Qui est Québécois?
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Qui est Québécois?

Raquel Fletcher

  1. French
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Qui est Québécois?

Raquel Fletcher

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À propos de ce livre

Avec cet essai, paru en 2020 sous le titre Who Belongs in Québéc?, Raquel Fletcher dresse l'un des portraits les plus complexes et actuels du Québec contemporain. Sans jugement ni parti pris, Qui est québécois représente une lecture essentielle sur les enjeux identitaires de notre société.

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Informations

Année
2022
ISBN
9782924936320

Chapitre 1

Souffler sur les braises de l’intolĂ©rance

Le bar Ă©tait plein Ă  craquer et tout le monde Ă©tait de bonne humeur lorsque je suis arrivĂ©e chez Inox, sur la Grande AllĂ©e, un petit pub rempli de tĂ©lĂ©viseurs Ă  Ă©cran plat oĂč l’on pouvait visionner en direct l’élection prĂ©sidentielle amĂ©ricaine. Cette projection avait Ă©tĂ© organisĂ©e pour les journalistes ainsi que les quelques politiciens et leur personnel de l’AssemblĂ©e nationale. Il m’était dĂ©jĂ  arrivĂ© d’aller chez Inox pour une biĂšre, et je connaissais leurs dĂ©licieux hot-dogs europĂ©ens. J’en ai commandĂ© un immĂ©diatement. L’endroit se remplissait vite.
Les membres des diffĂ©rents partis politiques du QuĂ©bec et les journalistes se mettent rarement d’accord sur quoi que ce soit, sauf quand il s’agit de savoir qui devrait ĂȘtre le prochain prĂ©sident des États-Unis ; cette fois-lĂ , nous formions tous un seul groupe — uni par la jubilation devant la sortie des premiers rĂ©sultats. Nous Ă©tions impatients de mettre derriĂšre nous les deux derniĂšres annĂ©es de folie causĂ©e par une campagne incomprĂ©hensible, et nous savions ĂȘtre tous et toutes sur le point de devenir des tĂ©moins privilĂ©giĂ©s de l’histoire, lorsque la premiĂšre femme allait faire son chemin jusqu'au Bureau ovale.
À l’entrĂ©e du bar, il y avait deux grands portraits des candidats, dĂ©coupĂ©s dans du carton. Un collĂšgue et moi avons posĂ©, souriants, Ă  cĂŽtĂ© d’une Hillary Clinton rayonnante, dont nous Ă©tions certains qu’elle allait devenir la premiĂšre femme prĂ©sidente. Les Canadiens, en gĂ©nĂ©ral, ont massivement soutenu Clinton Ă  la prĂ©sidence. Un sondage Ipsos menĂ© pour le Global News le 6 novembre 2016 indiquait que 76 % des Canadiens pensaient que Clinton serait le meilleur choix pour les États-Unis, et 82 % considĂ©raient qu'elle Ă©tait un bon choix pour les relations avec le Canada1. Un sondage Mainstreet a rĂ©vĂ©lĂ© que 68 % des Canadiens disent qu’ils auraient votĂ© pour Clinton et 17 % pour Trump2.
Nous serions effectivement tĂ©moins d’un Ă©vĂ©nement historique, mais ce n’était pas du tout ce Ă  quoi on s’attendait. À minuit, la fĂȘte joviale du dĂ©but Ă©tait devenue sombre. Plus personne ne parlait. Nous bougions Ă  peine, mĂȘme pour remplir nos verres. Nous avalions tranquillement notre boisson et lorgnions, absents, le fond de notre verre avant de le remettre sur la table. Le bar bondĂ© s’était vidĂ© de moitiĂ©. Je ressentais une boule d’angoisse au creux de mon estomac. Mes collĂšgues avaient tous la mĂȘme expression incrĂ©dule sur leurs visages. Les rĂ©sultats auraient encore pu changer, mais d’une certaine maniĂšre, nous savions tous que ça ne serait pas le cas.
« Est-ce qu’on s’en va ? » ai-je demandĂ©.
Ils ont fait oui de la tĂȘte.
Dehors, j’ai senti un poids sur ma poitrine : pourquoi Ă©tais-je si affectĂ©e par les rĂ©sultats de l’élection prĂ©sidentielle d’un autre pays ?
N’importe quel journaliste politique au monde pourrait vous dire que cette nuit de novembre marqua le dĂ©but d’un changement radical. À NoĂ«l, dans ma lettre annuelle Ă  mes amis et Ă  ma famille, j’ai Ă©crit : « Je crains 2017
 Je crains que tout ce que nous Ă©crivons ou disons puisse inciter Ă  la violence. MalgrĂ© mon inquiĂ©tude, je crois toutefois que ce moment prĂ©cis est l’un des plus passionnants et des plus importants pour ĂȘtre journaliste. Et moi, je me sens dans la meilleure position pour faire une diffĂ©rence. »
