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Comprendre la philosophie de Marx suppose de garder à l'esprit l'itinéraire intellectuel et social de celui qui est souvent présenté comme un prophète des temps modernes. Cet ouvrage propose de suivre cet itinéraire par lequel Karl Marx se libéra progressivement des multiples déterminismes issus de son époque comme de ses origines pour révolutionner conjointement la philosophie, l'économie et la théorie politique.

Si nombreux sont les théoriciens ou les militants qui se sont réclamés du marxisme, à l'exception notable et paradoxale de Marx lui-même, la connaissance de la pensée marxienne implique en effet de se pencher sur son évolution historique et sur les multiples rapports que le philosophe entretint avec les penseurs de son temps. Cet ouvrage propose de redécouvrir l'évolution de la pensée d'un auteur dont l'existence entière fut vouée à la mise en œuvre d'un projet critique, visant à esquisser les conditions d'une libération des masses opprimées. Il s'agit de reconstituer la manière dont Marx a révolutionné la philosophie afin de libérer les citoyens du monde du carcan économique qui conditionne leur conscience même et de briser les chaines imposées par la vie.

Christine Noël Lemaitre est maîtresse de conférences, habilitée à diriger des recherches, au département de philosophie d'Aix Marseille Université. Directrice de ce département depuis 2018, elle développe ses recherches au sein de l'Institut d'Histoire de la Philosophie UR 3276, en particulier dans le champ de la philosophie sociale, de l'histoire de la philosophie moderne et contemporaine et de l'ergologie, approche philosophique proposant de comprendre l'activité humaine pour la transformer.

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Informations

Année
2021
ISBN
9782340056657

Partie II
Révolutionner la conception du travail et son organisation

Quelle question doit être au point de départ de la philosophie ? Pour Marx, le travail n’est pas seulement une question d’importance majeure, c’est le fondement même de la philosophie, la question centrale à partir de laquelle il est possible de comprendre le développement historique des sociétés humaines et de leur idéologie. Cette affirmation est posée dès l’Idéologie allemande où la question de la manière dont les hommes peuvent vivre, c’est-à-dire assurer la production de leurs moyens de subsistance est posée comme la présupposition première de toute existence humaine. S’intéresser à la manière dont les hommes font histoire c’est en première instance se pencher sur la manière dont ils peuvent le faire, c’est-à-dire l’organisation concrète des moyens de production par laquelle ils tirent de la nature ce qui leur permet de satisfaire leurs besoins. La production est bien plus qu’un fait historique, c’est la condition fondamentale de l’histoire de l’humanité. Pour Richard Sobel, le travail n’est pas seulement un thème important dans la pensée de Marx. Il en constitue la « pierre angulaire » dans la mesure où
« l’œuvre de Marx articule intimement une anthropologie générale du travail, une socioéconomie du travail et une philosophie sociale du travail […] Le noyau dur de la philosophie de Marx est une anthropologie qui dégage une définition unique et universelle du travail comme socle de la condition humaine1 ».
Selon l’interprétation de Emmanuel Renault, dans la philosophie de Marx, l’analyse du travail se déploie à trois niveaux différents : comme « procès de travail », comme force de travail et comme élément du rapport social2. Le travail est ainsi une activité productive c’est-à-dire une activité au service de la production. L’organisation du procès de production et son articulation avec le procès de valorisation conduit à déposséder progressivement le travailleur de son activité. En tant que force de travail, il est une marchandise. Marx appréhende dès lors le travail sous une forme qui lui revient spécifiquement dans le capitalisme. Enfin, Marx envisage le travail comme un élément du rapport social, c’est-à-dire du point de vue de son rapport avec le capital. Le travail est analysé ici sous l’angle des processus de mise au travail des individus à partir du rapport salarial.
1. R. Sobel, Capitalisme, Travail et Émancipation chez Marx, PUS, 2012, p. 16-17.
2. E. Renault, « Comment Marx se réfère-t-il au travail et à la domination ? » Actuel Marx, p. 24.

