Maux écrits, mots vécus
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À propos de ce livre

"Les liens entre littérature et pathologies sont extrêmement riches. La maladie est un carrefour polyphonique signifiant, qu'une lecture biomédicale ne saurait circonscrire. Elle est une épreuve singulière mettant en jeu le vivre dans sa double dimension physique et psychique. Elle s'inscrit également dans un rapport aux autres et aux problématiques du tissu socio-culturel du moment. On comprend alors que les maux qui ont accompagné le fil de l'histoire représentent un terrain de prédilection pour la littérature. Les textes publiés parcourent certains axes importants des rapports entre médecine et littérature et ce que leurs multiples rencontres nous disent sur l'homme et le monde.".

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Informations

Année
2021
ISBN
9782304244991

Hôpital silence de Nicole Malinconi
au seuil de la Médecine Narrative

Maria de Jesus Cabral
Universidade de Coimbra
CEAUL – Universidade de Lisboa
« La force du verbe est son revers »
Valère Novarina, La Quatrième Personne du singulier
Hôpital silence, premier roman de Nicole Malinconi, publié aux Éditions de Minuit en 1985, ouvre sur une rencontre clinique placée sous le signe du non-dit et du lapsus contraignants – que corrobore le blanc typographique – laissant la place au doute, et à la peur :
Une femme est entrée pour une opération. Un kyste à l’ovaire. Le médecin le lui a montré sur l’écran […] Le mot n’a jamais été prononcé, ni écrit. Mais elle a pensé, elle, à ce cancer dont est morte sa mère, cinq ans auparavant ; elle sait que cette petite chose à l’intérieur d’elle pourrait un jour faire que l’équilibre se rompe, que tout bascule dans la maladie.
Mais personne n’en dit rien. (Malinconi, 2008 : 11)57
L’entretien se passe trop vite pour laisser le temps à l’échange, et la patiente semble en prendre acte de manière résignée. Mais la communication était minée dès l’entrée à l’hôpital. Le nom de la patiente ne figurait pas « sur la liste » « on a oublié. Ou bien on a fait une erreur » (Ibid.) : autant d’indices d’un dysfonctionnement relationnel manifeste au fil des histoires narrées, que ce soit en situation d’examens cliniques, de traitements, ou dans les actes purement administratifs.
C’est dans la petite pièce « de métal et de verre » où est faite sa « préparation » que l’identité, l’histoire et la voix de la patiente, aujourd’hui considérées comme partie intégrante du contexte de soin dans la perspective de la NBM/Narrative-Based Medicine – concept sur lequel nous reviendrons plus loin –, sont tues, en faveur du contact méthodique et froid :
Elle est là. Vivante, avec un nom, un corps, une histoire, une parole, et on fait comme si elle n’avait pas de parole.
[… ]
« Qui – faut-il prévenir – en – cas – de – besoin – n’oubliez – pas – de – serrer – les fesses – êtes-vous – catholique ? » (12)
Ce faisant, les deux mondes séparés et comme étanches l’un à l’autre, celui, réifié, de l’hôpital, « où les mots sont vidés de leur pouvoir de mots » et celui du patient « où vivre c’est parler de ce corps [et] dire la possible confrontation avec la mort » (13), qui fondent le rythme et le dispositif de l’œuvre, sont convoqués dès ici, dénudant la vacuité d’un langage coupé du rapport à l’autre. Et la terrifiante évidence de l’inhospitalité du lieu.
Ce clivage peut sembler un mal nécessaire, quand il s’agit de privilégier la rationalité et la technicité, « la science du médecin » (113) sur la psychologie du patient, évinçant ce qui touche au subjectif, au relatif. Mais il incite à penser l’irréductibilité de la thérapie à la seule dimension médico-biologique et à poser la question de la personne au cœur de la relation de soin, interpersonnelle par sa nature même. Toutes les patientes d’Hôpital silence éprouvent une perte de références – individuelles, sociales – dès qu’elles franchissent l’hôpital et ne diffèrent entre elles que par leur identité administrative et leur ‘cas’. Elles sont traitées d’après le diagnostic seul. Le corps médical fait fi des doutes, des angoisses, souvent même de leur volonté, comme le met en évidence tel épisode où, suite à une opération à un fibrome, une femme songe que ce qui importe « c’est que l’on ne touche pas aux ovaires ». Or, le médecin ne s’est nullement embarrassé de telles réserves, pas même pour lui annoncer l’ovariectomie : « Il a déjà une main dans la poignée de la porte, quand il se retourne et lance À propos, j’ai aussi enlevé un ovaire » (24).