Quand j’ai Ă©crit ces mots, il m’était impossible de savoir qu’à peine un mois plus tard, un homme armĂ© d’un fusil d’assaut et d’une arme de poing de 9 mm entrerait dans une mosquĂ©e pendant les priĂšres du soir pour ouvrir le feu sur la foule. Nous avons appris plus tard que la rĂ©action du premier ministre Justin Trudeau face Ă  la dĂ©cision de Trump d’interdire le voyage des musulmans avait, en partie, fait sortir le tireur de ses gonds. La prĂ©sidence de Trump allait-elle encourager les fanatiques et les racistes ? Quel sinistre courant sous-jacent s’emparait de la politique et du climat social au sud de la frontiĂšre ainsi qu’au nord ?
Un groupe de professeurs de l’Institut universitaire de technologie de l'Ontario a rĂ©sumĂ© la situation ainsi dans le Journal of Hate Studies : « À la suite de la victoire de Trump, des affiches placardĂ©es sur des poteaux Ă©lectriques dans les villes canadiennes invitent les “Blancs” Ă  aller visiter les sites de la droite radicale. Des croix gammĂ©es nĂ©onazies ont Ă©tĂ© peintes sur une mosquĂ©e, une synagogue et une Ă©glise tenue par un pasteur noir. En ligne, une sous-culture rĂ©actionnaire de la suprĂ©matie blanche viole en toute impunitĂ© les lois sur les discours haineux, tout en stĂ©rĂ©otypant et en diabolisant les non-Blancs. Pire encore, en janvier 2017, le Canada a Ă©tĂ© tĂ©moin de l’incident terroriste le plus meurtrier de son histoire : Alexandre Bissonnette, extrĂ©miste de droite et partisan de Trump, a assassinĂ© six hommes au Centre culturel islamique de QuĂ©bec3. »
Nous avons appris que de fausses nouvelles partagĂ©es sur Facebook et d’autres rĂ©seaux sociaux avaient influencĂ© les Ă©lections amĂ©ricaines4. Un mouvement Ă©mergeant la droite alternative a permis aux gens de reconnaĂźtre ouvertement qu’ils Ă©taient des suprĂ©macistes blancs et d’assumer publiquement leurs convictions anti-immigrations et pro-nazies5. Moins d’un an aprĂšs les tristement cĂ©lĂšbres Ă©meutes de Charlottesville en Virginie, qui ont fait un mort et des dizaines de blessĂ©s, The Montreal Gazette a rĂ©vĂ©lĂ© en mai 2018 qu’un recruteur nĂ©onazi bien connu vivait et opĂ©rait dans la plus grande ville du QuĂ©bec6.
Lors d’une altercation dans les jours qui ont suivi l’attaque Ă  la mosquĂ©e de QuĂ©bec, le premier ministre Philippe Couillard a dĂ©plorĂ© le fait qu’il Ă©tait devenu cool de se vanter d’ĂȘtre raciste7. La politique identitaire n’était pas nouvelle au QuĂ©bec — les multiples facettes du dĂ©bat en cours sur la laĂŻcitĂ© et la possible interdiction des symboles religieux ont crĂ©Ă© dans les mĂ©dias une vraie tempĂȘte au fil des ans. Mais ce dĂ©bat Ă©tait-il arrivĂ© Ă  son point d’ébullition ? Couillard voulait que les politiciens quĂ©bĂ©cois baissent le ton ou s’écartent de cette rhĂ©torique, plaidant pour la collaboration de tous les partis Ă  l’AssemblĂ©e nationale.
Dans son livre Protecting Multiculturalism, le politologue John McCoy analyse les tensions liĂ©es Ă  la diversitĂ© et Ă  l’immigration dans la culture canadienne, identifiant plusieurs facteurs qui contribuent Ă  exacerber ces problĂšmes. Il parle de « xĂ©noracisme », un concept qui cible les personnes « perçues comme des Ă©trangers — plus particuliĂšrement les musulmans ». « Le xĂ©noracisme est intimement liĂ© Ă  la guerre permanente au terrorisme », Ă©crit-il. « La peur du terrorisme islamique gĂ©nĂ©rĂ©e par la lutte contre le terrorisme a contribuĂ© Ă  alimenter les inquiĂ©tudes du public concernant la diversitĂ© visible et l’immigration dans les sociĂ©tĂ©s occidentales8. » Et cela mine le pilier de la politique multiculturelle canadienne traditionnelle. Cependant, au QuĂ©bec, oĂč le multiculturalisme n’a jamais Ă©tĂ© adoptĂ© avec la mĂȘme ardeur qu’au Canada anglais Ă  cause de sa collision avec « une vision de l’identitĂ© nationale profondĂ©ment enracinĂ©e9 », d’autres facteurs sont en jeu. McCoy explique que : « Au sein du camp sĂ©paratiste, il y a l’inquiĂ©tude que les immigrants s’intĂšgrent de plus en plus Ă  la minoritĂ© angloquĂ©bĂ©coise, une tendance qui