses griffes et de briser ses dents, que la raison si souvent persécutée se taise, on verra les mêmes horreurs qu’aux siècles passés ; le germe subsiste : si vous ne l’étouffez pas, il couvrira la terre. »
Avis au public…, « Des suites de l’esprit de parti
et du fanatisme » [
XXV, 531]
« Le germe subsiste »… Voltaire parle souvent du fanatisme en termes médicaux. C’est une maladie, une pathologie. Voici comme il le définit dans le Dictionnaire philosophique, à l’article du même nom :
« Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. »
L’analogie proportionnelle met directement le fanatisme en relation avec des dérangements du corps. Le corps est tordu, convulsé par le transport et la rage : il en va de même pour l’âme dans le cas du fanatisme. Le fanatisme est la monstruosité spirituelle qui menace d’abolir l’esprit (et, nous le verrons, le corps social) comme le transport menace le corps physique de destruction. Il est remarquable que Voltaire prenne ici le contre-pied d’une tradition tenace, celle qui consiste à considérer l’hérésie comme une maladie redoutable qui ronge le corps social, analogue à la maladie organique qui ronge le corps humain. Depuis la fin du monde antique cette tradition est à l’œuvre. Elle sera particulièrement ravivée au XVIe siècle. Par exemple on peut lire dans l’Exhortation aux princes (1561) :
« Tout aussi comme au corps humain, lorsque quelque membre est pourri, il le faut démembrer de bonne heure avant qu’il ait jeté son mal plus haut… Aussi les sages du monde sont d’avis, que sur le premier abord des nouvelles opinions, il leur faut couper toute broche, par feux, par glaive et par mort : c’est assavoir, lorsque le nombre en est encore petit. »
Cette métaphore de l’hérésie comme maladie qui infecte le corps social et lui donne la fièvre ou le menace de gangrène se trouve encore un siècle plus tard chez Locke, dans son Essai sur la tolérance (1667)7. Le problème est alors de savoir comment traiter la maladie : faut-il détruire les hérétiques dangereux pour l’État comme on coupe un membre du corps ou faut-il employer des méthodes plus douces ? Mais Voltaire renverse la perspective. La maladie, ce n’est pas l’hérésie. L’espèce humaine est faible, inconstante, le savoir auquel elle peut prétendre est fini, limité. Les bornes sont partout et ce sont plutôt les vérités incontestables qui sont rares et peu nombreuses. Certes il y a les vérités de la géométrie, les vérités du droit naturel, les vérités de fait bien constatées, mais au-delà… il y a les partis et les factions, ce que Voltaire appelle au sens large les sectes, « ralliement du doute et de l’erreur »8. L’hérésie est donc un phénomène naturel. Tout le monde est l’hérétique de quelqu’un. Vouloir abattre une faction, un parti, une secte, au nom d’idées guère plus solides que les idées incriminées, voilà la maladie. Le porteur de germes n’est pas l’hérétique, mais le persécuteur, autrement dit le fanatique.
Or cette maladie guette toujours. Aux yeux de Voltaire, on ne préviendra jamais assez les hommes de ce dont est capable « la rage folle du fa...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Exergue
  6. Introduction
  7. I. Le révélateur
  8. II. L’horreur
  9. III. L’aurore
  10. Épilogue
  11. Bibliographie
  12. Table des matières
  13. Titres parus dans la même collection