Montesquieu
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Montesquieu

Liberté, droit et histoire

  1. 320 pages
  2. French
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Montesquieu

Liberté, droit et histoire

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Ce volume double propose une lecture de L'Esprit des lois de Montesquieu, cette somme fondatrice de la philosophie politique que plus personne ne prend le temps de lire. Certains des principes fondamentaux de nos démocraties modernes, comme la fameuse séparation des pouvoirs, s'y formulent pour la première fois.

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Informations

Année
2010
ISBN
9782841866076

1

La théorie de la loi

(Livre I)

Le livre I s’ouvre sur une définition des lois, célèbre et paradoxale : « Les lois, dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses » (I, 1).
Cette définition, dit-on généralement, marque une véritable « révolution méthodologique » dont son auteur doit être crédité ; elle embrasse les lois de la nature et celles qui gouvernent les sociétés, franchit le pont qui sépare la nécessité et l’universalité de la finalité et de la liberté. Montesquieu met en continuité le sens normatif de la loi (commandement religieux, politique ou moral) et son sens scientifique moderne (relation constante entre des variables observables) ; il subsume l’indicatif et l’impératif sous une même définition originaire de la loi.
Destutt de Tracy, dans son Commentaire sur L’Esprit des lois de Montesquieu (1819), s’indignera de cette univocité de la loi : « une loi n’est pas un rapport, et […] un rapport n’est pas une loi » ; la loi est une « règle prescrite par une autorité que nous regardons comme ayant le droit de faire cette loi »1. Cette critique éclaire le sens de la définition de Montesquieu et en manifeste l’originalité : sa position peut être qualifiée de rationaliste, ou du moins d’anti-volontariste.
Les « rapports », comme l’a bien vu Hume, peuvent s’entendre aussi bien comme des relations morales que comme des régularités empiriques : en adoptant la définition de la « loi-rapport », Montesquieu n’introduit pas de distinction liminaire entre être et devoir-être. L’Enquête sur les principes de la morale critique ainsi une conception de la justice qui « suppose que tout droit se fonde sur certains rapports ou relations » ; ce qui est nommé ici une « théorie abstraite de la morale » doit être réfuté, en raison même de son abstraction2.
La critique des théologiens est tout aussi éclairante. Accusé de spinozisme, c’est-à-dire de nécessitarisme, Montesquieu répond ironiquement dans la Défense de L’Esprit des lois : « L’auteur a dit que les lois étaient un rapport nécessaire : voilà donc du spinosisme, parce que voilà du nécessaire »3.
Or Montesquieu, à l’évidence, n’entend pas nier que la loi positive puisse être le fait d’une volonté. Mais il rend précisément problématiques la nature et le contenu de cette volonté : son objet est de critiquer le volontarisme juridique, l’association de la loi à la volonté plutôt qu’à la raison.
Dans le monde politique, la forme de gouvernement qui entendra réduire la loi au seul décret ou au seul caprice du prince est le despotisme, régime de l’arbitraire pur. En affirmant que toute loi est rapport ou relation, Montesquieu rend donc délicat son rapport à la volonté du législateur divin ou humain : une véritable loi ne saurait être un pur décret, le « pur acte de puissance »4 d’une volonté qui, pour légiférer, ne considèrerait que ce qu’elle veut (son « bon plaisir », son « caprice ») ; une loi arbitraire n’est pas une véritable loi (et les lois despotiques ne seront pas de véritables lois). Dire que la loi est relative à la nature des choses revient donc à refuser que le phénomène juridique relève d’une pure décision, émanant d’une volonté habilitée à dire le droit ; la loi, y compris juridique, doit se comprendre en relation avec les multiples facteurs (naturels, politiques, économiques, religieux, sociaux) dont elle dérive et auxquels il faudra qu’elle convienne.
À cet égard, la définition univoque de la loi, associée à l’affirmation de l’universelle légalité du monde (« tous les êtres ont leurs lois »), n’abolit pas la différence entre les types de lois ou entre les ordres de lois. Bien au contraire, l’objet de L’Esprit des lois est de distinguer les ordres de lois, d’éviter de les confondre pour mieux les articuler.
Au début du livre XXVI, Montesquieu énoncera ainsi son projet : « Les hommes sont gouvernés par diverses sortes de lois », par le droit naturel, par le droit canonique, par le droit des gens, par le droit politique etc. : « Il y a donc différents ordres de lois ; et la sublimité de la raison humaine consiste à savoir bien auquel de ces ordres se rapportent principalement les choses sur lesquelles on doit statuer, et à ne point mettre de confusion dans les principes qui doivent gouverner les hommes » (XXVI, 1, n. s.). En ce sens, la définition univoque de la loi n’est qu’un point de départ : elle fournit le maximum d’unité à partir duquel pourront s’opérer les différenciations entre les régimes normatifs qui, de la religion aux mœurs en passant par les différentes formes de droit, gouvernent réellement les hommes.