est perçue comme un prĂ©judice potentiel Ă  la culture quĂ©bĂ©coise10. » Dans d’autres cas, selon Cheik Tidiane Ndiaye, immigrant du SĂ©nĂ©gal, mĂȘme la population immigrante francophone est nĂ©gligĂ©e ou ignorĂ©e par la majoritĂ© francophone de la province. Dans la ville de QuĂ©bec, oĂč il habite, « les minoritĂ©s visibles sont le plus souvent invisibles11 ». Cette idĂ©e d’invisibilitĂ© est reprise par le sociologue Diahara TraorĂ© qui Ă©crit qu’au QuĂ©bec, « on ne voit pas » les femmes musulmanes en provenance des pays de l’Afrique de l’Ouest. « Depuis les attentats du 11 septembre 2001, avec tous les recherches et les dĂ©bats scientifiques de plus en plus centrĂ©s sur les musulmans dans les sociĂ©tĂ©s occidentales, explique-t-elle, le silence des femmes musulmanes d’Afrique subsaharienne est lourd12. »
Le nationalisme quĂ©bĂ©cois, associĂ© Ă  « l’hyperbole d’un mouvement social anti-islamique — un mouvement qui est prĂ©sent, grandissant et de plus en plus actif au Canada », comme l’écrit McCoy, pourrait ĂȘtre Ă  l’origine du dĂ©bat actuel sur la rĂ©duction du nombre d’immigrants acceptĂ©s par la province. La CAQ, Ă©lue en octobre 2018, a fait campagne sur une politique Ă©lectorale qui promettait de rĂ©duire le nombre d’immigrants de 10 000 (ou 20 % du niveau actuel)13, sans expliquer clairement comment ce chiffre avait Ă©tĂ© obtenu. La Coalition affirmait qu’accepter temporairement moins d’immigrants signifiait avoir plus de ressources disponibles pour chaque nouvel arrivant. En prendre moins, mais en prendre soin est devenu le slogan du parti. Durant la campagne, la CAQ avait Ă©galement fait la promesse de consacrer plusieurs de ces ressources aux cours de francisation, qui deviendraient obligatoires pour les immigrants non francophones.
Le premier ministre libĂ©ral Philippe Couillard avait critiquĂ© ces projets en disant que la baisse du nombre d’immigrants au QuĂ©bec, alors que la province traversait une pĂ©nurie de main-d’Ɠuvre, Ă©tait tout simplement une mauvaise politique publique — et il accusait la CAQ de profiter de la croissance du mouvement populiste au sud de la frontiĂšre pour implĂ©menter ce type de politiques. Lors d’une pĂ©riode de questions mĂ©morable Ă  l’AssemblĂ©e nationale, la rĂ©ponse de Couillard Ă  François Legault a Ă©tĂ© prompte : « J’ai trĂšs peur, Monsieur le PrĂ©sident, que la [CAQ] souffle sur les braises de l’intolĂ©rance, comme cela a Ă©tĂ© le cas dans le passĂ©14. »
Couillard avait déjà été ironisé pour sa maßtrise érudite du frança...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Page de Copyright
  3. Page de titre
  4. DĂ©dicace
  5. Introduction
  6. Chapitre 1: Souffler sur les braises de l’intolĂ©rance
  7. Chapitre 2: Pastagate, le dĂ©bat en anglais et la sĂ©paration entre l’état et l’église
  8. Chapitre 3: Rien Ă  perdre, rien Ă  gagner: dĂ©finir l’identitĂ© quĂ©bĂ©coise
  9. Chapitre 4: L’accusation de racisme
  10. Chapitre 5: La fusillade de la mosquée
  11. Chapitre 6: Le populisme et le Donald Trump du Québec
  12. Chapitre 7: Le projet de loi 21
  13. Chapitre 8: L’islam, les femmes et le dĂ©bat sur la laĂŻcitĂ©
  14. Chapitre 9: Avis de recherche: l’identitĂ© nationale commune
  15. Conclusion: Faire du Québec une université
  16. Remerciements
  17. Bibliographie sélective
  18. Hashtag
  19. Parutions chez hashtag
Normes de citation pour Qui est Québécois?

APA 6 Citation

Fletcher, R. (2022). Qui est QuĂ©bĂ©cois? ([edition unavailable]). Éditions Hashtag. Retrieved from https://www.perlego.com/book/3288879/qui-est-qubcois-pdf (Original work published 2022)

Chicago Citation

Fletcher, Raquel. (2022) 2022. Qui Est QuĂ©bĂ©cois? [Edition unavailable]. Éditions Hashtag. https://www.perlego.com/book/3288879/qui-est-qubcois-pdf.

Harvard Citation

Fletcher, R. (2022) Qui est QuĂ©bĂ©cois? [edition unavailable]. Éditions Hashtag. Available at: https://www.perlego.com/book/3288879/qui-est-qubcois-pdf (Accessed: 15 October 2022).

MLA 7 Citation

Fletcher, Raquel. Qui Est QuĂ©bĂ©cois? [edition unavailable]. Éditions Hashtag, 2022. Web. 15 Oct. 2022.