Freud
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Freud

Le Sujet de la loi

  1. 128 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Freud

Le Sujet de la loi

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Table des matières
Citations

À propos de ce livre

Dès l'introduction, une première lecture historico-critique des rapports entre Freud, le politique et la loi explique pourquoi celui-ci est sûr d'avoir un enseignement à transmettre sur toutes ces questions. Elle révèle, en effet, son intérêt pour le sujet de la loi, qu'il est tenté, adolescent, d'aborder par le biais du droit, puis de la réforme sociale.

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Informations

Année
1999
ISBN
9782368475973

II
Le travail de la loi

À la question : où se situe le sujet de la loi ? Freud répond : dans le devenir-conscient (Je) du Ça inconscient. Mais si l’on demande à présent : où se situe l’instance dans laquelle s’origine ce devenir ? l’on pourrait répondre : quelque part entre la phylogenèse et l’ontogenèse, entre les lois de l’espèce et celles de l’individu. Cette réponse est pour l’heure très insuffisante, d’autant que ces deux termes, empruntés à l’œuvre du biologiste Haeckel, ne peuvent être transférés tels quels dans la psychanalyse, sans une certaine dose de naïveté1. Mais elle a le mérite de souligner la conception dynamique de la loi qui se dégage de l’œuvre de Freud. Le parallèle établi entre l’avènement du sujet à partir du Ça et le « travail de la culture » (Kulturarbeit)2 nous met sur la voie. La loi s’impose aux frontières du pulsionnel et du culturel, du collectif et de l’individuel, selon un mode d’existence que Freud nomme « travail », fait de répétitions, d’expériences nouvelles et de modifications. Cette notion vient compléter celle de décision. Avec la décision, l’éclairage était mis sur l’entrée dans la loi et sur la façon d’y adhérer. Avec le « travail », il s’agit de rendre compte de l’arête vive de la loi, du tranchant de la décision, prise par la collectivité (peuple, communauté etc.). L’enfant répète la décision, en la réinscrivant dans son entrée dans la loi, c’est-à-dire dans un brassage et un remaniement culturels de faits et de représentations qui font la loi.
La notion de « travail » s’impose comme la désignation la plus adéquate au type d’implication subjective et objective du sujet que suppose l’avènement de la loi. « Travail » doit s’entendre au sens de « procès de transformation ». Il serait erroné d’associer cette notion à l’idée d’un « travailleur », qui concevrait et programmerait son « chantier », comme l’on dit aujourd’hui, à partir d’un constat originel dont il posséderait toute la signification. La notion d’après coup est précieuse, au moment de comprendre que le sens du travail psychique, comme celui de la décision, sont toujours dans leurs effets, non dans leurs causes. Ce sont donc toujours des paris ratés sur le sens à venir. La loi est l’institution normative d’un sens qu’elle croit pouvoir ramener à l’accomplissement d’une synthèse (de type hégélien). Mais il n’y a pas de « sens/direction du symbolique », étant donné que celui-ci n’existe que dans son ajournement. Aussitôt posé, il se révèle autre. Une synthèse ne devient thèse que pour autant qu’elle est hantée par une altérité de structure.
Il convient à présent de décrire comment, selon Freud, la loi travaille, l’étoffe dont elle est faite, mais également le métier sur lequel elle remet sans cesse son ouvrage. Pour comprendre de manière psychanalytique l’effectivité de la loi, le mieux est de la distinguer de l’approche jungienne, que Freud n’a cessé de combattre, dès lors qu’il y a vu un détournement de la recherche psychanalytique. En effet, chez Jung, comme chez Freud, le but à atteindre est de rendre compte de la loi de l’individuation, autrement dit du fait qu’il existe du sujet. Tous deux partagent cette question : pourquoi y a-t-il du sujet plutôt que de l’inconscient ? Mais, tandis que Jung systématise sa réponse, en établissant l’existence d’un inconscient collectif, réservoir d’archétypes qui se spécifient dans l’individu, Freud refuse tout système doctrinal, y compris « métapsychologique »3, réservant la réponse au seul exercice d’une recherche scientifique sur l’homme qui intègre la méthode et les acquis de la psychanalyse. Cette méthode est « régressive-progressive » : elle consiste à régresser de l’infantile à la phylogenèse, puis à progresser de la phylogenèse jusqu’à l’infantile, enfin vers l’actualité du sujet. Pour autant, il n’existe pas de processus finaliste visant l’atteinte d’une totalité préexistante ou la réalisation d’une processus de totalisation, dans la description des formations psychiques et sociales, où se lit le sujet, parce que l’issue du combat existant entre les deux forces antagonistes que sont Éros et Thanatos, et partant, l’issue du travail de la loi, sont toujours incertaines.