Il faut donc repartir de la diversité des lois : « tous les êtres ont leurs lois : la divinité a ses lois, le monde matériel a ses lois, les intelligences supérieures à l’homme ont leurs lois, les bêtes ont leurs lois, l’homme a ses lois ». L’objet de Montesquieu est d’abord de montrer que ces lois sont toutes des rapports, conformément à sa définition : les lois de la nature, à savoir les lois du mouvement en vertu desquelles « chaque diversité est uniformité, chaque changement est constance », sont telles que les rapports entre masse et vitesse demeurent toujours constants ; quant aux lois morales, ce sont des rapports d’équité dont la vérité est analogue aux vérités mathématiques. Or l’homme, à la fois intelligent et sensible, ne suit pas toujours ces lois morales. Le chapitre l’établit au moyen d’une démarche par encadrements successifs : Dieu et le monde matériel aux extrêmes, puis les êtres intelligents et purement sensibles (les bêtes) ; enfin l’homme, être intelligent et sensible qui occupe en quelque sorte le milieu, qui n’est pas un centre. Cet encadrement doit permettre de cerner ce que l’on pourrait nommer la place de l’homme : l’homme est-il un empire dans un empire ? Est-il un être, non seulement capable de loi, mais suivant des lois ?
« La divinité a ses lois. Le monde matériel a ses lois » : de prime abord, Montesquieu pose l’absolue nécessité des lois qui gouvernent conjointement Dieu et la Nature, le créateur et la création inanimée. La démonstration de l’existence de Dieu est d’abord opérée contre la « fatalité aveugle » des spinozistes ; mais paradoxalement, cette démonstration doit permettre de parvenir au même résultat que ceux-ci : « Ainsi la création, qui paraît être un acte arbitraire, suppose des règles aussi invariables que celles des athées ».
Montesquieu semble soucieux d’éviter certaines critiques qui ne manqueront pas de lui être adressées (sa cosmologie nécessitariste s’apparenterait à du spinozisme, c’est-à-dire au fond à du matérialisme ou à de l’athéisme), et d’autre part de restreindre la toute-puissance divine en la soumettant à des lois. Il s’agit de montrer que la création n’est pas l’acte arbitraire d’une volonté absolument libre, au sens où elle serait sans règles, absolue. Certes, afin d’établir la continuité entre les lois de la création et celles de la conservation par le fait que Dieu agit toujours de la même façon, Montesquieu reprend à son compte l’argumentation cartésienne soutenue dans les Principes (II, § 36-39) et dans le chapitre VII du Monde. Mais Montesquieu en conclut que la conservation du monde est aussi nécessaire que sa création. Comme Malebranche, il soutient que Dieu ne peut être conçu comme un despote agissant arbitrairement, par son seul caprice.
Déterminer la place de l’homme suppose cependant de le situer précisément par rapport à ce qui est au-dessus de lui et au-dessous de lui au sein de la création5. Ainsi L’Esprit des lois convoque-t-il successivement les « êtres particuliers intelligents » et les bêtes afin de déterminer le type de légalité qui les gouverne. Montesquieu le soutient d’abord contre Hobbes : les natures rationnelles sont soumises à des lois, elles sont liées par des « rapports d’équité » antérieurs à toute loi positive. Le couple Spinoza-Hobbes fonctionne ici ensemble, comme c’est le cas chez de nombreux contemporains (Pufendorf, Malebranche, Clarke…). Montesquieu s’en écarte notamment afin de prévenir les accusations d’athéisme et d’immoralisme qui ne sauraient manquer de s’abattre sur lui. La censure, a posteriori, lui donnera raison, et lui donnera l’occasion d’associer les deux philosophes : « L’auteur a eu en vue d’attaquer le système de Hobbes, système terrible, qui, faisant dépendre toutes les vertus et tous les vices de l’établissement des lois que les hommes se sont faites, et voulant prouver que les hommes naissent tous en état de guerre, et que la première loi naturelle est la guerre de tous contre tous, renverse, comme Spinoza, et toute religion et toute morale ».
Contre Hobbes et Spinoza, Montesquieu tient en quelque sorte à montrer patte blanche en affirmant qu’il existe une justice par nature (« Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste », Mes pensées, 1908). À l’évidence, l’opposition au positivisme juridique semble réinscrire l’ouvrage dans la tradition du droit naturel : « avant qu’il y eut des lois faites, il y avait des rapports de justice possibles. Dire qu’il n’y a rien de juste ni d’injuste que ce qu’ordonnent ou défendent les lois positives, c’est dire qu’avant qu’on eût tracé de Cercle tous les rayons n’étaient pas égaux »6. De nombreux lecteurs s’offusqueront du jusnaturalisme ainsi réintroduit : soit qu’ils y voient des « résidus métaphysiques » peu compatibles avec la suite de l’ouvrage, soit, comme Althusser, qu’ils y voient un acte d’allégeance à la tradition la plus fade7, au moment même où Montesquieu est supposé apporter une véritable révolution dans la méthode en s’intéressant aux législations positives et à l’histoire réelle des sociétés.
