Précis d'histoire des XXe et XXIe siècles

Pautet Arnaud

• Éditeur: Editions Ellipses
• Année: 2021
• ISBN:
  9782340059412
• Sujet: Histoire
• Sous-sujet: Théorie et critique de l'histoire

Edition mise à jour et augmentée.

Un cours complet sur la France, l' Europe et le monde, composé de tous les outils indispensables pour réviser et réussir ses concoursou ses examens:

•Un avant-propos et une postface pour comprendre à quoi sert l'histoire et pourquoi elle est utile au présent.

•Un tableau synoptique du XXe siècle: pour assimiler les grands repères chronologiques

• L'essentiel: une introduction pour recadrer les problématiques

•Les dates indispensables: des chronologies pour maîtriser le sujet

•Les notions et biographies incontournables: pour mémoriser les définitions essentielles

•Des cartes de synthèse: pour faire un bilan du thème abordé

•Les références bibliographiques essentielles: pour cibler les livres fondamentaux

•Un index des notions et des biographies: pour se repérer rapidement dans le cours

Thème 1

Guerres, démocraties et totalitarismes

« L’expérience de la guerre 1914-1918 a de cette façon marqué un tournant décisif dans la modernité démocratique […]. Elle a redonné un sens […] à l’idée d’une société de semblables. Elle a d’abord conduit à retrouver le sens le plus ancien de l’idée d’égalité, celui qui définissait les omoioï, les égaux en Grèce, […] les égaux en tant qu’ils avaient combattu ensemble, fait l’expérience d’une mise en commun des existences […] Si la guerre a exacerbé la nation – identité forgée dans la négation de l’autre – elle a aussi imposé avec évidence la figure de la nation – solidarité ».

Pierre Rosanvallon, La Société des égaux, Seuil, 2011, p. 254-255.

Ce premier moment de réflexion invite à penser les années 1912-1946 comme un tout, des guerres balkaniques (1912-1913), prélude à la Grande Guerre, aux procès de Tokyo (1946). La Seconde Guerre, enracinée à la fois dans la crise économique de 1929 et dans l’affrontement des totalitarismes (fascismes contre communisme), est une conséquence indirecte de la première ; si bien que plusieurs historiens y voient une « guerre de trente ans » (Ernst Nolte). Même si ces guerres ont été mondiales, elles eurent d’abord une dimension de « guerre civile européenne », dénoncée aussi bien par Winston Churchill, Léon Trostki que Ernst Jünger. Ces deux conflits mondiaux ne doivent pas occulter l’existence de guerres secondaires, coloniales, civiles, exprimant aussi les dissensions idéologiques de la période.

En filigrane, ces guerres révèlent les divergences idéologiques nées depuis la Révolution française : d’un côté, des puissances libérales reconnaissant les droits de l’individu, de l’autre des sociétés conservatrices où l’individu s’efface devant la collectivité incarnée par un État fort. D’un côté, le camp des démocraties, où la souveraineté réside dans la nation, où le « peuple-citoyen » s’est fait « peuple-législateur » (Pierre Rosanvallon, Le bon gouvernement, 2015). De l’autre, des régimes autoritaires annihilant toute société civile et politique autonome ; le pouvoir est confisqué par une élite (intellectuelle, raciale, prolétarienne…), chargée de diffuser et de partager la vision organique d’un corps social menacé par des ennemis de l’intérieur. C’est l’Europe du congrès de Vienne qui disparaît en trente ans. On lit aussi dans ce moment l’achèvement du processus d’industrialisation : le progrès technique permet une destruction de masse, notamment des hommes anéantis de manière industrielle dans les camps de mort.

Peut-on parler d’une guerre de trente ans et d’une guerre civile européenne en Europe entre 1914 et 1945 ?

En quoi ces guerres nous font-elles basculer dans un « siècle des extrêmes » (E. Hobsbawm) marqué par le choc des idéologies ?

Comment a-t-on successivement franchi des seuils de violence et quelles ont été les conséquences de ce franchissement sur les sociétés occidentales ?

L’Europe est-elle encore le cœur de la Seconde Guerre mondiale, ou bien celle-ci est-elle la première « guerre-monde » (Alya Aglan, Robert Frank) ?

Chapitre 1
La Première Guerre mondiale et les bouleversements de l’Europe (1914-1922)

« Comment la guerre a-t-elle engendré les totalitarismes soviétique, fasciste, nazi ? Auschwitz était-il pensable sans Verdun ? Interrogation forte, notamment en Allemagne et en Italie […]. Cette histoire s’intéresse aux victimes et à leurs bourreaux. Elle médite sur la mort de masse et la tuerie pour tenter d’en comprendre les ressorts et d’en discerner le sens. […] L’impuissance de l’État à maîtriser l’appareil industriel de mort qu’il a déchaîné est d’ailleurs l’un des éléments tragiques de la guerre ».

Antoine Prost, Jay Winter, Penser la Première Guerre mondiale, un essai historiographique,
Seuil, coll. « Points Histoire », 2004, p. 286.

