PERSONNALITĂS INTĂRIEURES
Elefantina Genziana (Alma Ada FoĂ )
ISBN: 978-88-7012-147-6
Edition DHORA srl, Impresa Sociale
Vidracco (TO), Italie
Traduction française : Jenia Jemmely
COPYRIGHT 2022©Stichting Damanhur Foundation
Illustrations : Bruco Tartufo ( Luca Folloni )
Tous droits rĂ©servĂ©s. Aucune partie de cette oeuvre ne peut ĂȘtre reproduite sous aucune forme que ce soit sans lâautorisation Ă©crite de lâĂ©diteur, Ă lâexception de brĂšves citations destinĂ©es aux commentaires.
Imprimé en Italie en mars 2022
PERSONNALITĂS INTĂRIEURES
Tant de voix en toi. Qui es-tu vraiment ?
INTRODUCTION
Le trouble dissociatif de lâidentitĂ© dans lequel un sujet prĂ©tend avoir plusieurs personnalitĂ©s sĂ©parĂ©es, a une confirmation prĂ©cise dans le fonctionnement du cerveau. Aujourdâhui, de plus en plus de scientifiques et de philosophes suggĂšrent que ces personnalitĂ©s pourraient ĂȘtre, non pas une maladie, mais la manifestation dâune conscience universelle qui donnerait naissance Ă de multiples centres de cognition, chacun avec une personnalitĂ© et un sens dâidentitĂ© distincts.
Personnellement, depuis que je suis enfant, je me suis consacrĂ© Ă lâobservation attentive des relations humaines et du comportement des individus. Ce qui mâa le plus intriguĂ© - je le ressentais en moi-mĂȘme et le voyais chez les autres - câĂ©tait la maturitĂ© diffĂ©rente dont les gens faisaient preuve en agissant dans des contextes divers : celui qui faisait preuve de maturitĂ© Ă lâĂ©cole, par exemple, Ă©tait souvent enfantin dans le jeu, pire encore, totalement immature dans les premiĂšres relations entre adolescents ou mĂȘme dans la relation avec les parents. Plus jâobservais leurs comportements, plus des personnages diffĂ©rents Ă©mergeaient dans mon esprit, comme sâils Ă©taient des acteurs sur une scĂšne.
Pour certains dâentre eux, jâai mĂȘme changĂ© leur nom, afin de me rappeler que la fiabilitĂ© montrĂ©e dans un contexte pouvait ne pas correspondre Ă celle prĂ©sentĂ©e dans dâautres contextes. Je me sentais moi-mĂȘme mature dans la famille, capable de dialoguer avec les enseignants et plutĂŽt imprudent dans le dialogue avec le sexe opposĂ© et dans le jeu.
Ătant « jeune depuis bien longtemps », jâai eu lâoccasion de donner cours Ă tant dâexpĂ©riences de vie en suivant ces premiĂšres intuitions, par des Ă©tudes, des recherches et des expĂ©rimentations sur les relations humaines, sur les logiques et sur les langages. Aujourdâhui, je sens que je peux confirmer que les personnalitĂ©s multiples ne sont pas quâune pathologie, comme on lâentend encore souvent dans la culture anglo-saxonne, mais elles pourraient ĂȘtre une logique futuriste pour comprendre la structure de lâĂȘtre humain.
En 2015, en Allemagne, certains mĂ©decins ont rapportĂ© le cas extraordinaire dâune femme qui souffrait de ce que lâon appelle traditionnellement le « trouble de la personnalitĂ© multiple », dĂ©sormais mieux connu sous le nom de « trouble dissociatif de lâidentitĂ© » (TDI). La femme prĂ©sentait une variĂ©tĂ© de personnalitĂ©s dissociĂ©es (les autres), dont certaines se prĂ©tendaient aveugles. Ă lâaide de tracĂ©s Ă©lĂ©ctro-encĂ©phalographiques, les psychiatres ont constatĂ© que lâactivitĂ© cĂ©rĂ©brale normalement associĂ©e Ă la vision nâĂ©tait pas prĂ©sente lorsquâune « autre personnalitĂ© aveugle » contrĂŽlait le corps de la femme, mĂȘme si ses yeux Ă©taient ouverts.
