Sur la route du tabac, tome 1
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Sur la route du tabac, tome 1

Le temps des récoltes

  1. 436 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Sur la route du tabac, tome 1

Le temps des récoltes

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Citations

À propos de ce livre

Une nouvelle trilogie qui se déploie dans les vallons de Lanaudière, par l'auteure des séries à succès La promesse des Gélinas, Au chant des marées et L'Anse-à-Lajoie.Été 1943. Dans le village de Saint-Thomas, Théodore et Eugénie Veilleux s'occupent de leurs quatre enfants à la ferme familiale. Âgée de dix-sept ans, Claire rêve d'une vie normale malgré la maladie qui l'affecte depuis l'enfance; Albertine et Arnaud, tout juste majeurs, ressentent les premiers émois de l'amour; Léandre, à treize ans, travaille dans les champs de tabac comme les autres membres de sa famille.L'arrivée d'un premier contingent de femmes au centre d'entraînement militaire de Joliette sème l'émoi dans les villages voisins de la région. Souhaitant participer à l'effort de guerre, les recrues Marguerite Lapointe et Charline Gravel doivent faire face aux jugements de villageois qui doutent de leurs bonnes mœurs. À l'occasion d'une soirée dansante organisée par l'armée, plusieurs verront le cours de leur existence bouleversé par des événements inattendus.Après les Laurentides, l'Abitibi, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, la plume de France Lorrain nous invite cette fois dans Lanaudière, épicentre de la tabaculture au Québec à l'époque.

