Ruptures du récit
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Ruptures du récit

Essais sur la discontinuité narrative

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Ruptures du récit

Essais sur la discontinuité narrative

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À propos de ce livre

« Le monde se compose de tessons qui s'éparpillent, c'est un obscur chaos incohérent que seule l'écriture maintient. » Ces mots d'Imre Kertész accordent à l'écriture la force de sauver un monde en perpétuelle désagrégation. Or une telle écriture ne peut déboucher que sur une forme en péril, tendue entre un chaos menaçant et une cohérence toujours visée, jamais atteinte, exhibant ses propres tâtonnements et s'enfantant dans la douleur. Les articles réunis dans ce volume ont pour objet les trous, brisures et montages de la prose narrative au xxe siècle - entre autres dans les oeuvres de Handke, Simon, Perec, Levi, Tabucchi, Kertész, Glissant, pour qui le récit ne saurait être qu'un champ de forces où s'affrontent désir de totalité et menace de désintégration. Dans cette forme discontinue où nombre d'écrivains et de critiques voient la marque même de la modernité, la recherche formelle est inextricablement liée à un questionnement politique: le désordre du récit implique une réflexion sur l'Histoire et sur la possibilité de l'écrire. La forme hachée à laquelle aboutissent les auteurs peut être l'indice d'une faillite, le récit échouant à représenter l'irreprésentable. Mais elle peut aussi se voir investie d'une valeur critique: contre le mensonge d'une forme lisse, le récit discontinu, revenant inlassablement sur lui-même, se fait l'instrument d'une réflexion que le lecteur est invité à poursuivre.

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Informations

Année
2021
ISBN
9782304039252

La temporalité ludique et l’influence du jeu sur les partis pris formels de narration

Natalia Leclerc
Le jeu, et en particulier le jeu de hasard, voit depuis deux siècles son importance grandir en littérature, où il est le reflet d’une cosmologie, de la conception du futur et du risque. Ainsi, il est presque absent de la littérature antique : bien que grands joueurs, les mathématiciens de l’Antiquité ne peuvent concevoir les calculs des probabilités en raison de leur vision du futur et de la contingence. Le jeu apparaît comme thème dans les textes médiévaux, où il a surtout une fin morale, car il est synonyme de vice. Il s’impose de façon plus nette après Pascal et l’élaboration des calculs de probabilités, et réalise une véritable mutation au XIXe siècle, alors que le hasard et le risque subissent une évolution majeure dans leur conceptualisation : dès lors que l’on considère que Dieu est mort, il cède entre autres la place à l’aléatoire. À partir de cette époque, le jeu n’est plus représenté en littérature comme un simple divertissement, une activité ; il devient un acte à part entière, un défi adressé à une Providence devenue sourde.
Cette vision littéraire du jeu s’écarte de celle que présentent les anthropologues et les sociologues. Le jeu, tel qu’il a été conceptualisé par Roger Caillois dans Les jeux et les hommes1, dans le sillage de l’ouvrage de Johan Huizinga, Homo Ludens, est une activité menée en parallèle de la vie quotidienne, réputée pour être sérieuse. Le jeu, lui, est une activité gratuite, et se déroule dans un espace, et surtout dans un temps délimité, dans lequel on entre pour le jeu, mais d’où on ressort dès que le jeu prend fin. L’œuvre de Caillois est célèbre pour la typologie des jeux qu’il propose, les classant en quatre catégories : alea, agôn, mimicry et ilinx. La roulette est un jeu d’alea, mais nous verrons que l’ilinx (le vertige) n’est pas absent.
Cette étude s’intéressera à deux œuvres du XXe siècle, distantes de vingt ans pour leur rédaction : Malraux publie La condition humaine en 1933 et Tommaso Landolfi La bière du pecheur en 1953. Le titre de Landolfi est en français dans le texte original, car il constitue un jeu de mots sur le terme de « pecheur » qui, selon l’accent choisi, désigne celui qui pratique la pêche ou celui qui commet des péchés. Le titre n’indique pas d’accent et laisse l’alternative ouverte. La bière désigne alors tantôt la boisson, tantôt le cercueil. Dans la deuxième interprétation apparaît la mort, qui plane aussi sur l’œuvre tragique de Malraux, ainsi que la perspective morale. La bière du pécheur (le cercueil de l’homme immoral) peut se référer au jeu, obsession personnelle de Landolfi.
Il existe en outre un point de convergence important entre ces deux œuvres : l’auteur italien a traduit de nombreux textes russes et s’intéresse à Dostoïevski, qui a aussi influencé Malraux. Sans étudier en détail la place de Dostoïevski chez ces deux auteurs, je rappelle quelques éléments du Joueur, roman qui propose un paradigme de cette figure, éclairant l’opposition entre le joueur des anthropologues et des historiens, et celui des œuvres littéraires. En effet, le texte de Dostoïevski est moins un roman qu’un portrait psychologique de cette figure dont le narrateur est l’illustration principale : d’abord petit joueur occasionnel, il en vient à jouer en perdant prise sur lui-même et sur sa volonté. Le personnage pittoresque de la grand-mère n’est pas moins représentatif. Venue à Roulettenbourg mettre de l’ordre dans sa famille qui n’attend que sa mort, elle flambe tout ce qu’elle possède à la roulette, victime malheureuse du démon du jeu. Pour ces personnages, il ne s’agit ni de divertissement, ni de gratuité : leur existence se joue à la roulette.
La présence du thème de la roulette dans ces deux œuvres est fondamentale, même si elle ne constitue pas le centre de la narration. La plupart des jeux ont un rapport spécifique au temps, mais la temporalité de la roulette est tout à fait originale. Tout se joue dans l’instant où « rien ne va plus ». La durée, la continuité, la linéarité perdent leur sens face à l’importance de cet atome temporel en lequel se concentre et se joue un événement crucial. Rappelons les règles et le fonctionnement de la roulette. La partie commence lorsque le croupier met la roulette en mouvement et annonce « Faites vos jeux » : les joueurs placent alors leurs enjeux sur le tapis. Le croupier fait tourner la roulette dans un sens et la bille dans le sens opposé, sur la partie lisse de la roulette, appelée cylindre ou galerie. Il annonce « Les jeux sont faits » lorsque le moment approche où il sera interdit aux joueurs de placer des enjeux, puis « Rien ne va ...