Ătonnamment, lorsquâune « autre personnalitĂ© avec la vue » reprenait le relais, lâactivitĂ© cĂ©rĂ©brale habituelle revenait. CâĂ©tait une dĂ©monstration curieuse et convaincante du pouvoir littĂ©ralement aveuglant des formes extrĂȘmes de dissociation, une condition dans laquelle la psychĂ© donne naissance Ă de multiples centres de conscience fonctionnellement sĂ©parĂ©s, chacun avec sa propre vie intĂ©rieure privĂ©e.
Les techniques modernes de neuro-imageries ont montrĂ© que le TDI est rĂ©el : dans une Ă©tude de 2014, des scientifiques ont effectuĂ© des scintigraphies fonctionnelles du cerveau Ă la fois sur des patients TDI et des acteurs simulant le TDI. Les scanners des vrais patients ont montrĂ© quelques diffĂ©rences par rapport Ă ceux des acteurs, mais parfois ils se chevauchaient, prouvant ainsi que la dissociation avait une empreinte identifiable dans lâactivitĂ© neuronale, mĂȘme si elle nâĂ©tait que suggestive. En dâautres termes, il y a quelque chose dâassez particulier que les processus dissociatifs dĂ©montrent dans le cerveau.
Maintenant essayons un envol de style dans lequel je vous prie de me suivre attentivement. Les entitĂ©s physiques telles que les particules subatomiques possĂšdent des propriĂ©tĂ©s relationnelles abstraites, telles que masse, spin, quantitĂ© de mouvement et charge. Mais il nây a rien dans ces propriĂ©tĂ©s, ni dans la maniĂšre dont les particules sont disposĂ©es dans un cerveau, desquelles on peut dĂ©duire comment elles perçoivent la chaleur du feu, la couleur dâune pomme ou lâamertume dâune dĂ©ception : câest ce soi-disant
« problĂšme difficile » de la conscience. Pour le contourner, certains philosophes ont proposĂ© une alternative : cette expĂ©rience est inhĂ©rente Ă toute entitĂ© physique fondamentale de la nature. Selon cette perspective, la matiĂšre serait dĂ©jĂ dotĂ©e de conscience dĂšs le dĂ©but et pas seulement lorsquâelle est organisĂ©e sous la forme dâun cerveau. MĂȘme les particules subatomiques ont une forme simple de conscience qui pĂ©nĂštrent dans les pierres aussi bien que dans les humains.
Notre propre conscience humaine est donc, vraisemblablement, composĂ©e dâune combinaison de vies intĂ©rieures subjectives (et peut-ĂȘtre mĂȘme distinctes dans le temps) de par les innombrables particules physiques qui composent notre systĂšme nerveux.
Continuons Ă voler vers le soleil, abordant le problĂšme crucial : il est probable quâil nâexiste pas une maniĂšre cohĂ©rente et non magique dans laquelle les points de vue subjectifs de niveau infĂ©rieur - tels que ceux quâauraient les particules subatomiques ou les neurones du cerveau - peuvent se combiner pour former des points de vue subjectifs de niveau supĂ©rieur, comme le mien ou le vĂŽtre. Câest ce que nous appelons le « problĂšme de la combinaison » et il apparaĂźt aussi insoluble que le problĂšme dĂ©jĂ difficile de la conscience.
La façon la plus Ă©vidente de contourner toutes ces difficultĂ©s est de faire valoir que si la conscience a rĂ©ellement une nature fondamentale, elle nâest pas fragmentĂ©e comme la matiĂšre.
LâidĂ©e est dâĂ©tendre la conscience Ă lâensemble du tissu de lâespace-temps, plutĂŽt que de la limiter aux frontiĂšres des particules subatomiques individuelles. Dans cette optique, mĂȘme si notre formulation prĂ©fĂ©rĂ©e la rĂ©duit Ă ce qui a Ă©tĂ© classiquement appelĂ© « spiritualitĂ© », il nây a quâune seule conscience universelle. Lâunivers physique, dans son ensemble, est lâaspect extrinsĂšque de la vie intĂ©rieure universelle, tout comme un cerveau et un corps vivant sont lâaspect extrinsĂšque de la vie intĂ©rieure dâune personne.
Ă ce stade, il nâest plus nĂ©cessaire dâĂȘtre philosophe ou scientifique pour identifier la consĂ©quence Ă©vidente de cette idĂ©e : les personnes ont des domaines dâexpĂ©rience privĂ©s et sĂ©parĂ©s entre eux. Nor...