Le deuil de la sagesse
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Le deuil de la sagesse

Les sages ont-ils disparus de notre société?

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Le deuil de la sagesse

Les sages ont-ils disparus de notre société?

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La sagesse a-t-elle définitivement disparu? Pris dans l´engrenage capitaliste, peut-être ne savons-nous plus percevoir ses manifestations ni reconnaître ceux qui la personnifient. Dès l'Antiquité, les philosophes ont prôné la sagesse comme un idéal à suivre pour guider les hommes vers une société stable et harmonieuse.Or, depuis lexixesiècle, le modèle de vie bourgeois nous a fait oublier les valeurs humaines et le respect que nous devons à la nature au point quel'injustice, la violence, la pollution, etc. font désormais partie de notre quotidien. Pourtant, aujourd'hui, des signaux marquent une volonté grandissante de revenir vers plus de simplicité et des voix s´élèvent pour redonner de l´importance au senscommun. Redécouvrons le sage qui est en chacun de nous...

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Informations

Année
2022
ISBN
9782356449566

– VI –

La sagesse collective, une illusion perdue ?

Tant qu’un Peuple est contraint d’obéir et qu’il obéit, il fait bien ; sitôt qu’il peut secouer le joug et qu’il le secoue, il fait encore mieux ; car, recouvrant sa liberté par le même droit qui la lui a ravie, ou il est fondé à la reprendre, ou l’on ne l’était point à la lui ôter. Mais l’ordre social est un droit sacré, qui sert de base à tous les autres.1
Jean-Jacques ROUSSEAU
Certains philosophes éclairés des XVIIe et XVIIIe siècles avaient la certitude de l’existence d’une sagesse collective à laquelle ils attribuaient l’origine du gouvernement démocratique et qu’ils rendaient responsable du fonctionnement harmonieux de toute société. Pour eux, les hommes naissent libres et égaux mais perdent cet « état de nature » à la naissance pour assouvir leurs intérêts immédiats ; ce qui n’a d’autre conséquence que d’instaurer un « état de guerre ». Pour l’éviter, la communauté, unie pour le bien commun, décide de se constituer en société et de se placer volontairement sous l’autorité d’un gouvernement qui doit garantir à tous les citoyens l’égalité et la liberté qu’ils ont perdues, mais aussi le confort, la sécurité, la paix et la jouissance de leurs biens. Ce « contrat social » est un pacte de confiance entre une majorité qui légitime consciemment le pouvoir d’une minorité qui la représente, à condition qu’elle lui assure ses droits élémentaires. Dans l’idéal, si le peuple est insatisfait de ses serviteurs, le pacte est rompu et le pouvoir leur est retiré. Chacun sait aujourd’hui que tout ceci n’est qu’une illusion…
Il ne faut pas aller chercher les causes du dysfonctionnement du « contrat social » plus loin que dans le texte le plus célèbre que la France ait pu produire. Si l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen établit la liberté et la propriété comme des droits « naturels et imprescriptibles », les articles 4 et 17 insistent sur leur caractère individuel – un détail qui relègue dès le départ l’intérêt commun au second rang. Depuis 1789, le contrat social repose donc sur une duperie qui favorise les notables qui, les siècles passant, ont eu libre cours pour céder à leurs penchants individualistes ; comme le reste de la population d’ailleurs qui, en s’enrichissant, a aussi allègrement piétiné ce pacte civil qui devait faire que la République favorise le bien commun. En effet, selon Rousseau, pour que ce pacte républicain fonctionne, chaque citoyen est censé se soumettre tout entier à la collectivité et obéir au souverain qui la représente d’une manière juste.
La sagesse collective s’est rapidement envolée, impuissante qu’elle était face aux intérêts particuliers des contractants. On peut reprocher aux élites politiques de ne pas avoir respecté leurs engagements pour assouvir leurs ambitions personnelles. Ont-elles tout fait pour défendre les droits des citoyens, la morale et les valeurs républicaines, la justice sociale ? Certes, non. Qui aurait fait mieux pour atteindre des idéaux, de toute façon, inaccessibles ?