S’agit-il donc bien de cela ? La proximité apparente avec la tradition jusnaturaliste ne doit pas induire en erreur. Les exemples énumérés au § 9 ne renvoient nullement aux grandes lois du droit naturel moderne, que l’on résume généralement dans la formule « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ». Cette formule de réciprocité, qui accorde l’amour de soi et la sociabilité dans le droit naturel moderne, sera mentionnée au livre X, chap. 3, et qualifiée de « loi de la lumière naturelle ». Mais au livre I, le texte énumère une liste de rapports d’équité (rapports de l’être intelligent avec la société, avec son créateur, avec son semblable). Ce sont des impératifs hypothético-déductifs sous la forme du si… alors, qui posent l’existence de rapports entre êtres possibles, de telle sorte qu’il soit donné à chacun ce qui lui revient : « Il faut donc avouer des rapports d’équité antérieurs à la loi positive qui les établit : comme, par exemple, que, supposé qu’il y eût des sociétés d’hommes, il serait juste de se conformer à leurs lois ; que, s’il y avait des êtres intelligents qui eussent reçu quelque bienfait d’un autre être, ils devraient en avoir de la reconnaissance ; que, si un être intelligent avait créé un être intelligent, le créé devrait rester dans la dépendance qu’il a eue dès son origine ; qu’un être intelligent, qui a fait du mal à un être intelligent, mérite de recevoir le même mal ; et ainsi du reste ». Les obligations morales de la tradition jusnaturaliste deviennent des relations de convenance8 entre des êtres moraux en position d’égalité ou de subordination ; alors que les règles de la sociabilité fondatrices du droit naturel étaient exprimées chez Grotius sur un mode impératif (ne pas faire de tort, réparer les dommages et respecter la propriété, tenir ses engagements), L’Esprit des lois fournit ici une liste d’exemples, sans principe fondateur, sans ambition systématique.
Montesquieu ne s’engage donc ni dans les voies anciennes de la loi naturelle, ni dans les voies modernes qui tentent de concilier, par l’impératif de réciprocité, sociabilité et amour de soi ; il exclut toute superposition entre droit naturel et morale. La distinction est nette entre les rapports d’équité concernant l’être intelligent et les « lois de la nature » qui dérivent de son être animal ou sensible : les lois découvertes à l’état de nature – désir de paix, de nourriture, de partenaires sexuels et sociaux afin de vivre ensemble – sont issues du désir de conservation, antérieurement au développement de la raison. Dans l’état civil, les lois naturelles permettant de déclarer iniques certaines lois civiles se limiteront à la défense naturelle et à la pudeur naturelle ; dans le prolongement des inclinations naturelles de l’homme, ce seront des tendances éprouvées ou « senties » plutôt que des préceptes normatifs, rationnels ou moraux.
La raison de l’écart entre Montesquieu et la tradition du droit naturel moderne tient notamment à la nature des « êtres intelligents » que Montesquieu distingue des êtres physiques. L’affirmation constitue véritablement le cœur du chapitre : « Mais il s’en faut bien que le monde intelligent soit aussi bien gouverné que le monde physique ». Le cas de l’homme, être physique et intelligent à la fois, est singulier car il cumule les facteurs d’inconstance associés à sa sensibilité, à son intelligence bornée et à l’existence de sa liberté. De ce point de vue, le premier chapitre de L’Esprit des lois entend établir à la fois l’universelle légalité et la variation continue des degrés de nécessité.
La différence s’introduit dans le degré de nécessité qui régit les êtres, dans le degré de probabilité avec lequel ils suivent leurs lois : certes, en tant qu’être moral, l’homme est théoriquement soumis à des lois dont la nécessité est absolue. Mais ces lois sont affectées dans leur application d’une certaine contingence. Or c’est cette contingence associée à la nature d’être ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Dédicace
  6. Conventions
  7. Avant-propos
  8. Introduction. Une « science nouvelle » ?
  9. 1. La théorie de la loi(Livre I)
  10. 2. Typologie des gouvernements(Livres II à VIII)
  11. 3. De la modération à la liberté(Livres IX à XIII)
  12. 4. La diversité des sociétés : causes physiques, causes morales(Livres XIV à XXV)
  13. 5. L’histoire de la féodalité(Livres XXVIII, XXX, XXXI)
  14. Conclusion. De la convenance à la modération(Livres XXVI, XXIX)
  15. Bibliographie
  16. Table des matières
  17. Collection dirigée
  18. Titre parus dans la même collection