Hemingway. Risquer sa vie
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Hemingway. Risquer sa vie

  1. 128 pages
  2. French
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Hemingway. Risquer sa vie

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À propos de ce livre

Soixante ans aprĂšs la disparition d'Ernest Hemingway, le temps est venu de dĂ©passer les clichĂ©s associĂ©s au virilisme d'une oeuvre hantĂ©e par la mort, cĂŽtoyĂ©e dans les tranchĂ©es de la PremiĂšre Guerre mondiale. L'auteur de "L'Adieu aux armes" se donna pour tĂąche de tĂ©moigner de la situation del 'homme jetĂ© dans un monde qui le dĂ©passe mais auquel il lui revient de donner sens. C'est ce personnage paradoxal, cet individualiste engagĂ©, ce violent romantique, ce moraliste sans message, ce romancier promĂ©thĂ©en qui affirmait que l'homme peut ĂȘtre dĂ©truit mais pas vaincu, et dont tous les personnages, comme lui-mĂȘme, sont des ĂȘtres-pour-la-mort, que ce livre se propose de mettre au jour.

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Informations

Éditeur
Michalon
Année
2021
ISBN
9782336942728

II
S’ENGAGER POUR LA CAUSE

NUL HOMME N’EST UNE ÎLE

En novembre 1933, Ernest Hemingway et sa seconde Ă©pouse embarquent Ă  Marseille pour un voyage en mer de dix-sept jours jusqu’au port kĂ©nyan de Mombasa, via le canal de Suez. GrĂące Ă  l’aide financiĂšre de la famille Pfeiffer, le couple a rĂ©servĂ© un luxueux safari de prĂšs de trois mois dans la rĂ©gion du lac Manyara.
Qu’allait faire l’admirateur des fiers toreros ibĂ©riques en Afrique orientale britannique sinon tuer du gibier « pour le sport », comme ces Anglais Ă©voquĂ©s avec une pointe de mĂ©pris dans Mort dans l’aprĂšs-midi ? Son guide n’était d’ailleurs autre que Philip Percival, lĂ©gendaire « chasseur blanc » de la vallĂ©e du Grand Rift, qui comptait parmi ses clients la fine fleur de la gentry britannique ‒ mais aussi l’ancien PrĂ©sident amĂ©ricain Teddy Roosevelt, dont le rĂ©cit du safari de 1909 avait fascinĂ© le jeune Ernest63. Au reste, on ne compte plus les photographies typiquement « coloniales » du trentenaire moustachu tout sourire devant un lion, un buffle ou un rhinocĂ©ros fraĂźchement abattus.
De la dĂ©couverte du continent noir, naĂźtra Les Vertes Collines d’Afrique (1933), un livre qu’Hemingway a voulu « absolument sincĂšre », Ă©crit « pour voir si l’aspect d’un pays et un exemple de l’activitĂ© d’un mois pouvaient, s’ils sont prĂ©sentĂ©s sincĂšrement, rivaliser avec une Ɠuvre d’imagination »64. Comme dans Mort dans l’aprĂšs-midi, qui n’était pas un roman non plus, l’auteur n’y succombe jamais au lyrisme ou au pittoresque, il ne se dĂ©partit pas de ce mode de narration sec et saccadĂ© qu’il a mis au point, qui, comme l’a Ă©crit Sartre, « fait sortir chaque phrase du nĂ©ant par une sorte de spasme respiratoire »65.
Le plus clair du rĂ©cit s’articule autour d’un dĂ©fi de chasse lancĂ© par Hemingway Ă  un Autrichien de passage, consistant Ă  savoir qui abattra le premier koudou. La traque de cette insaisissable antilope devient vite obsessionnelle et rĂ©vĂšle quelques cĂŽtĂ©s sombres de la personnalitĂ© de l’écrivain comme l’égotisme, la jalousie ou les accĂšs de violence, que seul le whisky vient apaiser.
Une Ă©dition contemporaine des Vertes Collines d’Afrique, augmentĂ©e du Safari Journal tenu par Pauline Pfeiffer66, conforte le lecteur dans l’impression que le plaisir de chasseur d’Hemingway est gĂąchĂ© par le fait que les trophĂ©es de son rival semblent toujours surpasser les siens. Comme si, Ă  nouveau, sa virilitĂ© Ă©tait en jeu