Il serait trop facile de rendre nos représentants coupables de tous les maux quand chaque citoyen a le devoir de se demander ce qu’il fait, lui, pour la communauté et quelle importance il accorde à la « chose publique ». Trop peu, sans doute, peuvent justifier d’un investissement social ou d’un engagement associatif. Il est devenu difficile de trouver des bénévoles qui veulent bien consacrer de leur temps aux autres. Les bancs des partis politiques sont aussi vides que ceux des églises, parce qu’on ne croit plus. L’évolution constante de l’abstention, tant aux élections municipales (+ de 30 % depuis 1995, sans compter celles faussées par le Covid-19 en 2020) qu’aux élections présidentielles (+ de 20 % depuis 2012), montre que le premier acte citoyen est négligé par plus d’un tiers des Français. Cette absence de civisme rend le contrat social caduc.
Ainsi, l’ordre et l’harmonie sociale démocratiques, tels que les rêvaient les penseurs des Lumières, ne sont pas assurés dans la mesure où nos représentants ne sont pas légitimes, parce que mal élus et, il faut bien le dire, parce que l’intérêt général est négligé par le plus grand nombre.
Si désir il y avait d’avancer de nouveau vers une sagesse collective, il faudrait appliquer pour de bon le contrat social originel – ce qui impliquerait de réviser l’un de nos textes fondateurs et qui reviendrait à remettre en cause la démocratie représentative, de fait, l’oligarchie en place.
Dans cette perspective complexe, peut-être serait-il suffisant de relire la deuxième Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, celle méconnue de 1793.2 Ce texte comporte 35 articles, soit plus du double de celle de 1789. Plus précise, elle définit dès l’introduction la nature sociale du gouvernement en rappelant les devoirs du magistrat et la mission du législateur en tant que représentant du peuple. L’article premier, totalement nouveau, a son importance :
Article 1er – Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.
Quel dessein est plus sage pour une société que celui d’instaurer le bonheur commun ? En faisant de la félicité un objectif collectif dès le premier article, cette déclaration entend mettre un terme aux querelles d’un peuple français divisé pour faire naître une nation, reléguant ainsi les différences et les ambitions individuelles au second rang – ce qui n’est pas le cas dans le texte de 1789. La Déclaration de 1793 précise dans les articles qui suivent, les moyens nécessaires à l’accomplissement de cet objectif. Sans qu’elle soit nommée, les articles insistent sur la nécessaire sagesse des citoyens et de leurs représentants. Si les mots « vertus » et « sacré » sont utilisés dans la version de 1789, ceux de « morale » et « justice » apparaissent en 1793 :
Article 6 – La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qui te soit fait.
Par ailleurs, cette deuxième Déclaration est sévère à l’égard des représentants du peuple qui tromperaient la confiance qui leur a été accordée, comme s’il fallait se prémunir de garde-fous contre une autorité naturellement encline à dépasser ses prérogatives :
Article 12 – Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des ordres arbitraires sont coupables, et doivent être punis.
[…]
Article 27 – Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l’instant mis à mort par les hommes libres.
Il est de bon sens que les citoyens issus de la souveraineté populaire aient des comptes à rendre au peuple lorsqu’ils abusent du pouvoir dont on les a investis, soit par leur comportement, soit par leurs décisions. En n’ayant aucun article de ce type, la Déclaration de 1789 ouvre la porte à de possibles violations des droits naturels de l’homme et met en péril le bonheur commun au profit d’intérêts personnels.
En 1793, nombreux sont les articles qui définissent et légitiment le cadre d’une réaction populaire dans le cas où le gouvernement outrepasse ses fonctions :
Article 9 – La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent.
[…]
Article 28 – Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