Du droit naturel au droit positif

Décrivons cette incertitude dès les origines de la loi, entendue comme ensemble de « prescriptions » qui régissent les rapports des hommes entre eux et « observance des prescriptions », autrement dit comme le droit positif. Dans Pourquoi la guerre ? elle se situe dans son arrachement – qui se révélera irréversible – à un droit naturel : la violence. « Droit et violence sont aujourd’hui pour nous des opposés, dit Freud. Il est facile de montrer que l’un s’est développé à partir de l’autre »4. L’existence d’un « droit naturel » est attestée par la connaissance des lois de la nature humaine. L’homme ne doit pas s’exclure du règne animal, parce que, ce qui, au commencement, l’y rattache, est la force musculaire. Il s’agit d’une donnée biologique. Freud ira assez loin en ce sens, puisqu’au moment de discuter de l’égalité des droits entre les sexes, il écrira : « l’exigence féminine d’une égalité de droits entre les sexes n’a pas ici une grande portée, la différence morphologique ne peut pas ne pas se manifester dans des diversités du développement psychique. Le destin, c’est l’anatomie »5. Le droit, c’est donc d’abord le règne de la « puissance » la plus grande, de la violence brute, qui peut également être appuyée sur l’intellect (avec l’invention technique de l’outil). Puis vient le droit, que l’on appelle couramment « positif », convergence d’intérêts de la pluralité des individus contre la surpuissance exclusive de l’un d’entre eux. Celle-ci est brisée par l’union. Le père primitif (Urvater) est tué. Les fils/frères renoncent à leur rivalité et établissent les premiers droits, différents des interdits alimentaires et sexuels, les droits égaux à tous les membres de l’alliance des frères, le droit paternel (dont Freud reconnaît qu’il ne sait d’où il tire son origine, puisqu’il n’existe pas d’autorité qui mesure ce qui doit être considéré comme supérieur). Dès lors, s’ouvre un processus de stabilisation de l’union qui travaille avec la violence et le droit. Une violence s’institue, conforme au droit. « Tout le reste n’est que développements et répétitions. » Le droit exprime les rapports de puissance inégaux au sein de la communauté humaine, et suit leur redistribution. Surviennent le désordre et la progression. Le désordre consiste dans la tentative des maîtres de revenir du règne du droit à celui de la violence, mais aussi dans celle des esclaves d’obtenir de nouveaux droits plus conformes à leur nouvelle puissance acquise, et pour les voir inscrits dans la loi. Lorsque le conflit est trop vif, surgissent l’explosion sociale, la révolte ou la guerre civile. C’est la tendance lourde des rapports entre la violence et le droit. À l’origine, le droit n’est que violence brute et aujourd’hui encore il ne peut se passer du soutien de la violence. Voilà pour la méthode régressive.
Mais, qu’en est-il de la méthode progressive ? Elle porte sur la puissance des idées qui veut se substituer à la « puissance réelle ». Il s’agit de la construction de positions idéelles déterminées (notamment des idéaux de paix), en appui sur des liaisons de sentiment et des identifications, entre les individus d’une même communauté. Nous devons nous souvenir des acquis de Totem et Tabou et de l’Homme Moïse et la religion monothéiste. Si le droit est la première forme d’expression d’Éros, en tant que faculté d’instaurer une union stable et permanente qui s’oppose à la violence, il est également sublimation d’Éros, puisque cette union s’incarne socialement par l’interdit de l’inceste et du meurtre (pulsions dont l’exercice est antérieurement monopolisé par le père de la horde primitive). Cette progression est donc doublement marquée par Éros et par la « purgation » (la catharsis) de tout ce qu’un Éros illimité et sans contrôle contient de disposition à la possession de l’autre et à sa mise à mort. Ce travail de « purgation » est la première manifestation de la spiritualité, dont la première condition est le renoncement à la domination sensorielle au sens large. C’est la condition sine qua non de l’émergence de la loi. C’est alors que du Ça, qui n’enregistre que des traces pulsionnelles indifférenciées, se constitue l’instance du Moi. Les représentations de choses accueillent des représentations de mots. Le langage devient un objet en lui-même. Le discours se substitue partiellement à la violence, puis s’installe dans une rivalité avec elle.

