Fiches d'Histoire monétaire, bancaire et financière

Lehmann Paul-Jacques

• Éditeur: Editions Ellipses
• Année: 2021
• ISBN:
  9782340062344
• Sujet: Economics
• Sous-sujet: Economic History

24fiches pour réviser l'essentiel de l' Histoire monétaire, bancaire et financière:

• les définitions à connaître, les erreurs à éviter, les points essentiels à retenir;
• des exercices corrigés pour vérifier ses connaissances;
• des repères bibliographiques pour aller plus loin;
• 1 index.

Fiche 1

Les fonctions de la monnaie

I. La monnaie, instrument des transactions

II. La monnaie, étalon des valeurs

III. La monnaie, réserve de valeurs

La monnaie a toujours constitué, pour les économistes, un sujet de controverse. En effet, depuis que l’on cherche à comprendre les mécanismes économiques, l’influence de la monnaie sur l’activité économique fait l’objet de débats intenses. Par exemple, en réponse aux mercantilistes qui estimaient que la détention de monnaie est le signe de la richesse, les Classiques anglais du XIXe siècle affirmaient qu’il n’y a rien de plus insignifiant que la monnaie, simple voile sans influence sur l’équilibre économique. De même, à l’époque moderne, si l’aspect monétaire des quatre grands déséquilibres (l’inflation, le chômage, le déficit budgétaire, le déficit de la balance des paiements) auxquels doivent faire face de nombreux pays est reconnu de façon unanime, une divergence fondamentale apparaît dès que l’on s’interroge sur la nature de l’intervention de la monnaie dans ces manifestations d’instabilité.

En effet, si l’on réduit le débat aux affirmations extrêmes, deux grandes Écoles s’opposent : pour l’une, les fluctuations de la quantité de monnaie en circulation se trouvent à l’origine des perturbations économiques alors que pour l’autre elles n’en sont que la conséquence. Or, au-delà des oppositions théoriques sur l’analyse des mécanismes de transmission des modifications du montant de monnaie, les divergences d’interprétation s’avèrent déterminantes pour le choix des politiques économiques à mettre en œuvre : pour les partisans de la première École, les gouvernants doivent utiliser en priorité la politique monétaire tandis que pour les tenants de la seconde, la politique monétaire ne doit servir que d’appoint aux autres politiques économiques.

Les oppositions des différentes écoles de pensée sur ce sujet ont pour point de départ la fonction principale qu’elles attribuent à la monnaie parmi les trois fonctions qui lui sont, depuis Aristote, assignées.

I. La monnaie, instrument des transactions

A. Le troc, technique d’échanges dans une économie sans monnaie

Des transactions peuvent se nouer sans l’intervention de monnaie, sous forme de troc qui consiste en une opération unique d’échange d’un bien ou d’un service contre un bien ou un autre service. Mais le troc présente quatre inconvénients :

–Il nécessite la rencontre de deux individus qui souhaitent, chacun, au même moment, céder le bien ou rendre le service que l’autre désire obtenir. Il est possible d’envisager du troc à plus de deux personnes (multilatéral), mais un tel système devient vite impraticable ;

–Il conduit à une difficulté de comparaison de la valeur des deux éléments qui font l’objet de l’échange ;

–Il oblige à des transactions qui ne portent que sur des biens divisibles : par exemple, on ne peut échanger une table contre 4,36 chaises ;

–Il ne peut exister que si les éléments devant faire l’objet d’échanges peuvent être stockés pour des transactions futures.

En raison de la difficulté à nouer des échanges remplissant ces conditions, le troc existe seulement dans les économies dans lesquelles le nombre de biens est faible et pour des produits de consommation finale. À mesure que le nombre de biens et de services augmente dans une économie et que des biens de consommation intermédiaire ou d’équipement (utilisés par les producteurs) s’ajoutent aux biens de consommation finale qui n’intéressent que les ménages, les quatre difficultés précédentes sont de plus en plus observées, ce qui rend rapidement la pratique du troc impossible. Un bien de consommation, largement répandu dans la communauté considérée, est, alors, choisi comme monnaie, avant l’utilisation généralisée des métaux précieux.

Cependant, le troc ne disparaît jamais. On le retrouve dans des situations exceptionnelles (guerres), lors de dérèglements monétaires graves tant nationaux (très fortes hausses de prix ou grande incertitude sur la valeur de la monnaie comme dans le cas de la transition économique en Russie dans les années 1990) qu’internationaux (détérioration du système régissant les relations monétaires entre pays), dans des communautés où la monnaie traditionnelle ne circule pas (prisons) ou pour des pays qui ne possèdent pas de moyens monétaires mais disposent de ressources particulièrement recherchées (dans les années 1980, pétrole de pays du Moyen-Orient contre usines de pays industrialisés).

B. La monnaie, intermédiaire obligé des échanges

Dès qu’une économie se développe et entraîne des échanges de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes, l’apparition d’une monnaie s’impose car les inconvénients relevés rendent impossible la pratique du troc. La monnaie permet de dissocier le troc, opération unique (flux réel contre flux réel) en deux opérations distinctes : la vente d’un bien ou d’un service en échange de monnaie (flux réel contre flux monétaire) et l’achat d’un autre bien ou d’un autre service grâce à la monnaie précédemment obtenue (flux monétaire contre flux réel).

