L'alphabétisation

État des lieux et pistes d'intervention

Sonia El Euch, Linda de Serres

• Éditeur: Presses de l'Université du Québec
• Année: 2022
• ISBN:
  9782760554481
• Sujet: Education
• Sous-sujet: Education General

Tout formateur en alphabétisation est conscient du défi que représente la recherche de matériel didactique adapté aux réalités des personnes adultes analphabètes. Souvent contraints de créer leur propre matériel ou d'adapter à leur contexte du matériel déjà existant, les formateurs savent qu'en raison de la complexité de la situation, une adaptation ne saurait suffire, à moins qu'elle prenne en compte tous les facteurs biologiques, sociaux et culturels que sous-tend un contexte d'alphabétisation.Cet ouvrage jette un pavé dans la mare en contribuant à combler ce manque de matériel didactique. Il vise à répondre à certains besoins sur le plan du matériel certes, mais surtout sur le plan des connaissances issues de la recherche. En ce sens, il propose plus de 35 pistes d'interventions didactiques qui prennent appui sur la recherche en andragogie, en neurosciences, en psycholinguistique et en didactique des langues secondes ou étrangères pour justement comprendre les différents facteurs que sous-tend un contexte d'alphabétisation. Les formateurs en alphabétisation ainsi que les étudiants en éducation et les professionnels de la didactique pourront désormais faire le pont entre la recherche et le milieu de pratique en alphabétisation afin d'allier leur compréhension d'éléments contextuels à une pratique enseignante adaptée à la situation et porteuse de succès.Sonia El Euch est professeure titulaire au Département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Ses domaines d'ensei­gnement et de recherche sont la didactique des langues secondes ainsi que les facteurs sociaux, psychologiques et cognitifs dans l'apprentissage et dans le développement du bilinguisme.LINDA DE SERRES, Ph. D., est professeure titulaire au Département de lettres et communication sociale de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Ses domaines d'enseignement et de recherche sont la didactique des langues secondes ainsi que la neuroéducation et la pédagogie dans l'enseignement-apprentissage du français comme langue première ou langue additionnelle.

L’allophone adulte analphabète

CIBLES DE LECTURE

• Exposer les types possibles d’analphabètes.
• Décrire les caractéristiques de l’apprenant allophone analphabète.
• Décrire les attitudes et les motivations des allophones adultes analphabètes.
• Énoncer les stratégies de communication que l’allophone adulte analphabète est appelé à développer.
• Proposer des stratégies d’apprentissage à mettre en place en alphabétisation des adultes.

QUESTIONS CLÉS

• À qui correspond le vocable analphabète ?
• Quels sont les enjeux auxquels les analphabètes sont confrontés ?
• Quels pourraient être les fondements des pistes d’intervention à mettre en place pour accompagner l’allophone analphabète dans son quotidien dans son pays d’accueil ?

Pour s’investir pleinement dans la société moderne actuelle, chaque adulte doit satisfaire à un niveau minimal d’alphabétisation, l’équivalent d’un 5^e secondaire ou 12 ans de scolarité – primaire et secondaire confondus. Cela consiste à savoir écrire bien sûr, et aussi à savoir compter et lire, ce qui sous-tend d’être à même de raisonner et de maîtriser la langue, donc d’en détenir le code. Ce code peut revêtir diverses formes dont un code linguistique pour écrire et lire, informatique pour interagir avec l’électronique, numérique pour calculer, et symbolique pour interpréter les codages visuels et prendre action en conséquence. Par exemple, pour familiariser l’adulte allophone à ce code, la prononciation pourrait être travaillée en associant certains sons des lettres de l’alphabet à des mots et des concepts (Piste d’intervention 1. Association phonèmemot). De cette pratique de prononciation de lettres et de codes peut naître la prononciation de courtes phrases (Piste d’intervention 2. Association phonème-mot-phrase).

Chaque adulte doit satisfaire à un niveau minimal d’alphabétisation. Cela consiste à savoir écrire, et aussi à savoir compter et lire, ce qui sous-tend d’être à même de raisonner et de maîtriser la langue, donc d’en détenir le code. Ce code peut revêtir diverses formes dont un code linguistique pour écrire et lire, informatique pour interagir avec l’électronique, numérique pour calculer, et symbolique pour interpréter les codages visuels et prendre action en conséquence.