§1. Partir du travail

Si le travail est chez Marx le point de départ nécessaire de toute réflexion sur l’homme, il est également ce qui permet de différencier la nature humaine et la nature animale. L’animalité par opposition à l’humanité a été définie différemment dans l’histoire de la philosophie, à partir de la prédominance de l’instinct, du langage ou encore de la sociabilité. L’animal serait ainsi esclave de son instinct, enfermé dans un comportement inné, commun à tous les membres de son espèce, tandis que l’homme caractérisé par son libre-arbitre se caractériserait par la raison. Pour Aristote, l’homme doué du logos peut entrer en contact avec les autres membres de son espèce par la parole, faculté politique essentielle. L’homme serait ainsi un animal certes, mais un animal politique qui a besoin de faire société. Pour Descartes, la distinction entre l’homme et l’animal peut être pensée sur la différence existant entre l’homme et la machine. C’est l’absence de langage des animaux qui révèle le plus distinctement la différence de nature existant entre ces deux espèces. Descartes porte la différence entre l’homme et l’animal à son comble en réduisant l’animal à un simple mécanisme similaire aux machines automates incapables de la moindre pensée. Pour Marx, la différence essentielle entre l’homme et l’animal surgit à partir de la manière dont ils assurent la satisfaction de leurs besoins. La clef de cette différence est dans la capacité proprement humaine de produire ses moyens d’existence.

La double nature du travail humain

L’homme, dans son développement historique, ne s’est pas contenté de cueillir les ressources de son milieu pour assurer ses besoins immédiats. Il a entrepris d’exploiter ces ressources pour sécuriser la satisfaction de ses besoins et de tenter de dompter son milieu à cette fin. L’homme ne se contente donc pas de vivre dans son milieu, il cherche également à adapter son milieu à ses besoins propres. Et en transformant la nature en ce sens, l’homme se transforme lui-même. Le travail fait ainsi partie du processus d’hominisation, il est une activité par laquelle l’homme devient homme. Dans un texte bien connu, du chapitre 7 du Capital, Marx définit le travail comme cette transformation de la nature par laquelle l’homme vient à se transformer lui-même. L’homme met en mouvement dans le travail les forces dont son corps est doué afin d’assimiler la matière pour lui « donner une forme utile à la vie ». Faisant cela, « il modifie sa propre nature et développe les facultés qui y sommeillent1 ».
L’homme n’est pas défini par Marx comme doté d’une essence dans laquelle il serait enfermé une fois pour toutes. C’est par leur activité pratique que les hommes se font ce qu’ils sont. Par le travail, l’homme devient un produit de la nature, puis il en devient le producteur. L’homme se présente « face à la matière naturelle comme une puissance naturelle lui-même. […] Mais en agissant sur la nature extérieure et en la modifiant par ce mouvement, il modifie aussi sa propre nature2 ». Cette transformation de l’homme par son travail est possible car c’est l’intentionnalité qui distingue l’instinct animal du travail humain. C’est le sens de la métaphore de l’architecte et de l’abeille présentée par Marx au chapitre 7 du premier livre du Capital. Si sous certains aspects le travail du tisserand peut mimer l’ouvrage de l’araignée dans la manière dont elle tisse sa toile, ou si la régularité de l’abeille peut tromper l’observateur, le plus mauvais architecte se distingue des abeilles par sa capacité à se représenter dans son esprit la fin de sa tâche et les diverses étapes qui pourront le conduire à la concrétiser. Cette capacité à imaginer un objectif, à s’en forger une idée de plus en plus précise et à déployer une série d’actions ajustées aux circonstances ne peut caractériser que le travail humain. Sur ce point les écrits de Marx préfigurent avec un siècle d’avance les travaux développés par l’anthropologie technique d’André Leroi-Gourhan.
Le travail ainsi défini par Marx est l’expérience de la non-naturalité de la conscience humaine. En travaillant, l’homme prend conscience que la nature lui résiste et il prend conscience de lui-même. Nécessité physique de la vie humaine le travail est quelle que soit sa forme sociale la « condition générale des échanges entre l’homme et la nature3 ». On retrouve cette idée chez Engels pour lequel « le travail est la condition fondamentale première de toute vie humaine, et il l’est à tel point que, dans un certain sens, il nous faut dire : le travail a créé l’homme lui-même4 ». À partir de cette expérience, l’homme prend conscience de lui-même.
Activité socialement organisée, pensée en vue d’améliorer son efficacité, le travail produit non seulement l’homme mais également la société, par les multiples liens enchâssés entre les producteurs qui participent au processus de satisfaction des besoins. L’organisation du travail vise à transformer la puissance de production des hommes pour la décupler. Ainsi le travail est toujours caractérisé par une double dimension : une dimension technique qui s’inscrit dans un certain rapport entre l’homme et la nature et une dimension sociale qui s’inscrit dans un certain rapport qui se noue entre les hommes. La puissance de production des hommes, leur capacité à transformer la nature afin de s’assurer de la satisfaction durable de leurs besoins, renvoie à ce que Marx désigne comme les forces productives. L’histoire humaine est ainsi l’histoire du développement des forces productives par le biais du progrès technique. Mais en tant qu’il est une activité socialisée l’organisation du travail appelle également des rapports sociaux de production déterminés, dépendant strictement de l’état du développement des forces productives. L’ensemble des rapports sociaux de production « désigne la structure économique de la société5 ».
En effet, tandis que dans les sociétés primitives les hommes n’étaient pas capables de produire davantage que ce qui leur permettait de satisfaire leurs besoins immédiats, l’évolution de ces sociétés a tendu vers l’augmentation de l’efficacité productive en vue de générer un surplus permettant à l’homme de sécuriser la satisfaction de ses besoins élémentaires. La production n’est alors plus seulement nourricière mais elle se diversifie dans la fabrication d’outils de production plus efficaces, de moyens de conservation ou de transport. Au fil du développement des forces productives, certains hommes peuvent échapper à l’activité de production pour se consacrer à d’autres types d’activité telles que la gestion, les activités d’organisation ou les activités sociales. C’est ainsi que la société se scinde en classes.
Mais quelle différence peut-on poser entre le travail et la production ? Est-ce le travail ou la production qui est à la base du fonctionnement social ? La production est le « procès de travail », l’acte d’un sujet social qui exerce son activité dans un ensemble plus ou moins grand de sphères de production. Marx distingue la production en général qui est une abstraction et les procès de production particuliers qui sont toujours caractérisés par un mode de production donné. Il emploie alors le terme de Produktion. La production est ainsi la conséquence du travail humain et de sa métabolisation de la nature. Elle est dans la pensée de Marx nécessairement associée au travail. En parallèle de cette conception de la production, on peut également trouver sous la plume de Marx la production au sens d’engendrement (Erzeugung). Dans les Manuscrits de 1844, Marx écrit : « l’homme produit (produziert) l’homme, il se produit lui-même et produit l’autre homme6 ». Par son travail, l’homme fait advenir des potentialités dont il n’avait pas initialement conscience, car elles étaient en sommeil. En s’appropriant la nature, l’homme s’approprie lui-même. L’homme est ainsi produit, créé par son travail. Cette acception de la production est plus large que la précédente et ne se réduit pas à la seule dimension économique. Mais les textes de Marx croisent régulièrement ces deux acceptions de la production dans la mesure où la vie productive est créatrice de vie.