Foire aux questions

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Informations

Année
2022
ISBN
9782898272417

Chapitre 1

Saint-Thomas-de-North-Jersey*1 Juin 1943
— J’en reviens juste pas ! On va faire rire de nous autres dans toute la région !
Théodore Veilleux ne décolérait pas depuis qu’il était revenu du bureau de poste de la rue Notre-Dame de Joliette. La nouvelle circulait partout dans les environs. En ces temps de guerre, toutes les raisons étaient bonnes pour discuter avec les autres habitants. On échangeait sur les mois qui s’étiraient sans signe de trêve, on se plaignait du rationnement, on partageait les échos reçus d’outre-mer… Mais abasourdi par cette rumeur folle qu’il avait entendue alors qu’il allait déposer les lettres destinées à des vendeurs de semences, Théodore s’était empressé de saluer le maître de poste avant de retourner chez lui pour informer sa famille. L’homme était âgé de 49 ans, mais en paraissait facilement 10 de plus. Était-ce en raison de sa chevelure complètement blanche ou de son visage émacié et ridé par les heures passées sur ses terres ? Toujours est-il qu’il ressemblait plus à un sexagénaire quand il rentrait chez lui, courbé, à la fin d’une longue journée dans les champs. Généralement taciturne, l’agriculteur ne mâchait pas ses mots en cette fin d’après-midi, et sa famille s’étonna de son irritation.
— Voyons, papa, veux-tu bien nous dire ce qui t’enrage de même ? demanda Léandre, le benjamin de la famille. T’as les yeux sortis de la tête comme une grenouille !
Le gamin pouffa de rire sans se préoccuper du regard d’avertissement de sa mère, qui craignait que son mari ne se choque encore plus. Théodore Veilleux et son épouse Eugénie étaient parents de cinq enfants. L’aînée, Violette, avait quitté la maison pour se marier, quatre ans plus tôt. Enceinte d’un troisième enfant depuis peu, la jeune femme de 23 ans vivait dans le village de Saint-Henri-de-Mascouche avec son époux, Gratien Brisebois, et leurs deux garçons. En s’installant à la table dans la cuisine d’été, Théodore prit sa famille à partie sans réagir à la moquerie de son fils cadet.
— Ce qui me fâche, mon gars ? riposta plutôt l’homme maigre en grimaçant. Je m’en vais te le dire, pendant que ta mère me sert mon assiette.
Eugénie comprit le message et s’empressa d’obtempérer. Les membres de la famille fixèrent le patriarche avec un peu d’inquiétude. Depuis le début du printemps, Théodore était de plus en plus imprévisible. Alors qu’il était auparavant calme et aimable, sa femme et ses enfants constataient qu’il devenait plus irritable quand les situations ne faisaient pas son affaire. À d’autres moments, son tempérament s’assombrissait, et il pouvait passer des heures sans parler. Comme Théodore ne poursuivait pas sur sa lancée, c’est son autre fils de 20 ans, Arnaud, qui s’informa à son tour avec impatience :
— Qu’est-ce qui te vire à l’envers de même, papa ? T’es toujours bien juste allé au bureau de poste !
Théodore s’installa sur la chaise droite en face de son fils, posa ses coudes sur la table, malgré le regard sévère d’Eugénie, qui déposait son repas devant lui, et lança :
— Ça a l’air qu’une gang de bonnes femmes de l’armée canadienne va venir s’établir au camp militaire dès la fin de la semaine prochaine ! C’est Gros-Pou qui me l’a annoncé. Vous savez bien que les soldats passent tous par son bureau de poste, ça fait qu’il apprend les nouvelles avant le reste du monde.
— Hein, qu’est-ce que tu dis là, papa ? questionna Arnaud, curieux, en fronçant les sourcils.
Le blond frisé au teint basané profita d’un moment de distraction de son jeune frère pour voler un bout de saucisse dans son assiette. Léandre, qui avait les yeux fixés sur son père, ne réagit pas, et ses deux sœurs de 17 et 19 ans se donnèrent un coup de coude en ricanant. Depuis quelques mois, Claire et Albertine avaient remarqué l’intérêt grandissant de leur frère aîné envers la gent féminine. Les deux complices ne se gênaient pas pour se moquer d’Arnaud, qui n’avait pas la répartie aussi facile. Plus timide que ses sœurs, le jeune homme se contentait de piquer un fard chaque fois que ses cadettes mentionnaient ce changement dans ses intérêts. Toutes les occasions étaient bonnes pour le faire rougir :
— Comme ça, tu trouves que Valérienne a grandi ?
ou
— Il paraît que t’as bien jasé avec Suzanne, au magasin, hier après-midi. Me semblait qu’elle était niaiseuse… T’as changé d’idée, mon Arnaud ?
Alors que leur mère Eugénie avait l’habitude d’intimer à ses filles l’ordre de se taire, la femme ronde était actuellement trop préoccupée par les paroles de son époux pour se rendre compte de la scène qui se déroulait entre ses enfants. Elle arrêta de couper les légumes dans son assiette et le questionna :
— Qu’est-ce que tu racontes, des femmes ? Le camp de Joliette est déjà occupé par des centaines de soldats. Et ce sont tous des hommes. T’as mal compris, mon Théo !
L’homme piqua un gros morceau de patate et le porta à sa bouche en secouant sa tête. Il le mâcha quelques secondes, puis riposta :
— J’ai très bien compris, au contraire ! Ça a l’air que des groupes d’environ 50 femmes à la fois vont venir se former au camp, tout au long de l’année. Le premier contingent doit arriver sous peu. C’est Gros-Pou qui l’a appris directement d’un officier. Il y a pas meilleure source que ça, vous en conviendrez !
Dans la cuisine d’été bien aérée, tous cessèrent de manger. Si le maître de poste Fernand Turcot partageait une telle information, elle devait être véridique. Grâce à sa position géographique, en plein cœur de la ville de Joliette, l’homme recevait fréquemment les confidences des hommes qui vivaient au centre d’entraînement de la base militaire 422. Théodore hocha la tête avec satisfaction en regardant tour à tour les membres de sa famille. Enfin, ils comprenaient le sérieux de son annonce.
— Voyons donc, ça se peut pas ! marmonna Eugénie, la première à retrouver la parole.
— Elles vont faire quoi dans un camp militaire ? s’informa Claire.