Du droit sacré au droit divin

Pourtant, cette sublimation ne va pas de soi. Elle est indécidable, au sens où elle peut toujours ne pas avoir lieu. Elle peut également se défaire, puisqu’elle est remise en jeu, au moment du « retour du refoulé ». Si Freud a tenté d’illustrer l’atemporalité de l’inconscient par le refoulé, la temporalité n’est cependant pas étrangère à son approche, car l’essence du refoulement est dans la mise à l’écart et dans le retour de l’écarté. En fait, dès qu’il y a du temps, il y a de la réversibilité. Si l’on radicalisait la conception atemporelle de l’inconscient, l’on serait conduit à l’aporie conceptuelle d’une articulation impossible entre inconscient et refoulement. Là encore, il faut décider, comme l’ont fait les hommes « de la préhistoire », et s’en remettre à une conception symbolique plus « régionale » de l’inconscient. L’histoire fait bel et bien irruption dans la structure. La sublimation, qui est d’abord le résultat d’une décision de désexualisation (au sens où la sexualité est irrémédiablement associée au « roc biologique », à la musculature), est précédée d’un refoulement qui peut échouer, au moment où le sujet, entendu ici au sens de communauté et d’individu, doit s’approprier le refoulé qui fait retour. Ce refoulé se compose d’un double contenu : le pulsionnel et le sublimé. Le premier est violence, cannibalisme, meurtre et inceste, le second est spiritualité. Seule la prise en compte de ces deux aspects du retour du refoulé peut nous permettre de comprendre ce que peut être un retour à la barbarie. Quoi qu’on en ait, la barbarie est encore un retour culturel du refoulé. Freud évoque cette question dans sa remarque préliminaire à la première partie de l’Homme Moïse, lorsqu’il se plaît à affirmer que « dans le cas du peuple allemand on éprouve comme un soulagement, la délivrance d’un souci oppressant, à constater que la régression vers une barbarie presque préhistorique puisse aussi s’accomplir sans s’appuyer sur une quelconque idée de progrès »6. Il est pourtant étonnant qu’il n’ait pas recours à un concept dont il dispose depuis peu, pour désigner de manière plus adéquate ce qui est en train de se produire en Allemagne, à savoir celui de « culture de mort », dont l’œuvre consiste à prendre en charge la destruction de la culture de vie.
Les commentateurs de l’œuvre de Freud ont souvent mis l’accent sur le pulsionnel. C’est tout à fait compréhensible : Freud lui-même semble avoir passé l’essentiel de son temps à le faire émerger des actes et des pensées de ses patients, et des textes antiques qu’il a étudiés. Mais le second contenu du refoulé – le sublimé – est tout aussi important. En effet, l’on n’a pas assez souligné que la description que Freud nous donne du retour du refoulé est en décalage avec la conception d’ensemble qu’il en a. Or, le sublimé est ce qui peut nous aider à comprendre comment s’effectue le travail de la loi. Dans une lettre que Freud écrit à Lou Andréa Salomé, il tente d’expliquer sa thèse sur les religions : « les religions doivent leur puissance contraignante au retour au refoulé, ce sont des réminiscences de processus archaïques disparus, hautement effectifs, de l’histoire de l’humanité »7. Ces processus archaïques ne sont pas des pulsions, mais des « progrès dans la vie de l’esprit » des individus, qui éprouvent le sentiment de participer à la grandeur divine et d’être eux-mêmes élevés. Ils recouvrent « quelque chose de grandiose », ce sont des triomphes sur la « sensorialité », des renoncements aux pulsions. Ainsi donc, l’appropriation du refoulé par le sujet se produit au moment où les conflits pulsionnels et fantasmatiques ancestraux et leurs résolutions sublimatoires font retour. À l’héritage platonicien revendiqué par Freud à propos de sa conception de l’Éros, il nous faut donc ajouter deux éléments : la théorie de la réminiscence et l’idée. La réminiscence est surdéterminée par le refoulement, et l’idée est, comme le dit Lou Andréa Salomé, le Haut.
L’histoire – nous l’avons vu – fait irruption dans la structure. C’est là que se trouve le « défilé » de la loi. Or, le plus étonnant, c’est que Freud trouve la preuve de l’histoire dans la religion. « Nous croyons nous aussi, écrit-il, que la solution des gens pieux contient la vérité, non pas cependant la vérité matérielle, mais la vérité historique »8. Comme l’écrit Lou Andréa Salomé, « jusqu’ici nous nous représentions surtout sous l’expression “retour du refoulé” des exemples de processus névrotiques : on ne sait quoi d’injustement refoulé obsédait de façon inquiétante le névrosé de schèmes engourdis par le temps… ici, au contraire, nous nous trouvons devant des exemples de la survivance de ce qui fut un jour victorieusement le sommet de la vie »9. À dire vrai, il s’agit de cultures religieuses, réglementées sur le plan social par un droit divin. Or, après le meurtre du père, dit Freud, « la première forme d’organisation sociale vit le jour, avec renoncement aux pulsions, reconnaissance d’obligations mutuelles, mise en place de certaines institutions déclarées inviolables (...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Introduction
  7. I. Avènement du sujet et entrée dans la loi
  8. II. Le travail de la loi
  9. III. Considérations actuelles sur le sujet de la loi
  10. Conclusion
  11. Bibliographie
  12. Table des matières
  13. Du même auteur
  14. Titres parus dans la même collection