Table des matières

  1. « L’Esprit des lettres »
  2. Dans la même collection
  3. Préface
  4. I. L’instant : déliaison et reconfiguration du temps narratif
  5. La temporalité ludique et l’influence du jeu sur les partis pris formels de narration
  6. Différentes manières de nier le temps par l’esthétique de la forme brève chez Borges, les symbolistes et les modernistes
  7. « Intermittences » et « moments de vie » : l’esthétique de la discontinuité chez Marcel Proust et Virginia Woolf
  8. Image et discontinuité narrative dans Le Jardin des Plantes de Claude Simon et La perte de l’image de Peter Handke
  9. II. Le récit éclaté : critique du discours historique
  10. Chronique d’un désastre ou la Révolution derrière la palissade : une lecture des Cyniques d’Anatoli Mariengof (Berlin, 1928)
  11. La reconstruction syncopée du récit autobiographique. W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec et Le système périodique de Primo Levi
  12. La prose de Hanna Krall et d’Andrzej Szczypiorski : deux modélisations fictionnelles différentes de la Seconde Guerre mondiale
  13. Des silences historiographiques au repli communautaire : Le sourire du marin inconnu de Vincenzo Consolo et Frémissante mémoire de Jesús Moncada
  14. Le montage narratif et la représentation de l’Histoire : validité du parallèle
  15. Récit défiguré et Histoire défigurante : Tigre en papier d’Olivier Rolin et Tristano meurt d’Antonio Tabucchi
  16. III. Restaurer la continuité ? Hypothèses de lecture
  17. Le choix esthétique de l’éparpillement et de la fragmentation : Liquidation d’Imre Kertész et Tristano meurt d’Antonio Tabucchi ou l’éthique du témoignage
  18. Under the Volcano : excès de sens ou « idiotie du réel » ?
  19. La Lézarde, Le quatrième siècle et la question de l’Histoire : l’écorce et la pulpe de la socio-poétique glissantienne
  20. Les interstices du récit : Kafka, Le procès, les fragments narratifs
  21. L’hypertextualité dans Le grand incendie de Londres de Jacques Roubaud
  22. Conclusion
  23. Contributeurs