— J’imagine que c’est pour aider au ménage et à la cuisine, rajouta Albertine.
À présent, les questions fusaient, et le père fut enchanté d’avoir leur attention.
— Non, ma fille ! Elles vont suivre la même formation que les soldats. Lecture de cartes, maniement d’armes. .. ouais, exactement la même affaire !
Les autres membres de la famille Veilleux étaient pendus aux lèvres de l’agriculteur. Depuis 1940, un vaste camp militaire était érigé dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste, à Joliette. Les deux cent cinquante premiers militaires étaient arrivés en septembre de cette année-là. Les habitants du coin avaient eu un intérêt mitigé pour ce projet auquel ils n’avaient toutefois guère eu le choix d’adhérer.
— Au moins, avaient tout de même soupiré certains parents, nos gars vont pouvoir s’entraîner près de la maison.
Dans la demeure grise du Petit Rang, où habitait la famille Veilleux, la conversation s’étira un bon moment sur le sujet, jusqu’à ce que Léandre et Arnaud se lèvent afin de se préparer pour retourner travailler aux champs. Ils restèrent pourtant un moment debout sans bouger, peu pressés d’aller s’éreinter encore quelques heures. Leur père marmonna, en déposant son verre de lait :
— On commence à peine à s’habituer à voir tous ces militaires en uniformes parader dans les rues de Joliette. Puis voilà que le gouvernement va nous imposer des femmes sol-dates, asteure ! Une vraie décision de cornichon, ronchonna Théodore en se levant à son tour pour fixer la route de terre au bout de leur allée.
Eugénie secoua sa tête avec une moue désapprobatrice. Elle se dirigea devant son four pour brasser son bouillon de poulet qui mijotait, afin d’y défaire le peu de viande qui restait sur la carcasse, et s’approcha ensuite de son mari, qui venait d’allumer une cigarette. Elle demeura près de lui sans ajouter un mot de plus. Le couple s’était connu à la petite école et était marié depuis 27 ans. Si la vie n’avait pas toujours été facile, il n’en demeurait pas moins qu’ayant été des amis avant d’être des amoureux, Théodore et Eugénie partageaient la plupart du temps les mêmes valeurs.
— La place d’une femme, c’est pas sur un champ de bataille, continua l’homme.
— Ni dans un centre d’instruction3, compléta son épouse.
— Moi, je pense pas que les femmes sont capables de tuer comme les hommes le font, murmura Claire en grimaçant.
— Une femme, c’est fait pour donner la vie, pas l’enlever, ajouta Albertine en serrant la main de sa cadette avec affection.
Les deux filles échangèrent un regard entendu, avant qu’Albertine ne suppose, avec sagesse :
— Ça doit être des infirmières. Arrête donc de t’énerver comme ça, papa. Il faut quand même qu’elles apprennent aussi à se protéger pour le jour où elles seront déployées.
— Tu te trompes, ma fille ! répliqua sèchement son père. Gros-Pou a précisé que ces femmes-là s’en venaient apprendre à faire la guerre. Elles font partie des CWAC4*, ça a l’air ! Des soldats en jupons, quelle farce !
Les quatre enfants ouvrirent la bouche avec étonnement devant la réponse acerbe de leur père. Les deux filles ne pouvaient s’imaginer s’enrôler dans l’armée, alors que les garçons, eux, songeaient que les femmes n’auraient jamais l’endurance pour passer au travers de l’entraînement militaire. À l’occasion, ils avaient vu les hommes courir le long des routes ou faire des exercices physiques fort exigeants. Pas une recrue féminine n’aurait cette capacité de les imiter. Albertine, la plus volubile du quatuor, insista, en s’approchant de Théodore :
— Donne-nous plus de détails, d’abord. Ça fait trois ans que le camp est ouvert, et il y a toujours eu juste des hommes sur le site. Je vois pas comment ça se fait que le gouvernement décide tout d’un coup d’y former des femmes pour aller se battre. Ça fait pas de sens !
Claire allait poursuivre lorsque Léandre la coupa pour demander :
— Je peux prendre ton dernier bout de saucisse ?
— Hein ? Oui, oui.
De tous les membres de la famille, Claire était la plus renseignée sur les enjeux de ce conflit mondial. Elle se trouvait donc à être la plus épatée de constater que certaines Canadiennes françaises étaient prêtes à s’enrôler dans une guerre qui se déroulait sur un autre continent. Depuis que leur voisin Jean-Luc avait perdu la vie au combat, en février dernier, ses parents et sa fratrie se tournaient souvent vers elle pour en apprendre un peu plus. Elle leva son menton et demanda ardemment :
— Ça veut dire que ces femmes-là vont devenir des vrais soldats ? Comme les hommes ? Elles vont même aller se battre en Europe et tirer pour vrai sur les Allemands ?
Surpris d’entendre Claire s’exprimer avec autant de fébrilité, Théodore garda le silence un moment, en la fixant avec hésitation. Il éprouvait toujours des émotions partagées envers sa fille cadette. Parfois, il avait envie de la protéger pour toujours, à d’autres moments, il se demandait quel homme voudrait d’une compagne aussi fragile. Toujours debout près de la porte de la maison, il se secoua un peu et répondit sèchement :
— Dis pas des idioties, Claire ! Une femme fera jamais un soldat ! Ça prend de la force et du courage pour aller combattre l’ennemi. Même Jean-Luc est pas passé au travers, Dieu ait son âme !
— Pauvre lui, murmura Eugénie, en faisant un petit signe de croix.
Toute la famille garda le silence quelques secondes en songeant aux voisins, les Héon, qui avaient reçu la dépouille de le...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. Page de titre
  4. Prologue
  5. Chapitre 1
  6. Chapitre 2
  7. Chapitre 3
  8. Chapitre 4
  9. Chapitre 5
  10. Chapitre 6
  11. Chapitre 7
  12. Chapitre 8
  13. Chapitre 9
  14. Chapitre 10
  15. Chapitre 11
  16. Chapitre 12
  17. Chapitre 13
  18. Chapitre 14
  19. Chapitre 15
  20. Chapitre 16
  21. Chapitre 17
  22. Chapitre 18
  23. Chapitre 19
  24. Chapitre 20
  25. Chapitre 21
  26. Chapitre 22
  27. Chapitre 23
  28. Chapitre 24
  29. Notes de l’auteure
  30. Lexique militaire
  31. Remerciements