Autobiographies de transfuges
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Autobiographies de transfuges

Karl Philipp Moritz, Richard Wright, Assia Djebar

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Autobiographies de transfuges

Karl Philipp Moritz, Richard Wright, Assia Djebar

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À propos de ce livre

Karl Philipp Moritz, Richard Wright et Assia Djebar sont des écrivains transfuges, passés d'une classe sociale à l'autre, de mondes minoritaires et minorisés à un monde majoritaire entretenant des préjugés diffamants ou haineux contre ceux qu'il exclut. Leur posture est doublement critique tant à l'égard des rapports de domination qui structurent la société où ils ont fini par se faire un nom, qu'à l'égard des traditions qui paralysent le monde opprimé de leur naissance et d'où ils ont voulu s'échapper. Pour énoncer ces tensions, le geste autobiographique, plus que l'abstraction philosophique ou lou la généralisation sociologique, est une ressource irremplaçable.

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Informations

Année
2021
ISBN
9782304042153

Le Noir comme outcast109
ou la dynamique des émotions
selon Richard Wright

Le mot « nègre », ce mot par lequel on nous désigne généralement, par oral ou par écrit, nous le peuple noir aux États-Unis, n’est pas du tout un nom ni une description. C’est une île psychologique dont la forme objective est un décret unanime dans toute l’histoire américaine, renforcé par la tradition nationale et populaire […]. Cette île à l’intérieur de laquelle nous vivons est ancrée dans les sentiments de millions de personnes et se trouve au milieu de la mer des visages blancs que nous rencontrons tous les jours ; et, de manière générale, alors que notre nation a été transportée dans le XXe siècle depuis trois cents ans, ses frontières rocheuses sont restées inentamées face aux vagues de notre espoir qui se brise contre elles.110
En ouvrant les livres de Richard Wright, c’est une tout autre situation qui se déploie devant nous. Natchez (Missisipi), où il est né en 1908, autrefois l’un des plus grands marchés d’esclaves des États-Unis, est au cœur de ce que l’on appelle le Dixie, ce monde fait de deux mondes séparés où, écrit Wright, « il y a les écoles blanches et les écoles noires, les églises blanches et les églises noires, les magasins blancs et les magasins noirs, les cimetières blancs et les cimetières noirs, et, autant que je puisse le savoir, un Dieu blanc et un Dieu noir ». Toute cette mise à l’écart est, ajoute-t-il, confortée par « une immense, solide, idéologie de supériorité raciale qui (justifie) n’importe quel acte de violence (du voisin blanc contre le voisin noir) pour défendre la domination blanche (et apprendre au Noir) à espérer peu et à accepter ce peu sans regimber »111. Wright quitte le Sud pour Chicago en 1927 et son parcours rejoint celui des milliers de Noirs qui, par suite de la dépression de la fin du XIXe siècle, migrent à partir des années 1910 vers le Nord où l’industrie manque de main-d’œuvre. Cette division géographique proprement américaine est, aux dires de Wright lui-même, une des conditions de son écriture. Parlant de Bigger Thomas, le héros de son roman Native son, il écrit : « Avant d’aller habiter Chicago, je n’avais pas sérieusement pensé à écrire mon Bigger Thomas […]. Du fait que je ne subissais plus la pression quotidienne du milieu sudiste, je devenais apte à prendre conscience de mes propres sentiments »112. Du Sud à Chicago, des grosses bourgades proches de la campagne, nanties de quelques scieries et briqueteries, vers « le fracas de la ville » (FE, 15), le passage est éblouissant. Chicago, où Noirs et Blancs, pris dans une même foule, circulent sans ségrégation instituée, les sens excités par les mêmes lumières, par les mêmes miroirs que leur tendent « la publicité, la radio, la presse, le cinéma ». La ségrégation est pourtant, de fait, inscrite dans la géographie de la ville où les quartiers noirs pauvres forment une Black Belt autour des quartiers blancs ainsi que dans le « mur de haine » du racisme, véritable « rideau » répulsif émanant des comportements quotidiens pour maintenir les Noirs à leur place. Le Noir, écrit Wright, est « un homme qui marche au milieu de cette scène, qui en est partie intégrante et qui sait néanmoins qu’il ne peut y participer »113.
