Jean Giono
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Jean Giono

Corps et cosmétiques

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Corps et cosmétiques

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À propos de ce livre

L'angle d'approche choisi pour le prĂ©sent ouvrage surprendra peut-ĂȘtre les amateurs de l'oeuvre de Giono. On s'attend en effet Ă  ce que le motif des cosmĂ©tiques soit d'une importance mineure dans un univers romanesque d'abord ancrĂ© en pleine nature. Pourtant, les parfums, les fards, les huiles entrent avec le corps, et notamment avec la peau, dans de subtiles dialectiques du naturel et de l'artifice, de la surface et de la profondeur, du sain et du malsain et jouent avec le dĂ©sir, la rĂ©alitĂ©, le nĂ©ant. Jean Giono, Corps et cosmĂ©tiques est le premier volet d'une rĂ©flexion sur la reprĂ©sentation, les usages et les langages du corps dans l'oeuvre de Jean Giono.

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Informations

Année
2021
ISBN
9782304028256

« Imprimer sa marque » : de la peau tatouĂ©e Ă  l’imaginaire fictionnel

Le corps de Queequeg Ă©tait donc une Ă©nigme Ă  rĂ©soudre, une Ɠuvre merveilleuse en un volume, mais il ne pouvait pas se lire lui-mĂȘme, bien que son cƓur vivant batte sous la page. Ces mystĂ©rieuses sciences Ă©taient donc destinĂ©es Ă  pourrir finalement avec le vivant parchemin sur lequel elles figuraient et Ă  s’éteindre Ă  jamais36.
Le tatouage peut avoir affaire, comme le veut un des sens du terme kosmĂȘtikon, avec la beautĂ©, l’ornement ou la parure. Cependant, indĂ©lĂ©bile, totalement assimilĂ© Ă  la peau, il vit et vieillit avec le corps, et apparaĂźt surtout comme une reconfiguration du donnĂ© et de l’ordre biologiques initiaux. Il rĂ©sulte d’un choix de marquage de soi, qui, Ă  l’époque du Giono d’avant les Chroniques, tantĂŽt insĂšre dans un groupe d’individus souvent en marge (voyous, bagnards, marins, soldats, et pour les femmes, prostituĂ©es), tantĂŽt singularise et, si l’on peut dire, dĂ©marque jusqu’au risque de l’exclusion sociale – rappelons que le LĂ©vitique interdit le tatouage37. Cette pratique exotique redĂ©couverte aux alentours de 1770 par les expĂ©ditions de James Cook aux Ăźles Marquises en PolynĂ©sie38 vient donc paradoxalement inscrire, Ă  mĂȘme la surface de soi, une signature personnelle intime39.
Plusieurs occurrences de tatouages peuvent ĂȘtre relevĂ©es dans l’Ɠuvre de Giono. Mis Ă  part le cƓur tatouĂ© « sur la poitrine » de Clef-des-CƓurs (« du cĂŽtĂ© droit naturellement. Le tatoueur Ă©tait un vieil Anglais qui aimait les symboles » [VI, 294]) dans Ennemonde (1968), c’est surtout dans la premiĂšre partie de sa pratique d’écriture qu’apparaissent les tatouages, plus exactement entre 1929 (Un de Baumugnes) et 1944 (Fragments d’un paradis). Ces annĂ©es viennent enserrer deux occurrences dĂ©terminantes : Jean le Bleu en 1932, et surtout Deux cavaliers de l’orage dans son Ă©tat de 1942, annĂ©e au cours de laquelle fut vraisemblablement rĂ©digĂ© ou terminĂ© le chapitre « Le Flamboyant », essentiel pour mon propos. C’est donc une pratique liĂ©e au Giono Ă©crivain du rapport au cosmos, au Giono traducteur de Moby Dick en 1941, roman oĂč le tatouage et la peau jouent un rĂŽle majeur. On se rappelle en effet ce qu’IshmaĂ«l, frĂšre « siamois »40 de Queequeg dont le corps est tatouĂ© aux insignes du monde, Ă©crit Ă  propos de la baleine : « [j]’avais beau vouloir la dissĂ©quer, je ne puis pĂ©nĂ©trer plus loin que sa peau41. » C’est peut-ĂȘtre que la peau elle-mĂȘme en dit dĂ©jĂ  long sur l’intĂ©riorité  IshmaĂ«l ainsi, tout d’abord vierge de tout signe, inscrit son « poĂšme » – Ă  savoir le livre que le lecteur est en train de lire – sur sa peau : « et Ă  la fin plus rien de moi-mĂȘme ne restera sans tatouage »42.