[…]
Article 34 – Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
[…]
Article 35 – Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
À la lecture de ces articles, on comprend que la version de 1793, de teneur jacobine, n’ait pas été retenue par la classe dirigeante qui se voyait freiner dans ses actes et ses intérêts par la volonté générale. D’une certaine manière, ces articles autorisent la sagesse collective à s’exprimer par l’insurrection lorsque le corps social se sent lésé, floué ou exploité par une minorité de décideurs, alors considérés comme des usurpateurs.
Dans la version de 1789 passée à la postérité, si on ne fait pas référence au « droit d’insurrection », dangereux pour le maintien de la paix civile et la stabilité du régime en place, la « résistance à l’oppression » reste un droit inaliénable (art. 2), sans que l’on en définisse toutefois les moyens d’action. L’usage de la violence est indirectement légitimé, d’où la nécessité de l’encadrer par la loi (art.7) et par la force publique (art. 12 et 13). On comprend que, par la suite, les gouvernements successifs se soient attachés à « dociliser » le peuple. Il a fallu un siècle pour ancrer le pacifisme républicain dans le cerveau des esprits belliqueux qui ont troublé l’ordre public en France durant tout le XIXe siècle.
Plus de deux siècles plus tard, quelle qu’en soit la cause, on présente les révoltes populaires comme un trouble à l’ordre public républicain. Pourtant, dans l’esprit des Lumières, ce droit de « résistance à l’oppression » est une arme de la sagesse collective qui fait appel au « sens commun » du peuple – c’est-à-dire à sa faculté de juger ce qui est bon pour lui ou ce qui ne l’est plus. Lorsqu’il l’estime raisonnable, le peuple a le droit de réparer les dommages subis et d’empêcher les méfaits que l’on projette sur lui. En d’autres termes, on a doté le peuple d’un « pouvoir fédératif » qui lui donne le moyen de punir les infractions qui vont contre les lois de la nature. Si un gouvernement n’obtient ni le contentement ni le consentement du peuple, il est considéré comme un usurpateur dont on peut prévenir et réparer les méfaits en le chassant du pouvoir. Dans ce cas exceptionnel, la violence n’est pas condamnable car elle est considérée comme une loi de la nature en cas de « légitime défense ». Ajoutons que la violence est inhérente à l’action des foules. Avant de la discréditer et de la réprimer, il conviendrait d’abord de se demander si elle exprime un juste mécontentement.
* * *
À l’heure où l’état de la France alarme les hommes et les femmes capables de raisonner, peut-on dire que le peuple français est victime d’une oppression qui lui donnerait le droit de se soulever contre ses représentants ? Les signes sont objectivement mauvais. Beaucoup de gens « ordinaires », se sentant déconsidérés, critiquent une démocratie libérale qui les néglige et une République dans laquelle les gouvernements successifs ne travaillent pas à la construction de leur bonheur. L’impression semble désormais répandue que les décisions des élites dirigeantes du public et du privé sont en décalage avec les attentes et les valeurs de la population. Si elles ne sont pas forcément « oppressives », dans le sens de « contraignantes », ces décisions peuvent être considérées comme « oppressantes » – c’est-à-dire comme étant la cause d’un malaise moral.
Car malaise moral il y a. Une terreur douce et invisible s’est installée, qui n’est perceptible que par les maux qu’elle engendre : anxiété, stress, insomnie, burn out, dépression, bipolarité, troubles obsessionnels, obésité, suicides, addictions diverses… Les habitants des pays dits « développés » sont les plus gros consommateurs de psychotropes. Un soma3 ?...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Titre
  3. Copyright
  4. Exergue
  5. Sommaire
  6. I. « Sois sage ! »
  7. II. Les sages d'antan
  8. III. Qui a tué Sophia ?
  9. IV. Sagesse, je te hais.
  10. V. Le fou qui vend la sagesse
  11. VI. La sagesse collective, une illusion perdue ?
  12. VII. La sagesse individuelle, l'affaire de tous
  13. VIII. Le monde d'après…