 Des scĂšnes « risiblement adolescentes », selon l’expression du professeur de littĂ©rature amĂ©ricaine Boris Vejdovsky, qui ne sont pas sans rappeler les passages de Paris est une fĂȘte oĂč Hemingway rapporte que Scott Fitzgerald, « incertain d’avoir un Ă©quipement masculin suffisant, fait avec lui le tour des musĂ©es pour s’assurer que ses mensurations correspondent bien Ă  la norme »67.
Hemingway dĂ©plore le sentiment de jalousie et d’amertume qui est venu ternir ce qui devait ĂȘtre un pur moment de plaisir au milieu de la savane africaine, mais il l’assume, comparant mĂȘme la nature compĂ©titive de la chasse Ă  celle de la crĂ©ation littĂ©raire.
Au moins, le nĂ©vrosĂ© est-il encore conscient de son Ă©tat et capable d’un minimum de recul, voire d’ironie dans ses bons jours. Ainsi, au dĂ©but du livre, dans la prĂ©sentation des protagonistes, en regard de « M. H emingway », on peut lire : « Un vantard ». Allusion, Ă  n’en pas douter, Ă  l’Autobiographie d’Alice Toklas. Lors d’une causerie littĂ©raire au coin du feu de camp avec son compagnon de chasse ‒ oĂč, pour le coup, le romancier peut briller sans partage ‒ Hemingway ajustera sans les nommer Sherwood Anderson et Gertrude Stein, affirmant qu’à un certain Ăąge « les hommes Ă©crivains deviennent autant de SĂ©nateurs BĂ©renger [pour qui fut inventĂ©e l’expression “PĂšre la Pudeur”] et les femmes Ă©crivains deviennent des Jeanne d’Arc sans les batailles » : « ils deviennent des meneurs » et « s’ils n’ont pas de disciples, ils les inventent »68.
Lors de cette mĂȘme conversation, l’auteur du Soleil se lĂšve aussi soutient qu’il n’y a pas de grands Ă©crivains amĂ©ricains contemporains car dĂšs qu’ils connaissent un succĂšs, soit ils augmentent leur train de vie et se condamnent Ă  publier n’importe quoi pour l’entretenir, soit ils se mettent sous la coupe des critiques et perdent confiance lorsque les recensions deviennent moins bonnes. Pour sa part, Hemingway feint d’ĂȘtre sorti du marigot. Un homme heureux ? Sauf lorsqu’il pense « aux autres gens », rĂ©pond-il. Il reconnaĂźt qu’il lui arrive de le faire mais prĂ©cise qu’il ne fait « rien pour eux ». Enfin, « peut-ĂȘtre un peu », rectifie-t-il
69
À trente-cinq ans, Hemingway Ă©prouve moins le besoin de prouver sa valeur que sa force de caractĂšre, son indĂ©pendance. « Je ne me souciais pas particuliĂšrement de ce qui allait arriver », Ă©crit-il en se remĂ©morant la fin de sa pĂ©riode parisienne. « Je ne prenais plus ma vie au sĂ©rieux, la vie de n’importe qui d’autre, oui, mais pas la mienne. Ils dĂ©siraient tous quelque chose que je ne dĂ©sirais pas et que j’obtiendrais sans le dĂ©sirer, si je travaillais. »70
MalgrĂ© ce dĂ©tachement apparent et le dĂ©dain conçu pour ces confrĂšres qui guettent la critique le cƓur battant, on le sent pourtant lui aussi toujours sous la dĂ©pendance des autres, de leur regard et de leur jugement. Se faire traiter de fanfaron Ă  la face du monde par Gertrude Stein ou simplement arriver second Ă  un concours de chasse oiseux au milieu de nulle part lui est insupportable. L’hyper-susceptibilitĂ© reflĂšte souvent une insĂ©curitĂ© psychologique, un manque de confiance ou d’estime de soi, singuliĂšrement chez les personnalitĂ©s narcissiques qui s’identifient Ă  leur image. InnĂ©e ou acquise ‒ on ne reviendra pas sur l’incident de Fossalta di Piave ‒ cette idiosyncrasie provoquera systĂ©matiquement chez Hemingway des rĂ©actions Ă  la hauteur de l’atteinte ressentie Ă  son identitĂ©. Un comportement mal perçu car mal compris, chez la plupart des mĂ©morialistes.