L’essentiel

Les alliances des dernières décennies du XIXe siècle (Triplice, Triple Entente) avaient été pensées pour éviter le dérapage vers une guerre européenne, au moment des fortes tensions coloniales (Fachoda, Agadir). L’incompréhension mutuelle entre ces sociétés mues par le nationalisme et l’impérialisme rend pourtant inévitable la guerre. La lecture de la presse des mois précédents est édifiante : le conflit semble inévitable, mais on ignore le moment où il va éclater. Manque l’élément déclencheur : le piège se referme avec l’attentat de Sarajevo, le 28 juin 1914. Pourtant, un certain étonnement prévaut dans l’opinion à l’été 1914

Le conflit fait figure de première guerre totale de l’histoire : une guerre européenne puis mondiale, qui mobilise la totalité des ressources de la société pour anéantir l’ennemi, qu’elles soient matérielles (artillerie, souscriptions publiques), humaines (au front comme à l’arrière avec le travail des femmes), ou idéologiques (mobilisation des enfants, des habitants des colonies). L’implication totale des « sociétés impériales » (Christophe Charle) dans la guerre explique qu’il soit si difficile d’en sortir ; il faut revenir à une économie de paix, rapatrier les hommes et les prisonniers de guerres, reconstruire, édifier une nouvelle gouvernance par de nouveaux traités, gérer l’afflux des anciens combattants, souvent mutilés et traumatisés, et souvent devenus malgré eux des poids morts dans la société d’après-guerre.

L’étude des formes et des enjeux de la violence de guerre, de l’implication des civils, de l’empreinte du conflit, l’emportera dans les pages qui suivent sur le déroulement des batailles et les tractations diplomatiques, sans pour autant que soient négligés les « lieux de mémoire » que sont devenus la Marne, Verdun, la Somme, ou le chemin des Dames.

Pourquoi peut-on parler de la première guerre totale de l’histoire ?

Franchit-on un seuil de violence pendant la guerre, qui participe à l’ensauvagement (brutalization) du continent pendant l’entre-deux-guerres ?

Les sociétés européennes sont-elles réellement sorties de la guerre à la fin des combats ?

En quoi cette guerre rebat-elle les cartes de l’économie et de la géopolitique mondiale ?

Chronologie indicative

• 1912-1913 : guerres balkaniques. La 1re oppose à l’Empire ottoman la Bulgarie, la Serbie, la Grèce et le Monténégro. Ces derniers obtiennent des Ottomans la renonciation à gouverner leurs territoires ; lors de la 2de, Grecs et Serbes s’entendent pour contrer les velléités hégémoniques de la Bulgarie.

• 28 juin 1914 : assassinat de l’archiduc d’Autriche (héritier du trône austro-hongrois) François-Ferdinand et de sa femme, à l’origine de l’ultimatum contre la Serbie qui provoque l’entrée en guerre.

• 28 juillet-4 août 1914 : la plupart des puissances européennes sont entrées en guerre par le jeu des alliances.

• Août-septembre 1914 : défaite russe face aux Allemands à Tannenberg.

• 6-12 septembre 1914 : première bataille de la Marne. Les Allemands sont à 60 km à peine de Paris mais sont repoussés par Foch et Gallieni (épisode des taxis de la Marne).

• Mars 1915 : l’Italie sort de la Triple Alliance pour combattre aux côtés de l’Entente.

• Avril 1915 : bataille de Gallipoli (ou des Dardanelles) et débarquement anglo-français et australien pour prendre le contrôle de la mer de Marmara aux Ottomans. Défaite de l’Entente.

• Février-novembre 1916 : bataille de Verdun, responsable de la mort de plus de 310 000 Français et Allemands (Jean-Jacques Becker).

• Juillet-novembre 1916 : bataille de la Somme, responsable de la mort de plus 440 000 combattants.

• Avril 1917 : entrée en guerre des États-Unis ; les troupes combattent principalement à partir de décembre.

• Octobre-novembre 1917 : révolution bolchevique par lequel la Russie entend sortir de la « guerre impérialiste » et redonner la terre aux paysans.

• Mars 1918 : armistice de Brest-Litovsk, la Russie sort unilatéralement du conflit.

• Octobre-novembre 1918 : victoire des Italiens sur les Austro-Hongrois à Vittorio Venetto.

• 11 novembre 1918 : armistice signé à Rethondes entre les Allemands et les Français.

• 28 juin 1919 : signature du traité de Versailles entre la France et l’Allemagne.

• 10 septembre 1919 : traité de Saint-Germain-en-Laye avec l’Autriche.

• 17 novembre 1919 : traité de Neuilly avec la Bulgarie.

• 4 juin 1920 : traité du Trianon avec la Hongrie.

• 10 août 1920 : traité de Sèvres avec la Turquie.

• 24 juillet 1923 : signature du traité de Lausanne, qui modifie à l’avantage de la Turquie le traité de Sèvres.

I. Les origines et le déroulement de la guerre

A. Les causes de la Première Guerre mondiale

L’historiographie traditionnelle des relations internationales (Jean-Baptiste Duroselle) a pris l’habitude de distinguer des causes lointaines, ou profondes, et des causes immédiates de la Première Guerre mondiale.

Parmi les causes profondes du conflit, on citera la montée de l’idée nationale, présente dans tous les pays européens. Depuis le « printemps des peuples » (1848), le nationalisme a été encouragé par les États pour constituer une identité collective, par l’école notamme...

Table des matières

• Couverture
• Page de titre
• Page de copyright
• Avant-propos
• Introduction générale L’Europe et le monde en 1914
• Theme 1. Guerres, démocraties et totalitarismes
• Theme 2. Quelques clefs de lecture du XXe : comprendre le « siècle des extrêmes »
• Theme 3. L’Europe et l’idée européenne au XXe siècle
• Theme 4. La France de 1875 à nos jours
• Postface
• Index des notions essentielles
• Index des noms propres
• Index des auteurs
• Remerciements
• Table des matières