Travail et liberté

Si Marx s’est particulièrement intéressé au travail salarié pour dénoncer l’exploitation des travailleurs dans le cadre du système capitaliste, celui-ci ne constitue pas la seule forme de travail qui l’intéressa. Les réflexions de Marx se portent également sur le travail en général, qui revêt une dimension positive et une dimension négative. En effet, le travail peut être un instrument de domination que ce soit dans les sociétés ayant recours à l’esclavage ou dans la société bourgeoise capitaliste. Mais il peut également être un instrument de liberté. Contrairement à Jules Lafargue pour lequel l’amour du travail, « la passion moribonde du travail poussée jusqu’à l’effondrement des forces productive7 » est tout simplement incompréhensible, Marx ne prône pas l’abolition du travail. Marx n’est pas convaincu que l’homme puisse s’épanouir pleinement dans la paresse et l’oisiveté. Le travail est comme un lien insécable entre l’homme et la nature. Ce n’est que par le travail que l’homme peut espérer maîtriser la nature. Le travail en général...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page de titre
  3. Page de copyright
  4. Introduction
  5. Partie I Révolutionner la philosophie
  6. Partie II Révolutionner la conception du travail et son organisation
  7. Partie III Révolutionner la politique
  8. Partie IV Marx, socialisme et communisme
  9. Conclusion
  10. Bibliographie indicative
  11. Table des matières