Dans son Ă©tude consacrĂ©e Ă  l’hĂ©roĂŻsme dans l’Ɠuvre d’Hemingway, Leo Gurko, ci-devant professeur de littĂ©rature anglaise Ă  New York, dĂ©plore ainsi que, dans Les Vertes Collines d’Afrique, l’écrivain s’appesantisse si longuement sur la traque d’un koudou qu’il a blessĂ© suite Ă  un tir ratĂ©. La bĂȘte fuit le chasseur et, au crĂ©puscule, ce dernier doit regagner le campement sans avoir pu abrĂ©ger ses souffrances. Hemingway parvient Ă  rendre sa frustration et son malheur trĂšs vifs, mais « sans rĂ©ussir Ă  nous les faire pleinement partager, Ă  nous convaincre que l’occasion en vaut la peine », proclame Gurko. « Son Ă©motion est trop grande pour l’expĂ©rience qui la suscite et semble plus appropriĂ©e au contexte humain qu’à celui d’un animal. »71
Cette attitude est pourtant consubstantielle Ă  toute sa « philosophie de la vie ». Comme il l’a expliquĂ© dans Mort dans l’aprĂšs-midi, « lorsqu’un homme est encore en rĂ©bellion contre la mort, il a du plaisir Ă  assumer lui-mĂȘme un des attributs divins, celui de la donner »72. Mais encore faut-il y mettre les formes ! L’homme-dieu foudroie ou se fourvoie. De mĂȘme qu’un matador digne de ce nom ne fait pas souffrir gratuitement le taureau ‒ pour ne pas ĂȘtre « lynchĂ© par les spectateurs indignĂ©s »73 ‒, un chasseur en quĂȘte d’absolu se doit d’abattre d’un coup, d’un seul, l’animal expiatoire sur lequel il a jetĂ© son dĂ©volu, ou Ă  dĂ©faut, de rĂ©parer sa faute sans dĂ©lai ni repos.
Nonobstant sa rĂ©putation sanguinaire, Ernest Hemingway a par ailleurs toujours tĂ©moignĂ© d’un respect quasi religieux pour la vie sauvage. Si certains passages des Vertes Collines d’Afrique peuvent choquer des lecteurs contemporains alors que tant d’espĂšces sont en voie de disparition ‒ lors de son second safari, dans la mĂȘme rĂ©gion, vingt ans plus tard, Hemingway jurera que l’époque oĂč il chassait les animaux pour leur trophĂ©e Ă©tait « rĂ©volue depuis longtemps »74 ‒ l’ouvrage n’en est pas moins une ode Ă  l’Afrique et Ă  la beautĂ© d’une nature dĂ©jĂ  menacĂ©e Ă  l’époque par les incursions de l’homme.
« Un continent vieillit vite quand nous y arrivons. Les indigĂšnes vivent en harmonie avec lui », Ă©crit-il en 1935, sur un ton Ă©tonnamment actuel. « Un pays a Ă©tĂ© fait pour ĂȘtre tel que nous l’avons trouvĂ©. Nous sommes les envahisseurs et, aprĂšs notre mort, nous pourrons l’avoir ruinĂ©, mais il sera toujours lĂ  et nous ne savons pas quels seront les prochains changements. Je suppose qu’ils finiront tous comme la Mongolie »75. C’est en partie pour cette raison qu’Hemingway avait dĂ©cidĂ© de se dĂ©tourner de son pays. « Nos ancĂȘtres sont allĂ©s en AmĂ©rique parce que c’était l’endroit oĂč aller alors. Ç’avait Ă©tĂ© un bon pays et nous en avions fait un foutu gĂąchis et j’irais maintenant ailleurs comme nous avions toujours eu le droit d’aller ailleurs et comme nous l’avions toujours fait. »76
En 1936, Hemingway situera l’action de deux de ses meilleures nouvelles dans ces immensitĂ©s africaines qu’il aimait tant.
Dans la premiĂšre, L’Heure triomphale de Francis Macomber, un couple dĂ©suni d’AmĂ©ricains participe Ă  un safari sou...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. DĂ©dicace
  6. INTRODUCTION
  7. I. S’ENGAGER POUR LE SPORT
  8. II. S’ENGAGER POUR LA CAUSE
  9. III. S’ENGAGER POUR L’HISTOIRE
  10. IV. S’ENGAGER VERS LA MORT
  11. CONCLUSION
  12. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
  13. Du mĂȘme auteur
  14. Table des matiĂšres
  15. Titres parus dans la mĂȘme collection
  16. Collection