Écriture et expérience vécue
« C’est devenu insupportable de me taire », « mon travail consistait en cela : permettre de parler, rendre possible une place pour les mots » (61) confie la narratrice, s’exprimant à certains points à la première personne, réduisant l’écart avec la romancière et, ainsi, le rapport fiction et réel. Issu en large mesure d’une expérience d’assistance sociale en milieu hospitalier58, le livre a l’authenticité du document. Il puise dans des situations vécues par Nicole Malinconi, confrontée à la vulnérabilité et à la détresse, dans l’exercice de sa profession. Peut-être est-il l’écho de sa propre souffrance, et constitue-t-il une sorte de burnout, l’écriture favorisant, on le sait, un processus de réflexion autant que de résilience. Le récit se rapproche étroitement du réel et le statut de la voix narrative devient fortement ambigu.
Mais rendre une place pour les mots n’est-ce pas le propre de la littérature ? Entre l’événement et sa transposition littéraire, c’est toujours un rapport au langage qui se joue, une opération du fait à la transposition, selon le mot de Mallarmé59. Nicole Malinconi ne se contente pas d’observer et de reproduire : elle reconstruit et métamorphose l’expérience vécue d’un geste d’écriture par lequel le réel est reconfiguré autrement, différé dans un espace-temps hors du monde qui justifie et interpelle la quête d’un sens toujours nouveau, par la lecture, un voyage outre les mots, comme l’a également suggéré Mallarmé dans son beau sonnet à Vasco da Gama. Qu’il s’agisse de fiction ou de diction, pour rappeler des termes bien connus de Gérard Genette, c’est dans cette transposition ou recréation que le monde est remis en question et que la littérature tient toute sa force – éthique beaucoup plus qu’esthétique. Marguerite Duras écrit très à propos sur Hôpital silence60 que « le [journalisme] reste à la porte et ne montre que ce qui est apparent : justement ce que la littérature laisse. La littérature, tout lui appartient. Elle prend et refait. Ou bien elle refait le monde ou bien elle n’existe pas » (5).
Ayant constaté le déficit de parole en milieu hospitalier, c’est de cette matière – à la fois substance et objet – que la romancière s’empare au départ, la reconfigurant par le biais d’une forme et d’une expression minimales, plaçant la voix intérieure, la perte, le vide et la douleur intime de ces femmes au cœur du récit. Hôpital silence s...

Table des matières

  1. Dans la même collection
  2. « Exotopies »
  3. Introduction
  4. Au-delà de la catharsis : jusqu’où peut-on se soigner avec des livres ?
  5. L’Âge des Vapeurs (1756-1789). La nosologie « sociale » d’une pathologie à la mode
  6. Béranger et le monde médical
  7. Relire la thèse de doctorat en médecine de L-F Destouches : la vie et l’œuvre de p.-i. semmelweis 1818-1865
  8. Écrits de femmes et cancer du sein
  9. L’écriture pathétique de la maladie dans la Collection hippocratique. À propos de l’histoire de la fille de Nérios (Épidémies V, 50)
  10. Hôpital silence de Nicole Malinconiau seuil de la Médecine Narrative
  11. Discours psychanalytique et poétique de Bouche « folle » dans Pas moi / Not I de Samuel Beckett
  12. Les névroses dans les romans de Patrick Modiano
  13. De la maladie à la peur de la contagion : représentations littéraires de la contagion chez Gabriel Garcia Marquez et chez Philip Roth
  14. Le culte des images en iconographie du corps, d’après Nicolas Bouvier
  15. Après le bovarysme. figures récentes d’une pathologie de la culture (désir, ennui, mélancolie)