Chapitre VII
De Nicos Poulantzas à Cornelius Castoriadis. Deux ponctuations grecques d’un itinéraire sociologique en France (1968-2009)
Jacky Réault
Agrégé d’Histoire
L’État est le sommaire des combats pratiques de l’humanité
Les mythes grecs sont vrais.
Historien, dévoyé ou demeuré, c’est selon, c’est par mon parcours universitaire que cet itinéraire devint sociologique. Mes ponctuations métaphorisent sans vergogne, le temps par l’espace d’un odon pour deux compagnons de route, Nicos Poulantzas et Cornelius Castoriadis, et ces cheminements, par le texte de leurs livres et de mes archives, rapporté à la pensée grecque. Pour l’helléniste de formation et de passion, là git l’initiale question, si l’actualité est le passé non passé affrontant les possibles des conjonctures, que d’indécidables en ces trois entrelacs de biographies et d’histoire… ! Entre d’abord l’ainsi nommée Grèce néo-hellénique et l’antique. Entre deux nations dans l’histoire ce fleuve héraclitéen ? Entre deux langues sous regard d’antériorité de ce grec support en temps si long, quatre mille ans, d’une telle part de l’excellence humaine sous vigilance de l’ubris tragique. La sociologie, au lieu d’abolir le tragique et de tendre vers l’unique « comme science », serait un pays qu’on parcourt et ré-invente avec tous les savoirs disponibles, en moments que la pensée, voire les vies, personnelle, sociale s’enchevêtrant, allument. Ces filés, de temps, de pensées, de nœuds dénoués, indénouables, renoués encore par cet appel sur l’actualité de la pensée grecque, je ne saurais les abolir sans tout dés-authentifier. L’itinéraire n’aura pas la fausse transparence d’une linéaire évolution, même si depuis 1968, plus que jamais les idéologies et le sociologisme, corsètent ainsi l’histoire ouverte du temps du monde auquel mes deux rencontres sont en plusieurs moments rattachées. J’en esquisse d’abord le moment inaugural entre histoire et vies. Je tente ensuite de dresser un profil plus synchronique des œuvres lues sous l’angle de mon appropriation durable ou discontinue, pour terminer moins sur l’artifice d’un bilan que sur la ré-interrogation de points aveugles de vies-pensées comme énigmes au regard de ma quête transversale et de l’opacité substantielle de deux personnes : Que me disaient alors, que disent encore leurs pensées, grecques ou pas, et en quels sens, et pas seulement du point de vue des sciences sociales ?
Libro(s) de las Fundaciones
Data d’itinéraires enchevêtrés entre histoire et biographies
1968 1975 1984 2009…, les dates sont d’abord des data, robustes garde-fous ou emblèmes brûlants, résistant au constructivisme et au structuralisme, maladies infantiles d’une alors néo-sociologie. Ma durable boussole d’historien dans l’espace, fut et reste Fernand Braudel. Tout ! Entre le temps quasi cosmique de sa Méditerranée et L’identité de la France, mon lexique aligne ses niveaux de l’économique, vie matérielle, marché, capitalisme, frôlant Marx sans jargon ni phobie du marché, et ses espaces-temps, l’immédiat de l’évènement-conjoncture, le temps court des cycles économiques et politiques, les grands cycles des économies-mondes, les prisons de longue durée des mentalités, de civilisations, de nations, sur fond hystérisé du temps du monde de la mondialisation. Le fil de ma sociologisation hétéronome, sous l’égide un tant soit peu contraint d’un marxisme orthodoxe, s’inaugure l’année même de ma rencontre, 1968, avec Pouvoir politique et classes sociales de Nicos Poulantzas. Ce livre incroyable, si daté, plus structuraliste, ...