Être partie intégrante d’une société tout en sachant qu’on ne peut y participer, voilà une exacte formulation de la posture du Noir comme paria, qui n’est pas exactement, comme l’écrit Sartre, « l’homme qui voit les Blancs du dehors, qui s’assimile la culture blanche du dehors »114. La spécificité de son regard n’est pas une extériorité simple (en ce sens il n’est pas un étranger) mais une extériorité de l’intérieur, « à la fois en dedans et en dehors »115, de sorte que tout en étant maintenu à la périphérie de la société blanche, il en fait aussi partie d’une certaine manière. Il ne peut se réfugier dans une intériorité préservée, car cette intériorité est travaillée, formée par cette extériorité. On reconnaît aussi la posture de paria à sa double orientation critique : son analyse du racisme inscrit dans la vie quotidienne américaine est sans concession, mais Wright se refuse aussi à idéaliser les relations entre les Noirs dont il prétend rendre compte de la façon la plus véridique possible. Cette position d’insider-outsider le pousse à ne jamais rester en place, jusqu’à choisir de quitter les États-Unis en 1947, mais elle lui procure aussi certaines « perceptions critiques » lorsqu’il parvient à transformer cette instabilité foncière en « opportunité d’analyse »116.
Dans l’introduction qu’il écrivit à Black Metropolis, Wright cite William James se demandant ce qu’un homme ressentirait s’il était complètement exclu socialement : « si personne ne se retournait lorsque nous paraissons, ne répondait lorsque nous parlons ou ne faisait attention à ce que nous faisons, et si tous ceux que nous rencontrons […] faisaient comme si nous étions des choses non-existantes, une sorte de colère ou de désespoir impuissant nous submergerait bientôt, par rapport à quoi les tortures physiques les plus cruelles seraient un soulagement »117. Wright commente ce passage en remarquant que personne n’est jamais totalement exclu de la société, car le geste de rejet lui-même suppose un minimum d’attention à celui qui est rejeté. Mais il ajoute que « notre société a tout fait pour conduire le Noir américain à être la victime d’un rejet presque total, car l’image déshumanisée du nègre que les Américains ont dans la tête, les qualificatifs hostiles qu’ils ont continuellement au bout de la langue, excluent véritablement le Noir contemporain comme si nous étions enfermés dans une prison d’acier et condamnent même les Noirs qui ne sont pas encore nés »118. Les romans de Wright explorent la façon dont le monde se donne à ces parias, comment ils le saisissent émotionnellement du sein même de leurs relations intersubjectives. Ils montrent aussi comment les conditions sociales de ces relations dépassent et surdéterminent l’intersubjectivité au sens strict. Wright traite ses personnages comme il se traite lui-même dans son œuvre autobiographique : le moi qui s’y exprime est, écrit-il, « un moi social car [il est lui-même] un membre de la société »119. Une société qui le rejette tout en s’inscrivant en lui. Aussi bien les « nègres » que cette société engendre auront « un don de double vue. [Ils] vont se transformer en caractères psychologiques uniques et spécialement définis. Ils deviendront des hommes “psychologiques”, comme les Juifs […]. Ils ne seront pas seulement américains ou nègres. Ils seront, pour ainsi dire, des centres de connaissance. »120
Du roman à l’autobiographie
Si une même inspiration oriente toute l’œuvre de Wright, romanesque et autobiographique, essayons cependant de reconstituer certaines des motivations qui le poussèrent à se lancer en 1942 dans un récit de soi qui, au départ, comprenait deux parties : l’une – Black boy – racontait son enfance dans le Sud jusqu’à son départ pour Chicago ; l’autre – American Hunger – nous conduisait jusqu’à sa rupture avec le Parti communiste entre 1942 et 1943. Alors que Wright avait conçu ces parties comme un ensemble, American Hunger ne parut intégralement qu’après sa mort121.
Native son : une voie romanesque nouvelle
dans la jeune littérature afro-américaine
Native son (Un enfant du pays), publié en 1939, fut le premier best-seller dont l’auteur était un Noir américain122. Son héros, Bigger Thomas, est « un Noir antisocial du bas de l’échelle », auteur de deux meurtres, dont le premier, décrit de façon terrifiante, est celui d’une jeune Blanche, héritière d’un riche philanthrope mais proche d’amis communistes. Dans ce roman, Wright se démarque délibérément du mouvement d...

Table des matières

  1. Du même auteur
  2. « L’Esprit des Lettres »
  3. Dans la même collection
  4. Liste des abréviations
  5. Comprendre le monde en écrivant sa vie
  6. L’autonomie du moi comme quête incertaine et toujours inachevée (Karl Philipp Moritz)
  7. Le Noir comme outcast ou la dynamique des émotions selon Richard Wright
  8. Assia Djebar. L’écriture comme recherche de soi et du monde
  9. Une affaire de style