Ce rôle de la monnaie se trouve à l’origine de la spécialisation du travail. En effet, pour obtenir le bien ou le service qu’il désire, un agent économique n’a plus besoin de fabriquer le bien ou de rendre le service qu’il considère comme ayant la plus forte probabilité d’être demandé en contrepartie : en cédant le fruit quelconque de son travail, il reçoit de la monnaie, dénominateur accepté par tous et permettant d’acheter n’importe quel bien ou service ou de se libérer de n’importe quelle dette. Ainsi, grâce aux gains de temps et d’effort auxquels elle conduit, la monnaie peut être analysée comme un actif productif substituable à tous les autres actifs productifs.

L’existence de la monnaie favorise, parallèlement, l’allocation des ressources et la circulation de la production. On comprend, donc, que c’est à partir du moment où une monnaie est acceptée que les économies ont pu se développer, grâce à la diversification de la production que cet instrument des transactions procure. Cependant, son introduction est source d’un déséquilibre dans la sphère réelle de l’économie car elle brise, le plus souvent, la simultanéité de la vente et de l’achat de biens et de services, absolument nécessaire en situation de troc.

L’apparition de la monnaie nécessite donc l’intervention de l’État, à la fois pour légaliser son pouvoir libératoire, général et obligatoire, et pour éviter une mise en circulation trop importante qui risque de générer de graves dysfonctionnements. Cette fonction d’intermédiaire des échanges est exercée par des supports qui évoluent à mesure que l’économie se développe.

C. L’évolution des supports de la monnaie

À l’origine, la monnaie est un bien matériel. Elle est représentée par une marchandise, acceptée par tous les individus constituant une communauté. La marchandise retenue doit posséder six qualités indispensables :

–être d’une grande facilité de transport et de maniement ;

–avoir un faible coût de production et de transaction ;

–être présente en quantité suffisante pour assurer les échanges, néanmoins limitée, car sa rareté relative est la garantie de la préservation de sa valeur ;

–être inaltérable, pour pouvoir être conservée sans perdre de valeur ;

–être divisible, pour assurer tous les échanges ;

–être acceptée par l’ensemble des citoyens, donc être entachée d’une certaine valeur subjective. Ainsi, dans de petites communautés, en raison de l’absence de la monnaie officielle ou pour des raisons pratiques, d’autres monnaies peuvent circuler. Il en est, ainsi, des cigarettes dans les prisons et dans des économies parallèles ou de marché noir.

Ces conditions expliquent pourquoi ce sont les biens symboles de puissance pour toutes sortes de croyance aux yeux des hommes qui ont été privilégiés comme monnaie dans toutes les civilisations : coquillages, sel, métaux non précieux (bronze, cuivre, fer), surtout métaux précieux (argent et/ou or en raison de leur rareté). Ces derniers se sont progressivement imposés, d’abord sous forme de lingots, la « monnaie pesée », puis sous une forme quelconque, la « monnaie comptée » (avec tous les risques de fraude que cette forme comporte), enfin sous forme de pièces, la « monnaie frappée », à l’effigie du seigneur ou du souverain qui délègue alors son pouvoir régalien de « battre monnaie » afin que le métal, apporté à l’Hôtel des monnaies, soit transformé en pièces dont le titre et le poids sont certifiés, pour en garantir la valeur et en faciliter la circulation.

La multiplication des pièces, chacune dans un métal plus ou moins recherché ou avec un poids plus ou moins important, conduit à l’utilisation des pièces étant considérées comme ayant le moins de valeur et à la conservation (donc à...

Table des matières

• Couverture
• Page de titre
• Page de copyright
• Table des matières
• Avant-propos
• Fiche 1 - Les fonctions de la monnaie
• Fiche 2 - L’offre de monnaie des banques
• Fiche 3 - Des facteurs explicatifs multiples de la demande de monnaie
• Fiche 4 - Les théories monétaires
• Fiche 5 - Les méthodes de financement
• Fiche 6 - L’avènement de l’euro
• Fiche 7 - L’évolution du système bancaire français
• Fiche 8 - Le rôle des banques centrales
• Fiche 9 - Les instruments de la politique monétaire
• Fiche 10 - La Banque de France
• Fiche 11 - La Banque centrale européenne
• Fiche 12 - Les marchés des changes
• Fiche 13 - La naissance des bourses
• Fiche 14 - La formation des cours boursiers
• Fiche 15 - Les indices boursiers
• Fiche 16 - Les intermédiaires sur les marchés boursiers
• Fiche 17 - Anatomie d’un krach boursier
• Fiche 18 - Les grands krachs de l’histoire
• Fiche 19 - Les offres publiques
• Fiche 20 - Les grandes dynasties financières
• Fiche 21 - Les grands scandales financiers
• Fiche 22 - Des ministres des finances célèbres
• Fiche 23 - Le besoin de régulation financière
• Fiche 24 - Les nouveaux marchés financiers