PISTE D’INTERVENTION 1

Association phonème-mot

PISTE D’INTERVENTION 2

Association phonème-mot-phrase

L’alphabétisation de l’allophone adulte peut ricocher sur sa famille (rôle de l’adulte qui soutient l’enfant dans ses apprentissages) ou sur son travail (comprendre les consignes, diminuer les accidents de travail, favoriser les interactions entre collègues). En fait, la personne alphabétisée encourt plus de chances d’obtenir un emploi et de s’intégrer socialement, donc d’incarner un réel apport sociétal. Pour amener l’adulte peu ou pas alphabétisé à l’atteinte de la « prospérité » personnelle, familiale et sociale, il importe d’abord de bien comprendre ses caractéristiques et sa réalité pour judicieusement répondre à ses besoins en matière de formation langagière.

Les personnes adultes préalphabétisées « sont issues de cultures orales […] Elles peuvent ne pas comprendre que l’écrit est porteur de sens ni reconnaître l’importance de la lecture et de l’écriture dans la société » (Centre des niveaux de compétence linguistique canadiens [CNCLC], 2017, p. 11).

1. Les caractéristiques de l’apprenant allophone adulte analphabète

Il s’impose, en premier lieu, de nuancer le vocable analphabète. Est-ce l’adulte préalphabétisé ? Est-ce uniquement celui non alphabétisé ? Est-ce l’allophone partiellement alphabétisé ? À la vérité, tous ces possibles s’appliquent en fonction des antécédents et de la scolarisation des adultes allophones, et s’inscrivent sous le générique analphabète. Les personnes adultes préalphabétisées « sont issues de cultures orales […] Elles peuvent ne pas comprendre que l’écrit est porteur de sens ni reconnaître l’importance de la lecture et de l’écriture dans la société » (Centre des niveaux de compétence linguistique canadiens [CNCLC], 2017, p. 11). Dans les circonstances, passer d’une culture orale à une culture écrite ne se résume pas à une question linguistique. Surgissent indubitablement des questions identitaires et la perception du rapport à l’apprentissage : ces adultes possèdent les stratégies inhérentes à une culture orale et non à la nôtre axée sur l’écrit (Pinchart, 2014). Quant aux adultes non alphabétisés, même s’ils ne savent ni lire ni écrire dans toute langue, ils comprennent généralement l’importance et l’utilité de l’écrit dans la société. En ce qui concerne les adultes partiellement alphabétisés, ils possèdent une alphabétisation incomplète, à savoir moins de huit ans de scolarité au cours desquelles ils ont acquis « certaines connaissances en lecture et en écriture dans leur langue maternelle, mais leurs habiletés s’avèrent inadéquates dans leur contexte de vie actuel » (CNCLC, 2017, p. 11).

Les adultes non alphabétisés, même s’ils ne savent ni lire ni écrire dans toute langue, comprennent généralement l’importance et l’utilité de l’écrit. En ce qui concerne les adultes partiellement alphabétisés, ils possèdent une alphabétisation incomplète.

En alphabétisation, tous ces adultes peuvent présenter des caractéristiques variées, dont n’avoir jamais tenu un crayon dans la main, écrit en suivant une ligne droite continue, tracé des lettres, vécu une expérience scolaire (Gervais, 2018). Des caractéristiques particulières additionnelles permettent parfois de les décrire : concentration limitée, désorganisation, consignes scolaires incomprises, déficit d’attention, séquelles psychologiques (traumatismes), mésadaptation culturelle, méconnaissance des interactions sociales (p. ex. la hiérarchie formateur-étudiant) et incapacité à décoder le langage paralinguistique (Prévost, 2014).

Mais pourquoi des adultes allophones accueillis au Québec sont-ils analphabètes ? Cela peut s’expliquer, entre autres, par un non-accès à l’école dans leur pays d’origine ; leur famille était trop pauvre pour les éduquer ; la guerre perturbait le calendrier scolaire – présence un jour sur deux en classe, par exemple ; une nonvalorisation de l’éducation ; ils possèdent une langue qui ne connaît aucune norme écrite.

Pour ces adultes allophones analphabètes, le choc est immense en l’absence de repères, et ce, dans chaque minute de leur quotidien… Non seulement cette situation entra...

Table des matières

• Couverture
• Page de titre
• Copyright
• Remerciements
• Liste des pistes D’intervention
• Liste des sigles et acronymes
• Introduction
• Chapitre 1: L’allophone adulte analphabète
• Chapitre 2: Les approches en alphabétisation
• Chapitre 3: Les Méthodes D’alphabétisation
• Chapitre 4: La situation au Québec
• Chapitre 5: Le contrat didactique et le rapport andragogique
• Chapitre 6: Les compétences principales et transversales : quelques Défis
• Conclusion
• Références bibliographiques