Expression d’un fond de l’ñme, le tatouage indexe une maniĂšre d’ĂȘtre au monde. Le seul mauvais tatouage chez Giono, reliĂ© Ă  un goĂ»t douteux et vulgaire pour la parure, ne dĂ©roge pas Ă  cette loi. Au dĂ©but mĂȘme de la carriĂšre de l’écrivain, en 1929, le tatouage renvoie, dĂšs son premier chapitre, Ă  l’intrigue d’Un de Baumugnes :
[
] y avait avec nous un type de Marseille, un jeune tout creux comme un mauvais radis, la peau sur l’os et un tatouage Ă  la paume de la main oĂč il y avait d’écrit Merde. Il tripotait le blĂ© avec ça !
[
] je crois qu’il avait dĂ» faire une chose sale et qu’il avait changĂ© d’air pour quelque temps. [
] il se coiffait avec des accroche-cƓur [
] et [
] il se foutait du parfum sur la gueule comme une femme de peu. (I, 223).
Le Louis, qui salit le blĂ©, ce grain originaire pourvoyeur de vie, salira aussi non seulement la pure AngĂšle, qu’il transformera en prostituĂ©e, mais aussi, Ă  travers le prĂ©nom anagrammatisĂ© de celle-ci, Jean Giono/Jean le Bleu. Le « merde » Ă  la main droite ne signifie plus ici « la provocation envers les gradĂ©s »43 de la guerre de 14, mais bien la souillure qu’opĂšre celui dont la maigreur de chair et d’ñme (il a « la peau sur l’os ») bafoue la vie, la grandeur et la puretĂ©. Dans l’ensemble cependant, le tatouage est chez Giono valorisĂ©, selon des modalitĂ©s diverses qui vont faire l’objet de cet article.
L’ekphrasis sur le vĂ©lin de la peau : tatouage et crĂ©ation
Analogue Ă  l’écriture sur une page, le tatouage, imprimĂ© Ă  mĂȘme le vĂ©lin44 de la peau humaine, ouvre vers l’imaginaire et le monde fictionnel : « porter le rĂȘve de l’artiste » (III, 990), telle est la fonction du tatouage de Paumolle le bien nommĂ©45, dans Fragments d’un paradis. Le tatouage a donc, Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme de chaque rĂ©cit oĂč il s’insĂšre, une fonction de mise en abyme – dans Un roi sans divertissement, le sang humain/l’encre inscrira ses hiĂ©roglyphes tragiques sur le blanc de la neige/de la page. En tĂ©moigne notamment cette ekphrasis vivante que constitue le torse du Flamboyant dans Deux cavaliers de l’orage, la nef tatouĂ©e faisant signe vers l’origine mythologique des Jason et le combat du lutteur avec Marceau, orientant vers le combat final des deux frĂšres. Comme le rappelle la philosophe Barbara Cassin :
Il ne s’agit plus en effet dans l’ekphrasis d’imiter la peinture en tant qu’elle cherche Ă  mettre l’objet sous les yeux – peindre l’objet comme en un tableau –, mais d’imiter la peinture en tant qu’art mimĂ©tique – peindre la peinture. Imiter...

Table des matiĂšres

  1. « L’Esprit des lettres »
  2. Dans la mĂȘme collection
  3. Avant-propos
  4. Usages gioniens des cosmétiques, ou les ambivalences du corps
  5. Il faut qu’une peau soit ouverte ou fermĂ©e. Sur le motif de la peau dans l’Ɠuvre de Giono
  6. « Imprimer sa marque » : de la peau tatouĂ©e Ă  l’imaginaire fictionnel
  7. Faire parler la poudre
  8. Le parfum des Ăąmes fortes
  9. « L’odeur si belle ». Les sortilĂšges du parfum dans Angelo
  10. Peintures de guerre : le corps et ses ornements dans Le Grand Troupeau
  11. Présentation des auteurs
  12. Présentation des communications